Tutu et Mandela: deux géants avec des désaccords, unis contre l'apartheid

Desmond Tutu, mort dimanche, et Nelson Mandela se sont unis pour vaincre l'apartheid mais les deux géants et amis n'ont pas toujours été d'accord sur tout. (Photo, AFP)
Desmond Tutu, mort dimanche, et Nelson Mandela se sont unis pour vaincre l'apartheid mais les deux géants et amis n'ont pas toujours été d'accord sur tout. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 28 décembre 2021

Tutu et Mandela: deux géants avec des désaccords, unis contre l'apartheid

  • Ils ont défendu, longtemps chacun de son côté, la même cause
  • Mandela, immense carcasse et force tranquille, Tutu petit bonhomme au style volubile et charmeur: Tous deux tenaces et charismatiques en diable

JOHANNESBURG : Ils s'estimaient, se respectaient, mais s'envoyaient aussi de vertes critiques: Desmond Tutu, mort dimanche, et Nelson Mandela se sont unis pour vaincre l'apartheid mais les deux géants et amis n'ont pas toujours été d'accord sur tout.

"Ils avaient une relation complexe, fondée sur le même engagement pour la justice et une amitié profonde, qui leur permettait d'être en désaccord", explique à l'AFP le politologue sud-africain William Gumede.

Des chemins différents. Tutu, l'homme de foi tenant de la non-violence, infatigable pourfendeur des injustices, avait la croix comme bouclier contre le régime raciste. Mandela, de treize ans son aîné, a pris le tournant de la lutte armée. C'était l'ennemi public numéro un, prisonnier politique resté enfermé 27 ans. 

Le premier est mort dimanche à l'aube, le second un autre jour de décembre huit ans plus tôt. 

Ils ont défendu, longtemps chacun de son côté, la même cause. Mandela, immense carcasse et force tranquille, Tutu petit bonhomme au style volubile et charmeur: Tous deux tenaces et charismatiques en diable. 

Avec d'autres camarades, leur action conjuguée est venue à bout de l'apartheid il y a trente ans. A sa sortie de prison en février 1990, Nelson Mandela passe sa première nuit d'homme libre dans la maison de Desmond Tutu, au Cap.

Il a pourtant hésité. Dans son autobiographie "Un long chemin vers la liberté", Mandela raconte qu'il aurait préféré, pour le symbole, dormir dans un quartier déshérité du Cap plutôt que dans "une banlieue blanche". Mais dès son arrivée, il prend Tutu dans ses bras et l'image des deux hommes réunis marque l'histoire. 

«Parfois strident, souvent tendre»

Elu premier président noir d'Afrique du Sud en 1994, Mandela nomme Tutu à la tête de la Commission vérité et réconciliation chargée de faire la lumière sur les crimes de l'apartheid. L'un à la tête du pays, l'autre occupé à réconcilier la "Nation arc-en ciel".

Dès le début de cette transition post-apartheid, des querelles naissent. L'homme d'Eglise dénonce les salaires, les voitures de fonction et les avantages des ministres de Mandela. Y voyant une réminiscence d'un système de privilèges hérité de l'ère coloniale, l'archevêque du Cap accuse celui qui doit être le président d'une nouvelle ère, de se comporter en "politicien ordinaire".

"Il y a eu une simplification excessive de ce qu'était leur relation", nuance Sello Hatang, à la tête de la fondation Mandela. "Mais Madiba (nom du clan de Mandela) respectait assez Tutu pour rester son ami et continuer à lui demander conseil", dit-il.

Selon Tutu, Mandela avait une faille: l'ANC. "Une faiblesse majeure chez quelqu'un de presque sans défaut", avait-il dit à la radio. Le prélat reproche à l'homme d'Etat de ne pas endiguer la corruption au sein du parti au pouvoir, par loyauté. 

La méfiance de Tutu vis-à-vis de l'ANC ne cessera de s'aggraver avec les successeurs de Mandela. Il critique les errements de Thabo Mbeki dans la lutte contre le sida. Sous la présidence de Jacob Zuma, rongée par la corruption, il jure même de ne plus jamais voter pour le parti. A la mort, de Mandela en 2013, devenu une épine dans le pied de l'ANC, le parti ne l'invite pas aux funérailles. 

Le scandale et la vexation de l'archevêque deviennent publics, l'ANC doit se raviser. Tutu donnera finalement la bénédiction lors d'une cérémonie d'hommage à Soweto. Il y remercie Dieu du "trésor merveilleux" qu'était Mandela.

Dimanche soir, le président Cyril Ramaphosa, évoquant les critiques de Mgr Tutu à l'égard de l'ANC, a fait appel à Mandela. Pour rappeler, avec un sourire complice, qu'il disait de Tutu: "Sa voix est parfois stridente, souvent tendre, jamais effrayée et rarement dénuée d'humour".

Mandela pariait aussi au sujet de Tutu: "Si Desmond arrive au paradis et qu'on lui refuse l'entrée, alors aucun d'entre nous ne pourra y accéder".  


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.