Penelope, une épouse discrète dans l'ombre de François Fillon

 Après des décennies dans l'ombre de François Fillon, Penelope Fillon, 66 ans, épouse discrète de l'ex-candidat de la droite à la présidentielle de 2017, s'est retrouvée sous les projecteurs pour une affaire d'emplois fictifs, qui lui a valu d'être condamnée à trois ans de prison avec sursis en 2020. (Photo, AFP)
Après des décennies dans l'ombre de François Fillon, Penelope Fillon, 66 ans, épouse discrète de l'ex-candidat de la droite à la présidentielle de 2017, s'est retrouvée sous les projecteurs pour une affaire d'emplois fictifs, qui lui a valu d'être condamnée à trois ans de prison avec sursis en 2020. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 13 novembre 2021

Penelope, une épouse discrète dans l'ombre de François Fillon

  • Plus d'un an et demi après avoir fait appel de sa condamnation dans l'affaire dite «Penelopegate», Mme Fillon se retrouve à nouveau devant les juges, aux côtés de son mari, à partir de lundi et jusqu'au 30 novembre
  • D'elle, on sait peu de choses, tant cette femme timide aux cheveux poivre et sel et regard bleu perçant, a toujours fui la lumière, quitte à «changer de trottoir» quand elle aperçoit un photographe

PARIS : Après des décennies dans l'ombre de François Fillon, Penelope Fillon, 66 ans, épouse discrète de l'ex-candidat de la droite à la présidentielle de 2017, s'est retrouvée sous les projecteurs pour une affaire d'emplois fictifs, qui lui a valu d'être condamnée à trois ans de prison avec sursis en 2020.


Plus d'un an et demi après avoir fait appel de sa condamnation dans l'affaire dite "Penelopegate", Mme Fillon se retrouve à nouveau devant les juges, aux côtés de son mari, à partir de lundi et jusqu'au 30 novembre. 


D'elle, on sait peu de choses, tant cette femme timide aux cheveux poivre et sel et regard bleu perçant, a toujours fui la lumière, quitte à "changer de trottoir" quand elle aperçoit un photographe.  


Originaire du petit village de Llanover, près d'Abergavenny au Pays de Galles, Penelope Kathryn Clarke, née en 1955 d'un père anglais et d'une mère galloise, rencontre François Fillon dans les années 1970, quand elle est assistante d'anglais dans un lycée du Mans. Tous deux sont alors étudiants en droit. Ils se marient quelques années plus tard. Sa soeur aînée, Jane, épousera Pierre, le frère de François. 

Passionnée de chevaux
Pour lui, elle quitte son pays, change de religion (de l'anglicanisme au catholicisme), renonce à une future carrière d'avocate. Ils ont cinq enfants, quatre garçons et une fille. François poursuit une carrière politique qui le mènera jusqu'à Matignon. Passionnée de chevaux, elle préfère une vie plus calme à l'ombre du beau manoir qu'elle et son mari possèdent à Solesmes, dans la Sarthe.  


"Je suis de nature réservée et peu mondaine", affirmait-elle avant son procès en première instance dans l'un de ses rares entretiens avec la presse. Depuis sa condamnation, la franco-galloise se montre encore plus discrète, échaudée par une mauvaise publicité qui a éloignée d'elle connaissances et amis plus ou moins proches.


L'affaire, elle y pense "tous les jours. François aussi mais lui, il a plus d'activités pour s'évader dans autre chose. Moi j'ai tendance à ruminer", confie l'épouse de l'ex-Premier ministre à Tugdual Denis, auteur de "La vérité sur le mystère Fillon", paru en 2020.


Même son prénom, associé à "gate" donc à scandale, elle ne le supporte plus. "Quand je suis arrivée ici, les Français avaient une façon très étrange de prononcer mon surnom. Ou bien "Pénée", comme si j'étais dans la peine, ou bien "Pinny", ce qui signifie "tablier" en anglais. François a donc décidé qu'on m'appelerait Penelope. Mais depuis cette histoire, je ne veux plus l'entendre...".


«Victime consentante»
Les ennuis ont commencé avec des révélations du Canard Enchaîné sur les salaires qu'elle avait touchés avec plusieurs contrats comme assistante parlementaire de son époux puis de son suppléant - au total 680.380 euros net entre 1986 et 2013, plus 45.000 euros d'indemnités de licenciement.


Pour elle, "tout était légal et tout était déclaré". "Je traitais le courrier en lien avec la secrétaire. Je préparais des notes et des fiches (...) je lui faisais aussi une sorte de revue de presse locale. Je le représentais à des manifestations. Je relisais ses discours", a-t-elle expliqué à un hebdomadaire français.  


Mais le doute s'est installé: elle ne venait jamais à l'Assemblée nationale, les autres assistants parlementaires ne savaient rien de ses activités. Elle avait elle-même confié à des journalistes qu'elle se tenait "à distance" de la vie politique de son époux. "Je n'ai jamais été réellement son assistante ni quoi que ce soit de ce genre", déclarait-elle ainsi en 2007 à un journal britannique en se définissant comme une "paysanne" passionnée de jardinage et d'équitation. 


Pendant la primaire de la droite, à l'automne 2016, elle avait fait de rares apparitions, notamment pour le lancement d'un comité "Les femmes avec Fillon".


"Nous avons mal pour vous, Madame", avait tonné le procureur de la République, dans son réquisitoire en mars 2020. "François Fillon a pris en otage son épouse", mais "Penelope Fillon est une victime consentante de son mari", poursuivait le magistrat, tandis que Mme Fillon reconnaissait avec fatalisme: "C'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de preuves concrètes de ce que je faisais".

Soupçons d'emplois fictifs: l'ex-Premier ministre français Fillon de retour devant la justice

PARIS : François Fillon de retour à la barre: l'ancien Premier ministre français est jugé en appel à partir de lundi aux côtés de sa femme et de son ancien suppléant dans l'affaire des soupçons d'emplois fictifs qui avait miné sa campagne présidentielle en 2017.


Ce deuxième procès se tient près d'un an et demi après la condamnation de l'ancien locataire de Matignon, pour détournement de fonds publics notamment, à cinq ans d'emprisonnement dont deux ferme, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité. Il avait aussitôt fait appel. 


Alors que se prépare un nouveau scrutin présidentiel, la cour d'appel de Paris examine jusqu'au 30 novembre un dossier qui reste synonyme d'un naufrage politique.  


Dès les premières révélations du journal satirique Canard enchaîné en janvier 2017, la justice s'était saisie et le candidat Fillon, héraut de l'intégrité et favori des sondages, avait été mis examen à six semaines du premier tour, dont il était finalement sorti éliminé. 


Aujourd'hui âgé de 67 ans et retraité, François Fillon devra à nouveau s'expliquer sur trois contrats de son épouse Penelope comme assistante parlementaire, signés par lui et par celui qui était alors son suppléant, Marc Joulaud, entre 1998 et 2013.


Des prestations rémunérées 613.000 euros nets, "fictives ou surévaluées" selon l'accusation, pour qui les activités de Mme Fillon relevaient du "rôle social" d'une "conjointe d'homme politique", mais pas d'une collaboratrice. Le travail de Penelope Fillon était certes "discret" mais déterminant, a toujours clamé son mari, qui affirme notamment qu'elle gérait son courrier et relisait des discours.


Le couple Fillon est aussi jugé pour l'emploi de leurs deux enfants en tant qu'assistant parlementaire de leur père sénateur entre 2005 et 2007, ainsi que pour le contrat de Penelope Fillon comme "conseillère littéraire" en 2012 et 2013 à la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière.


Ami de François Fillon, ce dernier a reconnu, dans une procédure distincte, un emploi en partie fictif et il a été condamné en 2018 pour abus de biens sociaux.


François Fillon est enfin jugé pour avoir omis de déclarer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique un prêt de 50.000 euros - il a été relaxé en première instance.

«Assistance»
L'enjeu de ce procès en appel est que "l'innocence" de François Fillon "et celle de son épouse soient enfin reconnues", a dit à l'AFP l'avocat de François Fillon, Me Antonin Lévy.


En première instance, Penelope Fillon a été condamnée à trois ans de prison avec sursis, 375.000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité. Marc Joulaud s'est vu infliger trois ans d'emprisonnement avec sursis, 20.000 euros d'amende avec sursis et cinq ans d'inéligibilité. Tous deux ont aussi fait appel.


"L'assistance" de la Franco-Galloise de 66 ans "correspondait exactement à ce dont Marc Joulaud avait besoin pour exercer au mieux le mandat de suppléant de François Fillon, pendant que celui-ci exerçait à Paris les responsabilités de ministre", a assuré à l'AFP l'avocat de M. Joulaud, Me Jean Veil.


L’Assemblée nationale, partie civile, avait obtenu plus d'un million d'euros en dommages et intérêts.


La défense, qui critique depuis l'origine une enquête "à charge", compte aussi évoquer une polémique née quelques jours avant le prononcé du jugement de première instance: l'ex-cheffe du parquet national financier (PNF), Éliane Houlette, avait parlé en commission parlementaire des "pressions" hiérarchiques dans ce dossier, ce qui avait provoqué un tollé. La magistrate avait ensuite regretté que ses propos aient été "déformés ou mal compris".


Le chef de l'Etat Emmanuel Macron avait à l'époque saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui a depuis conclu, en septembre 2020, que la justice a fonctionné "de façon indépendante" dans cette affaire hors norme, tout en prônant une réforme pour lever à l'avenir toute suspicion de partialité. 


Vaste opération des forces de l'ordre en Nouvelle-Calédonie, après six morts dans des émeutes

Une rue bloquée par des débris et des objets brûlés est visible après les troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024.  (Photo Delphine Mayeur / AFP)
Une rue bloquée par des débris et des objets brûlés est visible après les troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur / AFP)
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  • Cette opération «avec plus de 600 gendarmes» vise «à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport», a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un message sur X
  • Sur la route vers l’aéroport, des indépendantistes filtraient toujours le passage par de très nombreux barrages faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentaient

NOUMÉA, France : L'Etat français a lancé dimanche une vaste opération des forces de l'ordre dans son archipel du Pacifique Sud de Nouvelle-Calédonie pour dégager la route vers l'aéroport, après six morts en six jours d'émeutes contre une réforme électorale.

Cette opération «avec plus de 600 gendarmes» vise «à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport», a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un message sur X.

Une urgence pour les autorités, d'autant que la Nouvelle-Zélande a annoncé dimanche avoir demandé à la France de pouvoir poser des avions, afin de rapatrier ses ressortissants.

«Nous sommes prêts à décoller, et attendons l'autorisation des autorités françaises pour savoir quand ces vols pourront avoir lieu en toute sécurité», a indiqué dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères, Winston Peters.

En l'absence de vols depuis et vers la Nouvelle-Calédonie, suspendus depuis mardi, le gouvernement de l'archipel estimait samedi que 3.200 personnes étaient bloquées, soit parce qu'elles ne pouvaient pas quitter l'archipel, soit parce qu'elles ne pouvaient pas le rejoindre.

- Plus de 3.000 personnes bloquées -

Pour déblayer la route vers l'aéroport, un convoi constitué notamment de blindés et d'engins de chantier à quitté Nouméa, dans un premier temps vers Païta.

Mais des journalistes de l'AFP ont constaté que dimanche à la mi-journée, à Nouméa et dans les communes avoisinantes, des indépendantistes filtraient toujours le passage par de très nombreux barrages faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentaient.

«On est prêt à aller jusqu’au bout, sinon à quoi bon?», a dit un manifestant à l'AFP sur un barrage à Tamoa.

Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi après-midi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois civils kanaks, dans l'agglomération de Nouméa.

Dans un communiqué dimanche matin, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a fait cependant état d'une nuit «plus calme», soulignant que l'Etat se mobilisait.

«Au total, 230 émeutiers ont été interpellés» en près d'une semaine, a-t-il précisé.

Reprendre le contrôle par la force devrait être un travail de longue haleine pour les forces de l'ordre. La violence dans certains quartiers chaque nuit montre que les émeutiers restent très déterminés.

«La réalité c'est qu'il y a (...) des zones de non-droit (...) qui sont tenues par des bandes armées, des bandes indépendantistes, de la CCAT. Et dans ces endroits, ils détruisent tout», affirmait samedi sur BFMTV le vice-président de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Blaise.

La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) est une organisation indépendantiste radicale accusée d'inciter à la plus grande violence.

- «Ingérences» -

Nouvel exemple des troubles dans la nuit de samedi à dimanche: d'après la chaîne de télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, la médiathèque du quartier de Rivière salée à Nouméa a été incendiée.

Interrogée par l'AFP, la mairie de Nouméa a répondu dimanche matin n'avoir «aucun moyen pour le moment de le vérifier, le quartier étant inaccessible».

La maire de Nouméa, Sonia Lagarde (Renaissance), estimait samedi sur BFMTV que la situation était «loin d'un retour à l'apaisement». «Est-ce qu'on peut dire qu'on est dans une ville assiégée? Oui, je pense qu'on peut le dire», ajoutait-elle.

Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18H00 et 6H00 (7H00 et 19H00 GMT), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool, et le bannissement de l'application TikTok.

Signe d'une situation qui pourrait durer, le passage de la flamme olympique en Nouvelle-Calédonie prévu le 11 juin a été annulé.

Pour la population, se déplacer, acheter des produits de première nécessité et se soigner devient plus difficile chaque jour. De moins en moins de commerces réussissent à ouvrir, et les nombreux obstacles à la circulation compliquent de plus en plus la logistique pour les approvisionner, surtout dans les quartiers les plus défavorisés.

Dimanche matin, la province Sud, qui regroupe près des deux tiers de la population, a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées dans la semaine.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak, qui redoutent une réduction de leur poids électoral.

Sans faire de lien direct avec les violences, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a accusé l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie, Bakou dénonçant des accusations «infondées».

Le sénateur français Claude Malhuret, rapporteur d'une commission d'enquête sur TikTok, interdit sur l'archipel en raison des émeutes, a lui estimé qu'il fallait plus craindre «des ingérences de la Chine» qui «veut être dans son pré carré en mer de Chine mais également prépondérante dans le Pacifique». «Elle a besoin de nickel pour produire ses batteries», a-t-il expliqué dans un entretien à l'AFP, en référence au minerai brut dont l'archipel détient 20 à 30% des ressources mondiales.

 


Le premier procès en France pour juger les crimes du régime syrien s'ouvre mardi

Le nouveau procureur antiterroriste français Olivier Christen pose lors d'une séance photo à Paris le 28 mars 2024 (Photo, AFP).
Le nouveau procureur antiterroriste français Olivier Christen pose lors d'une séance photo à Paris le 28 mars 2024 (Photo, AFP).
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  • Prévue sur quatre jours, l'audience sera filmée au titre de la conservation d'archives historiques de la justice
  • Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud

PARIS: Une première en France: trois hauts responsables du régime de Bachar Al-Assad seront jugés à partir de mardi, par défaut, de complicité de crimes contre l'humanité et de délit de guerre devant la cour d'assises de Paris, pour leur rôle dans la mort de deux Franco-syriens arrêtés en 2013.

Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011".

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Mais dans ces cas, les personnes poursuivies étaient de rang inférieur, et présentes aux audiences.

Visés par des mandats d'arrêt internationaux, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ancien directeur des très redoutés services de renseignements de l'armée de l'Air et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur de la branche investigation de ces services, seront jugés, eux, par défaut.

Pour cette raison, la cour d'assises sera composée de trois magistrats professionnels, sans jurés.

Prévue sur quatre jours, l'audience sera filmée au titre de la conservation d'archives historiques de la justice. Et pour la première fois à la cour d'assises de Paris, un interprétariat en arabe sera assuré pour le public.

Les deux victimes, Patrick et son père Mazzen Dabbagh, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas né en 1993 pour le premier et conseiller principal d'éducation à l'Ecole française de Damas né en 1956 pour le deuxième, avaient été arrêtés en novembre 2013 par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l'armée de l'Air syrienne.

Torture 

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes, de nationalités française et syrienne, ont été transférés à l'aéroport de Mezzeh, siège d'un lieu de détention dénoncé comme un des pires centres de torture du régime.

Puis ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018. Selon les actes de décès transmis à la famille, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazzen le 25 novembre 2017.

Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d'instruction jugent "suffisamment établi" que les deux hommes "ont subi comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l'armée de l'Air, des tortures d'une telle intensité qu'ils en sont décédés".

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, violences sexuelles... lors des investigations, plusieurs dizaines de témoins - dont plusieurs déserteurs de l'armée syrienne et des anciens détenus d'al-Mezzeh - ont détaillé aux enquêteurs français et à l'ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans la prison de Mezzeh.

Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud. Des faits "susceptibles de constituer les délits de guerre, d'extorsion et de recel d'extorsion", selon l'accusation, qui souligne que "l'appréhension des propriétés des Syriens disparus, placés en détention, déplacés de force ou réfugiés, représentait un véritable enjeu pour le régime syrien".

"Beaucoup pourraient considérer ce procès comme symbolique, mais il s'inscrit dans un long processus et doit se lire à l'aune des procès" déjà tenus ou en cours ailleurs dans le monde, observe Me Clémence Bectarte, qui défend plusieurs parties civiles. "Tout cela participe à un effort de lutte contre l'impunité des crimes du régime syrien, d'autant plus indispensable que ce combat pour la justice est aussi un combat pour la vérité".

"On a tendance à oublier que les crimes du régime sont encore commis aujourd'hui", met en garde l'avocate. Ce procès vient rappeler qu'"il ne faut en aucun cas normaliser les relations avec le régime de Bachar al-Assad".


En Nouvelle-Calédonie, situation «plus calme» mais vie quotidienne difficile

Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
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  • Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation
  • Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel

NOUMÉA, France : La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile samedi, malgré une situation «plus calme» sur la majeure partie de l'archipel français du Pacifique Sud, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Le danger subsiste par ailleurs dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route en heurtant une épave de voiture, selon le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a aussi recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanaks, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires.

- Strict minimum -

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente restaient très longues samedi.

«Cela fait plus de trois heures qu'on est là», soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.

Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité» et un «pont aérien» entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.

Face à la «gravité» de la situation et afin «de répondre aux besoins sanitaires de la population», l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.

- «Grande fermeté» -

A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les «criminels» arrêtés sur le «Caillou» en métropole «pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles».

Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur «les commanditaires» des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des action de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.

«J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a déclaré le procureur Yves Dupas, pointant «ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation «mafieuse».

Vendredi, ce collectif a demandé «un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation «n'a pas appelé à la violence», attribuant ces émeutes à une «population majoritairement kanak marginalisée».

Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.

Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.

Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan «d'ingérences» en Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel.

Paris a évoqué une «propagation massive et coordonnée» de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.