FW de Klerk, dernier président blanc sud-africain et fossoyeur de l'apartheid

L'ancien président sud-africain et lauréat du prix Nobel de la paix FW De Klerk,  le 26 juillet 2007 (Photo d'archives, AFP)
L'ancien président sud-africain et lauréat du prix Nobel de la paix FW De Klerk, le 26 juillet 2007 (Photo d'archives, AFP)
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Publié le Jeudi 11 novembre 2021

FW de Klerk, dernier président blanc sud-africain et fossoyeur de l'apartheid

L'ancien président sud-africain et lauréat du prix Nobel de la paix FW De Klerk,  le 26 juillet 2007 (Photo d'archives, AFP)
  • FW De Klerk a estimé vingt ans plus tard que sa décision avait permis d'éviter «une catastrophe», sorti les Blancs de leur «isolement et de leur culpabilité» et permis aux Noirs d'accéder à «la dignité et à l'égalité»
  • Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est dit jeudi «attristé» par la mort de Frederik de Klerk, saluant le «courage» et le «réalisme» de l'ancien président sud-africain

JOHANNESBURG/ LONDRES: Le dernier président blanc sud-africain Frederik de Klerk, décédé jeudi à l'âge de 85 ans, fut un pur produit du régime raciste de l'apartheid dont il a pourtant précipité la chute en libérant Nelson Mandela, avec qui il a partagé le prix Nobel de la paix.  

Frederik Willem (FW) de Klerk a une réputation de conservateur quand il succède en 1989 au président PW Botha, affaibli par un infarctus. Mais c'est bien la fin imminente de la domination blanche que cet apparatchik du Parti national annonce le 2 février 1990.  

« L'heure des négociations est arrivée », déclare-t-il dès l'ouverture de la session au Parlement, annonçant la libération inconditionnelle du leader de l'ANC Nelson Mandela, en prison depuis 27 ans, et la levée de l'interdiction des partis anti-apartheid.  

Des pourparlers avaient été engagés en coulisses depuis quelques années mais cette décision lance véritablement le processus de transition qui débouche quatre ans plus tard sur l'organisation des premières élections multiraciales dans l'histoire du pays, remportées par Mandela.   

Les deux hommes reçoivent conjointement le prix Nobel en 1993 pour « leurs efforts visant à la disparition pacifique du régime de l'apartheid et pour l'établissement d'une nouvelle Afrique du Sud démocratique ».  

FW De Klerk a estimé vingt ans plus tard que sa décision avait permis d'éviter « une catastrophe », sorti les Blancs de leur « isolement et de leur culpabilité » et permis aux Noirs d'accéder à « la dignité et à l'égalité ».

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Dans cette photo d'archives prise le 27 avril 1996, le président Nelson Mandela tient la main du vice-président Frederik W. De Klerk, lors de la célébration de la Journée de la liberté en Afrique du Sud. (Photo, AFP)

  

FW de Klerk «a changé le cours de l'histoire », juge Boris Johnson

Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est dit jeudi « attristé » par la mort de Frederik de Klerk, saluant le « courage » et le « réalisme » de l'ancien président sud-africain qui « a changé le cours de l'histoire ».  

« Je suis attristé par la mort de FW de Klerk, un dirigeant qui a changé le cours de l'histoire en libérant Nelson Mandela et en travaillant avec lui pour mettre fin à l'apartheid et apporter la démocratie en Afrique du Sud », a réagi le dirigeant britannique sur Twitter, affirmant qu'il se « souviendra de De Klerk pour le courage d'acier et le réalisme dont il a fait preuve en faisant ce qui était manifestement juste et en laissant à l'Afrique du Sud un pays meilleur ». 

« Homme d'appareil »   

Il a accompagné pendant deux ans le processus post-électoral en devenant un vice-président de Nelson Mandela, avant de démissionner en 1996, reprochant à la nouvelle Constitution du pays de ne pas garantir aux Blancs qu'ils puissent continuer à partager le pouvoir. Et il a abandonné l'année suivante la présidence du Parti national --historiquement le parti de l'apartheid--, entamant son retrait de la vie politique.  

Depuis sa naissance le 18 mars 1936, De Klerk a toujours évolué dans les milieux nationalistes afrikaners, descendants des premiers colons européens qui parlent une langue dérivée du hollandais. Sa tante Susan était l'épouse du deuxième Premier ministre de l'apartheid Hendrik Strijdom et son père Jan fut ministre pendant quatorze ans, avant d'être président du Sénat.  

C'est assez naturellement qu'il milite au Parti national dès ses études de droit, abandonnant son métier d'avocat pour entrer au Parlement en 1972. Il rejoint le gouvernement en 1978 et devient ministre pendant onze ans, notamment à l'Education comme son père.   

A ce dernier poste, il se heurte à une jeunesse de plus en plus remontée alors que lui-même continue à prôner une stricte séparation raciale.   

Perçu comme un « dur » et proche des milieux économiques, Frederik de Klerk s'est imposé à la tête de son parti, puis de l'Etat, en 1989 quand PW Botha a eu son attaque.  

« Pour nous, M. de Klerk ne représentait rien », a écrit Nelson Mandela dans son autobiographie. « Il semblait être la quintessence de l'homme d'appareil (...) Rien dans son passé ne semblait indiquer l'ombre d'un esprit de réforme. »   

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Les deux hommes reçoivent conjointement le prix Nobel en 1993 pour «leurs efforts visant à la disparition pacifique du régime de l'apartheid et pour l'établissement d'une nouvelle Afrique du Sud démocratique» (Photo, AFP)

 

Tutu salue son «courage », critique son manque de remords

Le révérend Desmond Tutu a salué le « courage » de l'ancien président FW de Klerk, décédé à 85 ans, à mener la transition démocratique de l'Afrique du Sud, mais pointant son manque de remords au sujet de l'apartheid.  

De Klerk a eu le grand mérite de sentir le vent de l'histoire: « À une époque où tous ses collègues ne voyaient pas la trajectoire future du pays de la même manière, il a reconnu le moment du changement et a fait preuve de la volonté d'agir en conséquence », a souligné Mgr Tutu dans un communiqué.  

Il occupe « un espace historique mais difficile » dans le pays, comme dernier président « d'un gouvernement minoritaire après 350 ans de régime colonial et d'apartheid, qui a cédé le pouvoir à un président extrêmement populaire, Nelson Mandela » élu en 1994, avec lequel il a partagé un prix Nobel.   

« Alors que certains Sud-Africains avaient du mal à accepter la reconnaissance mondiale de M. de Klerk, M. Mandela lui-même l'a félicité pour le courage dont il a fait preuve en menant à bien le processus de transformation politique du pays », souligne le révérend âgé de 90 ans et connu pour son franc-parler et son rire féroce.  

Tutu, qui a dirigé la commission Vérité et réconciliation chargée de solder les crimes de l'apartheid, rappelle qu'après l'audition de M. de Klerk devant cette instance il avait dit publiquement sa « déception ».  

« L'ancien président n'avait pas présenté, au nom du Parti national (qui a instauré le régime ségrégationniste), de profondes excuses à la nation pour les terribles méfaits de l'apartheid », affirme le communiqué, adressant de « sincères condoléances » à sa famille.  

« Un pragmatique »   

Le leader de l'ANC étudie son nouvel adversaire, depuis sa prison: « Je compris qu'il représentait une rupture totale avec son prédécesseur », a-t-il conclu. « Ce n'était pas un idéologue mais un pragmatique, un homme qui considérait le changement comme nécessaire et inévitable. »  

De Klerk, crâne dégarni et regard clair, avait été frappé par « l'aristocratie » de Mandela, encore prisonnier lors de leur première rencontre fin 1989 dans son bureau, « son calme et l'intensité de son écoute ».   

Il a dû se battre durement au sein de son propre camp pour faire accepter la fin de plus de trois cents ans de domination blanche.  

Paradoxalement, sa fondation créée en 2000 est au fil du temps devenue une machine de défense des Afrikaners, tandis que FW de Klerk multipliait les déclarations contre le pouvoir de l'ANC.  

En 2012, il s'était permis de critiquer Nelson Mandela --une sorte de crime de lèse-majesté en Afrique du Sud-- qui n'était selon lui « pas du tout la figure de saint bienveillante si largement représentée aujourd'hui », ajoutant que son meilleur ennemi des années 1990 était « brutal » et « injuste ».  

Quelques mois plus tard, il avait justifié la politique des bantoustans, entités territoriales assignées aux Noirs sous l'apartheid, tentant ensuite d'expliquer qu'on l'avait mal compris.  

En 2020, il avait encore déclenché une vive polémique en niant que l'apartheid ait été un crime contre l'humanité, avant de présenter des excuses.  

En mars, le jour de son 85ème anniversaire, il avait annoncé souffrir d'un cancer. 

Les grandes dates de Frederik de Klerk

Voici les grandes dates de la vie de Frederik de Klerk, dernier président blanc de l'Afrique du Sud qui mit fin à l'apartheid en 1991.  

  • 18 mars 1936: naissance à Johannesburg de Frederik Willem de Klerk dans une famille afrikaner.  
  • 1972: entame sa carrière politique avec son élection au Parlement sous l'étiquette du Parti national (NP), abandonne son métier d'avocat.  
  • 1978-1989: ministre (Postes et télécommunications, Mines et Energie, Intérieur et Education).  
  • 1989-1994: président de l'Afrique du Sud.  
  • 2 février 1990: légalise le Congrès national africain (ANC) et la libération de son chef historique Nelson Mandela.    
  • 1991: met fin au régime de l'apartheid qui depuis 1948 faisait de la ségrégation raciale la clé de voûte de la vie économique, politique et sociale de son pays.  
  • 1993: reçoit le prix Nobel de la paix avec Nelson Mandela pour avoir mis un terme à l'apartheid.  
  • 9 septembre 1997: quitte la direction du Parti national et se retire de la vie politique.  
  • 2000: crée la fondation FW de Klerk pour promouvoir la paix dans les Etats multi-communautaires.  
  • 4 décembre 2001: son ex-épouse Marike de Klerk est assassinée à son domicile au Cap.  
  • 14 février 2020: affirme publiquement que l'apartheid n'est pas un crime contre l'humanité avant de présenter ses excuses.   
  • 18 mars 2021: Sa fondation annonce qu'il souffre d'un cancer. 

Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.