L'Autriche ressort l'art nazi pour mieux s'y confronter

Sabine Plakolm-Forsthuber and Ingrid Holzschuh (R) curators of the exhibition titled "Vienna Falls in Line. (AFP)
Sabine Plakolm-Forsthuber and Ingrid Holzschuh (R) curators of the exhibition titled "Vienna Falls in Line. (AFP)
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Publié le Jeudi 30 décembre 2021

L'Autriche ressort l'art nazi pour mieux s'y confronter

  • Ce n'est qu'à partir de la fin des années 1980 qu'un travail de mémoire a été entrepris
  • Rares sont les Autrichiens à savoir qui sont les 3.000 membres de cette association ayant accepté de remplacer les créateurs juifs et d'avant-garde, considérés comme des "dégénérés", pour servir une idéologie meurtrière

VIENNE : Ne plus cacher ni célébrer: Vienne joue la transparence et expose sans complaisance ses réserves d'art nazi, composées de sculptures néoclassiques et de peintures officielles souvent estampillées d'une croix gammée.

Jusqu'en avril, le musée municipal Wien Museum MUSA présente dans deux petites salles cet héritage encombrant d'un passé longtemps nié par l'Autriche.

L'exposition, qui se nomme sobrement "Vienne se met au pas", jette une lumière inédite sur la politique artistique dans le pays natal d'Adolf Hitler annexé en 1938 par l'Allemagne nazie.

Il y a là des tableaux, des poteries ou des affiches interdits de mise sur le marché.

Le musée a décidé de les montrer numérotés sans les déballer tout à fait, comme s'ils prenaient tout juste l'air avant de vite regagner l'entrepôt. 

Pas question de les mettre en beauté comme au Louvre: ils sont des témoins historiques et ne peuvent plus prétendre au titre d'oeuvre. 

"Pour nous, il était clair qu'il ne s'agissait pas d'une présentation artistique classique", explique Ingrid Holzschuh, l'une des commissaires qui a conçu le projet après quatre ans de recherche.

Il fallait que "cela fasse un peu bazar", éviter de "conférer une aura" à l'ensemble, précise-t-elle.

« Combler des lacunes »

Alors que toute apologie du IIIe Reich est sévèrement sanctionnée en Autriche, elle estime qu'il est temps d'assumer et de "se confronter à l'Histoire", car "les lacunes à combler sont encore nombreuses".

Après le rattachement au Reich de l'Autriche le 12 mars 1938, le régime a pris le contrôle de la politique culturelle pour la mettre "au diapason de sa vision idéologique et raciste".

Les artistes devaient s'enregistrer auprès d'une autorité de tutelle, la "Chambre des beaux-arts du Reich", qui s'assurait d'une production conforme aux canons dictés par Berlin.

Rares sont les Autrichiens à savoir qui sont les 3.000 membres de cette association ayant accepté de remplacer les créateurs juifs et d'avant-garde, considérés comme des "dégénérés", pour servir une idéologie meurtrière.

La petite paysanne portraiturée avec un réalisme plat par Herta Karasek-Strzygowski ou l'huile sur toile d'un certain Igo Pötsch, immortalisant l'entrée d'Hitler dans Vienne, n'ont pas changé l'histoire de l'art. 

Il ne s'agissait alors que de répondre aux besoins de la propagande avec zèle et fidélité.

Ceux qui refusaient de se plier aux nouvelles règles ont dû fuir ou ont été envoyés en camp de concentration, détaille le catalogue de 300 pages.

Après 1945, on a archivé à la cave les reliques de ce courant, souvent fruit de commandes. Et l'Autriche s'est présentée comme une victime du nazisme. 

Ce n'est qu'à partir de la fin des années 1980 qu'un travail de mémoire a été entrepris.

« Regard critique »

L'exposition porte d'ailleurs un regard critique sur l'influence conservée des décennies durant par certaines de ces "élites" illégitimes, restées au coeur de la bourgeoise viennoise après la capitulation. A l'image du sculpteur Wilhelm Frass qui a continué à travailler. 

Inaugurée en octobre, elle a attiré plus de 4.000 visiteurs au cours du premier mois, signe pour la porte-parole du musée Konstanze Schäfer du "grand intérêt" d'un public mûr pour une remise en question.

L'historien Gerhard Baumgartner, directeur du centre de documentation sur la résistance autrichienne (DÖW), veut croire que ces dernières décennies, "l'état d'esprit a changé et qu'un processus de réflexion a été enclenché". 

Lorsque le parti d'extrême droite FPÖ, fondé par d'anciens nazis, a participé au gouvernement, il a pris soin de montrer patte blanche en soutenant toutes les initiatives commémorant les victimes de la Shoah.

Mais "il reste encore des choses à faire", estime M. Baumgartner. Cette même formation s'adonne régulièrement à des dérapages et cet automne, un ministre conservateur a dû s'excuser pour d'anciens propos antisémites.

Tout récemment, Vienne a lancé un concours pour "contextualiser" enfin une statue de Karl Lueger, un ancien maire antisémite de la capitale, inspirateur d'Hitler.

La ville passe aussi en revue ses noms de rues, dont certaines honorent des personnalités compromises.

"Il est essentiel d'avoir une connaissance approfondie du passé pour prendre les décisions d'avenir", résume pour l'AFP la conseillère municipale Veronica Kaup-Hasler, insistant sur "l'importance d'une culture du souvenir" et d'un "regard critique".


Vers l’infini et au‑delà – Goldorak, 50 ans d’inspiration

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  •  50 ans après sa création, la série animée Goldorak continue de marquer l’imaginaire arabe
  • Arab News Japan s’entretient avec son créateur Go Nagai, des fans du Moyen-Orient, et revient sur l’histoire du robot OVNI chargé de protéger notre planète

​​​​​​LONDON: Peu d’importations culturelles ont franchi les frontières de manière aussi inattendue — et aussi puissante — que Goldorak, le robot géant japonais qui, il y a un demi-siècle, est devenu un héros de l’enfance à travers le monde arabe, et plus particulièrement en Arabie saoudite.

Créé au Japon au milieu des années 1970 par le mangaka Go Nagai, Goldorak s’inscrivait dans la tradition des « mecha », ces récits de robots géants. Le genre, façonné par l’expérience japonaise de la Seconde Guerre mondiale, explorait les thèmes de l’invasion, de la résistance et de la perte à travers le prisme de la science-fiction.

Si la série a rencontré un succès modéré au Japon, c’est à des milliers de kilomètres de là, au Moyen-Orient, que son véritable héritage s’est construit.

L’anime « UFO Robot Goldorak » est arrivé à la télévision dans la région en 1979, doublé en arabe et diffusé pour la première fois au Liban, en pleine guerre civile. L’histoire du courageux Actarus, prince exilé dont la planète a été détruite par des envahisseurs extraterrestres, a profondément résonné chez les enfants grandissant dans un contexte de conflits régionaux et d’occupation par Israël.

Ses thèmes — la défense de la patrie, la résistance à l’agression et la protection des innocents — faisaient douloureusement écho aux réalités de la région, transformant la série d’un simple divertissement en un véritable refuge émotionnel.

Une grande partie de l’impact de la série tenait à la réussite de son arabisation. Le doublage arabe puissant et le jeu vocal chargé d’émotion, notamment celui de l’acteur libanais Jihad El-Atrash dans le rôle d’Actarus, ont conféré à la série une gravité morale inégalée par les autres dessins animés de l'époque.

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Au début des années 1980, Goldorak s'était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. (Fourni)

Le générique de la série, interprété par Sami Clark, est devenu un hymne que le chanteur libanais a continué à interpréter lors de concerts et de festivals jusqu’à son décès en 2022.

Au début des années 1980, Goldorak s’était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. Pour beaucoup, il s’agissait non seulement d’un premier contact avec les anime japonais, mais aussi d’une source d’enseignements sur des valeurs telles que la justice et l’honneur.

L’influence de Goldorak dans la région a été telle qu’il a fait l’objet de recherches universitaires, qui ont non seulement mis en lumière la manière dont le sort des personnages résonnait auprès du public du Moyen-Orient, mais ont aussi relié sa popularité aux souvenirs générationnels de l’exil, en particulier à la Nakba palestinienne.

Un demi-siècle plus tard, Goldorak demeure culturellement vivant et pertinent dans la région. En Arabie saoudite, qui avait pleinement adopté la version originale de la série, Manga Productions initie aujourd’hui une nouvelle génération de fans à une version modernisée du personnage, à travers un jeu vidéo, The Feast of The Wolves, disponible en arabe et en huit autres langues sur des plateformes telles que PlayStation, Xbox et Nintendo Switch, ainsi qu’une nouvelle série animée en langue arabe, «  Goldorak U », diffusée l’an dernier.

Cinquante ans après les débuts de la série, « Goldorak » est de retour — même si, pour toute une génération de fans de la série originale, dont les étagères regorgent encore de produits dérivés et de souvenirs, il n’est en réalité jamais vraiment parti.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


En ce Noël, unissons-nous pour souhaiter la paix dans toute la région

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  • Noël au Moyen-Orient incarne un message puissant d’harmonie interconfessionnelle, de résilience et de respect mutuel
  • De Bethléem à Riyad, les célébrations deviennent un acte d’espoir partagé et un appel sincère à la paix régionale

RIYAD : Fidèle à une tradition initiée en décembre 2022, Arab News souhaite un joyeux Noël à ses lecteurs chrétiens et à tous ceux qui célèbrent cette fête. Cette édition spéciale met cette année en lumière Noël à travers le Moyen-Orient, en soulignant l’harmonie interconfessionnelle, la résilience et l’intégration culturelle. Le tout est porté par un message particulier, sincère et plein d’espoir : voir la paix se diffuser dans toute la région en 2026.

En tête de cette couverture figure une tribune exclusive du grand érudit Dr Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale et président de l’Organisation des savants musulmans. Son message rappelle un principe essentiel : « Il n’existe aucun texte de la charia interdisant de féliciter les non-musulmans à l’occasion de leurs fêtes religieuses, y compris Noël. » Il présente cette bienveillance non comme un affaiblissement de la foi, mais comme l’expression de sa force — une force qui affirme la dignité humaine et favorise l’harmonie sociale si nécessaire aujourd’hui.

Ce même esprit de solidarité face à la souffrance résonne depuis Bethléem, où le pasteur palestinien, le révérend Dr Munther Isaac, explique que le christianisme palestinien est indissociable de l’identité nationale. En réponse à la dévastation de Gaza, sa communauté a érigé une crèche faite de gravats, l’enfant Jésus enveloppé dans un keffieh. « C’était un message de foi », affirme-t-il. « Le Christ est solidaire de ceux qui souffrent… parce qu’il est né dans la souffrance. »

De cette profondeur naissent aussi des récits de renouveau. À Damas, les illuminations festives réapparaissent alors que des Syriens de toutes confessions s’accrochent à une paix fragile. Au Liban, les célébrations percent la morosité politique par des instants de joie. En Jordanie, les espaces publics s’illuminent de sapins et des hymnes de Noël de Fairouz, tandis qu’aux Émirats arabes unis, la diaspora multiculturelle s’anime dans une effervescence festive et unitaire.

La profondeur historique et intellectuelle de l’héritage chrétien de la région est mise en lumière par le Dr Abdellatif El-Menawy, qui rappelle le rôle indispensable de l’Égypte dans la transformation du christianisme, passé d’un message spirituel à une véritable civilisation. Cet héritage ancien trouve aujourd’hui une expression moderne et dynamique.

En Arabie saoudite, la période des fêtes est reconnue à travers une hospitalité innovante, où des chefs réinventent les menus de Noël en y intégrant des saveurs locales et une identité culinaire créative.

Cette édition spéciale offre bien plus qu’une simple atmosphère festive. Elle dépeint un Moyen-Orient où les différentes confessions approfondissent leurs propres racines en respectant celles des autres, où les célébrations sont tissées de résistance historique, et où le message de Noël — espoir, paix et humanité partagée — résonne avec confiance et optimisme.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le prince héritier parraine le lancement d’un centre de calligraphie arabe à Médine

Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
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  • Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz

RIYAD : Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes à Médine lundi.

Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz, gouverneur de la région de Médine.

Il était accompagné du ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdallah ben Farhane, qui a visité les espaces d’exposition du nouveau centre et assisté à des présentations sur la programmation culturelle et les réalisations du centre.

Ils ont également découvert des collections mettant en valeur l’importance artistique et historique de la calligraphie arabe.

Lors de l’inauguration, le prince Badr a déclaré : « Depuis cette terre d’érudition et de savoir, nous lançons fièrement une plateforme mondiale dédiée à la calligraphie arabe, un patrimoine culturel inestimable. »

Il a ajouté que le soutien « généreux et illimité » du prince héritier envers le secteur culturel avait rendu ce projet possible.

Le ministre a précisé que le centre montrait au monde l’héritage de la calligraphie arabe tout en soulignant l’engagement de l’Arabie saoudite à préserver son identité et son patrimoine culturel.

Selon le prince Badr, le centre représente une vision ambitieuse visant à élever la calligraphie arabe comme outil universel de communication et élément central de l’héritage, de l’art, de l’architecture et du design arabes.

Le centre a également pour objectif de renforcer l’identité culturelle du Royaume et sa présence internationale, en ciblant calligraphes, talents émergents, artistes visuels, chercheurs en arts islamiques, institutions éducatives et culturelles, ainsi que les passionnés d’art et de patrimoine à travers le monde.

Il proposera des programmes spécialisés, incluant services de recherche et d’archivage, enseignement de la calligraphie, bourses académiques, musée permanent, expositions itinérantes, association internationale de calligraphie et incubateur soutenant les entreprises liées à la calligraphie.

D’autres initiatives incluent des programmes de résidence d’artistes, des ateliers dirigés par des experts, l’élaboration de programmes pédagogiques standardisés, ainsi que des partenariats éducatifs internationaux visant à la conservation du patrimoine et à la promotion mondiale de cet art ancestral.

L’établissement du centre à Médine revêt une signification particulière, compte tenu du rôle historique de la ville comme berceau de la calligraphie arabe et de son association avec la transcription du Coran et la préservation du savoir islamique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com