Interview : « Nous sommes faits pour des moments comme ceux-là » affirme Marzena Kulis, directrice exécutive à Johnson & Johnson

Illustration par Luis Grañena
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Publié le Lundi 21 septembre 2020

Interview : « Nous sommes faits pour des moments comme ceux-là » affirme Marzena Kulis, directrice exécutive à Johnson & Johnson

  • Johnson&Johnson, une entreprise fondée il y a 134 ans, poursuit des recherches pour trouver un vaccin et aborde d'autres problèmes médicaux régionaux
  • Directrice générale de la division des produits médicaux de Johnson & Johnson au Moyen-Orient, Marzena Kulis se trouve, au cœur de la pandémie, à la fine pointe des évènements

Une entreprise fondée il y a 134 ans poursuit des recherches pour trouver un vaccin et aborde d'autres problèmes médicaux régionaux. Marzena Kulis est directrice générale de la division des produits médicaux de Johnson & Johnson au Moyen-Orient. Elle est consciente qu’elle se trouve à la fine pointe des évènements en travaillant  comme cadre supérieur dans une entreprise médicale pendant la plus grave crise des soins de santé depuis un siècle.

"Nous sommes faits pour des moments comme ceux-là. Notre entreprise jouit d'un héritage de 134 ans. »

"Nous avons vécu les précédentes pandémies de variole et de grippe espagnole, les crises financières, les guerres mondiales, et notre entreprise s'est développée et a grandi », a-t-elle déclaré à Arab News.

" Toutefois, il ne faut pas croire que les événements de ces derniers mois n'ont pas eu d'impact sur les entreprises locales, régionales et mondiales », a-t-elle ajouté.

J&J est un géant de plusieurs milliards de dollars de l'industrie mondiale des soins de santé. L'entreprise est présente dans la région depuis plus de 40 ans et opère à travers les trois piliers de son activité : les appareils médicaux, les produits pharmaceutiques et les produits de consommation.

Certes, la société a rehaussé son profil grâce à ses recherches en vue de développer un éventuel vaccin. J&J est l'une des nombreuses entreprises internationales qui travaillent d'arrache-pied pour mettre au point un traitement depuis la première flambée du virus au début de l'année.

Mme Kulis, économiste de formation qui a passé presque toute sa carrière dans le secteur des soins de santé, a pu le constater ces derniers mois.

"Je pense que nos équipes dans le monde entier ont travaillé sans relâche, sans vraiment faire de pause, pour trouver des solutions et, dès à présent, nous pouvons dire que de grandes quantités de vaccin seront disponibles au premier trimestre 2021 », a-t-elle déclaré.

"En septembre, nous prévoyons de commencer la troisième phase des essais sur l'homme, qui portera sur un grand nombre de populations choisies pour les essais. Toutefois, nous pensons que c'est au début de 2021 que nous serons en mesure de fournir le vaccin », a-t-elle ajouté. Certains experts de la santé critiquent la tendance au "nationalisme vaccinal » de certains pays, désireux d'être les premiers à découvrir un remède dans une course internationale, ou de garder des réserves de traitement pour leur population plutôt que les distribuer équitablement dans le monde.

"Nous sommes ouverts au débat avec tout le monde », a déclaré Mme. Kulis, soulignant les accords que J&J a signés avec les autorités américaines et européennes pour collaborer en matière de vaccins, ainsi qu'avec des organisations internationales telles que l'agence de vaccination GAVI, soutenue par de nombreux pays du Moyen-Orient, dont l'Arabie saoudite.

En outre, J&J s'est également engagé dans la campagne "We Stand with Science" pour défendre l'intégrité du processus scientifique médical dans le cadre du développement des vaccins et des normes réglementaires mondiales.

Mme Kulis est consciente de la pression exercée en vue de la production d'un vaccin "remède", mais elle estime que la sécurité est primordiale. "Bien que nous aimerions tous que le vaccin soit disponible demain, le processus doit prendre son temps pour garantir le respect des normes éthiques et des principes scientifiques", a-t-elle déclaré.

Pendant que le monde attend le vaccin, Marzena Kulis a une entreprise à gérer au Moyen-Orient. Le secteur des dispositifs médicaux dans la région comprend l'équipement chirurgical, l'orthopédie et les procédures cardiovasculaires - tous touchés par la priorité accordée aux traitements du Covid-19 pendant la pandémie.

En particulier, certaines opérations chirurgicales non urgentes ont été reléguées au dernier rang par des patients qui, à juste titre, sont soucieux de protéger leur santé durant la pandémie. Les mesures de confinement ainsi que la pression économique ont également joué un rôle.

"Les Émirats arabes unis ont repris certaines opérations. L'Arabie saoudite, de son côté,  prend plus de temps avant d’entamer les opérations facultatives, sauf dans certaines régions du pays. Donc cela a évidemment un impact », a déclaré Mme Kulis.

Les résultats financiers de l'entreprise ont été plus élevées que prévu au deuxième trimestre, bien qu'encore loin de ce qu'ils auraient été sans le virus. Un élément vraiment positif est que la chaîne d'approvisionnement mondiale de J&J est restée intacte, a-t-elle déclaré.

A travers son travail, Mme Kulis a une vision unique des problèmes médicaux de la région. Pour elle, un des problèmes majeurs est  l'obésité et ses complications. J&J mesure l'ampleur du problème de l’obésité dans tous ses aspects, des causes à la prévention et au traitement.

"La région est en tête des pays qui souffrent du problème de l'obésité et nous fournissons également une solution médicale à ce problème », a-t-elle déclaré. Elle a révélé que parmi les cinq premiers pays du monde accusant un taux d'obésité élevé, trois sont des pays du Moyen-Orient.

Sa division en Arabie saoudite constate également une augmentation de la chirurgie oncologique et gynécologique.

C’est avec une pointe d’humour que Kulis a parlé des services d’orthopédie en déclarant que "le monde marche sur nos genoux et nos hanches depuis des décennies ». Mais pour elle, il y a aussi un lien important avec l'obésité, car les personnes présentant un excès de poids sont plus susceptibles d'être confrontées à des problèmes de mobilité.

"Tôt ou tard les gens auront besoin d'un remplacement d'articulation ou d'une autre intervention orthopédique, en raison de l'obésité », a-t-elle déclaré.

De plus, les problèmes d'obésité touchent aussi le troisième secteur des dispositifs médicaux. Les services cardiovasculaires et cérébrovasculaires se concentrent sur les remèdes contre l'arythmie cardiaque et le traitement des accidents vasculaires cérébraux.

"Nous continuons à sensibiliser la population au traitement chirurgical disponible pour ces deux types de maladies. Il est particulièrement important de montrer que l’attaque cérébrale n’est pas une sentence de mort ou d'invalidité mais qu'elle peut être traitée. Les gens peuvent reprendre leur mobilité et retrouver leur qualité de vie», a affirmé Mme Kulis.

J&J considère qu'un autre problème croissant en Arabie saoudite est le traitement des lésions traumatiques dues aux accidents de la route.

« C'est un problème très répandu et très important en Arabie saoudite. Le traitement des traumatismes liés aux accidents de la route fait partie de notre activité orthopédique. Les accidents de la route sont une partie importante de notre travail dans le Royaume » a-t-elle déclaré.

Dans l'ensemble, la jeune population d'Arabie saoudite voit ses prestations de santé contrebalancées, dans une certaine mesure, par l'obésité et par d'autres problèmes liés au mode de vie, a-t-elle déclaré.

Néanmoins, J&J  considère le Royaume comme un pôle d'expansion. En 2017, l'entreprise a ouvert un siège social à Riyad, et dispose également de bases à Jeddah et à Dammam, servant de base non seulement pour les activités liées aux dispositifs médicaux, mais aussi pour les produits de consommation et les produits pharmaceutiques. L'entreprise compte au Royaume environ 180 employés, dont environ 40 % sont Saoudiens.

« Nous avons sciemment fait l'effort de faire en sorte de renforcer les capacités locales et aider la population à travailler avec nous », a-t-elle déclaré. J&J a un partenaire saoudien local, et participe à des programmes officiels pour promouvoir la santé et le mode de vie sain dans le Royaume, et travaille selon un programme pilote commun avec l'hôpital humanitaire Prince Sultan City Hospital.

En effet, le secteur de la santé a été ouvert à une plus grande participation du secteur privé dans le cadre du plan Vision 2030 visant à diversifier les industries du Royaume, et J&J souhaite vivement profiter de toute opportunité à cet égard.

« Nous explorons toujours la possibilité d'améliorer les affaires et il est certain que l'Arabie Saoudite est notre marché prioritaire ».

 « Jusqu'à présent, nous n'avons pas entamé de discussions concernant une activité de rachat ou de fusion, mais s'il y a des opportunités, nous les présenterons à notre direction. Nous étudions toute possibilité de renforcer notre présence en Arabie saoudite », a-t-elle déclaré.

C’est dans 16 pays allant du Pakistan à l'Égypte, y compris l'Arabie saoudite et les EAU, que Kulis assume, au sein de J&J, la gestion des besoins médicaux de 500 millions de personnes. Cependant, elle tient à ne pas perdre de vue l'importance des cas individuels parmi les milliers de patients qui bénéficient chaque année des produits et procédures de J&J.

"Ce qui me tient éveillée la nuit, c'est cette question : comment pouvons-nous développer notre activité pour offrir des traitements au bon moment au plus grand nombre de patients? "

« Nous sommes tous familiers avec des histoires de personnes et de familles qui ne reçoivent pas les soins à temps ou qui attendent trop longtemps pour se faire soigner. Je veux façonner mon organisation de manière à ce que nous puissions partager le même rêve : éviter ces problèmes », a-t-elle déclaré.

BIO

Née à Cracovie, en Pologne

Marzena Kulis est titulaire d'une maîtrise de l'Académie économique de Cracovie et d'un MBA de l'université de Stockholm

Elle commence sa carrière en qualité de responsable des opérations du HD, à la Banque mondiale

Elle est ensuite directrice générale de Pfizer en Pologne et dans les Pays baltes, avant de rejoindre Johnson& Johnson en tant que directrice générale Moyen-Orient


L'aéroport de Riyad presque à l'arrêt en raison de problèmes opérationnels

 L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
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  • Les compagnies aériennes publient des déclarations, tandis que des sources indiquent à Arab News que la pluie est à blâmer
  • Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne"

RIYAD: Des milliers de passagers voyageant vers et depuis l'aéroport international King Khalid de Riyad ont été laissés en plan alors que les principales compagnies aériennes se sont efforcées de proposer des vols alternatifs suite à une série d'annulations et de retards.

Saudia et flyadeal ont été parmi les compagnies aériennes qui ont rencontré des difficultés, les deux compagnies ayant publié des déclarations attribuant ces problèmes à des problèmes opérationnels temporaires.

Une déclaration de l'aéroport sur son compte officiel X a exhorté les voyageurs à contacter directement les compagnies aériennes avant de se rendre à la plate-forme d'aviation pour vérifier l'état actualisé et l'horaire de leurs vols.

Le communiqué dit ceci : "L'aéroport international King Khalid souhaite vous informer qu'en raison de la concomitance d'un certain nombre de facteurs opérationnels au cours des deux derniers jours - y compris plusieurs vols détournés d'autres aéroports vers l'aéroport international King Khalid, en plus des travaux de maintenance programmés dans le système d'approvisionnement en carburant - cela a eu un impact sur les horaires de certains vols, y compris le retard ou l'annulation d'un certain nombre de vols opérés par certaines compagnies aériennes".

L'aéroport a ajouté que les équipes opérationnelles travaillent "24 heures sur 24 en étroite coordination avec nos partenaires aériens et les parties prenantes concernées pour faire face aux développements et rétablir la régularité opérationnelle dès que possible", tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour minimiser l'impact sur l'expérience des passagers.

Des sources aéroportuaires ont déclaré à Arab News que le problème était lié aux fortes pluies qui se sont abattues sur Riyad plus tôt dans la journée de vendredi. De l'eau s'est apparemment infiltrée dans les réservoirs de carburant censés ravitailler les avions à réaction avant leur décollage, et plusieurs compagnies aériennes se sont alors efforcées de reprogrammer les vols des passagers.

Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne : "Les clients concernés sont contactés par le biais de divers canaux de communication, et tous les changements de billets sont effectués sans frais supplémentaires.

Arab News a contacté Saudia pour de plus amples informations.

Toujours dans un communiqué publié sur X, flyadeal a déclaré que tous ses passagers touchés par la perturbation "seront informés directement par e-mail et SMS des options de rebooking et d'assistance".


IA: pour la présidente de Microsoft France, il n'y a pas de «bulle»

 "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
"Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
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  • Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde
  • En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute

PARIS: "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs.

Pour certains experts, les investissements colossaux dans l'IA semblent démesurés par rapport aux bénéfices générés, alimentant la peur d'une survalorisation du secteur.

Mais selon Corine de Bilbao, à la tête de la filiale française du géant américain des logiciels depuis 2021, "il y a des signes forts" de solidité comme le fait que cette technologie se diffuse "dans toutes les sphères de la société".

Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde, dans laquelle Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars.

En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute.

Un milliard d'agents IA

L'énergéticien français TotalEnergies utilise par exemple Copilot et des agents IA, capables de réaliser des tâches de façon autonome, à travers des cas d'usage "dans la maintenance, les achats, la sécurité", énumère la patronne.

Tandis que l'assureur italien Generali a "adopté massivement l'IA et automatisé plus d'un million d'opérations", ajoute-t-elle.

"Plus d'un milliard d'agents à l'échelle mondiale vont être diffusés dans les entreprises" d'ici 2028, s'enthousiasme Corine de Bilbao, citant une étude IDC pour Microsoft.

L'irruption de l'intelligence artificielle dans les entreprises peut toutefois se traduire par des vagues de licenciements comme chez Amazon, le groupe informatique HP ou encore l'assureur allemand Allianz Partners.

Microsoft France, qui compte près de 2.000 employés, a de son côté supprimé 10% de ses effectifs via un accord collectif de rupture conventionnelle sur la base du volontariat.  -

"C'est lié à la transformation de certains métiers, mais pas à l'IA", assure la dirigeante, ajoutant qu'en parallèle Microsoft est en train de recruter "des profils plus techniques", comme des "ingénieurs solutions", pour s'adapter aux demandes de ses clients.

"L'IA suscite beaucoup de peur", reconnaît Mme de Bilbao."On préfère parler de salariés augmentés" plutôt que d'emplois supprimés, poursuit-elle, beaucoup de tâches considérées comme rébarbatives pouvant être réalisées avec l'assistance de l'intelligence artificielle.

Selon elle, l'enjeu central est surtout celui de la formation des salariés à ces nouveaux outils.

"Nouvelle économie" 

"Il n'y aura pas de déploiement de l'IA s'il n'y a pas de valeur partagée, si l'ensemble des citoyens, des étudiants, des entreprises ne sont pas formés", souligne la patronne.

En France, le géant de Redmond (Etat de Washington) a déjà formé 250.000 personnes à l'IA sur un objectif d'un million d'ici 2027 et veut accompagner 2.500 start-up françaises.

"Un écosystème complet se développe entre les fournisseurs de modèles de langage, les infrastructures, on est en train de créer une nouvelle économie autour de cette IA", déclare Corine de Bilbao.

Microsoft a ainsi annoncé en 2024 un investissement de 4 milliards d'euros en France lors du sommet Choose France pour agrandir ses centres de données dans les régions de Paris et Marseille (sud), et construire un datacenter dans l'est de la France, près de Mulhouse.

"Ca avance très bien", explique-t-elle, sans donner de date à laquelle le centre sera opérationnel. "Cela ne pousse pas comme des champignons, ce sont des projets qui prennent quelques années en général", entre le dépôt de permis, de construction et l'accompagnement.

Pour 2026, le défi sera de passer d'une intelligence artificielle "expérimentale à une IA opérationnelle, qui délivre de la valeur pour les entreprises, à la fois sur leurs revenus, la productivité, et qui les aide à se transformer", conclut-elle.


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.