La communauté internationale dans le doute sur la reconnaissance des talibans

Une fille voilée tient un drapeau taliban lors d'un rassemblement pro-taliban à l'Université Shaheed Rabbani à Kaboul le 11 septembre 2021. (Photo, AFP)
Une fille voilée tient un drapeau taliban lors d'un rassemblement pro-taliban à l'Université Shaheed Rabbani à Kaboul le 11 septembre 2021. (Photo, AFP)
Une étudiante voilée tient un drapeau taliban alors qu'elle écoute un orateur avant un rassemblement pro-taliban à l'Université Shaheed Rabbani à Kaboul le 11 septembre 2021. (Photo, AFP)
Une étudiante voilée tient un drapeau taliban alors qu'elle écoute un orateur avant un rassemblement pro-taliban à l'Université Shaheed Rabbani à Kaboul le 11 septembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 24 septembre 2021

La communauté internationale dans le doute sur la reconnaissance des talibans

  • La question se pose, plus ou moins officiellement, depuis le 15 août dernier, mais elle a pris cette semaine un écho supplémentaire avec l'Assemblée de l'ONU
  • «A un moment donné, les talibans vont devoir faire un choix entre argent et normalisation, ou isolement absolu»

PARIS : La question se pose, plus ou moins officiellement, depuis le 15 août dernier mais elle a pris cette semaine un écho supplémentaire: la communauté internationale s'interroge sur la pertinence de reconnaître le régime des talibans en Afghanistan.


Faut-il les intégrer dans les grandes organisations internationales pour les obliger à évoluer ? Convient-il au contraire de négocier une normalisation progressive et un déblocage des verrous financiers, contre des actes politiques forts ?


Le débat a éclaté en pleine lumière lors de l'Assemblée générale des Nations Unies qui se tient jusqu'à lundi à New-York. Les talibans ont demandé à s'y exprimer au nom de l'Afghanistan. Mais l'ambassadeur de l'ancien gouvernement déchu revendique de représenter son pays.


Un "show" des talibans "n'apporterait rien", a déclaré mercredi le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas. "L'Assemblée générale des Nations unies n'est pas le cadre approprié pour cela", a-t-il estimé. "Il faut parler avec les talibans. Il y a pour cela de multiples canaux qui ont été mis en place ces dernières semaines".


L'ONU ne devrait pas trancher immédiatement. Une source américaine à l'ONU a indiqué à l'AFP que la commission d'accréditation de l'Organisation ne se réunirait pas avant novembre.


"A un moment donné, les talibans vont devoir faire un choix entre argent et normalisation, ou isolement absolu", résumait la semaine passée un diplomate européen sous couvert de l'anonymat. "On est comme Saint-Thomas. On regarde si ça marche. Aujourd'hui, ça ne marche pas".


Même les alliés objectifs les plus proches des talibans retardent leur réponse. "Personne n'est pressé de reconnaître" les talibans, a ainsi estimé le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mahmood Qureshi. "Ils doivent être plus sensibles et plus réceptifs à l'opinion internationale".

«Personne n'est pressé»

Le Qatar, intermédiaire majeur entre les nouveaux maîtres de Kaboul et l'Occident, tient un discours semblable. Quant à la Chine, elle conserve pour l'heure un positionnement prudent mais aurait bien des intérêts à désigner des interlocuteurs légitimes et officiels à Kaboul.


"Même si Pékin ne parvient pas à faire confiance aux talibans, il ne devrait pas attendre beaucoup plus longtemps avant de les reconnaître officiellement", écrivait début septembre Derek Grossman, de la Rand Corporation à Washington, estimant notamment que cela "contribuerait à l'idée que c'est Pékin et non plus Washington qui (...) dessine le futur ordre régional". 


En attendant, personne ne fait le premier pas. Markus Kaim de l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), rappelle que l'Ouest n'a pourtant guère le choix, après avoir perdu en Afghanistan son statut de puissance hégémonique dans un départ désastreux. 


"Dans une telle situation, les conditions politiques ne peuvent être dictées", estime le chercheur. Les déclarations des chancelleries sur les leviers encore à leur disposition "camouflent leur absence de pouvoir".


L'Occident conserve pour autant quelques outils pour faire pression sur Kaboul. 


Bon nombre de comptes bancaires afghans placés à l'étranger ont été gelés. Et dès le 18 août, le Fonds monétaire international (FMI) a suspendu les aides à l'Afghanistan "jusqu'à ce qu'il y ait une clarté au sein de la communauté internationale sur la reconnaissance du gouvernement".

«Mesures ciblées»

La question est d'autant plus brûlante que le pays s'avance vers un hiver dramatique sur le plan humanitaire. Les talibans eux mêmes n'avaient pas imaginé prendre le pouvoir aussi vite et certaines fonctions centrales de l'Etat afghan n'ont pas pleinement redémarré.


D'où la position médiane prônée par les Nations unies. Le 10 septembre, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres rappelait la possibilité d'accorder à Kaboul des "instruments financiers", indépendamment des sanctions onusiennes et américaines en cours. "Je ne parle pas de la levée de sanctions ou de la reconnaissance, je parle de mesures ciblées pour permettre que l'économie afghane puisse respirer".


Plus récemment, le haut-commissaire aux réfugiés Filippo Grandi a jugé nécessaire de discuter avec les talibans. "C'est par le dialogue que l'on peut s'assurer de l'efficacité de nos livraisons" humanitaires, a déclaré l'Italien à la BBC. "Nous pourrions aussi créer un espace où soulever des questions plus complexes - les droits, les minorités, les femmes, l'éducation".


De leur côté, les talibans tentent de séduire leurs voisins, dont ils partagent les intérêts stratégiques, en termes notamment de routes commerciales, d'infrastructures et de politique énergétique. 


Ces pays "adoptent une vision régionale consolidée sur l'Afghanistan", estime à cet égard Amina Khan, de l'Institut des études stratégiques d'Islamabad (ISSI).


"La région veut jouer un rôle plus important (sur le sujet) et discuter avec les talibans", ajoute-t-elle. Ces derniers devront respecter leurs promesses, notamment empêcher des groupes terroristes d'attaquer le Pakistan, la Russie, la Chine. Auquel cas "nous verrons certainement les pays de la région jouer un rôle bien plus déterminant".


Lors de leur précédent passage au pouvoir entre 1996 et 2001, les talibans n'avaient pas été accrédités par l'ONU.  


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.