Adieu 2021, l’année qui a remis l’Opep+ aux commandes

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Publié le Mercredi 05 janvier 2022

Adieu 2021, l’année qui a remis l’Opep+ aux commandes

  • Greta Thunberg a qualifié de «bla-bla» les promesses des dirigeants mondiaux de lutter contre le réchauffement climatique
  • Les émissions de carbone devraient augmenter de 16 % d’ici à 2030 selon l’ONU, plutôt que de diminuer de moitié

LONDRES: Greta Thunberg a qualifié de «bla-bla» les promesses des dirigeants mondiaux de lutter contre le réchauffement climatique. Ces propos ne sont pas bien loin de la réalité en 2021.

Malgré des engagements sérieux, de Washington à Pékin, pour réduire la consommation de carburants fossiles et les émissions de carbone, la demande de pétrole brut a grimpé en flèche en 2021, au moment où la reprise mondiale s’est enclenchée après la pandémie de Covid-19.

Ne le dites surtout pas à Greta, mais les prix du pétrole ont augmenté de près de 50 % cette année, grâce à une demande accrue et à une offre insuffisante.

En janvier, le mois où Joe Biden a prêté serment en tant que président des États-Unis, et où Washington a rejoint l’accord de Paris sur le réchauffement climatique, un baril de brut brent se vendait à près de 52 dollars (1 dollar = 0,88 euro).

En mars, il a grimpé à 70 dollars.

Les prix du pétrole augmentent depuis le dernier trimestre de l’année précédente, mais le catalyseur immédiat du pic de mars, ainsi que la hausse des prix mondiaux du brut cette année, a été l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses alliés, qui ont surpris les marchés en acceptant de prolonger la production réduite jusqu’en avril.

Dans un contexte de reprise économique naissante, de faibles stocks et d’un manque de capacité de réserve, l’approvisionnement en pétrole a soudain semblé beaucoup plus faible.

Les fournisseurs ont été pris au dépourvu avec la forte augmentation de la demande de pétrole, lorsque les restrictions en lien avec la pandémie de Covid-19 ont commencé à s’assouplir au milieu de l’année. Des tensions sont alors apparues entre les États-Unis et l’Opep+ (14 pays de l’Opep plus 10 autres pays).

À mesure que la demande dépassait l’offre, les prix locaux du gaz ont grimpé en flèche aux États-Unis. Le président Biden a appelé l’Opep+ à ouvrir les vannes et à augmenter la production, mais sa demande a été ignorée. Le groupe et ses partenaires ont continué d’opter pour la modération.

En bref

En réalité, comme tous les producteurs mondiaux de pétrole, l’Opep+ a eu du mal à augmenter sa production en raison d’un sous-investissement. Alors que les investissements pétroliers ont augmenté de quelque 10 % cette année, les dépenses sont restées nettement inférieures aux niveaux antérieurs à la pandémie, car la pression persiste sur les entreprises privées afin qu’elles contrôlent leurs portefeuilles pétroliers et gaziers.

En juin, plus de quatre cents investisseurs de premier plan contrôlant 41 000 milliards de dollars d’actifs ont appelé les gouvernements du monde entier à arrêter de soutenir les carburants fossiles. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié cette année, note que «l’équilibre des investissements dans les carburants fossiles s’oriente vers les entreprises publiques».

Même l’industrie américaine du schiste qui, il y a quelques années, était considérée comme le principal producteur mondial de pétrole, a limité ses dépenses. Comme l’a brièvement mentionné le ministre saoudien de l’Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, en mars: «L’époque du mantra de l’industrie américaine de la fracturation hydraulique, “fore, chéri, fore”, est révolue.»

L'AIE n’a guère aidé les investissements lorsqu’elle a exigé, en mai, la fin immédiate de l’extraction de combustibles fossiles, une demande que le prince Abdelaziz ben Salmane a de nouveau décrite comme un scénario «imaginaire».

Dans un environnement hostile aux carburants fossiles, les investissements dans les énergies renouvelables ont continué de croître cette année. En effet, en 2021, les énergies renouvelables sont le seul secteur énergétique à voir les investissements dépasser les niveaux d’avant la pandémie. Il s’agit d’une hausse de près de 10 % depuis 2019.

Mais bien sûr, le problème avec les appels au désinvestissement dans l’industrie pétrolière est que s’attaquer à l’offre ne fait absolument rien pour freiner la demande des consommateurs – le véritable moteur du réchauffement climatique. Ainsi, alors que le monde était concentré sur les jeux Olympiques de Tokyo, qui ont commencé en juillet, l’or noir a atteint 75 dollars.

En octobre, quelques semaines seulement avant que les dirigeants mondiaux ne se réunissent pour faire part de leur engagement à lutter contre le réchauffement climatique, lors de la Conférence des nations unies sur les changements climatiques (COP26) à Glasgow, le baril de brut brent a atteint 86 dollars, un sommet en sept ans.

La hausse des prix en octobre était due, en grande partie, aux prévisions d’un déficit de l’offre alors que la demande continuait d’augmenter. En même temps, la forte hausse des prix mondiaux du gaz, et même du charbon, depuis le mois d’août, a contraint de nombreux producteurs d’électricité à s’éloigner du gaz naturel pour se tourner plutôt vers le fioul et le diesel.

Les prix de gros du gaz européen ont augmenté de plus de 800 % par rapport à 2021, en raison d’une combinaison de demande mondiale et de concurrence entre l’Europe et l’Asie en matière d’approvisionnement.

Les dirigeants européens ont également accusé le président de la Russie, Vladimir Poutine, dont le pays fournit environ un tiers du gaz européen, de suspendre l’approvisionnement pour forcer l’Union européenne (UE) à approuver son gazoduc controversé Nord Stream 2. Ce gazoduc est prévu pour fournir du pétrole à l’Europe, mais contourne l’Ukraine, qui a des différends territoriaux de longue date avec la Russie.

Le pic pétrolier d’octobre a de nouveau été favorisé par l’Opep+, dont les pays avaient tenu à respecter le pacte de juillet pour augmenter progressivement l’offre, ignorant les nouveaux appels du président Biden à ouvrir les vannes alors que les prix de l’essence aux États-Unis avaient atteint leur niveau le plus haut en sept ans.

En réponse à cela, et quelques jours seulement après avoir exigé des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique lors de la COP26 en novembre, Joe Biden a annoncé la plus grande libération de réserves de pétrole d’urgence de l’Histoire des États-Unis à partir du stock stratégique de pétrole du pays. Cette libération de cinquante millions de barils de pétrole n’a eu aucune incidence sur les prix qui ont grimpé de 2 %.

Cette initiative prise par Joe Biden en novembre montre que 2021 est l’année où l’Opep et ses alliés ont été aux commandes dans la fixation du prix mondial du pétrole brut.

Vers la fin de l’année, la baisse était en grande partie due aux craintes que les restrictions de voyage imposées par les gouvernements à cause du variant Omicron ne touchent l’industrie de l’aviation. Le pétrole brut brent s’échangeait toujours à près de 80 dollars le baril en décembre au moment où 2021 tirait à sa fin.

Un rapport de JP Morgan publié en décembre prévoit une augmentation du prix du pétrole à 125 dollars le baril en 2022 et, accrochez-vous, à 150 dollars en 2023, une fois de plus en raison des déficits de production de l’Opep+.

«Nous pensons que l’Opep+ ralentira les augmentations engagées au début de 2022, et qu'il est peu probable que le groupe augmente l’offre à moins que les prix du pétrole ne soient bien soutenus», a déclaré la banque.

Une estimation légèrement plus prudente de Goldman Sachs prévoit également un niveau élevé du prix du pétrole l’année prochaine et en 2023 – le brut pouvant atteindre 100 à 110 dollars le baril.

L’AIE s’attend à ce que la consommation de brut atteigne 99,53 millions de barils par jour en 2022, contre 96,2 millions en 2021, et retrouve plus ou moins les niveaux d’avant la pandémie.

Par conséquent, les émissions de carbone devraient augmenter de 16 % d’ici à 2030 selon l’Organisation des nations unies (ONU), plutôt que de diminuer de moitié – réduction nécessaire pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de la limite de 1,5°C prévue par l’accord de Paris.

Bonne année à toi, Greta, et à tous les lecteurs d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Kering vend sa beauté à L'Oréal pour se relancer

Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement. (AFP)
Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement. (AFP)
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  • L'information avait été dévoilée samedi par le Wall Street Journal: Kering cède au numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal sa division beauté, créée en 2023 avec notamment l'achat de la marque de parfums de luxe Creed pour 3,5 milliards de dollars
  • La cession, annoncée dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée par les marchés à l'ouverture de la Bourse de Paris lundi, où l'action Kering gagnait plus de 5% dans les premiers échanges

PARIS: Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement.

L'information avait été dévoilée samedi par le Wall Street Journal: Kering cède au numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal sa division beauté, créée en 2023 avec notamment l'achat de la marque de parfums de luxe Creed pour 3,5 milliards de dollars.

La réalisation de l'opération est prévue au premier semestre 2026.

La cession, annoncée dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée par les marchés à l'ouverture de la Bourse de Paris lundi, où l'action Kering gagnait plus de 5% dans les premiers échanges.

L'accord comprend également "l'établissement des licences de 50 ans pour les marques iconiques de Kering" (Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga), L'Oréal possédant déjà depuis 2008 la licence Yves Saint Laurent.

Le partenariat inclut "les droits de conclure un accord de licence exclusif d'une durée de cinquante ans pour la création, le développement et la distribution des produits parfum et beauté de Gucci, démarrant après l'expiration de la licence actuelle avec Coty, dans le respect des obligations du groupe Kering au titre de l'accord de licence existant".

Selon une note des analystes de HSBC, la licence arrive à expiration chez l'américain Coty en 2028.

Il est également inclus un "partenariat exclusif, prévu sous la forme d'une co-entreprise à 50/50, qui permettra de créer des expériences et des services combinant les capacités d'innovation de L'Oréal et la connaissance approfondie des clients du luxe de Kering".

"L'ajout de ces marques extraordinaires complète parfaitement notre portefeuille existant et élargit considérablement notre présence dans de nouveaux segments dynamiques de la beauté de luxe (...) Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga sont toutes des marques de couture exceptionnelles qui présentent un énorme potentiel de croissance", déclare le directeur général de L'Oréal, Nicolas Hieronimus, cité dans le communiqué.

"Etape décisive pour Kering"

"Cette alliance stratégique marque une étape décisive pour Kering", déclare son directeur général, Luca de Meo, cité dans le communiqué, "ce partenariat nous permet de nous concentrer sur ce qui nous définit le mieux : notre puissance créative et l'attractivité de nos Maisons".

Cette annonce survient un mois seulement après l'entrée en fonction de Luca de Meo, chargé de redresser le groupe malmené depuis plusieurs années par les difficultés de sa marque phare Gucci, qui assure à elle seule 44% du chiffre d'affaires et les deux tiers de la rentabilité opérationnelle mais n'en finit pas de traverser une mauvaise passe.

"Nous devrons continuer à nous désendetter et, là où cela s'impose, rationaliser, réorganiser et repositionner certaines de nos marques", avait déclaré Luca de Meo le jour de sa nomination le 9 septembre. .

"Le nouveau directeur général de Kering semble déjà vouloir marquer les esprits. Luca de Meo a déclaré que le redressement du bilan constituait une priorité, et qu'une vente de la division beauté permettrait de réduire significativement l'endettement" du groupe, retient lundi Adam Cochrane, analyste de Deutsche Bank.

Kering a annoncé en juillet une chute de 46% de son bénéfice net au premier semestre, à 474 millions d'euros, un plongeon de 16% de son chiffre d'affaires, à 7,6 milliards d'euros, et un endettement de 9,5 milliards d'euros.

Cette vente à L'Oréal devrait permettre au groupe de diminuer sa dette. Les 4 milliards d'euros seront "payables en numéraire à la réalisation de l'opération prévue pour le premier semestre 2026", précise le communiqué.

L'Oréal versera également des redevances à Kering pour l'utilisation des marques sous licence.

L'Oréal a de son côté publié en juillet un chiffre d'affaires semestriel en hausse de 1,6% à 22,47 milliards. Les ventes semestrielles de sa division luxe ont progressé de 1% à plus de 7,65 milliards d'euros.

Le groupe de cosmétiques a également été cité en septembre dans le testament de Giorgio Armani, qui a demandé à ses héritiers de céder à moyen terme son empire à un géant comme LVMH, L'Oréal ou EssilorLuxottica.

L'Oréal possède la licence Armani pour les parfums et cosmétiques depuis 1988.


L’intelligence artificielle, levier d’émancipation pour les femmes selon la directrice de la DCO

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
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  • Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures
  • Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré

PARIS: Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures numériques, de renforcer la coopération internationale et d’intégrer cette technologie au cœur des stratégies nationales de développement.

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. »

« On voit de plus en plus de femmes s’intéresser à l’IA et aux algorithmes dans différents domaines ; il faut s’en saisir comme d’une opportunité », souligne El Haddaoui, dont l’organisation, fondée à Riyad en 2020, regroupe 16 États membres et compte plus de 40 partenaires issus des secteurs technologique et financier.

Œuvrant essentiellement autour de deux axes stratégiques — la résilience technologique et la prospérité numérique —, la DCO s’est vu accorder un siège d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies en 2022.

L’accès à l’intelligence artificielle n’est cependant pas uniforme à l’échelle mondiale, plaide El Haddaoui, dont l’organisation œuvre pour l’inclusivité numérique et technologique.
« Non, il n’y a pas d’égalité entre les pays, affirme-t-elle sans détour. Certains ont énormément investi dans l’IA et disposent des ressources nécessaires, tandis que d’autres en sont encore loin. »

Elle insiste sur l’importance de la coopération régionale pour réduire ces écarts : « Il faut échanger les bonnes pratiques et, surtout, soutenir les pays en retard par de grands investissements », souligne-t-elle, rappelant que « certains pays n’ont même pas la 5G, ce qui rend toute avancée en IA très difficile ».

Pour elle, la réduction de cette fracture nécessite des partenariats solides entre États, des échanges d’expériences et un appui financier ciblé, afin « de permettre à davantage de pays d’intégrer l’intelligence artificielle dans leurs priorités nationales ».

Cependant, les disparités ne sont pas seulement internationales, souligne El Haddaoui : elles sont également internes, car « dans certains pays, les zones rurales n’ont même pas accès à Internet, alors que d’autres régions abritent des hubs d’innovation très avancés », observe-t-elle.

Cette fracture numérique interne constitue, selon elle, un défi majeur. La solution passe par une stratégie globale d’éducation et d’inclusion : « Il faut prendre en compte l’éducation dès le plus jeune âge, développer des applications accessibles dans les langues locales et former les talents nationaux pour diffuser les connaissances liées à l’IA au sein même du pays. »

Ce n’est qu’une fois ces bases posées que la réduction de la fracture pourra s’étendre aux niveaux régional et mondial.

Interrogée sur le risque de voir le financement de l’IA se faire au détriment d’autres secteurs essentiels, El Haddaoui se veut rassurante : « Si l’intelligence artificielle est intégrée dans la stratégie numérique nationale et appliquée à tous les secteurs — santé, finance, économie ou éducation —, elle ne concurrence pas les autres investissements, elle les renforce », explique-t-elle.

Elle met toutefois en garde contre une approche sectorielle trop étroite : « Dans les pays où l’investissement est concentré uniquement sur l’IA sans vision transversale, le risque existe. Il ne faut pas répéter les erreurs commises lors de la transformation digitale dans certaines régions. L’IA doit être pensée comme une stratégie cross-industry, présente dans tous les secteurs et non en silo. »

Pour cette raison, ajoute-t-elle, la DCO travaille avec de nombreux États membres, dont le Maroc : « Nous sommes présents sur le terrain dans plusieurs pays membres afin d’accompagner le développement numérique local », précise-t-elle.


La ministre de la transition numérique marocaine: l’IA une opportunité pour l’émancipation des femmes

L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
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  • Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies
  • En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés

PARIS: L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail.
C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni, qui voit dans cette technologie une opportunité majeure pour réduire les fractures sociales et économiques, à condition de s’y préparer dès maintenant.

Nommée ministre en 2024, Seghrouchni est une pionnière de l’intelligence artificielle. Elle est même décrite par certains comme « l’Elon Musk du Maroc », mais elle se distingue de ce dernier par son engagement éthique et son attachement à l’inclusion et à la justice sociale liées à l’avènement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de ses fonctions et responsabilités, elle poursuit sa quête d’une utilisation raisonnée de l’intelligence artificielle, au profit de tous.

Présente à Paris à l’occasion de la 16ᵉ édition des Rencontres économiques, organisées par l’Institut du monde arabe, la ministre a insisté, en réponse à Arab News en français, sur la nécessité d’intégrer les femmes dans cette révolution technologique.
« Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est utilisée dans tous les secteurs de la vie professionnelle : la santé, l’agriculture, l’art, la culture, le droit ou encore la fintech », indique-t-elle. « Et si les femmes maîtrisent l’intelligence artificielle, elles peuvent accéder à un marché de l’emploi beaucoup plus vaste. »

Selon la ministre, l’IA permet aux femmes d’améliorer leur productivité et d’accéder à des ressources jusqu’ici moins accessibles, comme la traduction automatique, les calculs complexes ou la recherche d’informations ciblées : « autant d’usages concrets qui peuvent faciliter leur insertion professionnelle ».
Elle met également en avant le potentiel des outils d’IA pour les femmes entrepreneures, dirigeant des petites ou moyennes entreprises, qui peuvent ainsi s’appuyer sur le commerce électronique pour dépasser les limites des marchés locaux.
« Il existe aujourd’hui des plateformes qui permettent aux femmes d’accéder à un marché global grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-elle.

La formation à l’IA représente un investissement, concède la ministre, mais celui-ci reste accessible et rentable. De nombreux programmes, soutenus par des organisations internationales ou des initiatives nationales, visent à réduire cette barrière financière.
« Nous avons lancé un programme qui s’appelle Elevate pour le commerce électronique : il aide gratuitement des femmes à accéder à ces plateformes », précise-t-elle. Et même si certaines formations sont payantes, les coûts restent modérés « au regard du retour sur investissement potentiel ».

La ministre reconnaît cependant l’existence de plusieurs niveaux de fracture : alphabétisation, numérique, et désormais intelligence artificielle.
Mais elle estime que « la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une fracture, mais si nous allons pouvoir maîtriser ces technologies pour ne pas rester sur le bord du chemin », car il ne s’agit pas de subir ces transformations, mais « de les utiliser comme leviers de réduction des inégalités ».

Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies. En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés.
Le pays a lancé des plateformes de formation, un programme de soutien aux start-up, ainsi qu’un vaste réseau d’instituts de recherche et de développement baptisé Jazari.

« Rien n’arrive tout seul », rappelle la ministre. « Le coût est là, mais aussi la volonté d’apporter les moyens humains, financiers et techniques nécessaires. C’est un grand chantier que nous voulons mener à bien, avec la détermination des femmes à monter dans ce que j’appelle le train de l’IA. »

La métaphore est claire : l’intelligence artificielle avance rapidement, et il faut savoir monter à bord au bon moment. En misant sur la formation, l’accès aux outils et l’accompagnement des femmes, la ministre entend faire de l’IA non pas une nouvelle ligne de fracture, mais une voie d’émancipation et d’ouverture.