Pourquoi il faut tirer profit des bons côtés de la Covid-19

Un scientifique travaille à la production d'un vaccin contre la Covid-19 au centre d'Oxford Vaccine Group, en Grande-Bretagne. (Reuters)
Un scientifique travaille à la production d'un vaccin contre la Covid-19 au centre d'Oxford Vaccine Group, en Grande-Bretagne. (Reuters)
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Publié le Vendredi 25 septembre 2020

Pourquoi il faut tirer profit des bons côtés de la Covid-19

Pourquoi il faut tirer profit des bons côtés de la Covid-19
  • Nous vivons l'une des périodes d'invention et d'innovation médicales parmi les plus passionnantes et prometteuses de l'histoire
  • Le choc de la Covid-19 a ravivé notre conscience collective et notre sensibilité aux « risques extrêmes » à faible probabilité et à fort impact

Les tragédies humaines et les fortes perturbations économiques causées par la Covid-19 ont à juste titre mobilisé l'attention du public et des décideurs politiques depuis plus de six mois, et devraient continuer de le faire. Mais dans notre gestion de la crise immédiate, nous ne devons pas perdre pour autant de vue les opportunités. Le dicton éculé selon lequel il faut savoir profiter d’une crise n’a jamais été autant d’actualité.

Pour les entreprises, les gouvernements, les ménages et les institutions multilatérales qui traversent cette période tourmentée, la tâche fondamentale reste la même : surmonter les bouleversements provoqués par une pandémie afin de mettre l’accent sur les points positifs de la crise. Il est temps de tenter de saisir les tendances et les conditions qui vont remodeler notre société et notre économie à notre avantage et sur le long terme.

Tout d’abord, nous vivons l'une des périodes d'invention et d'innovation médicales parmi les plus passionnantes et prometteuses de l'histoire. Tandis que la priorité immédiate est donnée à juste titre aux vaccins et aux thérapies pour lutter contre la Covid-19, nous devons nous attendre à ce que la recherche actuellement en cours donne naissance à une foule d'autres découvertes, dont beaucoup produiront des avantages considérables et durables. De plus, la crise nous oblige à faire face à une série de problèmes complexes concernant la tarification et la distribution des médicaments, à la fois au niveau national et mondial. Elle nous force aussi à traiter une série d’inégalités sociales et autres que nous avons laissé s'aggraver.

En second lieu, une collaboration transfrontalière plus profonde du secteur privé, qui excède souvent la compétence des pouvoirs publics, alimente ce processus de bond en avant scientifique. En se mobilisant contre le coronavirus, des scientifiques du monde entier partagent des informations comme jamais auparavant, et les sociétés pharmaceutiques collaborent d’une manière inédite. Ces efforts collectifs sont soutenus par des partenariats publics-privés dynamiques, ce qui prouve que le développement peut effectivement s’avérer « gagnant-gagnant » lorsqu'il est correctement ciblé et qu'il bénéficie d’une harmonisation claire.

Notre conscience collective ravivée

Troisièmement, les bouleversements économiques résultant de la pandémie ont alimenté de multiples efforts du secteur privé pour collecter et analyser une gamme plus étendue de données à haute fréquence dans des domaines allant bien delà de la médecine. Dans la discipline économique, par exemple, il existe un important regain d'intérêt pour de nouvelles méthodes innovantes de mesure de l'activité économique au moyen d’indicateurs granulaires à haute fréquence comme la mobilité (géolocalisation des smartphones), la consommation d'électricité et le commerce de détail, ainsi que l'utilisation

Troisièmement, les bouleversements économiques résultant de la pandémie ont alimenté de multiples efforts du secteur privé pour collecter et analyser une gamme plus étendue de données à haute fréquence dans des domaines allant bien au- des cartes de crédit et les réservations de restaurants. Ces mesures viennent compléter les statistiques officielles recueillies par les gouvernements, offrant un ainsi un champ d’application considérable à des exercices de comparaison et de contraste qui peuvent améliorer la qualité et la pertinence en termes politiques des efforts de collecte te données.  

Quatrièmement, le choc de la Covid-19 a ravivé notre conscience collective et notre sensibilité aux « risques extrêmes » à faible probabilité et à fort impact. Soudainement, nombreux sont ceux qui, dans les secteurs privé et public, réfléchissent davantage en termes de distribution complète des résultats potentiels, alors que dans le passé ils se concentraient uniquement sur les événements les plus probables. Les décideurs sont devenus plus ouverts aux analyses de scénarios et à la gamme plus large de conversations « si-alors » que de telles analyses suscitent.

Dans le cas du changement climatique - un risque majeur que certains ont perçu à tort comme une possibilité lointaine au lieu de l’envisager comme un scénario de référence, la forte réduction des émissions nocives durant la crise actuelle a clairement démontré qu'une nouvelle voie était possible. Il est désormais largement admis que les gouvernements ont un rôle important à jouer pour garantir une reprise durable et inclusive. Cela laisse la porte ouverte pour davantage d'investissements publics dans la réduction et l'adaptation au changement climatique. En outre, un nombre croissant de voix s’élèvent pour exiger que la nouvelle norme soit « verte ».

Bouleversements dans les entreprises

Cela nous amène au cinquième point. La pandémie a conduit les pays à mener les uns après les autres une  série « d'expériences naturelles », qui ont mis en lumière une foule de questions qui vont bien au-delà de la santé et de l'économie. Les systèmes de gouvernance et les modes de leadership ont fait l'objet d'un examen minutieux, révélant une grande divergence dans leur capacité à répondre à un même choc majeur. Ces questions ne se sont pas limitées au secteur public. La responsabilité des entreprises a également été mise en avant au fur et à mesure qu’elles  se démènent l’une après l’autre pour apporter une réponse à ce qui était autrefois impensable. En revanche, la coopération multilatérale a brillé par son absence, ce qui n’a fait qu’augmenter les menaces pour tous.  

Il est temps de chercher à exploiter les tendances et les conditions qui modèleront à nouveau notre société et notre économie sur le long terme.

Enfin, la crise a obligé de nombreuses entreprises à avoir des conversations franches sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à concevoir des solutions innovantes pour répondre aux besoins des employés. Il y a déjà eu de profondes transformations dans la façon dont nous travaillons, dont nous interagissons avec nos collègues et consommons des biens et des services. Seules certaines d’entre elles sont susceptibles d’être inversées après la pandémie.

Ces six points positifs ne constituent qu'une liste préliminaire des opportunités offertes par la pandémie. Il ne s’agit pas d’écarter la gravité du choc et l’incertitude auxquelles se trouve confrontée la majorité de la population mondiale. La pandémie a duré beaucoup plus longtemps que prévu, et continue de laisser derrière elle son sillage de tragédie et de destruction.

Mais à plus forte raison, pour toutes ces raisons, nous devons tirer le meilleur parti possible de notre réponse collective. Le défi consiste maintenant à augmenter et à affiner cette liste, afin que nous puissions saisir les opportunités offertes et des tendances plus positives à long terme. En agissant ensemble, nous pouvons transformer une période de profonde adversité en une période de bien-être partagé pour nous et pour les générations futures.

Mohamed A. El-Erian, principal conseiller économique d’Allianz et président élu du Queens College de Cambridge, a présidé le Global development council du président américain Barack Obama. Il est l'auteur de « The Only Game in Town: Central Banks, Instability, and Avoiding the Next Collapse. » Droits d'auteur : Project Syndicate

NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Arab News.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com