Feuilleton Veolia-Suez, tractations à la veille d'une journée cruciale

 Des syndicats membres de Suez manifestent contre l'offre publique d'achat de Veolia, le 29 septembre 2020 à La Défense (Photo, AFP)
Des syndicats membres de Suez manifestent contre l'offre publique d'achat de Veolia, le 29 septembre 2020 à La Défense (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 30 septembre 2020

Feuilleton Veolia-Suez, tractations à la veille d'une journée cruciale

  • Le direction de Suez, qui refuse la fusion, alerte sur le risque social, assurant que 10.000 postes seraient menacés, dont environ la moitié en France, sur 90.000
  • « L'État ne cédera à aucun ultimatum, l'État ne cédera à aucune pression, l'État ne cédera à aucune précipitation »

PARIS : Engie attendait mardi une offre améliorée de Veolia pour sa part dans Suez, les acteurs de ce feuilleton industriel se montrant de plus en plus fébriles à la veille d'une journée cruciale.

C'est en effet mercredi qu'expire l'offre présentée fin août à Engie par le géant de l'eau et des déchets Veolia pour le rachat de ses parts dans son concurrent historique.

Les tractations continuaient encore mardi soir: sous l'égide de Bercy, les dirigeants des deux frères ennemis se sont rencontrés mais la discussion a été infructueuse, a révélé Suez dans un communiqué. 

Le groupe énergétique Engie, qui souhaite se recentrer sur ses métiers, s'est vu offrir 2,9 milliards d'euros pour céder 29,9% du capital. Veolia compte ensuite lancer une OPA pour constituer un champion mondial du secteur.

Son PDG Antoine Frérot a promis d'améliorer financièrement son offre avant la date limite de mercredi. « Nous n'avons pas, à l'heure où je vous parle, reçu une nouvelle offre », a indiqué le président d'Engie Jean-Pierre Clamadieu, aux députés qui l'auditionnaient mardi matin.

Mais « nous sommes aujourd'hui convaincus que le projet industriel est solide, nous sommes convaincus que Veolia est prêt à apporter des garanties en termes d'emploi qui nous satisfont (...) », a-t-il ajouté.

Le direction de Suez, qui refuse la fusion, alerte sur le risque social, assurant que 10.000 postes seraient menacés, dont environ la moitié en France, sur 90.000. 

Plus d'une centaine de salariés - 400 selon la CGT - ont manifesté mardi devant la tour Engie de la Défense à l'appel de l'intersyndicale du groupe, aux cris de « Veolia, ton OPA on n'en veut pas ». 

Le tribunal de Paris, saisi en référé par les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et Suez Eau France pour obtenir la suspension du projet de rachat, rendra sa décision le 9 octobre, ont indiqué les syndicats du groupe dans un communiqué.

Dénonçant mardi soir « les revirements d'opinions, les hésitations, les silences pesants » du gouvernement, l'intersyndicale FO, CGT, CFTC, CFDT et CFE-CGC de Suez a promis de « continuer à s'opposer par tous les moyens » à l'offre de Veolia. 

« La proie pour l'ombre »

Le conseil d'administration d'Engie devrait se pencher sur le dossier mercredi après-midi.

M. Clamadieu a laissé entendre qu'il aimerait que la question soit tranchée rapidement, d'autant que Suez n'a pas constitué à ce jour de projet alternatif, avec d'autres investisseurs, lui permettant de sauvegarder son indépendance. Sans décision mercredi, « nous lâchons la proie pour l'ombre », a prévenu le patron d'Engie.

« Ma déception, c'est qu'au fil de ces quatre dernières semaines nous n'avons pas vu de seconde offre se constituer... Malheureusement rien de concret n'est arrivé », a-t-il regretté devant les députés.

M. Clamadieu « nous avait dit que rien ne serait fait dans la précipitation, mais au contraire dans le consensus et la sérénité », assure pour sa part le directeur général de Suez Bertrand Camus, dans le journal Le Figaro. 

« Je suis convaincu que nous serons en mesure de proposer un projet créateur de valeur pour 100% de nos actionnaires », assure-t-il.

Reste à savoir comment l'État, actionnaire à hauteur de quelque 23,6% d'Engie, va voter mercredi au conseil d'administration auquel il est représenté.

« Guerre industrielle »

Le gouvernement aimerait calmer le jeu dans ce dossier qui touche à des activités stratégiques et politiquement sensibles et qui n'a cessé de s'envenimer depuis la fin août.

« L'État ne cédera à aucun ultimatum, l'État ne cédera à aucune pression, l'État ne cédera à aucune précipitation », a répété mardi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, interpellé à l'Assemblée nationale.

« On n'est pas à une semaine, 15 jours ou trois semaines près », avait-il déjà dit dans la matinée. « L'État souhaite que cesse cette guerre entre deux industriels français, Veolia et Suez, qui n'a pas lieu d'être dans les circonstances actuelles où nous traversons une crise économique difficile », a-t-il souligné.

Bercy cherche à rapprocher les protagonistes de la saga, qui commence à virer à la bagarre sur la place de Paris.

MM. Frérot, Varin et Camus ont ainsi été réunis mardi soir. Mais « devant le refus de Veolia de décaler l'échéance du 30 septembre et de faire une offre à tous les actionnaires de Suez, il n'a pas été possible de débuter les discussions », indique Suez.

Ce dernier pose en effet comme préalable au dialogue la suspension de l'offre faite à Engie et le dépôt d'une offre publique par Veolia pour 100% des actionnaires.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".