Vers un échange Biden-Poutine face au risque de «scénario cauchemar» en Ukraine

La dernière réunion entre le président américain et son homologue russe remonte à juin dernier en Suisse. (Photo, AFP)
La dernière réunion entre le président américain et son homologue russe remonte à juin dernier en Suisse. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 03 décembre 2021

Vers un échange Biden-Poutine face au risque de «scénario cauchemar» en Ukraine

  • Moscou exige des «garanties sécuritaires sur le long terme» à ses frontières, notamment que Kiev ne rejoigne jamais l'Otan
  • Blinken et Lavrov ont multiplié les avertissements… tout en assurant vouloir résoudre la crise par la diplomatie

Un prochain échange au sommet s'est dessiné jeudi entre les présidents russe et américain Vladimir Poutine et Joe Biden, pour éviter le retour du "scénario cauchemar de la confrontation militaire" entre les deux grandes puissances.

Sur fond de vive tension autour de l'Ukraine, Moscou exige des "garanties sécuritaires sur le long terme" à ses frontières, notamment que l'ancien territoire soviétique ne rejoigne jamais l'Otan.

C'est ce qu'a fait savoir le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une rencontre jeudi avec son homologue américain Antony Blinken, en marge d'une réunion de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OCSE) près de Stockholm.

Le dialogue - tendu - entre les deux puissances devrait rapidement monter à l'échelon supérieur, lors d'un échange probablement téléphonique.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a dit espérer "que le contact entre les deux présidents aura lieu dans les prochains jours". Les deux chefs de l'Etat vont "probablement" se parler dans un "avenir proche", a confirmé M. Blinken.

En Suède, les ministres américain et russe ont multiplié les avertissements, tout en assurant vouloir résoudre la crise ukrainienne par la diplomatie.

"Nous sommes profondément préoccupés par les plans de la Russie en vue d'une nouvelle agression contre l'Ukraine", a lancé Antony Blinken à côté de Sergueï Lavrov, reprenant ses accusations de la veille lorsqu'il avait évoqué pour la première fois des "preuves" de tels préparatifs d'invasion.

"Si la Russie décide de continuer sur la voie de la confrontation, elle subira de graves conséquences", a-t-il prévenu, après avoir menacé mercredi de douloureuses sanctions économiques.

Antony Blinken a énuméré, sous le regard désapprobateur de Sergueï Lavrov, les griefs à l'égard de Moscou sur le non respect des accords de Minsk censés régler le conflit dans l'est de l'Ukraine entre les forces de Kiev et les séparatistes prorusses.

Mais il a aussi fait mine de tendre la main.

"La meilleure manière de prévenir une crise, c'est la diplomatie", a-t-il martelé, se disant prêt à "faciliter" la mise en oeuvre de ces accords conclus après l'annexion russe de la Crimée en 2014 mais jamais vraiment appliqués.

Selon un haut responsable américain, il a proposé à huis clos de réunir des experts américains et russes pour établir une feuille de route et parvenir enfin à leur respect par toutes les parties.

A la tribune de la rencontre ministérielle de l'OCSE qui, hasard du calendrier, réunissait jeudi les deux puissances rivales ainsi que l'Ukraine en banlieue de Stockholm, Antony Blinken avait auparavant appelé la Russie à la "désescalade" et à retirer les troupes récemment amassées, selon les Occidentaux, à la frontière ukrainienne.

"Le scénario cauchemar de la confrontation militaire" est en train de faire son retour en Europe, a mis en garde de son côté Sergueï Lavrov, qui a accusé l'Alliance atlantique de "rapprocher son infrastructure militaire des frontières russes".

Le ministre russe a réclamé "l'élaboration d'accords empêchant tout nouvel élargissement de l'Otan vers l'Est" -- et donc à l'Ukraine --, mais il a aussi assuré vouloir donner une chance au dialogue.

"Nous sommes intéressés dans des efforts communs en vue de la résolution de la crise ukrainienne", a-t-il plaidé. "Nous y sommes prêts."

Malgré un ton sobre et sérieux, la rencontre n'a pas débouché sur une entente, même si les deux hommes sont tombés d'accord pour poursuivre le dialogue, selon un responsable américain.

Le climat autour de ces efforts diplomatiques est explosif.

Signe d'un relent de Guerre froide? Le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, a commis un lapsus en mettant en garde jeudi lors d'une visite à Séoul contre une incursion "de l'Union soviétique" en Ukraine.

Kiev et ses alliés occidentaux tirent depuis novembre la sonnette d'alarme concernant un nouveau renforcement des troupes russes aux frontières de l'Ukraine et une éventuelle invasion hivernale.

Jeudi, le secrétaire d'Etat américain a aussi rencontré dans la capitale suédoise son homologue ukrainien Dmytro Kouleba, qui a réitéré sa demande d'un "train de mesures dissuasives" pour que le président Poutine "réfléchisse à deux fois avant de recourir à la force militaire".

Moscou, qui s'est emparé de la Crimée et est accusé de soutenir les séparatistes, a nié préparer une attaque.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"