Innovations en santé: la Covid a changé la donne, mais la France a toujours besoin de plus de financements

Une infirmière soigne un patient Covid-19 à l'unité de soins intensifs (USI) de l'hôpital Delafontaine AP-HP à Saint-Denis, le 29 décembre 2021. (Photo, AFP)
Une infirmière soigne un patient Covid-19 à l'unité de soins intensifs (USI) de l'hôpital Delafontaine AP-HP à Saint-Denis, le 29 décembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 05 janvier 2022

Innovations en santé: la Covid a changé la donne, mais la France a toujours besoin de plus de financements

  • Avant la Covid, on n'entendait pas les dirigeants politiques dire: +La santé est une priorité+
  • En France, quelques fonds se sont bien développés avec des montants d'investissement raisonnables

PARIS: La pandémie de Covid-19 a transformé la façon d'envisager le monde des sciences de la vie, estime Maryvonne Hiance, présidente du fonds de dotation Healthtech For Care et vice-présidente de la société de biotechnologies nantaise Ose Immunotherapeutics.

QUESTION: Deux ans après le début de la pandémie, qu'est-ce qui a changé pour le secteur de la recherche en santé?

REPONSE:: On observe une plus grande visibilité des technologies de la santé. Avant la Covid, ce domaine effrayait car il est compliqué et que le développement de nouveaux produits prend du temps. Désormais, on se rend compte qu'il s'agit d'une activité essentielle pour l'Europe, d'avoir la science et d'être capable de transformer ces concepts en produits pour soigner tous les patients. On s'est rendu compte que les biotechs ont sauvé des vies avec les vaccins contre la Covid-19, cela s'est fait très rapidement.

Avant la Covid, on n'entendait pas les dirigeants politiques dire: +La santé est une priorité+. Alors que maintenant c'est le cas. Il y a aussi eu le plan de relance de 7 milliards d'euros pour l'innovation en France. Ainsi que la création en Europe de l'organisme Hera (destiné à mieux préparer l'Europe à affronter de futures crises sanitaires, NDLR).

Q: Malgré tout, vous estimez qu'il reste beaucoup à faire en France pour encourager l'innovation?

R: Il y a des fonds d'investissement qui ont été créés, mais comme on l'a vu dans le cadre de la pandémie, ce n'est pas vingt millions, mais 300, 500 millions d'euros qui sont nécessaires pour développer un produit de santé rapidement et pour qu'il parvienne jusqu'au patient. En France, quelques fonds se sont bien développés avec des montants d'investissement raisonnables. BpiFrance soutient aussi, mais ça n'est pas suffisant pour financer tous les produits qui émergent de la science académique ou du monde des biotechs.

HealthTech For Care a pour principale mission de faire que tous les concepts innovants de la santé puissent arriver au patient: cela passe par des financements, mais aussi par le décloisonnement des parties administrative et réglementaire, qui sont beaucoup plus pesantes en France qu'en Allemagne, en Belgique ou en Espagne. En France, on souffre d'un excès de zèle du principe de précaution.

Q: Où en est CoVepiT, le vaccin contre la Covid développé par Ose Immunotherapeutics, dont vous êtes la vice-présidente?

R: Notre essai clinique est toujours en cours. C'est long, nous avons arrêté pour observer les effets (Ose Immunotherapeutics avait suspendu son essai en juillet à cause de réactions lors de l'administration du vaccin, avant de publier en décembre de premiers résultats positifs, NDLR). Or, quand on s'arrête, on perd 6 à 9 mois. Mais il y aura bientôt un vaccin français sur le marché avec la biotech Valneva.

Il faut se souvenir que normalement, un médicament ou un vaccin, c'est 10 à 15 ans de développement. Aux États-Unis, la FDA (les autorités de santé américaine, NDLR) a accepté que les phases 1, 2 et 3 des essais cliniques soient réalisées en même temps. Il fallait 500 millions de dollars, et ils les ont mis. En France, personne n'a mis 500 millions.

Si Valneva a été un peu plus rapide, c'est que les Britanniques ont investi dans leur vaccin. Le financement reste le nerf de la guerre. En fait, il faut qu'au niveau européen, on choisisse quelques technologies et qu'on mette le paquet. 


Budget des armées: les députés se prononcent sur une enveloppe de 413 milliards sur sept ans

Des parachutistes français du 3e RIPMA (régiment de parachutistes d'infanterie de marine) participent pendant des manoeuvre à Caylus, dans le sud-ouest de la France le 23 mai 2023. (Photo par CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
Des parachutistes français du 3e RIPMA (régiment de parachutistes d'infanterie de marine) participent pendant des manoeuvre à Caylus, dans le sud-ouest de la France le 23 mai 2023. (Photo par CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Les 413,3 milliards pour 2024-2030 de ce projet de loi de programmation militaire (LPM) représentent une hausse de 40% par rapport à la précédente loi
  • Ils doivent notamment permettre de faire perdurer et moderniser la dissuasion nucléaire. Trente milliards doivent servir à couvrir l'inflation

PARIS: Quelque 413 milliards sur sept ans: malgré des critiques dénonçant des "effets d'annonce" et des reports de livraisons de matériel, le gouvernement a bon espoir de faire adopter mercredi à l'Assemblée son texte pour "préparer" et "moderniser" les armées.

Après deux semaines d'examen, sans accroc pour le ministre des Armées Sébastien Lecornu, sur fond de guerre en Ukraine, le gouvernement espère bien transformer l'essai en première lecture dans l'après-midi.

Malgré une Assemblée tendue par la question des retraites, un rejet du texte paraît peu probable, après que le groupe Les Républicains, dont les membres étaient divisés avant l'examen du texte, a annoncé mardi se diriger "vers un vote pour".

Très critique de la copie initiale, le président du groupe Olivier Marleix a salué la sécurisation, grâce à un amendement de la droite, de 13,3 milliards d'euros, qui reposent sur des crédits extrabudgétaires. Il a toutefois demandé des avancées au Sénat sur d'autres points du texte.

Les 413,3 milliards pour 2024-2030 de ce projet de loi de programmation militaire (LPM) représentent une hausse de 40% par rapport à la précédente loi. Ils doivent notamment permettre de faire perdurer et moderniser la dissuasion nucléaire. Trente milliards doivent servir à couvrir l'inflation.

Les crédits doivent également améliorer le traitement des troupes, et permettre de bonifier les conditions des réservistes, pour faire doubler les effectifs de la réserve opérationnelle (80.000 volontaires visés pour 2030).

La LPM prévoit également des enveloppes pour "moderniser" l'appareil militaire : 10 milliards pour l'innovation, 6 milliards pour "l'espace", 4 milliards pour le "cyber", 5 milliards pour les drones...

Les marches de la discorde

Malgré toutes ces annonces, la copie du gouvernement ne fait pas l'unanimité.

D'abord en raison de reports de livraison de matériels. Les armées recevront ainsi sur la période moins de chars, de Rafale ou de frégates par exemple que ce qui était prévu dans la précédente LPM.

Sébastien Lecornu dit "privilégier la cohérence sur la masse" : recevoir moins de matériel, mais s'assurer qu'il soit opérationnel et que les militaires y soient entraînés.

Mais le principal grief des oppositions porte sur le calendrier des efforts.

Pour arriver à 69 milliards de budget annuel en 2030, l'exécutif prévoit de progresser par "marches" : + 3,1 milliards en 2024, puis 3 milliards supplémentaires par an de 2025 à 2027, et 4,3 milliards de plus par an à partir de 2028, soit après la fin du quinquennat Macron.

"On annonce 413 milliards pour récupérer la gloire, et c'est les successeurs qui paieront", critique Laurent Jacobelli (RN), pour qui "toutes les options sont sur la table pour le vote". Mais l'abstention voire le vote pour paraissent tenir la corde du côté du Rassemblement national.

"Les questions budgétaires sont devenues un gimmick de répétition, peut-être pour justifier un vote que certains ne seraient pas capables de justifier autrement", a grincé dans l'hémicycle Sébastien Lecornu.

Divisée sur certains sujets majeurs (Otan, dissuasion nucléaire), la gauche devrait aussi l'être dans ses votes. Les députées socialistes en pointe sur le texte ont dénoncé dans une tribune au Monde la trajectoire budgétaire et le manque de "cohérence" de la programmation.

Leur groupe s'abstiendra, tout comme les écologistes opposés à la poursuite à long terme de la dissuasion et à la construction d'un nouveau porte-avion.

Les communistes historiquement opposés à la dissuasion nucléaire devraient voter contre mercredi, tout comme les insoumis.

Aurélien Saintoul (LFI) pointe des divergences trop "profondes" sur le commandement intégré de l'Otan, sur des programmes d'armement franco-allemands, mais aussi sur la question du Service national universel (SNU) qu'il craint de voir généralisé pour tenir les objectifs de hausse des réservistes, ce que ce texte ne prévoit pas en l'état.

Le projet de loi instaure également un contrôle strict de militaires et civils ayant exercé des fonctions sensibles, et souhaitant travailler pour un État ou une entreprise étrangère. Il étend également les pouvoirs de réquisitions de l'Etat auprès d'entreprises impliquées dans la défense.

Il renforce, enfin, les pouvoirs de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) dans la lutte contre les cyberattaques, malgré de vives inquiétudes à gauche pour la protection des données et libertés publiques.


Prison ferme pour cinq agresseurs d'un jeune responsable RN

Un avocat entre dans une salle du palais de justice de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 15 octobre 2018. (Photo d'illustration NICOLAS TUCAT / AFP)
Un avocat entre dans une salle du palais de justice de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 15 octobre 2018. (Photo d'illustration NICOLAS TUCAT / AFP)
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  • Âgés de 24 à 33 ans et identifiés grâce à la vidéo-surveillance du bar où la rixe s'est produite en juillet 2022, les mis en cause répondaient depuis lundi d'une "nuée de violence"
  • Alors qu'il était attablé à la terrasse d'un bar, Pierre Le Camus, 23 ans, aujourd'hui responsable du Rassemblement national dans la capitale girondine, avait été roué de coups, avec son frère Thomas et des amis

BORDEAUX: Cinq hommes jugés à Bordeaux ont été condamnés à un an de prison ferme pour l'agression, en 2022, d'un ex-candidat RN aux élections législatives et de cinq autres personnes qui dénonçaient une "expédition punitive".

Un sixième prévenu a été relaxé par le tribunal correctionnel, faute "d'éléments suffisants pour attester son implication".

Âgés de 24 à 33 ans et identifiés grâce à la vidéo-surveillance du bar où la rixe s'est produite en juillet 2022, les mis en cause répondaient depuis lundi d'une "nuée de violence", selon les mots de la procureure Aglaë Fradois.

Ils sont tous membres des "Ultramarines", un groupe de supporters des Girondins de Bordeaux marqué à gauche.

Agression à caractère politique

Alors qu'il était attablé à la terrasse d'un bar, Pierre Le Camus, 23 ans, aujourd'hui responsable du Rassemblement national dans la capitale girondine, avait été roué de coups, avec son frère Thomas et des amis, ciblés selon lui par un groupe d'antifas l'ayant reconnu.

Les victimes dénonçaient une agression à caractère politique, le slogan "Bordeaux antifas!" ayant été lancé lors de la rixe, ce qu'a confirmé une vidéo diffusée à l'audience.

Des témoins ont rapporté par ailleurs avoir entendu les slogans "Ultramarines" et "C'est pour Saint-Michel", allusion à une rixe survenue quelques jours plus tôt dans un autre quartier de la ville.

Dans cette affaire, huit personnes proches de l'ultra-droite ont été condamnées en mai à des peines de prison ferme pour des faits de violences aggravées à caractère raciste et outrage sexiste. Certains étaient membres du groupuscule Bordeaux nationaliste, dissous en février.

«Expédition punitive» contre des militants RN

Mardi, la procureure avait requis cinq ans de prison, dont quatre avec sursis, pour un prévenu suspecté d'avoir frappé Thomas Le Camus alors qu'il était au sol et inconscient ; et trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour les cinq autres.

Le tribunal n'a pas fait de distinction au final entre les condamnés, expliquant qu'"au nom du principe de violence en réunion", ils étaient "considérés comme responsables de l'intégralité des faits, y compris ceux qu'ils n'ont pas commis de manière individuelle".

Les avocats de la partie civile ont dénoncé une "expédition punitive" contre des militants RN, née selon eux d'un "amalgame" avec la rixe du quartier Saint-Michel.

Me Hubert Hazera, l'avocat de la défense, a fustigé la "récupération politique" de ce procès par le parti d'extrême droite, dans une forme de "match retour" judiciaire.

Les députés RN de Gironde Edwige Diaz et Grégoire de Fournas, venus soutenir les victimes à l'audience, ont demandé au ministère de l'Intérieur de dissoudre le groupe des "Ultramarines", au motif qu'il serait un "groupe violent d'ultra-gauche".


Les retraites, paroxysme d'une année de tensions à l'Assemblée nationale

Depuis les législatives il y a un an, les accès de tensions se multiplient à l'Assemblée, surtout entre La France insoumise et le camp présidentiel, et les retraites vont de nouveau secouer l'hémicycle jeudi. (AFP)
Depuis les législatives il y a un an, les accès de tensions se multiplient à l'Assemblée, surtout entre La France insoumise et le camp présidentiel, et les retraites vont de nouveau secouer l'hémicycle jeudi. (AFP)
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  • Dans les couloirs, l'ambiance est jugée «très différente de la précédente législature», glisse une fonctionnaire. «On sent que ça peut exploser à tout moment»
  • A l'extrême droite, les députés du Rassemblement national, cravatés, tentent de jouer à fond le contraste avec LFI, quitte à perdre en visibilité

PARIS: "Bordélisation", "assassin", "magouilles", "députés paillassons": depuis les législatives il y a un an, les accès de tensions se multiplient à l'Assemblée, surtout entre La France insoumise et le camp présidentiel, et les retraites vont de nouveau secouer l'hémicycle jeudi.

L'examen de la proposition du groupe indépendant Liot d'abrogation de la retraite à 64 ans offre une nouvelle illustration de l'atmosphère électrique qui règne au Palais-Bourbon. Les débats ont déjà été particulièrement houleux en commission la semaine dernière autour de ce texte, vidé de sa substance par les macronistes.

Dans une salle bondée, des députés LFI se sont emportés contre les "dérives mafieuses" et les "magouilles" du camp macroniste, alors que la présidente de la commission Fadila Khattabi (Renaissance) écartait, sans les mettre en discussion, des milliers d'amendements de la gauche en dénonçant une "obstruction flagrante".

Hors micro, Caroline Fiat (LFI) et la cheffe des députés Renaissance Aurore Bergé se sont brièvement prises à partie. "T'as un problème ? Y a Mme Bergé, elle me menace ?", a lâché l'Insoumise en sortant de la salle, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les retraites ont exacerbé les tensions entre les deux camps. La relation entre la gauche et la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet s'est aussi nettement détériorée.

La Nupes a mal vécu les dizaines de rappels à l'ordre infligés après la séance dantesque du 16 mars, jour du 49.3 sur les retraites, quand des élus avaient brandi des pancartes "64 ans, c'est non", tout en couvrant le discours d’Élisabeth Borne par une Marseillaise.

"Nous ne sommes pas des gamins à punir", avait réagi l'écologiste Sandrine Rousseau.

«Effarement»

Cette Assemblée polarisée et privée de majorité absolue depuis juin 2022 peut-elle tenir encore quatre ans ?

Un député de la majorité confie "un peu de lassitude et d'effarement", pointant "l'attitude très très limite des LFI". Il n'a "plus tellement envie de leur parler à la buvette", où les élus mettent habituellement en sourdine les joutes politiques de l'hémicycle.

La présidente des députés insoumis Mathilde Panot balaie ces critiques du camp présidentiel: "je n'appartiens pas à leur monde, je n'ai pas à être douce, polie, gentille face à des gens qui sont en train de mettre le pays dans un chaos indescriptible".

"Nous discréditer comme étant des violents fait partie d'une stratégie. Il y a eu des épisodes bien plus violents dans l'histoire de ce Parlement", insiste-t-elle.

"Au final, on y arrive mais c'est vrai que le paroxysme des retraites a marqué l'ensemble des collègues", estime Élodie Jacquier-Laforge, vice-présidente MoDem de l'Assemblée.

Elle a présidé en mars la séance chaotique où le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a fait deux bras d'honneur, après une intervention d'Olivier Marleix (LR) sur les membres du gouvernement, dont le garde des Sceaux, mis en examen.

Élodie Jacquier-Laforge souligne toutefois les relations cordiales entre vice-présidents de tous bords politiques. "On se dépanne. Les collègues qui laissent du paracétamol dans le tiroir du bureau" au perchoir, "c'est quand même super sympa", rit-elle.

Car l'Assemblée est d'humeur changeante ... parfois dans la même journée.

Le 31 mai au matin, les députés s'écharpent sur les retraites. Dans la soirée, ils s'unissent pour voter une loi transpartisane sur les influenceurs. Et dans la nuit, ils remontent dans les tours et s'invectivent sur l'encadrement des loyers.

Dans les couloirs, l'ambiance est jugée "très différente de la précédente législature", glisse une fonctionnaire. "On sent que ça peut exploser à tout moment".

Les services se sont réorganisés. Deux rédacteurs du compte rendu sont désormais présents conjointement dans l'hémicycle pour ne rien rater de ces débats plus agités.

A l'extrême droite, les députés du Rassemblement national, cravatés, tentent de jouer à fond le contraste avec LFI, quitte à perdre en visibilité.

Ce qui n'empêche pas les débordements. Comme le 3 novembre, lorsque l'élu frontiste Grégoire de Fournas avait lancé "qu'il retourne en Afrique", lors d'une intervention du député noir Carlos Martens Bilongo (LFI), portant sur des migrants et un bateau de SOS Méditerranée. Pour ses propos, l'élu RN avait été exclu durant 15 jours de séance, la plus lourde sanction possible.