France: la promesse en trompe-l'oeil d'un moratoire sur l'immigration

Une photo prise le 28 septembre 2021 dans la capitale marocaine Rabat montre un passeport marocain, avec en toile de fond un visa Schengen. FADEL SENNA / AFP
Une photo prise le 28 septembre 2021 dans la capitale marocaine Rabat montre un passeport marocain, avec en toile de fond un visa Schengen. FADEL SENNA / AFP
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Publié le Mercredi 13 octobre 2021

France: la promesse en trompe-l'oeil d'un moratoire sur l'immigration

  • Un moratoire sur l'immigration: à six mois de l'élection présidentielle en France, la promesse est brandie à droite et à l'extrême droite
  • Mais son application se heurte à l'État de droit et ne pourrait concerner qu'une minorité du flux migratoire

PARIS : Un moratoire sur l'immigration: à six mois de l'élection présidentielle en France, la promesse est brandie à droite et à l'extrême droite. Mais son application se heurte à l'État de droit et ne pourrait concerner qu'une minorité du flux migratoire.

L'idée fait florès après avoir été portée cet été par l'ancien négociateur européen pour le Brexit et candidat à l'investiture du parti Les Républicains (droite) Michel Barnier, tandis que la candidate du Rassemblement national (extrême-droite), Marine Le Pen, voit dans ces "ralliements" une "victoire idéologique". 

L'objectif, stopper nette toute immigration. Le temps de "remettre à plat toutes les procédures", a expliqué Michel Barnier, qui a jugé a posteriori que les étudiants et les demandeurs d'asile ne devraient pas être concernés.

Mais est-ce vraiment possible ?

"Vous pouvez faire baisser l'immigration, mais c'est impossible de l'interrompre totalement sans violer les droits fondamentaux", répond Serge Slama, spécialiste français du droit constitutionnel. 

L'immigration familiale, souvent ciblée, "est protégée par le droit européen mais aussi par le droit français au titre du droit de vivre en famille", tandis que le droit d'asile, qui concernait environ 140.000 demandeurs avant la pandémie, "est garanti par notre Constitution", précise le professeur de droit public à l'université Grenoble-Alpes (sud-est).

Restent l'immigration de travail et le séjour des étudiants étrangers, qui, eux, pourraient faire l'objet d'un coup d'arrêt.

En 2019, avant la crise, 40.000 titres de séjour pour motifs économiques ont été délivrés et 90.000 à des étudiants, quand le regroupement familial, souvent dans le viseur des candidats appelant à un moratoire, ne concernait que 12.000 personnes (environ 20.000 pour l'immigration familiale plus largement).

Le précédent de 1974

"En théorie, ce sont des immigrations (de travail, étudiants) qui sont anticipées, donc c'est possible de délivrer moins de visas, de titres de séjour", convient Tania Racho, docteure en droit européen. 

"Mais aux frontières, la question est tout autre, et il faut faire attention à ne pas refouler des personnes qui sont en demande d'asile", poursuit la spécialiste des droits fondamentaux.

Un moratoire sur l'immigration, cela a déjà été tenté en 1974, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, lorsque que le Conseil des ministres avait notamment suspendu l'immigration de travail, une mesure annulée en justice quelques années plus tard, rappellent les spécialistes interrogés par l'AFP.

Deux décennies plus tard, Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, avait lui aussi prôné une politique d'"immigration zéro". C'était en 1993, lorsqu'il avait restreint les possibilités d'immigration de travail, notamment, mais aussi augmenté les reconduites à la frontières et voulu rendre impossible les régularisations...

Une telle politique, aujourd'hui, "n'est pas dans l'intérêt de la France", reprend Serge Slama: "L'immigration du travail n'est pas très importante et elle correspond à des besoins des entreprises qui ne sont pas couverts. Quant aux étudiants, c'est bon pour le prestige des universités de les avoir, d'autant qu'ils ne restent pas forcément en France à l'issue".

«Carcan»

"La crise du Covid a été très significative, parce qu'on n'a jamais eu une période où les frontières étaient autant fermées. Et même là, on n'a pas totalement interrompu l'immigration", rappelle encore Serge Slama.

Les candidats à la présidentielle qui font cette proposition jurent eux que pour déjouer les contraintes des textes européens, ils modifieront la Constitution, voire se doteront d'un "bouclier" constitutionnel pour avoir les mains libres en France. 

Même Valérie Pécresse, candidate à l'investiture de la droite qui a pourtant jugé "illusoire" un moratoire complet, a présenté la semaine dernière un projet de révision constitutionnelle visant à "stopper l'immigration incontrôlée".

"Le cadre européen est vécu comme un carcan", observe Tania Racho, qui estime que ces tentatives échoueront devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

"On ne va pas mettre un bouclier constitutionnel contre notre propre Constitution, qui garantit le droit d'asile, le droit de vivre en famille... Donc ça ne peut pas marcher", abonde Serge Slama.

Plutôt que stopper réellement l'immigration, les candidats qui portent l'idée d'un moratoire "pourraient faire une politique type Pasqua ou (Nicolas) Sarkozy dans la période dure, celle du ministère de l'Identité nationale", au début de sa présidence, entre 2007 et 2010, estime le spécialiste.

"Mais les fondamentaux vont rester, parce qu'on est tenus par nos engagements. C'est un discours pour se faire élire."


Lancés vers 2027, Bardella et Mélenchon préparent leur lutte finale

Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
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  • À un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà le récit d’un duel annoncé entre l’extrême droite et la gauche radicale
  • Tandis que le RN estime qu’un face-à-face avec Mélenchon faciliterait la victoire de Bardella, les Insoumis jugent au contraire le président du RN plus fragile que Marine Le Pen

PARIS: Quatre décennies les séparent. Vingt points dans les sondages, aussi. Favoris de leurs camps respectifs à un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà à distance le récit de leur affrontement final.

Pour provoquer un duel, il faut désigner l'adversaire. Jordan Bardella a choisi le sien et ne manque pas une occasion ces derniers mois de cibler un Jean-Luc Mélenchon qui "met de l'huile sur le feu" et "veut l'implosion du pays", incarnation d'une "menace qui pèse sur nos valeurs".

Du haut de ses 30 ans, le jeune président du Rassemblement national cherche aussi à discréditer son aîné, âgé de 74 ans, en l'accusant systématiquement de "s'être allié" à Emmanuel Macron aux dernières législatives. L'épouvantail insoumis, "main dans la main" avec le président repoussoir "pour m'empêcher de devenir Premier ministre", se lamente presque le remplaçant désigné de Marine Le Pen - en cas d'inéligibilité confirmée en appel.

Un acharnement justifié par ce constat: "Il est à gauche celui qui a la possibilité d'emmener son camp au second tour de l'élection présidentielle". Le parti à la flamme étant, dans tous les pronostics, déjà qualifié pour la finale, inutile donc de s'épuiser contre des outsiders.

"À part Marine et Jordan, y a rien d'autre", résume un eurodéputé RN, qui reconnait quelques qualités au tribun de la gauche radicale: "Il sait s'exprimer, il a du talent", et surtout "il a un socle d'adhésion en dessous duquel il ne peut pas descendre".

La question n'est donc "pas de savoir s'il est le meilleur", de toute façon "c'est lui qui sera au second tour", ajoute ce cadre du mouvement d'extrême droite, pour qui ce scénario "rend plus simple l'élection". Chacun ayant en tête le récent sondage prédisant une victoire écrasante (74% contre 26%) de M. Bardella dans un second tour face à M. Mélenchon.

Un proche de Mme Le Pen faisait la même analyse au début de l'automne: "Pour gagner, il vaut mieux être contre un Mélenchon" jugé "très clivant", même si "une partie des gens votera moins pour nous que contre lui".

- "Bardella, c'est plus simple" -

Du côté des Insoumis, cela fait plus de 10 ans, avant même la création de LFI, que Jean-Luc Mélenchon prophétise: "à la fin ça se terminera entre eux et nous". Comprendre l'extrême droite et la gauche radicale.

Et ils sont persuadés que cette fois, leur fondateur pourrait accéder au second tour après trois échecs - à chaque fois derrière Marine Le Pen. Et que Jordan Bardella, en raison de son manque d'expérience et son profil plus libéral que la patronne du RN, ferait un meilleur adversaire que cette dernière.

"Bardella, c'est plus simple que Marine Le Pen au second tour. Il apprend par coeur mais il ne réfléchit pas par lui-même. Il peut s'effondrer pendant la campagne, comme lors des législatives l'année dernière", assure le coordinateur de LFI Manuel Bompard, alors que le mouvement mélenchoniste a acté que l'option Bardella était "la plus probable" pour le parti d'extrême droite en 2027.

Et suit de près son activité à Bruxelles.

"Sur cette dernière année, Bardella a déposé beaucoup plus d'amendements que lors tout son mandat précédent. Et il donne beaucoup plus de conférences de presse. Il fait ça pour la présidentielle, c'est évident", assure la cadre insoumise Manon Aubry, élue au Parlement européen depuis 2019 comme le président du RN.

"À LFI, je suis un peu l'anti-Bardella, je surveille de près ce qu'il fait au Parlement européen où il profite de la moindre médiatisation pour voter contre les droits des femmes ou les droits des LGBT", ajoute-t-elle, en précisant: "Il y aura de quoi avoir beaucoup de munitions pour Jean-Luc Mélenchon pour un éventuel débat d'entre-deux tours, s'ils sont tous les deux candidats".

Les Insoumis restent persuadés que la "magie du second tour" pourrait opérer, malgré les sondages très défavorables et à la faveur de la dynamique de campagne, pour qu'un "front républicain anti-RN" puisse se mettre en place.

Et tant pis si des responsables macronistes, comme Elisabeth Borne, refusent publiquement de choisir entre les deux. "Je suis incapable de voter pour Jean-Luc Mélenchon", a déclaré l'ancienne Première ministre, pourtant connue pour son engagement contre l'extrême droite.


Budget: députés et sénateurs échouent à se mettre d'accord, pas de budget avant la fin de l'année

Cette photographie montre les résultats affichés sur un écran géant du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, le 16 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre les résultats affichés sur un écran géant du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, le 16 décembre 2025. (AFP)
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  • La commission mixte paritaire a échoué à trouver un accord sur le budget de l'État, repoussant son adoption et forçant le gouvernement à préparer une loi spéciale pour assurer la continuité des finances publiques
  • L'impasse reflète des tensions entre le gouvernement et la gauche à l'Assemblée, et la droite sénatoriale, chacun accusant l'autre de blocage

PARIS: Députés et sénateurs ont échoué à s'entendre vendredi sur le budget de l'État, écartant la perspective d'un texte adopté avant la fin de l'année, un échec au moins provisoire pour le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Entre le gouvernement et les socialistes d'un côté, la droite sénatoriale et les oppositions de l'autre, chacun se renvoie la balle sur la responsabilité de cette impasse.

Face à ce scénario, le gouvernement avait déjà annoncé qu'il préparait une loi spéciale pour permettre le prélèvement des impôts et assurer la continuité de l'Etat, avant une reprise des débats sur le budget début 2026.

Cette procédure exceptionnelle avait déjà été activée l'an dernier après la chute du gouvernement Barnier. Le texte devrait être examiné par les deux chambres au début de la semaine prochaine, après un probable passage lors du Conseil des ministres convoqué lundi soir, au retour d'un déplacement d'Emmanuel Macron aux Emirats arabes unis.

Le Premier ministre a également annoncé réunir, à partir de lundi, les principaux responsables politiques pour les "consulter sur la marche à suivre pour protéger les Français et trouver les conditions d'une solution".

L'échec de la commission mixte paritaire (CMP), où sept députés et sept sénateurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord, marque la fin de deux mois de discussions parlementaires autour de ce texte financier crucial.

Dès le départ, le compromis semblait quasi impossible entre une droite sénatoriale attachée aux économies et aux baisses d'impôts et une Assemblée où la gauche réclamait plus de recettes et moins de coupes budgétaires.

Et le pari de Sébastien Lecornu de faire adopter le budget sans recours au 49.3 dans une chambre basse sans majorité était particulièrement ambitieux.

- La faute à qui ? -

C'est donc un échec pour le Premier ministre, même s'il a réussi à faire adopter mardi l'autre budget, celui de la Sécurité sociale, en obtenant un vote favorable des socialistes en échange d'une suspension de la réforme des retraites.

Pour l'exécutif et le PS, le coupable est tout désigné : les sénateurs LR, accusés d'intransigeance sur les recettes à trouver.

Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a accusé la droite sénatoriale de "faire le choix de bloquer le pays". Sébastien Lecornu a plus sobrement regretté "l'absence de volonté d'aboutir de certains parlementaires".

Car, derrière les désaccords budgétaires, une guerre des chefs s'exacerbe à mesure que les échéances électorales se rapprochent.

Une ministre accuse ainsi Bruno Retailleau, patron de LR, d'avoir attisé la radicalité des sénateurs de son parti, dans une guerre larvée avec le chef des députés LR Laurent Wauquiez.

Au Palais du Luxembourg, on renvoie la balle à Matignon.

"La responsabilité de cet échec incombe au gouvernement qui a soigneusement, méthodiquement, scrupuleusement organisé l'impossibilité d'un accord", ont rétorqué Mathieu Darnaud (Les Républicains) et Hervé Marseille (UDI), chefs des groupes LR et centriste du Sénat, très remontés, dans un communiqué commun.

Bruno Retailleau avait émis les mêmes critiques un peu plus tôt, fustigeant un texte qui "aurait envoyé la France dans le mur de la dette" et appelant le gouvernement à recourir au 49.3 à la rentrée.

A l'Assemblée, la gauche, hors socialistes, a dénoncé un gouvernement qui se "défausse" sur les parlementaires, selon les mots d'Eric Coquerel (LFI), président de la commission des Finances.

Pour le groupe écologistes, l'échec est dû à "la désunion profonde du bloc gouvernemental, incapable de s'accorder sur des priorités claires et de construire une majorité parlementaire".

- "Sparadrap" -

Cap sur la loi spéciale donc, avant la reprise des discussions en janvier.

A moins que le gouvernement ne se dirige vers les ordonnances avant la fin de l'année, s'interroge Jean-Philippe Tanguy pour le Rassemblement national. Son groupe continue d'appeler à un retour aux urnes, "seule solution" à la crise, dit-il.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a rappelé vendredi matin le coût d'une loi spéciale. "L'an dernier, on avait estimé à 12 milliards le coût d'avoir six à huit semaines sans budget."

"C'est un sparadrap", cela permet de "faire tourner le pays" mais il faudra bien que le Parlement s'accorde en début d'année, a aussi répété dans la matinée Mme Bregeon.

Outre l'urgence de disposer d'un budget, s'ajoutera la volonté du monde politique de tourner la page budgétaire avant les municipales de mars.


Paris : les envoyés spéciaux américain, saoudien et français réaffirment leur soutien aux forces armées libanaises

Paris a accueilli, le 18 décembre, une réunion de haut niveau consacrée au Liban, réunissant les envoyés spéciaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France avec le commandant des Forces armées libanaises (FAL). (AFP)
Paris a accueilli, le 18 décembre, une réunion de haut niveau consacrée au Liban, réunissant les envoyés spéciaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France avec le commandant des Forces armées libanaises (FAL). (AFP)
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  • Les envoyés spéciaux ont unanimement exprimé leur soutien aux Forces armées libanaises
  • Dans le prolongement de la cessation des hostilités entrée en vigueur le 26 novembre 2024 et en appui au plan « Bouclier de la Nation », les participants ont convenu de la création d’un groupe de travail tripartite

PARIS: Paris a accueilli, le 18 décembre, une réunion de haut niveau consacrée au Liban, réunissant les envoyés spéciaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France avec le commandant des Forces armées libanaises (FAL). Cette rencontre s’inscrit dans le cadre des efforts internationaux visant à soutenir la stabilité du Liban et le renforcement de ses institutions sécuritaires.

Au cours de la réunion, le général Haykal a présenté aux trois envoyés l’état d’avancement de la mise en œuvre du plan « Bouclier de la Nation », une initiative destinée à renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées libanaises et à consolider la sécurité nationale.

Les envoyés spéciaux ont unanimement exprimé leur soutien aux Forces armées libanaises, saluant leur engagement et les sacrifices consentis dans un contexte sécuritaire et économique particulièrement difficile. Ils ont réaffirmé l’importance du rôle central de l’armée libanaise dans la préservation de la stabilité du pays.

Dans le prolongement de la cessation des hostilités entrée en vigueur le 26 novembre 2024 et en appui au plan « Bouclier de la Nation », les participants ont convenu de la création d’un groupe de travail tripartite. Celui-ci sera chargé de préparer une conférence internationale de soutien aux Forces armées libanaises et aux Forces de sécurité intérieure, prévue pour février 2026.

Cette initiative vise à mobiliser un appui politique, financier et opérationnel accru en faveur des institutions sécuritaires libanaises, considérées par la communauté internationale comme un pilier essentiel de la stabilité du Liban et de la sécurité régionale.