Jean Nouvel et la Philharmonie de Paris enterrent la hache de guerre

Le projet, monumental, s'étale sur 20.000 m2 au  total, essentiellement financé par la Ville de Paris et l'Etat. (Photo, AFP)
Le projet, monumental, s'étale sur 20.000 m2 au  total, essentiellement financé par la Ville de Paris et l'Etat. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 22 octobre 2021

Jean Nouvel et la Philharmonie de Paris enterrent la hache de guerre

  • Les deux parties mettent «fin de manière pleinement satisfaisante à la totalité de leurs différends, tous domaines confondus, notamment sur les coûts et les délais»
  • Inaugurée en 2015, en l'absence de Jean Nouvel qui avait boudé l'événement en raison du litige, le projet de Philharmonie avait été initié à la fin des années 1990 par souci de «démocratiser» la musique symphonique

PARIS : Ils s'opposaient depuis des années, devant les tribunaux, sur la conduite et le coût des travaux de la Philharmonie de Paris: l'architecte Jean Nouvel a finalement trouvé un terrain d'entente avec le complexe musical, mettant un terme au litige.


Jean Nouvel, la société Ateliers Jean Nouvel - le cabinet d'architectes choisi en 2007 pour mettre en oeuvre le projet - et l’établissement public de la Philharmonie de Paris "ont conclu un accord transactionnel" mettant "fin de manière pleinement satisfaisante pour chacune des parties à la totalité de leurs différends, tous domaines confondus, notamment sur les coûts et les délais", ont-ils annoncé jeudi dans un communiqué commun.


Les parties "se désistent et renoncent définitivement à toute réclamation, instance et action, devant quelque juridiction que ce soit", ont-elles ajouté, sans entrer dans le détail financier de l'accord.


Sollicités, les avocats des Ateliers Jean Nouvel, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, ont indiqué qu'"un désistement" de la plainte pénale était "en cours". Ce désistement de la partie civile n'entraîne toutefois pas mécaniquement la clôture de l'information judiciaire.


Jean Nouvel, architecte à la renommée internationale, concepteur notamment de l'Institut du monde arabe à Paris ou du Louvre Abou Dhabi, avait déposé plainte contre X en octobre 2019. L'établissement public chargé de gérer le complexe lui réclamait une somme indue, selon lui: plus de 170 millions d'euros, au titre des surcoûts survenus lors du chantier, dont 110 millions d'euros de pénalités de retard.


Une information judiciaire avait été ouverte pour "favoritisme, prise illégale d'intérêts, détournements de fonds publics, concussion, faux et usage de faux" en février dernier par le parquet national financier.


Les avocats d'AJN estimaient qu'une "politique de diabolisation de l'architecte" avait eu cours, avec en face des "faveurs accordées aux entreprises".


Alors que le budget de départ du projet se situait autour de 173 millions d'euros, le coût final de ce chantier pharaonique a été, selon la Cour des comptes en 2016, d'environ 446,9 millions d'euros. Une évaluation que contestaient les parties.


Pour les ateliers Jean Nouvel, ce dépassement s'expliquait par la "gestion défaillante" du maître d'ouvrage qui avait lui-même dirigé en grande partie le chantier, "ce qui est contraire à la législation", spécifiait sa plainte. 


Pour l'établissement public Philharmonie de Paris, la faute en revenait au contraire à l'architecte pour sous-évaluation des coûts et modifications permanentes du projet.

«Divergences et malentendus»

Demande de conciliation avortée, référé lancé par la Philharmonie pour obtenir des pénalités de retard avec demande d'expertise judiciaire se sont succédé durant le chantier.


Résultats: la Philharmonie termine les travaux "en dirigeant seule les entreprises, à l'insu de l'architecte", selon l'ex-plaignant. Coûts et délais explosent.


Une fois le décompte général arrêté, la Philharmonie aurait réclamé plus de 170,6 millions d'euros à AJN, soit un montant "quatorze fois supérieur au montant des honoraires" perçus par le maître d’œuvre, indiquait le cabinet d'architectes dans sa plainte.


Il est un "fait indéniable que le bâtiment construit n’est pas conforme sur de nombreux points au dessin et aux instructions" de Jean Nouvel, reprochait-il encore.


Mais les deux camps considèrent désormais que "ces différends étaient la conséquence de divergences et de malentendus", et expliquent avoir "décidé de les surmonter en engageant un dialogue".


Ils annoncent par ailleurs s’être mis d'accord sur la réalisation de travaux complémentaires, "dans le cadre d'une enveloppe de 15 millions d’euros décidée en accord avec l’État", qui seront réalisés sous la maîtrise d'œuvre d'AJN et de Jean Nouvel.


Inaugurée en 2015, en l'absence de Jean Nouvel qui avait boudé l'événement en raison du litige, le projet de Philharmonie avait été initié à la fin des années 1990 par souci de "démocratiser" la musique symphonique.


Le multiplexe musical, installé dans le parc de la Villette pour compléter la Cité de la musique, comprend notamment, outre un auditorium de 2.400 places assises, des salles de répétition et d'exposition, des studios d'enregistrement et un restaurant. 


Le projet, monumental, s'étale sur 20.000 m2 au  total, essentiellement financé par la Ville de Paris et l'Etat.


Cinéma: Hazanavicius et le réalisateur iranien Rasoulof ajoutés à la compétition cannoise

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
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  • Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or
  • Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement

CANNES: Le Festival de Cannes a parachevé sa sélection lundi, invitant notamment en compétition un cinéaste iranien en rupture avec le régime, Mohammad Rasoulof, et le réalisateur Michel Hazanavicius pour un film d'animation.

Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or avec "La plus précieuse des marchandises". Il s'agit d'une première tentative dans le cinéma d'animation pour le réalisateur très éclectique de "The Artist" (oscarisé en 2012) ou des deux premiers volets de la comédie d'espionnage "OSS 117".

Adapté d'une pièce de Jean-Claude Grumberg, le film évoque le souvenir de la Shoah et le sort d'un enfant juif qui échappe miraculeusement à la déportation vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz.

Le festival a également ajouté le nouveau film de Mohammad Rasoulof, "The seed of the sacred fig". Ce cinéaste, lauréat du prix Un Certain Regard à Cannes en 2017 ("Un homme intègre"), puis de l'Ours d'or à Berlin en 2020 ("Le diable n'existe pas"), avait été invité l'an dernier comme membre d'un jury.

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager.

Evoquant les questions brûlantes de la corruption ou de la peine de mort, Mohammad Rasoulof fait partie des réalisateurs iraniens primés dans les plus grands festivals mais accusés en Iran de propagande contre le régime, comme Jafar Panahi ou Saeed Roustaee.

Sujets sensibles 

Un troisième réalisateur, le Roumain Emanuel Parvu, est également ajouté à la compétition, portant à 22 le nombre de films en lice pour succéder à la Palme d'Or de l'an dernier, "Anatomie d'une chute" de Justine Triet.

Parmi eux, les œuvres d'illustres réalisateurs hollywoodiens, dont "Megalopolis" de Francis Ford Coppola et "Oh Canada" de Paul Schrader, une comédie musicale de Jacques Audiard, le nouveau film de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone, après son Lion d'or pour "Pauvres créatures", ou encore une oeuvre sur Naples par l'Italien Paolo Sorrentino.

Hors compétition, le festival, qui se tiendra du 14 au 25 mai, a également annoncé lundi la première du "Comte de Monte-Cristo", avec Pierre Niney dans le rôle-titre, blockbuster français programmé hors compétition, tandis qu'Oliver Stone présentera en séance spéciale un documentaire sur le dirigeant brésilien Lula.

Trois films sont également ajoutés dans la section Un Certain Regard, dont le premier film comme réalisatrice de l'actrice Céline Sallette, un biopic sur l'artiste Niki de Saint-Phalle, avec Charlotte Le Bon.


Un chef-d'oeuvre oublié de Raphaël exposé au public dans une basilique varoise

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
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  • Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome
  • Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique

SAINT-MAXIMIN-LA-SAINTE-BAUME: L'exposition ce week-end dans la sacristie de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) pour la première fois au public d'un tableau oublié et récemment redécouvert du peintre italien de la Renaissance Raphaël a attiré de nombreux visiteurs, a constaté un photographe de l'AFP.

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome, qui abrite des reliques de Marie-Madeleine.

Une cinquantaine de personnes ont ainsi fait la queue dimanche après-midi pour pouvoir admirer ce tableau peu connu du maître italien auteur des "Trois Grâces" ou encore des fresques ornant le palais du Vatican à Rome "L'Incendie de Borgo" et "L'Ecole d'Athènes".

Les visiteurs doivent cependant s'acquitter la somme de trois euros pour l'admirer, des fonds qui serviront à soutenir la restauration de la basilique.

Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique.

Tableau oublié 

La redécouverte de ce tableau oublié pourrait, pour certains, relever du miracle: un collectionneur français avait acheté ce portrait de Marie-Madeleine, datant de la rencontre entre Raphaël et Léonard de Vinci (1505), à une galerie londonienne sur son site internet pour 30.000 livres (près de 35.000 euros) en pensant qu'il s'agissait d'une oeuvre de l'école de Vinci.

Il avait ensuite fait appel à l'expertise d'Annalisa Di Maria, membre du groupement d'experts de l'Unesco à Florence (Italie) qui a authentifié l'oeuvre en septembre.

A l'issue d'innombrables analyses, dont la visualisation grâce à la lumière infrarouge des couches de carbone cachées par les pigments de peinture, ils ont pu attribuer le tableau à Raphaël (1483-1520).

Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection de Jésus, dont elle était une fidèle disciple, est une figure importante des Evangiles, souvent présentée comme une pécheresse repentie. Elle aurait passé les 30 dernières années de sa vie dans une grotte du massif de la Sainte-Baume, à une vingtaine de kilomètres de la basilique, devenue un haut-lieu de pèlerinage chrétien.


Des collages XXL à l'Orient-Express, JR veut «changer les perspectives»

Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
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  • Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées
  • Il y est souvent questions de sujets sociaux

 

VENISE: "Changer les perspectives" au-delà des frontières: après plus de 25 ans de carrière, le goût du voyage et de l'ailleurs continue de façonner l'oeuvre de JR, street-artist de renommée mondiale dont le dernier projet prend la route du rail.

A 41 ans, le photographe français au chapeau et lunettes noires, devenu célèbre avec ses collages photographiques XXL, s'est lancé dans un "projet fou": décorer tout un wagon du Venice Simplon-Orient-Express.

"Les gens connaissent tous l'Orient-Express, mais beaucoup ne savent pas qu'ils roulent encore", dit-il à l'AFP en marge de la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Pour l'occasion, le rutilant wagon-lit bleu nuit, devenu légendaire grâce au roman policier d'Agatha Christie et à ses adaptations au grand écran, a circulé à bord d'une barge cette semaine sur les eaux de la lagune de la Cité des Doges, avant son lancement sur les rails européens au printemps 2025.

En décorant l'intérieur luxueux de cette "oeuvre vivante" - incluant un salon de thé et une bibliothèque - JR, qui maitrise les codes du happening, s'est amusé à dissimuler dans ses recoins divers clins d'oeil à son oeuvre, des lettres, des jumelles, jusqu'à un appareil photo des années 1920.

"C'est une de ces voitures là qui a eu 1.000 vies. Quand on l'a récupérée en Belgique, elle était encore toute brûlée et cabossée, parce qu'elle avait été abandonnée depuis longtemps", se souvient-il en confiant sa "fascination" pour l'univers des trains.

JR voit dans ce moyen de transport une manière de "faire voyager" ses oeuvres, "comme un message dans une bouteille".

Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées.

Il y est souvent questions de sujets sociaux, comme les droits des femmes ("Women are Heroes"), l'immigration ("Déplacé.e.s") ou les armes à feu ("Guns in America").

«Vers l'inconnu»

Avant les festivals et les récompenses, le travail de l'artiste a puisé son inspiration sur les rails "avec les voyages en métro ou en RER" à Paris.

"Quand j'avais 16/17 ans, les appareils ont commencé à devenir numériques. La photo n'était plus un sport de riche. Puis on a démocratisé le voyage, on pouvait voyager pour rien en train ou en avion à l'autre bout du monde. Je pense que je n'aurais pas été artiste si je n'étais pas né cette année-là", confie-t-il.

Au-delà de sa mobilité géographique, le street-artist se plait à arpenter "un chemin vers l'inconnu", "comme le monde du ballet, de l'opéra, du train, etc. Finalement, c'est là où je pense que j'apprends le plus", reconnait-il.

La rencontre faisant partie intégrante du voyage, JR revendique un "art infiltrant" impliquant activement les communautés et le public afin de gommer l'opposition entre sujets et acteurs.

En novembre, 25.000 personnes ont ainsi assisté à un spectacle de sons et lumière, avec la participation de 153 danseurs sur un immense échafaudage devant la façade du Palais Garnier à Paris, métamorphosée en grotte par l'artiste.

Cette performance hypnotisante avait fait face à de nombreux obstacles, menacée par la pluie, les alertes attentat et les incertitudes techniques qui donnaient au projet "plus de chances d'échec que de succès".

"Ce que les gens ne réalisent pas, c'est que nous-mêmes on savait pas si ça allait se passer. Mais si ça marche, d'un coup, c'est quelque chose qui n'a jamais été fait. Pour moi, c'est le signe que c'est un chemin intéressant", explique-t-il.

"C'est encore ce que je fais aujourd'hui: voyager, confronter les images aux autres, changer les perspectives, mais surtout questionner. Parce que je pense que c'est ça qui a la plus grande force de l'art."