Soudan: le chef d'Al-Jazeera arrêté, six manifestants anti-putsch tués

Après cette journée de mobilisation, le bilan des manifestants tués dans la répression depuis le 25 octobre s'établit à 21 morts et plusieurs centaines de blessés. (Photo, AFP)
Après cette journée de mobilisation, le bilan des manifestants tués dans la répression depuis le 25 octobre s'établit à 21 morts et plusieurs centaines de blessés. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 15 novembre 2021

Soudan: le chef d'Al-Jazeera arrêté, six manifestants anti-putsch tués

Après cette journée de mobilisation, le bilan des manifestants tués dans la répression depuis le 25 octobre s'établit à 21 morts et plusieurs centaines de blessés. (Photo, AFP)
  • Les autorités «ont perquisitionné la maison du chef de bureau d'Al-Jazeera, Al-Moussalami al-Kabbachi», un Soudanais, et l'ont arrêté
  • Dimanche, la chaîne a dit «tenir les autorités soudanaises responsables de la sécurité de tous ses employés»

KHARTOUM : Les forces de sécurité ont arrêté dimanche le chef de bureau de la chaîne qatarie Al-Jazeera à Khartoum, renforçant la pression sur les médias au lendemain de la mort de six manifestants lors d'une des journées les plus sanglantes depuis le putsch militaire.

Après la détention de centaines de militants, opposants et manifestants hostiles au coup d'Etat mené le 25 octobre par le général Abdel Fattah al-Burhane, les autorités "ont perquisitionné la maison du chef de bureau d'Al-Jazeera, Al-Moussalami al-Kabbachi", un Soudanais, et l'ont arrêté", selon la télévision satellitaire.

Le Soudan est entré dans une période de turbulence le 25 octobre quand le général Burhane, le chef de l'armée et auteur du coup d'Etat, a fait arrêter la plupart des civils avec lesquels il partageait le pouvoir, dissous les institutions du pays dont la plus importante -le Conseil de souveraineté- et décrété l'état d'urgence.

Depuis, Al-Jazeera a couvert et diffusé en direct les manifestations hostiles au putsch et interviewé il y a moins d'une semaine le général Burhane qui n'a accordé que deux entretiens depuis son coup de force.

Dimanche, la chaîne a dit "tenir les autorités soudanaises responsables de la sécurité de tous ses employés", ajoutant qu'elle continuera "à couvrir les affaires mondiales" avec "professionnalisme".

Avant l'arrestation de M. Kabbachi dont les causes demeurent inconnues, de nombreux journalistes des médias officiels ont, dans le sillage du putsch, été remplacés et interdits de revenir à leur poste.

Manifestations mercredi

Samedi, les partisans d'un pouvoir civil sont parvenus à rassembler à travers le pays des dizaines de milliers de personnes contre le coup d'Etat, malgré un déploiement militaire impressionnant et une coupure d'internet persistante. 

"Plus de 50 personnes ont été arrêtées samedi. Les juges ont ordonné leur libération mais la police les a emmenées dans un lieu inconnu", a déclaré l'avocate Enaam Attik.

Selon un dernier bilan du syndicat de médecins prodémocratie, six manifestants ont été tués dans les défilés à Khartoum, dont un adolescent de 15 ans et un jeune de 18 ans, al-Cheikh Yasser Ali.

Son oncle, Zaher Ali, a assisté à l'autopsie. "Il a reçu une balle qui lui a perforé le coeur et les poumons. C'était horrible, j'ai failli m'évanouir à la morgue", a-t-il raconté à l'AFP à Omdourman, banlieue nord-est de Khartoum.

Depuis le 25 octobre, 21 manifestants ont été tués et des centaines blessés dans la répression d'après le syndicat. 

La police a nié avoir ouvert le feu sur les manifestants et fait état de blessés dans ses rangs.

L'ambassade des Etats-Unis a condamné un usage "excessif de la force". Vicky Ford, chargée de l'Afrique pour la diplomatie britannique, a estimé que "les Soudanais doivent pouvoir exprimer leurs opinions", appelant l'armée à "écouter le nombre énorme réclamant le retour à la transition démocratique".

L'Union européenne a indiqué qu'elle "tiendrait les autorités pour responsables des violations des droits humains" et s'est dite "très inquiète" de la détention de journalistes.

Dès vendredi, l'ONU et plusieurs ambassadeurs occidentaux avaient appelé les forces de sécurité à la retenue dans un pays où plus de 250 manifestants ont été tués lors de la révolte populaire qui poussa l'armée à écarter en avril 2019 le dictateur Omar el-Béchir.

Mais la répression sanglante n'a pas entamé la détermination du front anti-putsch.

Les Forces de la liberté et du changement (FLC), bloc civil né de la révolte anti-Béchir, ont appelé à une nouvelle manifestation mercredi.

"Notre route vers un Etat civil et démocratique ne s'arrête pas là", a affirmé dans un communiqué le bloc, dont plusieurs dirigeants ont été arrêtés depuis le putsch. 

«Le peuple décide»

"Pas de négociation avec les putschistes, c'est le peuple qui décide", a affirmé l'un des leaders des FLC, Hamza Baloul, ministre de l'Information arrêté le 25 octobre puis relâché, qui a manifesté samedi, selon une vidéo en ligne.

A l'étranger, des Soudanais ont protesté dans plusieurs villes européennes.

Faisant fi des condamnations internationales, le général Burhane a rétabli, sous sa direction, le Conseil de souveraineté en y nommant des militaires et des civils apolitiques en remplacement de ceux qu'il avait déposés ou arrêtés.

Lui et son second, le général Mohammed Hamdane Daglo, chef des RSF accusé d'exactions, ont promis "des élections libres et transparentes" à l'été 2023.

Des promesses loin d'avoir apaisé l'opposition.

"Maintenant que le coup d'Etat a eu lieu, les militaires veulent consolider leur mainmise sur le pouvoir", selon Jonas Horner, chercheur à l'International Crisis Group. 

L'armée n'a libéré que quatre ministres arrêtés lors du putsch, et le Premier ministre renversé Abdallah Hamdok demeure en résidence surveillée. 

Face aux appels à un retour au gouvernement civil, le général Burhane n'a toujours pas annoncé un nouveau gouvernement dont il a pourtant promis la formation "imminente".


Le président syrien à la Maison Blanche le 10 novembre

Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
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  • Le président syrien Ahmad al-Chareh sera reçu lundi à la Maison-Blanche par Donald Trump, une première historique qui s’inscrit dans les efforts américains pour la paix mondiale
  • Les discussions porteront sur la levée des sanctions, la lutte contre l’État islamique et la reconstruction de la Syrie, après plus de 14 ans de guerre

WASHINGTON: La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a indiqué mardi que le président syrien Ahmad al-Chareh serait reçu lundi à la Maison Blanche par Donald Trump.

Il sera le premier chef d'Etat syrien à faire cette visite, qui "fait partie des efforts" du président américain "pour la paix dans le monde", a déclaré la porte-parole pendant une conférence de presse.

Elle a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l'ordre du jour de la réunion lundi.

Karoline Leavitt a par ailleurs jugé que la Syrie avait fait "des progrès" sur la voie de la paix avec ce nouveau dirigeant.

Ce sera la deuxième visite aux Etats-Unis d'Ahmad al-Chareh après son passage en septembre à l'ONU à New York, où cet ancien jihadiste est devenu le premier président syrien depuis 1967 à s'adresser à l'Assemblée générale.

Selon le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani, la discussion avec Donald Trump portera aussi sur la lutte contre le groupe Etat islamique et sur la reconstruction en Syrie, après plus de 14 ans de guerre.

Le président américain avait dressé en mai un portrait élogieux d'Ahmad al-Chareh, parlant d'un "gars costaud" et assurant que leur première rencontre, qui a eu lieu en Arabie saoudite, s'était "très bien passée".

Il l'avait pressé à l'époque de rejoindre les accords d'Abraham, une initiative diplomatique dont Donald Trump est particulièrement fier, et qui avait vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.


Soudan: le ministre de la Défense affirme que la guerre va continuer

Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
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  • Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a annoncé la poursuite de la guerre contre les paramilitaires des FSR, malgré une proposition américaine de cessez-le-feu
  • Depuis la chute d’El-Facher, des exactions massives sont rapportées, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée

PORT-SOUDAN: Le ministre soudanais de la Défense a affirmé mardi que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d'une proposition américaine de cessez-le-feu.

"Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours", a déclaré le ministre, Hassan Kabroun, dans un discours télévisé.

"Nous remercions l'administration Trump pour ses efforts et ses propositions afin de parvenir à la paix", a-t-il dit, tous en affirmant que la guerre était "un droit national légitime".

Aucun détail sur la proposition américaine n'a été rendu public.

Le gouvernement américain "est tout à fait impliqué" pour tenter de trouver une issue "pacifique" au conflit qui ravage le Soudan, a assuré mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, tout en reconnaissant que "la situation sur le terrain est très compliquée".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, chef des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont pris le 26 octobre El-Facher, dernière ville de la vaste région du Darfour, dans l'ouest, qui échappait à leur contrôle.

Les combats se concentrent désormais sur la région voisine du Kordofan, dans le centre du Soudan, où l'ONU a fait état d'exactions et de déplacements massifs de population ces derniers jours.

- "Incontrôlable" -

Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence, dès maintenant".

"La crise terrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il prévenu, alors que le Conseil de défense et de sécurité présidé par le général Burhane s'est réuni dans la journée pour étudier une proposition américaine de trêve.

L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené ces derniers jours des entretiens au Caire dans le but de finaliser une proposition de trêve humanitaire formulée mi-septembre sous son égide par un groupe de médiateurs incluant l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Le groupe de médiation, dit du Quad, travaille sur un plan global de paix pour le Soudan, mais ses dernières propositions, présentées mi-septembre à Washington, sont restées lettre morte. Jusqu'à présent, le général Burhane a accueilli négativement ce plan prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.

- "Ne tuez pas les enfants" -

Depuis la chute d'El-Facher, après 18 mois de siège par les paramilitaires, les informations et les témoignages se multiplient sur les exécutions, les pillages, les viols, les attaques contre des humanitaires, documentés par des images satellite et par des vidéos publiées par les combattants eux-mêmes.

Le général Burhane a affirmé sa volonté de "se venger" de la prise de cette grande ville, tandis que le chef des FSR s'est dit déterminé à poursuivre les conquêtes sur le terrain.

Mardi, la représentante de l'ONU en charge des questions humanitaires, Denise Brown, a déploré que la ville d'El-Facher reste "barricadée" et fermée à l'aide humanitaire.

"La livraison d'aide de survie cruciale reste bloquée par les FSR contrairement à leurs obligations à l'égard des lois internationales", a-t-elle déclaré.

Près de 71.000 civils ont fui la ville depuis sa prise par les FSR, certains ayant trouvé refuge à Tawila, à environ 70 km à l'ouest.

"Ne tuez pas les enfants, ne tuez pas les femmes", pouvait-on lire en arabe sur une pancarte écrite à la main lors d'une manifestation lundi d'enfants à Khartoum, la capitale du pays sous contrôle de l'armée.

Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de 12 millions de déplacés, selon l'ONU, se joue sur fond de rivalités régionales.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient leur implication.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.