Un historien affirme qu'Israël a « planifié » la destruction du quartier maghrébin de Jérusalem

Avant la guerre des Six Jours qui a opposé Israël à l'Egypte, la Jordanie et la Syrie, et permis à l'Etat hébreu de s'emparer de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du plateau syrien du Golan et du Sinaï égyptien, il n'y avait pas d'esplanade devant le Mur des Lamentations. (AFP).
Avant la guerre des Six Jours qui a opposé Israël à l'Egypte, la Jordanie et la Syrie, et permis à l'Etat hébreu de s'emparer de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du plateau syrien du Golan et du Sinaï égyptien, il n'y avait pas d'esplanade devant le Mur des Lamentations. (AFP).
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Publié le Vendredi 28 janvier 2022

Un historien affirme qu'Israël a « planifié » la destruction du quartier maghrébin de Jérusalem

  • Dans son livre publié aux éditions du Seuil Vincent Lemire retrace l'histoire "oubliée" du quartier maghrébin de Jérusalem
  • Ce quartier n'a pas été détruit à l'initiative d'une quinzaine d'entrepreneurs israéliens au lendemain de la guerre des Six Jours, mais du gouvernement israélien de l'époque

JERUSALEM: L'historien français Vincent Lemire affirme dans un ouvrage à paraître vendredi, qu'après la guerre des Six Jours en 1967, Israël a "planifié" la "destruction" du quartier maghrébin de Jérusalem, établi depuis huit siècles devant le Mur des Lamentations, et tenté de "dissimuler" son geste.


Directeur du Centre de recherche français à Jérusalem, M. Lemire anticipe des réactions "épidermiques" à la publication de son enquête "Au pied du mur: vie et mort du quartier maghrébin de Jérusalem (1187-1967)", tant la question des lieux saints à Jérusalem reste sensible.


Dans son livre publié aux éditions du Seuil et à paraître fin 2022 en anglais aux presses de l'Université de Stanford, M. Lemire retrace l'histoire "oubliée" du quartier maghrébin de Jérusalem. Il se base sur les archives locales, ottomanes et françaises, épluchées ces six dernières années.


L'historien explique que ce quartier, où le jeune Yasser Arafat a d'ailleurs vécu après la mort de sa mère, n'a pas été détruit à l'initiative d'une quinzaine d'entrepreneurs israéliens au lendemain de la guerre des Six Jours, comme le suggère le récit officiel remis en doute ces dernières années, mais du gouvernement israélien de l'époque.

« Au plus haut niveau de l'Etat »

Aujourd'hui, des millions de visiteurs et de fidèles se rendent chaque année au Mur des Lamentations, ou "Kotel HaMaaravi" en hébreu, via une vaste esplanade en pierres polies. Mais presque tous ignorent cette histoire.


Avant la guerre des Six Jours qui a opposé Israël à l'Egypte, la Jordanie et la Syrie, et permis à l'Etat hébreu de s'emparer de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du plateau syrien du Golan et du Sinaï égyptien, il n'y avait pas d'esplanade devant le Mur des Lamentations.


Etait alors implanté un quartier musulman formé d'environ 135 maisons, fondé au XIIe siècle par Saladin puis agrégé au Waqf Abou Mediene, institution religieuse créée pour loger, nourrir et soigner les pèlerins venus du Maghreb.


"Comment peut-on imaginer que 15 entrepreneurs privés rasent un quartier historique sans autorisation au plus haut niveau de l'Etat? Personne n'a jamais cru à cette histoire, mais mon livre apporte des preuves écrites définitives de la préméditation, de la planification et de la coordination de cette opération", raconte l'historien à l'AFP.


"Il y a des documents absolument incontestables", souligne-t-il, citant le compte-rendu d'une réunion entre le maire de Jérusalem et le commandant de l'armée en charge de Jérusalem, le vendredi 9 juin 1967, "36 heures avant la destruction".


"Un des points à l'ordre du jour est la destruction du quartier maghrébin", souligne M. Lemire. Et le même jour, "une note interne du ministère israélien des Affaires étrangères prépare des éléments de langage pour la destruction programmée du quartier, visant à faire croire qu'il s'agissait de taudis, de bâtiments dangereux", ajoute-t-il.


"J'ai même trouvé dans les archives des travaux publics de la municipalité, une petite note incidente où l'on indique qu'il faut évacuer les gravats du quartier détruit +sur ordre du commandement militaire+", ajoute-t-il.

Le silence de la France

Après la création de l'Etat d'Israël en 1948, la France, Etat colonial au Maghreb, a financé le quartier et le Waqf Abou Mediene dans une logique de "soft-power", pour tenter de "contrer la montée en puissance des mouvements indépendantistes en Algérie", souligne Vincent Lemire.


Mais après l'indépendance de l'Algérie en 1962, ajoute l'auteur, la France "abandonne" le quartier maghrébin, puis reste muette au moment de sa destruction en 1967. Tout comme les nouveaux Etats indépendants du Maghreb, qui refusent de prendre à leur charge cet "héritage colonial".


Idem pour la Jordanie, qui contrôlait la Vieille ville de Jérusalem de 1948 à 1967, note l'historien.


Pourquoi? "Mon intuition d'historien est qu'il existait un accord implicite entre Israéliens et Jordaniens... Les Jordaniens gardaient le contrôle de l'esplanade des Mosquées (troisième lieu saint de l'islam, NDLR) et les Israéliens, eux, construisaient leur esplanade devant le Mur des Lamentations. Cela créait un nouveau statu quo", dit M. Lemire.


Il précise que les archives municipales font état de compensations "minimes mais rapides" accordées aux déplacés -- installés dans les environs de Jérusalem -- "pour obtenir leur silence après la destruction".


"C'est une histoire désagréable pour tout le monde", Israéliens, Jordaniens, Français et Etats du Maghreb, note l'historien. Et d'ajouter: "c'était un quartier qui avait une mémoire, mais pas d'histoire. Avec ce livre, il a un début d'histoire. C'est un commencement, pas une conclusion".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.