Washington tente d'apaiser l'ire de Paris dans l'affaire des sous-marins australiens

Dans cette image publiée par l'US Navy, le sous-marin lance-missiles de classe Ohio USS Michigan est accueilli le 25 avril 2017 à son arrivée à Busan, en Corée du Sud, pour une escale prévue tout en effectuant des patrouilles de routine dans l'ouest du Pacifique. Photo d'illustration JERMAINE RALLIFORD / US NAVY / AFP
Dans cette image publiée par l'US Navy, le sous-marin lance-missiles de classe Ohio USS Michigan est accueilli le 25 avril 2017 à son arrivée à Busan, en Corée du Sud, pour une escale prévue tout en effectuant des patrouilles de routine dans l'ouest du Pacifique. Photo d'illustration JERMAINE RALLIFORD / US NAVY / AFP
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Publié le Vendredi 17 septembre 2021

Washington tente d'apaiser l'ire de Paris dans l'affaire des sous-marins australiens

  • Accusés par la France de lui avoir donné un «coup dans le dos» en torpillant le «contrat du siècle» de sous-marins français à l'Australie, les Etats-Unis de Joe Biden ont tenté jeudi d'éviter une crise ouverte avec Paris
  • Au-delà des enjeux commerciaux, Paris dénonce l'absence de concertation, d'autant que cette affaire intervient après le retrait américain d'Afghanistan qui a laissé des traces auprès d'alliés des Etats-Unis

WASHINGTON : Accusés par la France de lui avoir donné un "coup dans le dos" en torpillant le "contrat du siècle" de sous-marins français à l'Australie, les Etats-Unis de Joe Biden ont tenté jeudi d'éviter une crise ouverte avec Paris, sans réussir à apaiser sa colère.

"La France est un partenaire vital" dans la région indo-pacifique "et dans beaucoup d'autres domaines", a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. "C'était le cas depuis longtemps, et ce sera le cas à l'avenir", a-t-il assuré.

A l'origine de l'incendie dans les relations américano-françaises, la nouvelle alliance "indo-pacifique" annoncée mercredi par le président Biden, avec le Royaume-Uni et l'Australie.

Ce partenariat stratégique baptisé "AUKUS", clairement dévolu à contrer les ambitions grandissantes de la Chine dans la région, inclut la fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à Canberra -- et sort de fait les Français du jeu.

«Amertume»

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian n'a pas eu de mots assez durs pour évoquer sa "colère" et son "amertume" après cette "décision unilatérale, brutale, imprévisible".

Dénonçant un "coup dans le dos", il a comparé jeudi la méthode Biden "à ce que faisait" son prédécesseur Donald Trump -- un affront pour le président démocrate soucieux de se démarquer du milliardaire républicain.

"Cela ne se fait pas entre alliés", a martelé le responsable français, qui avait négocié le "contrat du siècle" lorsqu'il était ministre de la Défense en 2016.

Ce gigantesque contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) prévoyait la fourniture de 12 sous-marins français à propulsion conventionnelle à l'Australie. Dans le cadre du nouveau partenariat entre Washington, Londres et Canberra, l'Australie a rompu cet accord et bénéficiera, à terme, de sous-marins à propulsion nucléaire proposés par ses alliés anglo-saxons.

"Les Français avaient une version qui n'était pas supérieure à celle qui est utilisée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et en fin de compte, notre décision s'est basée sur ce qui est dans l'intérêt de notre sécurité nationale", a justifié jeudi le ministre australien de la Défense, Peter Dutton, lors d'une visite à Washington.

A ses côtés, la cheffe de la diplomatie australienne Marise Payne a elle estimé que "le leadership des Etats-Unis dans l'Indo-Pacifique" demeurait "indispensable".

Au-delà des enjeux commerciaux, Paris dénonce l'absence de concertation, d'autant que cette affaire intervient après le retrait américain d'Afghanistan qui a laissé des traces auprès d'alliés des Etats-Unis dont les positions n'ont pas vraiment pesé dans la décision de Joe Biden. 

Les Européens ont désormais une idée "assez claire" de la façon dont Washington considère ses alliés, a résumé une source proche du dossier à Paris. 

Gala annulé

Signe d'une crise qui perdure, Français et Américains se sont renvoyés la balle tout au long de la journée.

"Nous avons été en contact avec nos homologues français au cours des dernières 24 à 48 heures pour discuter de AUKUS, y compris avant l'annonce", a assuré Antony Blinken.

Mais la France a démenti fermement avoir été avertie en amont, et encore moins consultée.

"Nous n'avons pas été informés de ce projet avant la publication des premières informations dans la presse américaine et australienne", mercredi, a répondu auprès de l'AFP le porte-parole de l'ambassade de France à Washington, Pascal Confavreux.

Et malgré les mots apaisants du secrétaire d'Etat américain, les autorités françaises ont annulé une soirée de gala prévue vendredi à la résidence de l'ambassadeur de France dans la capitale américaine. Cette réception devait célébrer l'anniversaire d'une bataille navale décisive de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, conclue par une victoire de la flotte française sur la flotte britannique, le 5 septembre 1781.
 

Crise des sous-marins: la France annule une célébration à Washington

Les autorités françaises ont annulé une soirée de gala prévue vendredi à Washington, a confirmé jeudi l'ambassade de France, après la rupture du "contrat du siècle" de fourniture de sous-marins français à l'Australie, qui a généré une crise transatlantique.

Cette réception, à la résidence de l'ambassadeur de France à Washington, était censée célébrer l'anniversaire d'une bataille navale décisive de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, conclue par une victoire de la flotte française sur la flotte britannique, le 5 septembre 1781.

Le président américain Joe Biden a annoncé mercredi soir un partenariat stratégique avec le Royaume-uni et l'Australie, incluant la fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à Canberra, qui a sorti de fait les Français du jeu. 

Cela a déclenché l'ire de Paris, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, allant jusqu'à dénoncer "un coup dans le dos".

La bataille de la baie de Chesapeake, aussi connue sous le nom de bataille des caps de Virginie, opposant la flotte de l'amiral britannique Thomas Graves à celle du lieutenant-général des armées navales François Joseph Paul de Grasse, a été jugée cruciale pour la victoire finale des armées coalisées de George Washington, Rochambeau et La Fayette. 

D'autres événements s'inscrivant dans la célébration de ce 240e anniversaire ont été toutefois maintenus, comme l'escale d’une frégate française à Baltimore et celle d'un sous-marin à Norfolk, ou encore la dépose d'une gerbe sur un monument à Annapolis.

Cette rupture spectaculaire jette un froid entre Paris et Washington, alors que Joe Biden était censé incarner une embellie dans la relation transatlantique après quatre années de brutalité trumpiste.

"Il est certain que nous avons une petite crise diplomatique sur la table", résume Anne Cizel, spécialiste de politique étrangère américaine à l'université parisienne de la Sorbonne.

"Les Etats-Unis envoient un signal un peu curieux en ce sens qu'ils réclament une présence (militaire) de leurs alliés européens dans l'Indo-pacifique et dans le même temps se positionnent en premiers concurrents des ventes de sous-marins français", résume-t-elle.


Ukraine: Zelensky accueilli par Macron à Paris pour faire le point sur les négociations

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine. (AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine. (AFP)
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  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée
  • Cette nouvelle visite en France, la dixième depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, intervient au lendemain de discussions entre délégations américaine et ukrainienne en Floride

PARIS: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine, a constaté un journaliste de l'AFP.

Cette nouvelle visite en France, la dixième depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, intervient au lendemain de discussions entre délégations américaine et ukrainienne en Floride, et à la veille d'une rencontre à Moscou entre l'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, et le président russe Vladimir Poutine.

 


La France fixe une nouvelle doctrine d'intervention en mer contre les traversées clandestines vers l'Angleterre

Un bateau de la Gendarmerie maritime française navigue à proximité de bateaux de passeurs transportant des migrants qui tentent de traverser la Manche au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 27 septembre 2025. (AFP)
Un bateau de la Gendarmerie maritime française navigue à proximité de bateaux de passeurs transportant des migrants qui tentent de traverser la Manche au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 27 septembre 2025. (AFP)
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  • La France prévoit de lancer prochainement des opérations en mer pour intercepter les “taxi-boats” transportant clandestinement des migrants vers l’Angleterre
  • Cette initiative intervient après une hausse des traversées de la Manche, avec plus de 39 000 arrivées en 2025

LILLE: Après des mois de discussions, la France a annoncé vendredi qu'elle allait débuter "prochainement" des opérations visant à intercepter en mer des petits bateaux clandestins en chemin vers l'Angleterre, avant qu'ils n'embarquent des groupes de migrants.

Ce changement de doctrine engagé par Paris sous pression de Londres était en gestation depuis plusieurs mois.

Les forces de l'ordre françaises peinent à trouver la parade face aux "taxi-boats", un mode d'action des passeurs consistant à faire partir une embarcation d'un point éloigné des principales plages de départ où sont rassemblés les migrants.

Le taxi-boat s'approche ensuite du rivage et vient récupérer des passagers directement dans l'eau, avant de poursuivre sa route vers l'Angleterre.

"La Gendarmerie maritime sera bientôt en mesure d'effectuer des opérations de contrôle et d'intervention en mer, sur des embarcations soupçonnées d'être des taxi-boats", a déclaré à l'AFP la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar), confirmant des informations du journal Le Monde.

Le quotidien évoque un document signé par le préfet maritime mais aussi ceux du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais.

Le ministère de l'Intérieur français n'a pas souhaité réagir.

Côté britannique, un porte-parole du gouvernement a simplement rappelé vendredi à l'AFP que Londres a "déjà travaillé à s'assurer que les autorités en France réforment leurs tactiques en mer afin qu'elles puissent intervenir dans les eaux peu profondes".

- Pas de filets à ce stade -

Actuellement, une fois une embarcation clandestine en mer, seul le dispositif de secours intervient en cas de besoin, en raison des risques que présentent ce type d'opérations, comme prévu par les conventions internationales.

Désormais, il pourra aussi y avoir des "opérations de contrôle et d'intervention (...) issues d'études menées par l'ensemble des services de l’État concernés", a précisé la Prémar. Elles "comportent des dispositions prenant en compte la primauté de la sauvegarde de la vie humaine".

Ces futures opérations de la gendarmerie maritime sont prévues en amont de l'embarquement de passagers, pour ne pas mettre leurs vies en péril, selon une source proche du dossier.

"L'ensemble des travaux sur le sujet se fait en lien avec les parquets concernés", a souligné à l'AFP la procureure de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Cécile Gressier.

En outre, la Prémar précise que "l'emploi de filets visant à stopper le taxi-boat n'est pas envisagé à ce stade".

Cette méthode, mentionnée la semaine dernière dans la presse, avait soulevé l'indignation d'associations d'aide aux migrants et d'ONG comme Amnesty International.

Pour le professeur de droit international Thibaut Fleury-Graff, "les interceptions sont susceptibles d'être contraires au droit de quitter tout pays" inscrit dans le Pacte de l'ONU sur les droits civils et politiques, et doivent respecter "l'ensemble des droits de la personne humaine".

Les taxi-boats embarquent leurs passagers sur une ou plusieurs haltes et repartent en direction de l'Angleterre surchargés, transportant régulièrement plus de 70 candidats à l'exil dans des conditions périlleuses.

Au moins 27 migrants sont morts cette année lors de ces dangereuses tentatives de traversées de la Manche, selon un décompte de l'AFP.

Après le pire naufrage dans la Manche, qui a fait 31 morts en novembre 2021, le parquet de Paris a demandé vendredi un procès en correctionnelle pour 14 hommes, nés pour la plupart en Afghanistan et en Irak, soupçonnés d'être impliqués dans des réseaux de passeurs à l'origine du drame.

Depuis le 1er janvier, plus de 39.000 personnes sont arrivées sur les côtes anglaises à bord de petites embarcations, selon les données britanniques, soit plus que sur la totalité de 2024.

Plus de la moitié des personnes arrivées clandestinement au Royaume-Uni entre septembre 2024 et septembre 2025 sont de cinq nationalités: Érythréens (la nationalité la plus représentée), Afghans, Iraniens, Soudanais et Somaliens.

Le gouvernement travailliste britannique, sous pression de l'extrême-droite, a annoncé ce mois-ci une réforme qui durcit fortement sa politique d'asile et d'immigration, espérant ainsi décourager les arrivées irrégulières de migrants sur ces "small boats", qu'il peine à endiguer.


France: des ONG inquiètes d'une baisse de l'aide au développement

Le docteur Bertrand Chatelain (à gauche), de l'ONG Médecins du Monde (MdM), examine un réfugié lors d'une opération de maraudage dans le camp de migrants du quartier Stalingrad à Paris, le 12 juillet 2023. (AFP)
Le docteur Bertrand Chatelain (à gauche), de l'ONG Médecins du Monde (MdM), examine un réfugié lors d'une opération de maraudage dans le camp de migrants du quartier Stalingrad à Paris, le 12 juillet 2023. (AFP)
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  • Plusieurs ONG françaises alertent sur un désengagement de la France en matière d’aide au développement, dans un contexte mondial déjà marqué par une baisse générale de la solidarité internationale
  • Les organisations humanitaires redoutent des conséquences majeures pour des millions de personnes

PARIS: Plusieurs ONG françaises, dont Médecins du Monde, ont critiqué vendredi un "désengagement croissant" de Paris envers la solidarité internationale, le gouvernement entendant amputer, dans le prochain budget, l'aide au développement de 700 millions d'euros, dans un contexte international tendu.

Sandrine Simon, directrice santé et plaidoyer de Médecins du Monde, critique une décision qui va "à l'encontre des engagements" de la France dans ce secteur. Elle évoque sa "grande inquiétude" et son "incompréhension".

En France, où l'aide publique au développement a été réduite ces dernières années, les coupes envisagées dans le projet de loi de finances 2026 s'élèvent à 700 millions d'euros, pour un montant alloué de 3,7 milliards d'euros.

"A chaque fois qu'il y a ne serait-ce qu'un million d'euros qui est coupé, on sait qu'il y a des milliers, voire des millions de personnes derrière qui sont affectées", alerte Anne Bideau, directrice générale de Plan International France, rappelant une "tendance à la baisse de l'aide publique au développement un peu partout dans le monde".

"on sait que les conséquences vont être dramatiques, donc on est extrêmement inquiets", ajoute Mme Bideau auprès de l'AFP.

Début 2025, le démantèlement de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), sous l'impulsion du président républicain Donald Trump, avait provoqué une onde de choc internationale.

Mais la fin de l'USAID avait mis en exergue une tendance de fond: le montant accordé par 32 pays riches de l'OCDE et l'Union européenne à l'aide au développement a diminué en 2024 de 7,1% (en terme réel) à 212,1 milliards de dollars, selon une estimation de l'OCDE, une première en six ans.

"On a des crises à répétition, le Soudan, Gaza etc. Il y a une augmentation des besoins et il y a une réduction de l'aide", déplore pour sa part Stéphane Doyon, de Médecins Sans Frontières, ONG qui n'est pas financée par le gouvernement français.

En France, cette coupe est justifiée "par l'effort nécessaire sur les finances publiques - et pas pour des raisons idéologiques comme aux Etats-Unis", affirme une source diplomatique à l'AFP, rappelant qu'elle n'a pas encore été votée.

"Entre la loi de finances 2024 et le projet de loi de finances 2026, on aurait une baisse de moitié de l'aide publique au développement", a calculé la Coordination Sud, qui regroupe des associations françaises de solidarité internationale.

Avec des conséquences concrètes pour les ONG qui comptent sur le soutien de l'Etat.

"Nous espérions recevoir de l'argent de l'Agence française de développement qui vient de nous annoncer qu'ils ne nous soutiendraient pas l'année prochaine", explique Sandrine Simon, de Médecins du Monde, au moment où l'ONG elle-même programme avec "un niveau d'incertitudes très important ce budget 2026, bien au-delà des années passées."

Dans le pire des scénarios, avec des coupes budgétaires massives, plus de 22 millions de personnes pourraient mourir de causes évitables d'ici à 2030, selon une étude menée par des chercheurs espagnols, brésiliens et mozambicains.