Classement Scimago des universités: le bond en avant saoudien

La version 2021 du classement Scimago place trois universités saoudiennes dans les deux cents meilleures universités du monde (Photo, AFP).
La version 2021 du classement Scimago place trois universités saoudiennes dans les deux cents meilleures universités du monde (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 20 janvier 2022

Classement Scimago des universités: le bond en avant saoudien

Classement Scimago des universités: le bond en avant saoudien
  • Scimago dévoile tous les ans un classement des universités et des institutions de recherche
  • Le bond en avant de la recherche universitaire saoudienne en dix ans est spectaculaire

Tous les universitaires connaissent Scimago qui est en quelque sorte la référence des classements de revues scientifiques. Publier dans une revue dont l’indice «Scimago Journal Ranking» est élevé est une garantie d’être lu et cité, d’avoir un impact sur la science et la recherche. Pour faire simple, on a tendance à classer les revues scientifiques en «quartiles», en fonction de l’impact qu’elles ont; la catégorie la plus prestigieuse, Q1, désigne ainsi les 25 % de revues les plus importantes et influentes dans leur domaine.
Scimago dévoile tous les ans un classement des universités et des institutions de recherche basé en priorité sur les publications scientifiques (50 %), mais aussi sur l’innovation (30 %) et sur l’impact sociétal (20 %). Ce type de classement est souvent critiqué, car il fait la part belle aux publications scientifiques, mais il est intéressant à observer, notamment dans une perspective dynamique.
Si, à l’échelle mondiale, la version 2021 du classement Scimago place trois universités saoudiennes dans les deux cents meilleures universités d’un classement largement dominé par les Américains, il est plus pertinent d’avoir un œil régional sur cette question cruciale. En effet, la recherche et l’innovation sont des atouts de diplomatie d’influence importants et, surtout, ils sont un excellent indicateur des priorités en matière de développement des pays.
Ainsi, en 2011, il y a dix ans, le classement Scimago de la zone Moyen-Orient plaçait six universités israéliennes aux six premières places, puis une université iranienne à la septième, deux universités turques puis une autre université iranienne en dixième position. La première université saoudienne, la King Fahd University for Petrol and Minerals, n’apparaissait qu’à la quarante et unième place.
Cinq années plus tard, en 2016, les six premières universités sont toujours israéliennes, mais la King Saud University est septième, la King Abdulaziz University est neuvième et les huitième et dixième positions sont toujours occupées par des universités iraniennes. En cinq ans, la meilleure université saoudienne passe ainsi de la quarante et unième à la septième place et le classement montre encore une domination sans partage des Israéliens.
C’est avec le classement de 2021 que le leadership régional se rééquilibre, suivant une tendance lourde qui est sans doute le résultat d’une politique volontariste menée par le Royaume en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si la première place du classement est toujours occupée par une université israélienne, le reste du podium est complété par la King Abdullah University for Science and Technology et la King Abdulaziz University, la King Saud University se place en cinquième position. Israël reste en force dans le top dix avec cinq universités et l’Iran place encore deux universités aux huitième et neuvième places.
Ce bond en avant de la recherche universitaire saoudienne en dix ans est spectaculaire et permet au Royaume de rattraper un retard qui était une véritable anomalie compte tenu de sa richesse et de son ambition régionale. Ce progrès n’est cependant pas uniquement qualitatif. Ainsi, en 2011, seules cinq universités saoudiennes apparaissaient dans ce classement, elles sont dix-sept en 2016 et trente-deux en 2021.
Les pistes d’amélioration, au vu des indicateurs étudiés par Scimago, sont de deux ordres si l’Arabie Saoudite veut encore progresser dans ce classement. D’abord, il semble que les sciences sociales et les humanités soient un peu délaissées; il s’agit, en 2021, des secteurs où le Royaume compte le moins d’universités bien classées (aucune dans le top dix de ces catégories). Dans une optique de leadership régional, il s’agirait donc de développer la recherche dans ce domaine afin de pouvoir viser la première marche du podium.
L’autre point d’amélioration est plus quantitatif. Si l’Arabie saoudite compte trente-deux universités classées en 2021, Israël, trois fois moins peuplé, en compte quinze et l’Iran, qui compte près de trois fois plus d’habitants, en abrite cent quarante. À titre de comparaison, la France compte cent trente-cinq universités dans ce classement. Il reste quelques efforts à faire dans ce sens-là afin de mieux mailler le territoire et de décentraliser l’excellence de la recherche.
Toutefois, la progression sur dix années est spectaculaire et montre que dans la compétition pour le leadership régional dans l’innovation et la recherche, les cartes ont été rebattues et que la dynamique est très nettement en faveur de l’Arabie saoudite si l’on s’en fie à cet indicateur.


Arnaud Lacheret est docteur en science politique, Associate Professor à l’université du golfe Arabique de Bahreïn, où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe.

Ses derniers livres, Femmes, musulmanes, cadres – Une intégration à la française et La Femme est l’avenir du Golfe, sont parus aux éditions Le Bord de l’Eau.

Twitter: @LacheretArnaud

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.