Avons-nous encore besoin de villes dans un monde virtuel post-pandémique?

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Publié le Jeudi 01 octobre 2020

Avons-nous encore besoin de villes dans un monde virtuel post-pandémique?

Avons-nous encore besoin de villes dans un monde virtuel post-pandémique?
  • La ville n’est pas conçue pour faire face à une pandémie virale qui se propage d’autant plus efficacement que les contacts humains sont étroits
  • De l’importance d’investir dans la résilience de nos villes et de nos citoyens est le titre à retenir pour l’année 2020

Depuis la création des premières villes il y a environ sept mille ans, les humains ont été inéluctablement attirés les uns vers les autres. Qu’il s’agisse de feux placés au milieu de cercles pour se réchauffer ou de tables rondes pour faire partie de l’action commerciale, nous sommes une espèce naturellement encline à se rassembler, grâce à nos besoins fondamentaux.

En matière d’habitation, la plupart d’entre nous ont été contraints d’installer des grands ensembles dans les centres urbains. Au fil des millénaires d’industrialisation et d’innovation, nous avons progressivement transformé ces centres urbains en ruches d’activité dynamiques, qui ont permis la productivité humaine, l’innovation et l’invention.

Ces ruches d’activité humaines sont connues sous le nom de «villes». Et elles sont devenues le cœur de nos économies, la pierre angulaire de nos sociétés.

Aujourd’hui, 55 % de la population mondiale vit dans les villes. Prises ensembles, nos villes produisent 70 % du PIB mondial. D’ici à 2050, le département des Affaires économiques et sociales des Nations unies prévoit que 68 % de la population mondiale vivra dans des zones urbanisées.

Cependant, au cours des neuf derniers mois, la route que nous parcourions s’est déformée de façon inattendue. Collectivement, les humains sont entrés en collision avec un ralentisseur majeur. La pandémie de coronavirus (Covid-19) a changé notre monde et notre façon de vivre.

Alors que la nouvelle réalité se faisait jour, nos villes sont devenues les premières lignes et les épicentres du chaos causé par le virus. Beaucoup ont eu du mal à faire face à l’augmentation soudaine des demandes de santé publique qui leur étaient imposées.

En général, l’infrastructure de la ville n’est pas conçue pour faire face à une pandémie virale qui se propage d’autant plus efficacement que les contacts humains sont étroits. Les quartiers denses, les grands rassemblements, les transports en commun, les gratte-ciels, les magasins et les restaurants sont tous conçus pour l’inverse du concept de distanciation sociale. Ils existent pour rassembler beaucoup d’entre nous au même moment et au même endroit.

À l’heure des comptes et de la réalité virtuelle, une question urgente se pose: les villes sont-elles devenues obsolètes?

La ville ne sera jamais obsolète. Nous sommes une espèce sociale et nous faisons de notre mieux lorsque nous sommes ensemble.

Cette question a guidé le travail effectué par le groupe d’engagement Urban 20 (U20) au cours des neuf derniers mois. Et son traitement a rempli des centaines de pages d’une étude sur la base des recherches et analyses urbaines menées par nos trois groupes de travail dédiés.

Cette question est à l’ordre du jour du sommet des maires U20 2020 où elle sera longuement discutée et débattue, et où nous présenterons officiellement notre étude au G20, avec des recommandations politiques pour créer des espaces urbains plus durables et inclusifs dans les années à venir. 

Cependant, auparavant, il faut être clair: la ville ne sera jamais obsolète. Nous sommes une espèce sociale et nous faisons de notre mieux lorsque nous sommes ensemble. Nous serons toujours attirés par l’effervescence et le bourdonnement de la ville. Mais cela doit changer et nous devons nous adapter pour que notre développement socio-économique se poursuive de façon durable.

Il est bon de noter qu’en ce moment difficile nos villes font preuve d’une flexibilité, d’une agilité et d’une résilience inhérentes. Beaucoup ont pu passer à un monde virtuel presque du jour au lendemain. Ils nous ont soutenus quand nous en avions le plus besoin.

Malgré le choc considérable que nous avons subi – en nous adaptant au télétravail, en acceptant que nos familles, nos amis et nos collègues déménagent ou restent bloqués chez eux, dans certains cas sur des continents différents – nous n’avons jamais été aussi connectés. Tout a changé, mais notre productivité n’a pas diminué, bien au contraire elle a augmenté.

Vous pensez peut-être que cela nous ramène à la question suivante: avons-nous vraiment besoin des villes en 2020? La réponse demeure la même.

Bien que, désormais, nous puissions parfaitement accueillir virtuellement des sommets et des forums, réduisant ainsi les temps de voyage et de déplacement, les réunions virtuelles ne nous permettent pas de développer la confiance, les relations et l’alchimie nécessaires pour bâtir des relations hautement productives et coopératives.

Les événements virtuels ne sont pas à l’origine des rencontres aléatoires, de l’idéation ad hoc, de l’inspiration commune et de la rencontre spontanée des esprits qui ont conduit l’innovation à travers l’histoire.

Les réunions virtuelles sont des réunions planifiées. Mais la coopération, l’idéation et l’innovation se produisent souvent lorsque la spontanéité est à son meilleur – par le hasard des rencontres imprévues.

Nous pouvons organiser des dîners virtuels avec nos amis et nos familles grâce aux applications, mais cela ne remplacera jamais le véritable lien social qui s’établit et s’épanouit quand on partage ce même repas ensemble autour de la même table.

Nos enfants peuvent apprendre de chez eux et faire leurs devoirs sur leurs appareils intelligents, mais nous devons nous rappeler que la raison pour laquelle nous avons des écoles n’est pas seulement de proposer aux enfants un programme pédagogique structuré, mais aussi, et c’est tout aussi important, de les exposer à des situations sociales qui les dotent psychologiquement des compétences nécessaires pour réussir dans le monde extérieur.

Bien que cette pandémie nous ait obligés à prendre des distances sociales et à numériser de manière productive nombre de nos routines quotidiennes, nous aspirons à cette connexion profonde et intrinsèquement humaine qui tient de la relation physique de la réunion. Cela ne changera jamais.

La vraie question devrait donc être: Comment pouvons-nous aider les villes de s’adapter à ces chocs et à ceux à venir? La réponse est: investir dans des mesures d’agilité et de résilience. De l’importance d’investir dans la résilience de nos villes et de nos citoyens est le titre à retenir pour l’année 2020 pour les citadins et les urbanistes.

Nous devons trouver un moyen pour que nos employés puissent prospérer, aussi bien dans les affaires que dans la vie privée, quelles que soient les circonstances. Nous devons aider les gens à s’adapter. Nous devons les aider à devenir plus agiles et résilients. Nous devons les préparer à un avenir façonné par le changement climatique, la contagion et la connectivité.

Fahd Abdelmohsan al-Rasheed est le président d’Urban 20 (U20) 2020 et le président de la Commission royale pour la ville de Riyad.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com