Psychodrame dans la famille Le Pen: Marion Maréchal ralliera-t-elle Zemmour?

Le nouveau déchirement à l'extrême droite, avec la médiatique Marion Maréchal prête à lâcher sa tante Marine Le Pen, a enflammé la campagne présidentielle vendredi. (AFP)
Le nouveau déchirement à l'extrême droite, avec la médiatique Marion Maréchal prête à lâcher sa tante Marine Le Pen, a enflammé la campagne présidentielle vendredi. (AFP)
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Publié le Samedi 29 janvier 2022

Psychodrame dans la famille Le Pen: Marion Maréchal ralliera-t-elle Zemmour?

  • Taubira, interrogée sur les propositions de Pécresse concernant l'immigration, a accusé la candidate LR de «bavardages irresponsables pour distraire la galerie»
  • Hidalgo s'est fâchée vendredi qu'on puisse considérer «démagogique» sa promesse d'offrir 5 000 euros à chaque jeune majeur si elle est élue en avril prochain

PARIS: Le nouveau déchirement à l'extrême droite, avec la médiatique Marion Maréchal prête à lâcher sa tante Marine Le Pen, a enflammé la campagne présidentielle vendredi, tandis qu'à gauche, tout aussi fracturée, la primaire populaire continue de brouiller le message.


L'ex-députée FN Marion Maréchal, 32 ans, a lâché une petite bombe politique. Ralliera, ralliera pas Eric Zemmour ? "La cohérence, la vision, la stratégie font que je penche pour Eric Zemmour. C'est certain. Mais il y a un sujet familial", a-t-elle dit vendredi au Figaro.


La sortie de Marion Maréchal, qui se murmurait depuis des jours et intervient après les défections récentes de deux eurodéputés RN, avive les querelles internes à la famille historique de l'extrême droite en France.


"C'est brutal, c'est violent, c'est difficile pour moi", a lâché, visiblement affectée, Marine Le Pen sur Cnews, en soulignant son "histoire particulière" avec sa nièce qu'elle a "élevée avec (s)a sœur pendant les premières années de sa vie".


Mais aussi son "incompréhension politique", parce que Marion Maréchal a toujours "indiqué qu'elle soutiendrait celui qui est le mieux placé", a rappelé Marine Le Pen. Elle a fait valoir son avance de plusieurs points dans les sondages sur le polémiste.


En déplacement, Eric Zemmour s'est refusé à "commenter les rumeurs de campagne" tout en soulignant "une belle semaine" pour lui.


L'impact d'un éventuel ralliement de Marion Maréchal au camp Zemmour, s'il se confirmait, reste cependant à mesurer. Mais cela illustre un peu plus la bataille qui se joue à l'extrême droite.


"On va en avoir pour combien de jours de la télénovela Le Pen ? Ce n'est pas très intéressant. Les uns comme les autres mèneraient au chaos", a réagi la candidate socialiste Anne Hidalgo sur LCI.

Accusée de «démagogie», Anne Hidalgo se fâche

"Franchement dans quel pays on est? J'en ai marre". La candidate PS à la présidentielle Anne Hidalgo s'est fâchée vendredi qu'on puisse considérer "démagogique" sa promesse d'offrir 5 000 euros à chaque jeune majeur si elle est élue en avril prochain.


La maire de Paris prévoit dans son programme d'offrir à chaque jeune, quand il atteint sa majorité, une somme de 5 000 euros, sans condition de ressources, si elle est élue à l'Elysée.


Alors que, sur LCI, le journaliste lui a demandé si sa mesure n'était pas démagogique, elle a répliqué: "vous ne pouvez pas dire ça, pas vous!"


"Les jeunes aujourd'hui sont dans une situation de très grande précarité, a-t-elle poursuivi. Vous voyez bien l'état du pays, même si on est ici sur un plateau télé, un peu comme un bocal, loin des réalités."


Pour elle, "ce n'est pas de la démagogie, c'est de la confiance dans notre jeunesse, c'est permettre à des jeunes avec 5 000 euros à l'âge de 18 ans, de pouvoir décider par eux-mêmes à quoi ils veulent consacrer cet argent là".


"Je suis très choquée quand on me pose ce genre de question, a-t-elle ajouté, et qu'on ne l'a pose pas quand Emmanuel Macron a supprimé une grande partie de l’impôt sur les grandes fortunes."


"Ca ne coûtait pas cher de supprimer quatre milliards d'euros de recettes du budget de l'Etat quand c'était pour l'impôt sur les grandes fortunes. Et là, pour le coup ça devient indécent ou démagogue de dire qu'on donne à chaque jeune 5 000 euros à 18 ans. Franchement dans quel pays on est ? J'en ai marre", s'est-elle indignée.


Revenant plus largement sur son programme où elle veut investir massivement pour l'éducation et la santé, elle a expliqué que "oui c'est vrai l'éducation ça coûte cher, la santé ça coûte cher, mais essayez de ne pas offrir une éducation à nos enfants, essayez un système dans lequel la santé devient quelque chose qui est inabordable pour beaucoup de nos concitoyens. Vous croyez vraiment que ça ne va pas nous coûter beaucoup plus cher encore?"

Dynamique ou revers pour Taubira 
A gauche, le vote pour la primaire populaire, une consultation citoyenne inédite lancée jeudi, affichait plus de 30% des 467 000 personnes inscrites ayant voté, selon les organisateurs.


Le scrutin sera clos dimanche à 17H00 et les résultats sont attendus peu après.


Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon, en tête à gauche dans les sondages (9-10%), comme les candidats écologiste Yannick Jadot et socialiste Anne Hidalgo, ont refusé de participer à cette primaire qui divise un peu plus le camp de la gauche.


A l'inverse, l'ex-garde des Sceaux Christiane Taubira, donnée favorite, en reconnaîtra l'issue.


"Je reconnaîtrai le verdict, je rejoindrai la personne qui aura été désignée", a-t-elle assuré vendredi soir sur BFMTV. Mais si la primaire désigne quelqu'un qui n'a pas voulu participer, ce sera "un cas de figure différent" a-t-elle ajouté.


Si un bon score pourrait conforter la dernière venue à gauche, un échec de Christiane Taubira poserait la question de son retrait de la course, l'ancienne ministre ayant toujours affirmé qu'elle ne souhaitait pas être qu'"une candidature de plus".


En attendant, ce n'est toujours pas l'entente cordiale avec M. Mélenchon que Christiane Taubira mais aussi Anne Hidalgo ont critiqué vendredi soir pour ses débats avec Eric Zemmour. MM. Mélenchon et Zemmour "s'entraident", a même fustigé la socialiste.

Taubira et Hidalgo attaquent Pécresse et Mélenchon sur leur attitude face à Zemmour

Christiane Taubira a par ailleurs affirmé qu'elle n'était "pas là pour satisfaire (les) désirs" d'Eric Zemmour, qui souhaite débattre avec elle.


"Lorsqu'il sera confirmé à l'élection présidentielle, à ce moment, nous aviserons", a-t-elle expliqué, mais "je n'ai pas de raison particulière de venir débattre avec lui".


Dénonçant "ses idées nauséabondes et inacceptables", elle a expliqué ne pas vouloir faire "de zèle pour légitimer le discours" du candidat d'extrême droite.


"Je n'y prendrai pas ma part", a-t-elle ajouté, une manière de critiquer la démarche du candidat insoumis Jean-Luc Mélenchon qui a débattu à deux reprises avec le candidat de Reconquête!, dont jeudi soir sur C8.


Ce dernier débat était "le pire de ce que l'on peut faire en politique, moi je m'en éloigne", a commenté Anne Hidalgo. Interrogée pour savoir si MM. Mélenchon et Zemmour s'entraident, elle a répondu: "bien sûr, l'un l'autre. On avait vu une forme de complaisance déjà lors du premier débat", entre les deux hommes.


Anne Hidalgo a également dénoncé les propos "très choquants" et "pas dignes de quelqu'un qui veut accéder à la fonction présidentielle" de Jean-Luc Mélenchon sur les policiers dans la même émission où le chef de file des Insoumis avait dénoncé une "police violente" qui "fait ce qu'elle veut quand elle veut".

PARIS: Anne Hidalgo et Christiane Taubira ont attaqué vendredi Valérie Pécresse mais aussi leur rival à gauche pour la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, reprochant à la première sa "porosité" avec l'extrême droite et au deuxième ses débats avec Eric Zemmour.


Mme Taubira, interrogée sur BFMTV sur les propositions de Valérie Pécresse concernant l'immigration, a accusé la candidate LR de "bavardages irresponsables" pour "distraire la galerie". "Ce qu'il y a de plus inquiétant sur la droite, c'est plutôt la porosité qu'elle montre avec de plus en plus d'aisance à l'égard de l'extrême droite", a poursuivi l'ex-ministre de la Justice, candidate à la Primaire populaire de la gauche.


"On voit bien ce glissement vers la droite extrême et l'extrême droite, même, ces gages qui sont donnés publiquement", a-t-elle regretté, en rappelant que les "grands ténors de la droite sociale", citant Philippe Seguin décédé en 2010, "doivent s'en inquiéter".


"Nous avons besoin de cohésion, pas de paroles irresponsables, comme sortir le Kärcher de la cave", une formule de Nicolas Sarkozy recyclée par Mme Pécresse, a insisté Mme Taubira. 


La candidate socialiste Anne Hidalgo a également estimé sur LCI que Mme Pécresse "court après Eric Zemmour". "Elle n'est pas dans la tradition d'une droite républicaine, qui n'aborderait pas les choses de façon aussi caricaturale", a affirmé Mme Hidalgo.

Rebond de la croissance
Yannick Jadot va lui présenter son programme samedi à Lyon. Il a proposé vendredi, s'il est élu, un "abattement jusqu'à 200.000 euros" sur les droits de succession, devenus un thème important dans la campagne présidentielle.


Si le gouvernement s'est réjoui d'une croissance record de 7% en 2021, Yannick Jadot a critiqué sur France Info une croissance "inégalement répartie" et qui "ne permet pas de lutter contre les défis" climatique et de "justice sociale", au lendemain de manifestations en France pour la hausse des salaires.


La candidate LR Valérie Pécresse, en meeting à Oyonnax, s'est focalisée sur la santé, proposant une revalorisation des consultations chez le médecin à 30 euros, un doublement du nombre de soignants formés et une plus grande autonomie hospitalière.


A Chaumont-sur-Tharonne, dans le Loir-et-Cher, Eric Zemmour a proposé, lui, de verser 10 000 euros pour chaque nouvelle naissance dans une famille "de la France rurale", qui, selon son entourage, pourrait concerner un tiers de la population française.


Lecornu recevra les socialistes mercredi, annonce Olivier Faure

Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
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  • Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi
  • Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs

PARIS: Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure.

"On a rendez-vous mercredi matin et donc nous le verrons pour la première fois", a déclaré M. Faure lundi sur France 2. Les Ecologistes de Marine Tondelier et le Parti communiste de Fabien Roussel ont également indiqué à l'AFP être reçus mercredi, respectivement à 14H et 18H.

Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi.

Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs.

Au coeur de ce rendez-vous le projet de budget 2026 que le nouveau gouvernement devra présenter avant la mi-octobre au Parlement.

Les socialistes posent notamment comme conditions un moindre effort d'économies l'année prochaine que ce qu'envisageait François Bayrou et une fiscalité plus forte des plus riches, à travers la taxe sur les très hauts patrimoines élaborée par l'économiste Gabriel Zucman (2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros).

Mais Sébastien Lecornu, s'il s'est dit prêt samedi à "travailler sans idéologie" sur les questions "de justice fiscale" et de "répartition de l'effort", a déjà fait comprendre son hostilité à cette taxe Zucman, et notamment au fait de taxer le patrimoine professionnel "car c'est ce qui permet de créer des emplois".

"Quand on parle patrimoine professionnel, vous pensez à la machine outil ou aux tracteurs mais pas du tout. On parle d'actions, la fortune des ultrariches, elle est essentiellement en actions", lui a répondu M. Faure.

"Si vous dites que, dans la base imposable, on retire ce qui est l'essentiel de leur richesse, en réalité, vous n'avez rien à imposer", a-t-il argumenté.

"C'était déjà le problème avec l'Impôt sur la fortune (ISF, supprimé par Emmanuel Macron) qui touchait les +petits riches+ et épargnaient les +ultrariches+ parce que les +ultrariches+ placent leur argent dans des holdings", a-t-il reconnu.

 


Pour Sébastien Lecornu, un premier déplacement consacré à la santé

Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
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  • Déplacement symbolique à Mâcon : Pour son premier déplacement, Sébastien Lecornu met l'accent sur l'accès aux soins et le quotidien des Français
  • Conscient de l'absence de majorité, il consulte partis et syndicats, cherchant des terrains d'entente sur le budget, tout en laissant la porte ouverte à une fiscalité plus juste

PARIS: Sébastien Lecornu se rend samedi en province, à Mâcon, pour son premier déplacement en tant que Premier ministre consacré à la santé et à "la vie quotidienne" des Français, délaissant pendant quelques heures les concertations qu'il mène activement à Paris avant de former un gouvernement.

Quatre jours à peine après sa nomination, le nouveau et jeune (39 ans) locataire de Matignon va à la rencontre des Français, pour qui il reste encore un inconnu. Il échangera notamment avec des salariés d'un centre de santé de Saône-et-Loire dont le but est d'améliorer l'accès aux soins.

Lui-même élu local de l'Eure, où il a été maire, président de département et sénateur, ce fils d'une secrétaire médicale et d'un technicien de l'aéronautique avait assuré dès le soir de sa nomination "mesurer les attentes" de ses concitoyens et "les difficultés" qu'ils rencontraient.

Celles-ci sont souvent "insupportables" pour accéder à un médecin ou à un professionnel de santé, parfois "source d'angoisse", souligne son entourage. Le Premier ministre entend dans ce contexte "témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des personnels soignants" et "réaffirmer la volonté du gouvernement de faciliter l’accès aux soins".

Il s'agit aussi pour Sébastien Lecornu de convaincre l'opinion, autant que les forces politiques, du bien-fondé de sa méthode: trouver des terrains d'entente, en particulier sur le budget, permettant de gouverner sans majorité.

Sébastien Lecornu est très proche d'Emmanuel Macron, avec qui il a encore longuement déjeuné vendredi à l'Elysée.

- Mouvements sociaux -

Sa nomination coïncide avec plusieurs mouvements sociaux. Le jour de sa prise de fonction, une mobilisation lancée sur les réseaux sociaux pour "bloquer" le pays a réuni 200.000 manifestants, et une autre journée de manifestations à l'appel des syndicats est prévue jeudi.

"Il y a une grande colère" chez les salariés, a rapporté Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, premier syndicat de France, à l'issue d'une entrevue vendredi avec le nouveau Premier ministre, qui lui a dit travailler sur une "contribution des plus hauts revenus" dans le budget 2026.

C'est sur le budget que ses deux prédécesseurs, François Bayrou et Michel Barnier, sont tombés. Et Sébastien Lecornu cherche en priorité une forme d'entente avec les socialistes.

Mais il lui faut dans le même temps réduire les déficits, alors que l'agence de notation Fitch a dégradé vendredi soir la note de la dette française.

Le centre et la droite de la coalition gouvernementale se disent prêts à taxer plus fortement les ultra-riches sans pour autant aller jusqu'à l'instauration de la taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines, mesure phare brandie par les socialistes et dont LR ne veut pas.

Une telle mesure marquerait en tout cas une des "ruptures" au fond prônées par Sébastien Lecornu à son arrivée, puisqu'elle briserait le tabou des hausses d'impôts de la macronie.

- Méthode -

Sébastien Lecornu veut aussi des changements de méthode.

Il a d'abord réuni jeudi --pour la première fois depuis longtemps-- les dirigeants des partis du "socle commun", Renaissance, Horizons, MoDem et Les Républicains, afin qu'ils s'entendent sur quelques priorités communes.

Un format "présidents de parti" qui "permet de travailler en confiance, de façon plus directe, pour échanger sur les idées politiques, sur les arbitrages", salue un participant.

Avant les oppositions et à quelques jours d'une deuxième journée de manifestations, il a consulté les partenaires sociaux, recevant vendredi la CFDT et Medef, avant la CGT lundi.

En quête d'un compromis pour faire passer le budget, le chef de gouvernement pourrait repartir du plan de son prédécesseur François Bayrou délesté de ses mesures les plus controversées. A l'instar de la suppression de deux jours fériés.

L'hypothèse d'une remise sur les rails du conclave sur les retraites semble aussi abandonnée. Les partenaires sociaux refusent de toute façon de le rouvrir.

Des gestes sont attendus à l'égard des socialistes alors qu'à l'Elysée, on estime que le Rassemblement national, premier groupe à l'Assemblée nationale, se range désormais comme la France insoumise du côté du "dégagisme".

Cultivant une parole sobre voire rare, Sébastien Lecornu ne s'exprimera qu'à l'issue de ces consultations "devant les Français", avant la traditionnelle déclaration de politique générale, devant le Parlement.


Lecornu joue le contraste avec Bayrou sans dévoiler son jeu

Le nouveau Premier ministre français et ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu (à droite) est accueilli par le Premier ministre sortant François Bayrou lors de la cérémonie de passation des pouvoirs à l'hôtel Matignon à Paris, le 10 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français et ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu (à droite) est accueilli par le Premier ministre sortant François Bayrou lors de la cérémonie de passation des pouvoirs à l'hôtel Matignon à Paris, le 10 septembre 2025. (AFP)
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  • Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu adopte un style sobre et minimaliste, contrastant avec François Bayrou, afin de gagner du temps et préparer en coulisses une majorité fragile
  • Chargé de former un gouvernement dans un climat parlementaire explosif, il consulte à tout-va, mais les lignes de fracture gauche-droite rendent difficile l’émergence d’un accord stable

PARIS: Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu joue le contraste de styles avec François Bayrou, plaidant pour la "sobriété" face à un prédécesseur volontiers prolixe, ce qui lui permet de ne pas s'avancer sur le fond du compromis qu'il doit bâtir.

A son arrivée mercredi à Matignon, l'ex-ministre des Armées a posé d'emblée les bases de cette approche minimaliste.

"Je ne vais pas faire de grand discours, puisque cette instabilité et la crise politique et parlementaire que nous connaissons commandent à l'humilité, la sobriété", a-t-il dit dans un discours particulièrement bref, deux minutes à peine.

La passation de pouvoirs avait un petit parfum de vengeance devant François Bayrou, qui l'avait doublé à ce poste en décembre, en imposant sa nomination à Emmanuel Macron.

Le leader centriste de 74 ans ne s'est jamais montré tendre à l'égard de son cadet, pas encore quadragénaire, qu'il qualifie en privé de "courtisan" pour sa proximité discrète avec le chef de l'Etat.

Sa courte prise de parole rompt avec l'exercice du pouvoir de son prédécesseur, qui ne rechigne pas aux longues explications pédagogiques sur la dette ou la situation internationale, et apprécie de parler en direct avec les journalistes. Les dernières semaines de François Bayrou à Matignon ont été marquées par de nombreuses interventions dans les médias pour défendre le vote de confiance qui l'a au final fait tomber.

Le centriste dramatisait l'urgence à résorber la dette, un "piège mortel". Sébastien Lecornu assure qu'"il n'y a pas de chemin impossible".

- "Rassurer" -

Sans "nier les difficultés", il ne faut "pas jouer sur les peurs", "il faut rassurer les gens et leur donner un message d'espoir", explique son entourage, dans un contexte de rupture entre l'opinion et les politiques.

Sébastien Lecornu a pointé le "décalage" entre la vie politique et la vie "réelle" des Français, mais aussi entre la politique "intérieure" et la "géopolitique mondiale".

Homme de droite rallié au macronisme en 2017, il a incarné cette prudence et cette discrétion lors de son passage au ministère des Armées depuis 2022. Malgré la guerre qui sévit de nouveau en Europe avec le conflit ukrainien, il est resté très peu disert dans les médias, au point de demeurer un quasi inconnu pour le grand public.

Devra-t-il se faire violence dans ses nouvelles fonctions? "C'est vrai qu'il va devoir s'ouvrir plus", observe un de ses soutiens. Il ne s'exprime que lorsqu'il a "quelque chose à dire", ajoute-t-il.

Avant d'expliquer ses projets aux Français, le chef du gouvernement entend mener de larges concertations.

"Il va falloir changer" en étant "plus créatif, parfois plus technique, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions", a-t-il aussi grincé devant François Bayrou.

Prônant "des ruptures" sur la forme comme sur le fond, il refuse de s'exprimer sur les objets ou les concessions qu'il pourrait faire afin d'aboutir à un compromis qui lui permettrait de former un gouvernement, conformément à la feuille de route d'Emmanuel Macron.

- "Sortir du bois" -

Sébastien Lecornu a réuni jeudi matin les dirigeants du "socle commun", partis du centre et de droite qui constituent sa coalition naturelle. Il s'est ensuite rendu à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour y rencontrer les présidents des deux chambres, la macroniste Yaël Braun-Pivet et le LR Gérard Larcher.

Il a aussi été reçu dans les bureaux de Nicolas Sarkozy qui lui a "témoigné son soutien", d'après l'entourage de l'ex-chef de l'Etat.

Vendredi et lundi, il doit recevoir les partenaires sociaux (syndicats et patronat).

Le nouveau locataire de Matignon a notamment avancé l'idée devant ses interlocuteurs des Républicains "de se mettre d'accord, outre le budget, sur deux ou trois textes majeurs et forts" qui répondraient aux priorités des uns et des autres.

Ses soutiens louent ses qualités de "négociateur" comme sur la loi de programmation militaire, mais cette fois il va devoir "sortir du bois sur certains sujets". Travailler avec les socialistes "sans déplaire" à la droite, analyse un proche.

Ainsi Gérard Larcher s'est dit opposé à la mise en place d'une taxe sur les très hauts patrimoines, alors que pour la gauche c'est "la base de tout accord" de non censure, selon l'eurodéputé Raphaël Glucksmann.

Peu d'espoir également de trouver un terrain d'entente avec le RN qui entend lui demander de "rompre avec le macronisme". Ce sera "la rupture ou la censure", a prévenu Marine Le Pen jeudi soir sur TF1.

Rien à espérer non plus du côté de La France insoumise: "Nous avons proposé un programme et nous sommes élus pour l'appliquer, pas pour faire des combines et chercher des places", a tranché Jean-Luc Mélenchon sur France 2.