Au Soudan après le putsch, grenades lacrymogènes contre désobéissance civile

Des barricades érigées dans les rues désertes de Khartoum, au premier jour d'une nouvelle campagne de désobéissance civile contre l'armée (Photo, AFP)
Des barricades érigées dans les rues désertes de Khartoum, au premier jour d'une nouvelle campagne de désobéissance civile contre l'armée (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 08 novembre 2021

Au Soudan après le putsch, grenades lacrymogènes contre désobéissance civile

Des barricades érigées dans les rues désertes de Khartoum, au premier jour d'une nouvelle campagne de désobéissance civile contre l'armée (Photo, AFP)
  • Des centaines de manifestants ont défilé à Atbara, dans le nord, au cri de «Non au pouvoir militaire»
  • Avant la manifestation dimanche, des jeunes avaient commencé dans la nuit à bloquer des routes avec briques et pavés, tandis que des magasins sont restés fermés

KHARTOUM : Les forces de sécurité soudanaises ont tiré dimanche des grenades lacrymogènes sur plusieurs cortèges et arrêté des dizaines de manifestants au premier jour d'une nouvelle campagne de désobéissance civile contre l'armée, seule aux manettes après le putsch du 25 octobre.

Depuis la dissolution ce jour-là par le général Abdel Fattah al-Burhane de l'ensemble des institutions et l'arrestation de la quasi-totalité des civils avec lesquels il partageait le pouvoir, la rue est entrée en résistance.

Dimanche, premier jour de la semaine au Soudan, des centaines de manifestants ont défilé à Wad Madani (sud) ou à Atbara (nord) au cri de "Le peuple a choisi les civils".

A Khartoum, deux cortèges ont essuyé des tirs de grenades lacrymogènes. L'un dans le turbulent quartier d'al-Bourri et l'autre composé de dizaines d'enseignants en "protestation silencieuse contre les décisions du général Burhane", a expliqué à l'AFP Mohammed al-Amine, professeur de géographie.

"La police a tiré des grenades lacrymogènes sur nous alors que nous nous tenions seulement là avec nos pancartes", a-t-il ajouté.

Selon le syndicat des enseignants, 87 manifestants ont été arrêtés "sans mandat" et une enseignante a eu la jambe cassée.

«Pas de négociation»

Depuis que le 25 octobre, des soldats ont arrêté la plupart des dirigeants civils, la liste des détenus n'a cessé de s'allonger: politiciens, militants, jeunes postés sur des barricades mais aussi hauts fonctionnaires et passants, tous appréhendés sans mandat d'arrêt.

Malgré tout, "on continuera à se battre jusqu'à ce que le pouvoir soit remis aux civils", martèle Asser Ahmed près d'une barricade à Omdourman, ville-jumelle de Khartoum, où comme dans la capitale des barrages de briques et de pavés ont été remontés dès samedi soir. Pour respecter la désobéissance civile, des magasins sont restés fermés.

L'Université de Khartoum, où des étudiantes ont été frappées par des militaires jusque dans leurs dortoirs, a annoncé un débrayage illimité tandis que l'Université de la mer Rouge, dans l'est, disait suspendre ses cours pour "la sécurité des étudiants".

De "grève générale" en manifestations monstres, les Soudanais, qui avaient forcé l'armée à démettre le dictateur Omar el-Béchir en 2019, veulent peser alors qu'à huis-clos militaires, civils et médiateurs négocient une issue à la crise.

Jusqu'ici ces discussions n'ont mené ni à la formation d'un nouveau gouvernement ou au retour de l'ancien cabinet, ni à l'adoption d'une position claire sur la reprise ou non de la transition démocratique lancée à la chute de Béchir.

"Pas de dialogue, pas de négociation, pas de partenariat" avec l'armée, clament les pro-démocratie dans des communiqués diffusés par SMS, internet étant bloqué depuis 14 jours.

En 2019, hauts-gradés et civils avaient décidé de gérer ensemble la transition mais nombreux sont ceux qui estiment aujourd'hui un tel partenariat impossible.

Préoccupation internationale

Le Premier ministre Abdallah Hamdok, en résidence surveillée, et ses rares ministres en liberté continuent de plaider le retour à l'avant 25 octobre mais l'armée veut un nouveau gouvernement plus enclin à sauvegarder ses intérêts, estiment des experts.

Dimanche soir, d'anciens rebelles armés qui avaient signé la paix avec les autorités de transition alors incarnées par le général Burhane et le technocrate Hamdok, ont dénoncé le coup d'Etat, faisant redouter un retour des tensions dans un pays déchiré par les conflits durant des décennies. 

Malik Agar, Al-Hady Idris et Al-Taher Hagar --tous membres du Conseil de souveraineté qui chapeautait la transition avant d'être dissout-- ont encore réclamé "la libération de tous les prisonniers sans condition".

Des négociateurs internationaux multiplient les rencontres avec les deux camps mais leur tâche est compliquée: le représentant de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, s'est indigné jeudi de voir que des politiciens venus le rencontrer aient été arrêtés sur le pas de sa porte.

Dimanche, une délégation de la Ligue arabe a plaidé pour le retour au partenariat entre civils et militaires auprès de M. Hamdok et du général Burhane, qui continue les purges. Après avoir démis tous les administrateurs d'entreprises publiques, il a limogé plusieurs directeurs de banques publiques.

Quatre ministres ont été libérés par l'armée, mais d'autres sont toujours retenus et le général Burhane a laissé entendre qu'ils seraient poursuivis en justice. Les ambassadeurs de la "Troïka" (Etats-Unis, Royaume-Uni, Norvège) ont rencontré dimanche des dirigeants civils libérés, affirmant qu'ils étaient en "bonne santé".

Le coup d'Etat et la répression qui a tué 14 manifestants selon des médecins ont déjà valu au Soudan sa suspension de l'Union africaine et des coupes dans l'aide internationale.


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".