Migrants: en Irak, des «forfaits tout compris» pour le Bélarus

Sangar, Kurde d'Irak, est à tel point fatigué qu'il se dit prêt «à aller dans n'importe quel pays qui acceptera» ses trois enfants. (Photo, AFP)
Sangar, Kurde d'Irak, est à tel point fatigué qu'il se dit prêt «à aller dans n'importe quel pays qui acceptera» ses trois enfants. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mardi 16 novembre 2021

Migrants: en Irak, des «forfaits tout compris» pour le Bélarus

  • «Certains ont payé 3 000 dollars, d'autres jusqu'à 25 ou 30 000 dollars, à une agence de voyages à Bagdad»
  • «Ce sont des forfaits tout compris», résume M. Bakr. «Il y a deux mois, ils coûtaient 2 500 dollars. Aujourd'hui on est entre 3 500 et 4 000 dollars»

BAGDAD : Ils ont payé des milliers de dollars pour parcourir des centaines de kilomètres dans l'espoir d'un "avenir" en Europe: le périple aérien des migrants irakiens jusqu'à la frontière polono-bélarusse commence souvent chez des tour-opérateurs qui leur vendent des "forfaits tout compris".

Bakr a 28 ans et c'est une exception parmi les milliers de migrants campant côté bélarusse dans des conditions effroyables. Contrairement à la majorité de ses compagnons de galère, il n'est pas kurde d'Irak mais arabe. Il vient d'Al-Anbar, dans l'ouest du pays.

"Nous sommes exténués et malades", dit par téléphone le jeune homme qui souhaite rallier le Royaume-Uni pour se créer un "avenir". 

"Nous sommes arrivés là avec un visa de tourisme il y a une semaine. Comme il n'y a plus de vols entre Bagdad et Minsk, nous sommes passés par Dubaï, puis Minsk", raconte-t-il. "Certains ont payé 3 000 dollars, d'autres jusqu'à 25 ou 30 000 dollars, à une agence de voyages à Bagdad".

A ses côtés, Sangar, Kurde d'Irak, est à tel point fatigué qu'il se dit prêt "à aller dans n'importe quel pays qui acceptera" ses trois enfants.

Avant qu'ils ne soient fermés à la demande du gouvernement irakien il y a près de deux semaines, les consulats bélarusses d'Erbil, au Kurdistan d'Irak, et de Bagdad délivraient des visas de tourisme qui permettaient de se rendre à Minsk puis à la frontière avec la Pologne, pays membre de l'Union européenne.

Les vols directs entre Minsk et Bagdad d'Iraqi Airways ont été suspendus sur ordre du gouvernement de Bagdad au mois d'août dernier. A l'époque, des centaines de migrants, Irakiens pour la plupart, s'étaient massés à la frontière lituano-bélarusse dans l'espoir de passer en Lituanie.

Depuis, le centre de gravité de la crise s'est déplacé à la frontière avec la Pologne. 

«Visa touristique»

Varsovie affirme qu'entre 3 000 et 4 000 migrants, dont de nombreux Kurdes d'Irak, campent actuellement le long de la frontière, dans cette crise qui oppose les pays occidentaux, d'un côté, au Bélarus et son alliée la Russie, de l'autre. 

A Bagdad, dans une agence de voyages dont le patron ne souhaite pas voir le nom publié, un tour-opérateur qui veut conserver l'anonymat explique à l'AFP: "Maintenant, tout se fait par la Russie". 

"Le visa touristique pour la Russie coûte 700 dollars. Le passager a besoin d'une invitation et d'un garant. Ca prend environ dix jours pour l'obtenir. Le vol coûte 500 dollars", dit-il. "Une fois en Russie, des passeurs les emmènent clandestinement par voie terrestre jusqu'à la frontière avec le Bélarus et ça coûte 500 dollars".

Soit près de 2 000 dollars, une somme en Irak, où le salaire moyen tourne autour de 300 dollars.

Mais les voies aériennes se ferment les unes après les autres. Après la Turquie qui a interdit les Irakiens, les Yéménites et les Syriens sur les liaisons avec le Bélarus la semaine dernière, la compagnie bélarusse Belavia a prononcé une mesure similaire pour les vols depuis Dubaï.

Entre 3 500 et 4 000 dollars

A en croire Mera Jassem Bakr, chercheur irakien spécialisé dans les flux de migration des Kurdes d'Irak, Dubaï était devenu ces derniers temps l'un des "deux points de départ des Kurdes d'Irak vers Minsk". L'autre est Doha, avec Qatar Airways. Les migrants "n'ont pas besoin de visa du Qatar puisqu'ils ne sont qu'en transit à Doha".

Et Ankara "est devenu la plateforme" qui permet d'obtenir des visas. Souvent, explique le chercheur, les Kurdes d'Irak fournissent leur passeport aux agents de voyage qui envoient les documents à leurs correspondants dans la capitale turque où les visas du Bélarus leur sont délivrés.

"Ce sont des forfaits tout compris", résume M. Bakr. "Il y a deux mois, ils coûtaient 2 500 dollars. Aujourd'hui on est entre 3 500 et 4 000 dollars", détaille-t-il.

Face à la crise, l'Irak a annoncé la mise en place d'un premier vol de rapatriement de migrants irakiens jeudi depuis le Bélarus "sur la base du volontariat". Quelque 571 migrants ont dit vouloir rentrer, selon le ministère des Affaires étrangères irakien.

Dana (prénom d'emprunt) voudrait, elle aussi, rentrer chez elle, en Syrie. Et peu importe "les sommes considérables" qu'elle a investies. Elle est retournée à Minsk après vingt jours à la frontière avec la Pologne, "sans eau, sans nourriture" et avec les "coups" des soldats bélarusses.

"Malgré la guerre et les problèmes, je me sens plus en sécurité en Syrie qu'ici", dit-elle.


Pourparlers sur l'Ukraine: Kiev et l'Europe voient des avancées mais encore beaucoup de travail

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
Short Url
  • Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou
  • Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine

KIEV: Le chancelier allemand a insisté lundi pour que la Russie rejoigne la table des négociations sur un plan de paix pour l'Ukraine, au lendemain de pourparlers à Genève ayant donné lieu à un "nouvel élan", mais qui nécessitent encore "du travail" selon Kiev et l'UE.

Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou. Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine.

L'Ukraine, qui lutte depuis près de quatre ans contre l'invasion de la Russie, est de nouveau au coeur d'échanges lundi à Luanda en marge d'un sommet entre l'UE et l'Union africaine. Et la "Coalition des volontaires", qui réunit les alliés de l'Ukraine, se réunira mardi en visioconférence.

"La Russie doit être présente à la table (des négociations)", a affirmé le chancelier allemand Friedrich Merz, jugeant néanmoins improbable "une percée" diplomatique cette semaine.

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre".

Salué par le président russe Vladimir Poutine, le texte initial du plan Trump reprenait plusieurs exigences cruciales pour Moscou. Le Kremlin a dit lundi n'avoir aucune information à l'issue des pourparlers de Génève, mais savoir que des "modifications" avaient été apportées.

Si M. Zelensky a salué lundi des avancées, il a estimé qu'il fallait "beaucoup plus" pour parvenir à une "paix réelle" avec la Russie et mettre fin au conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Atmosphère "constructive"

Le dirigeant ukrainien s'est néanmoins félicité de l'inclusion d'éléments "extrêmement sensibles": la libération totale des prisonniers ukrainiens selon la formule de "tous-contre-tous" et des civils, et le retour des "enfants ukrainiens enlevés par la Russie".

Un haut responsable ukrainien a indiqué à l'AFP que l'hypothèse d'une visite de Volodymyr Zelensky à Washington était "au stade de la discussion", sans date fixée.

L'atmosphère à Genève était "parfois tendue, parfois plus légère mais dans l'ensemble constructive", a-t-il décrit, évoquant une ambiance "typique des négociations extrêmement importantes".

Depuis Luanda, les alliés européens de Kiev se sont dit prudemment optimistes.

"Il reste encore du travail à faire mais il y a une base solide pour avancer", a dit la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a lui salué un "nouvel élan".

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a aussi noté les "progrès significatifs" réalisés à Genève.

Aucune nouvelle version du texte n'a pour l'heure été publiée.

"Nous continuons tous à travailler avec nos partenaires, en particulier les États-Unis, et à rechercher des compromis qui nous renforcent et ne nous affaiblissent pas", a dit M. Zelensky lors d'une conférence virtuelle en Suède, ajoutant que son pays se trouve à un "moment critique".

Le président américain a semblé se réjouir de l'issue de la rencontre à Genève. "Est-ce vraiment possible que de grands progrès soient réalisés dans les pourparlers de paix entre la Russie et l'Ukraine??? Ne croyez que ce que vous voyez, mais quelque chose de bon pourrait bien se produire", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.

A Genève, son secrétaire d'Etat Marco Rubio s'était dit dimanche "très optimiste" sur la possibilité de conclure "très vite" un accord, estimant que "les points qui restent en suspens ne sont pas insurmontables".

Les Russes auront "leur mot à dire", avait-il aussi assuré.

Lors d'un entretien téléphonique lundi entre Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant russe a réitéré son opinion selon laquelle le plan initial des États-Unis pourrait "servir de base à un règlement de paix final".

La poussée lente, mais progressive, des troupes russes accentue la pression sur Kiev.

Moscou a revendiqué lundi la prise d'un village dans la région de Zaporijjia (sud), tandis que des frappes aériennes russes ont fait au moins quatre morts à Kharkiv.

La Russie cible quasi quotidiennement le pays au moyen de drones ou de missiles. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, faisant craindre un hiver difficile en Ukraine. Kiev vise de son côté régulièrement des dépôts et raffineries de pétrole et d'autres installations côté russe.

 


L'IA générative, un potentiel «Frankenstein des temps modernes», prévient le chef des droits humains de l'ONU

Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
Short Url
  • "Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk
  • Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé

GENEVE: Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes.

"L'IA générative recèle un immense potentiel, mais son exploitation à des fins purement politiques ou économiques peut manipuler, déformer et détourner l'attention", a déclaré le Haut Commissaire Volker Türk lors d'une réunion à Genève (Suisse), soulignant que "sans garanties et réglementations adéquates, les systèmes d'IA pourraient se transformer en un monstre de Frankenstein des temps modernes".

"Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk lors d'un forum sur les entreprises et les droits humains.

Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé.

L'exploitation de cette technologie "à des fins purement politiques ou économiques" fait peser une menace "sur plusieurs droits humains, notamment le droit à la vie privée, la participation politique, la liberté d'expression et le droit au travail".

Le Haut Commissaire a averti que ces menaces "pourraient se concrétiser en préjudices qui compromettent les promesses des technologies émergentes et pourraient engendrer des conséquences imprévisibles".

"Il est de la responsabilité des gouvernements de s'unir pour éviter un tel scénario", a insisté M. Türk.

Par ailleurs, le chef des droits humains de l'ONU a mis en évidence une autre menace représentée par la concentration croissante du pouvoir des entreprises et l'"accumulation massive de richesses personnelles et d'entreprises entre les mains d'une poignée d'acteurs".

"Dans certains cas, cela dépasse le poids économique de pays entiers", a-t-il déclaré, insistant sur le fait que lorsque "le pouvoir n'est pas encadré par la loi, il peut mener à des abus et à l'asservissement".

 


L'UE promet 88 millions d'euros en faveur de l'Autorité palestinienne

Short Url
  • "Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica
  • Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël

BRUXELLES: Les pays de l'Union européenne vont verser quelque 88 millions d'euros pour aider l'Autorité palestinienne, pressée de se réformer par les Européens, soucieux de son rôle futur dans le cadre du plan Trump pour la région.

"Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica, à l'issue d'une conférence des donateurs à Bruxelles.

Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël.

"Aujourd'hui, nous avons présenté les progrès réalisés dans le cadre de notre programme de réforme nationale, qui est mis en œuvre, pas seulement promis, mais mis en œuvre et en avance sur le calendrier, ce qui a été reconnu par nos partenaires", a indiqué de son côté le Premier ministre palestinien Mohammed Mustafa.

Et cela "en dépit d'un environnement défavorable", a-t-il ajouté, accusant Israël de chercher "à affaiblir l'Autorité palestinienne ainsi que sa capacité à fonctionner".

Mme Suica a réitéré sur ce point les appels lancés par l'Union européenne pour qu'Israël accepte de libérer les recettes fiscales dues à l'Autorité palestinienne, indispensables à son fonctionnement.

"Cela a été dit par tous les participants", a-t-elle assuré.

Concernant Gaza, M. Mustafa a assuré que l'Autorité palestinienne avait un plan, soutenu par les pays arabes pour sa reconstruction. "Nous gouvernerons, nous réformerons et nous dirigerons la reconstruction de Gaza", a-t-il assuré.

L'Union européenne est le principal soutien financier de l'Autorité palestinienne. Elle conditionne toutefois le versement futur de cette aide à des réformes, qu'elle juge indispensables pour que cette Autorité soit en mesure de jouer pleinement son rôle dans le cadre de la solution à deux États, israélien et palestinien, que les Européens défendent depuis des années.

"Tout notre soutien à l'Autorité palestinienne est lié aux efforts pour poursuivre l'agenda des réformes", a rappelé Mme Suica.