Pour ou contre la vaccination obligatoire ? Des clivages anciens et profonds

Photographie d'illustration prise le 27 janvier 2022, à Montpellier, montrant un masque facial et un pass sanitaire (pass vaccinal) sur un écran de téléphone portable connecté à l'application de traçage Covid-19 '#TousAntiCovid'. (Pascal Guyot / AFP)
Photographie d'illustration prise le 27 janvier 2022, à Montpellier, montrant un masque facial et un pass sanitaire (pass vaccinal) sur un écran de téléphone portable connecté à l'application de traçage Covid-19 '#TousAntiCovid'. (Pascal Guyot / AFP)
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Publié le Lundi 31 janvier 2022

Pour ou contre la vaccination obligatoire ? Des clivages anciens et profonds

  • La vaccination obligatoire cristallise la polémique entre ses adversaires, qui y voient une profonde atteinte à la liberté individuelle, et ses partisans, dont nombre de soignants épuisés
  • Lors de la guerre franco-prussienne de 1870, moins bien vaccinés que leurs adversaires, les soldats français ont été nombreux à être frappés par la variole

PARIS : Faut-il forcer les gens à se faire vacciner ? L'idée, aussi ancienne que les vaccins eux-mêmes, ressurgit actuellement face au Covid et creuse toujours de profonds clivages entre gardiens des libertés publiques et défenseurs de la sécurité sanitaire

L'Autriche imposera début février à tous les adultes de se faire vacciner contre le Covid, devenant le premier pays européen à le faire, après d'autres nations comme l'Indonésie.

Le sujet «fait l'objet d'un débat très intense», a reconnu fin janvier le chancelier autrichien, Karl Nehammer.

Comme dans d'autres pays, la vaccination obligatoire cristallise la polémique entre ses adversaires, qui y voient une profonde atteinte à la liberté individuelle, et ses partisans, dont nombre de soignants épuisés qui mettent en cause la responsabilité des non-vaccinés.

Ce débat n'a pas attendu la crise du Covid. Il ressurgit régulièrement depuis deux siècles, soit quasiment depuis l'invention du premier vaccin, contre la variole, à la fin du XVIIIe siècle.

Dès les années 1800 et 1810, certains pays scandinaves imposent la vaccination obligatoire anti-variole. Quelques décennies plus tard, en 1853, le Royaume-Uni adopte une loi emblématique en ce sens.

Paradoxalement, ces pays sont aujourd'hui ceux où règnent la liberté en matière de vaccination. D'autres, comme la France, imposent au contraire de nombreux vaccins, alors qu'ils ont été initialement lents à s'y décider.

«Au moment où la France a décidé l'obligation», au début du XXe siècle, «l'Angleterre l'a abandonnée et ne l'a jamais reprise», résume la médecin et philosophe Anne-Marie Moulin, qui a participé à de multiples concertations sur la vaccination obligatoire sous l'égide de l'État.

- Violentes manifestations -

Ce double mouvement illustre l'histoire zigzagante de la vaccination obligatoire. Celle-ci s'est imposée ou a perdu son lustre selon les époques et les pays, parfois dans des circonstances plus politiques que sanitaires.

C'est le cas de la guerre franco-prussienne de 1870, lourdement perdue par la France. Moins bien vaccinés que leurs adversaires, les soldats français ont été nombreux à être frappés par la variole, ce qui a pu contribuer à leur défaite.

Dans les années suivantes, plusieurs pays européens en ont tiré les conséquences et imposé légalement le vaccin anti-variole. La France en fait partie même si, là encore, rien n'est simple: il a fallu trente ans de débats parlementaires agités.

Inversement, au Royaume-Uni, de violentes manifestations, notamment dans la ville de Leicester, ont poussé les autorités à revenir sur la vaccination obligatoire dans les années 1900.

L'obligation est donc rarement imposée ou supprimée pour des raisons purement sanitaires, d'autant que la santé publique est elle-même sujette à des modes fluctuantes.

Dans les années 2000, «les spécialistes de santé publique pensaient que politiquement, on ne pouvait plus obliger: (cela) semblait inutile, désagréable et anti-démocratique», souligne Mme Moulin. En 2007, la France supprime notamment l'obligation vaccinale du BCG (contre la tuberculose) pour les enfants, cette maladie ayant quasiment disparu en France.

- Pas une stricte obligation -

Ces considérations «impures», selon les termes de Mme Moulin, sont favorisées par la difficulté d'évaluer l'efficacité de l'obligation.

Nombre de pays, notamment scandinaves, enregistrent d'excellents taux de vaccination alors qu'ils laissent la liberté à leurs citoyens. Mais ce libre choix est-il une cause ou une conséquence de la bonne volonté à se faire vacciner ?

Autre difficulté: définir précisément ce qui constitue une obligation. A ce titre, la crise du Covid a vu émerger un nouveau concept, comme en France, celui du pass sanitaire ou vaccinal.

Ce n'est pas une stricte obligation. Les citoyens gardent théoriquement le choix de se faire vacciner, mais s'ils ne le font pas, ils sont privés de nombreux endroits comme les restaurants.

Faut-il y voir une simple déclinaison dans la longue histoire de la vaccination obligatoire, ou une réelle nouveauté ?

«Il y a une vraie différence de fond», tranche l'historien français Laurent-Henri Vignaud. «Dans un cas, on dit: +c'est l'Etat protecteur qui prend ses responsabilités et qui vous dit ce qu'il faut faire+».

«Dans l'autre cas c'est: +Faites ce que vous voulez, mais en fonction du choix que vous ferez, vous serez appelés à participer complètement à la vie sociale ou pas+», conclut-il, y voyant la raison pour laquelle le Parti socialiste, représentant historique de la gauche française, défend la vaccination obligatoire.

Deux siècles de défiance

Le rejet des vaccins et le refus de l'obligation vaccinale par une frange de la population sont des phénomènes aussi anciens que le procédé lui-même, mis au point à la fin du 18e siècle.

La «contestation de la vaccination» - aujourd'hui accentuée par l'empressement des autorités à vacciner le plus grand nombre contre le Covid-19 - «a toujours existé», souligne ainsi l'historien de la santé Patrick Zylberman.

Rappels historiques sur une défiance bien ancrée:

- Variolisation «diabolique» -

La variole a été durant des siècles une maladie virale terrible jusqu'à son éradication en 1980 grâce aux vaccins.

Avant l'invention de la vaccination, un procédé d'immunisation existait depuis le début du 18e siècle: la «variolisation» consistait à inoculer le virus à travers des scarifications sur les bras, une infection par voie sanguine étant bien moins dangereuse que par voie respiratoire.

La méthode a suscité des controverses tout au long du 18e siècle en Europe, sur le plan scientifique et religieux. Un clergyman anglais, Edmund Massey, comparait en 1772 la variolisation à  une opération «diabolique fondée ni sur les lois de la nature ni sur celles de la religion».

- Peur du «produit animal» -

En 1796, un médecin anglais, Edward Jenner, a l'idée d'inoculer la «vaccine», sorte de variole des vaches, bénigne pour l'homme, à un enfant pour en stimuler la réaction immunitaire.

Le procédé fonctionne mais suscite immédiatement scepticisme et crainte. Une caricature de 1802 montre une séance de vaccination où les personnes inoculées se transforment en monstres mi-homme mi-vache.

«Avec la vaccination, il s'agit de greffer un produit animal sur un organisme humain. C'est l'abomination, l'animalisation de l'être humain», explique Patrick Zylberman.

- Obligations et exemptions -

Au Royaume-Uni, à partir du milieu du 19e, une série de lois, les «Vaccination Acts», imposent la vaccination antivariolique aux enfants et prévoient des amendes pour les parents récalcitrants.

A la liste des griefs contre la vaccination s'ajoute dès lors «l'atteinte aux libertés individuelles», expliquent les chercheuses Annick Guimezanes et Marion Mathieu.

Conséquence: une «clause de conscience» est introduite dans la loi britannique, en 1898 et 1907, pour permettre aux parents hostiles d'échapper aux amendes et de se justifier de la non-vaccination de leurs enfants.

- En rage contre Pasteur -

En 1885, Louis Pasteur met au point un vaccin contre la rage à partir d'une souche atténuée du virus. Mais là encore, le procédé suscite défiance, rejet, soupçon.

Pasteur est accusé de s'enrichir en fabricant une «rage de laboratoire». Les journaux La Lanterne et L'Intransigeant mènent une violente campagne contre le scientifique.

- BCG, diphtérie, tétanos et sels d'aluminium -

Les années 1920 voient se multiplier les vaccins: contre la tuberculose (BCG, 1921), la diphtérie (1923), le tétanos (1926) et la coqueluche (1926).

C'est aussi dans les années 1920 qu'on commence à utiliser les sels d'aluminium comme adjuvant pour accroître l'efficacité des vaccins.

Plus d'un demi-siècle plus tard, ces sels deviennent source de suspicions, accusés en France par l'association E3M de causer une maladie non reconnue, la myofasciite à macrophages.

- ROR: fausse étude, vraie défiance -

En 1998, une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale The Lancet suggère un lien entre vaccination ROR (rougeole, oreillons, rubéole) et autisme.

L'étude s'avère être un «trucage» de son auteur Andrew Wakefield. Ni le démenti officiel de la revue, ni les multiples travaux postérieurs démontrant l'absence de lien, ne feront taire les craintes sur ce vaccin combiné.

Radié en 2010 de l'ordre des médecins britanniques, Andrew Wakefield rebondit aux Etats-Unis pour mener une croisade anti-vax aux accents complotistes, comme illustré dans son film conspirationniste «Vaxxed» (2016).

-Vaccin H1N1 et narcolepsie -

En 2009, une pandémie de grippe H1N1 fait sonner l'alerte à l'OMS. Des campagnes de vaccination sont organisées à la hâte mais l'épidémie s'avère moins grave que prévu.

Des millions de doses non utilisées doivent être jetées. Les reproches de mauvaise gestion renforcent la défiance, d'autant qu'un des vaccins, le Pandemrix, s'avère accroître le risque de narcolepsie.

En Suède, sur 5,5 millions de personnes vaccinées, 440 personnes ont été officiellement reconnues comme souffrant de ce trouble du sommeil, et indemnisées.

- Revirement taliban sur l'anti-polio -

Officiellement éradiquée d'Afrique grâce à la vaccination, la poliomyélite fait de la résistance en Asie: au Pakistan et Afghanistan, cette maladie qui provoque des paralysies chez les jeunes enfants, reste endémique.

En Afghanistan, les talibans qui dénonçaient les campagnes de vaccination comme un complot occidental pour stériliser les enfants musulmans, ont changé d'attitude à l'été 2021, date de leur retour au pouvoir, et collaborent désormais aux campagnes de vaccination de l'OMS et de l'Unicef.


Relations UE/Chine: Macron insiste sur la protection des «intérêts stratégiques» de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
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  • La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales
  • Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises

PARIS: L'Europe doit défendre ses "intérêts stratégiques" dans ses relations économiques avec la Chine, a déclaré jeudi le président Emmanuel Macron dans une interview à The Economist, à quelques jours d'une visite d'Etat en France du président chinois XI Jinping.

"Il faut être d'un grand pragmatisme et regarder cette question avec nos intérêts stratégiques", dit le chef d'Etat français, interrogé sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine.

"C'est un de mes objectifs principaux en accueillant le président Xi Jinping, il faut tout faire pour engager la Chine sur les grandes questions mondiales et avoir un échange sur nos relations économiques qui reposent sur la réciprocité", ajoute le président, qui accueillera son homologue chinois les 6 et 7 mai.

Et de citer le cas des voitures électriques chinoises, selon lui "taxées à 10%" sur le marché européen alors que leur production est "massivement aidée" par l'exécutif chinois. A l'inverse, les véhicules électriques européens, pour lesquels "l'Europe a des règles qui limitent les aides" à leurs producteurs, sont "taxés à 15%" sur le marché chinois.

Plan

"Aujourd'hui nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale", insiste M. Macron, qui dit soutenir les enquêtes ouvertes par la Commission européenne sur le véhicule électrique, le photovoltaïque, l'éolien concernant des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence.

"Il ne faut pas oublier les enjeux de sécurité nationale", souligne M. Macron. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales. Il s'agira du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde.

Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises.

"Notre intérêt est d'obtenir de la Chine qu'elle pèse pour la stabilité de l'ordre international. Ce n'est pas l'intérêt de la Chine aujourd'hui d'avoir une Russie déstabilisatrice de l'ordre international, d'avoir un Iran qui peut se doter de l'arme nucléaire et d'avoir un Moyen-Orient plongeant dans une forme de chaos. Il faut donc travailler avec la Chine pour construire la paix", affirme M. Macron.


Ukraine: Macron assume à nouveau la possibilité d'envoyer des troupes occidentales au sol

Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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  • Macron a créé la controverse fin février en affirmant que l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas «être exclu»
  • Ce débat doit dépasser l'Union européenne, avance encore le président français

PARIS: Emmanuel Macron a détaillé, dans The Economist, son plan pour éviter une mort "brutale" de l'Europe, assumant au passage sa position controversée sur la possibilité d'envoyer des troupes au sol en Ukraine, si Moscou allait "percer les lignes de front".

"Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s'il y avait une demande ukrainienne – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – on devrait légitimement se poser la question", a dit le président français dans un long entretien publié jeudi par l'hebdomadaire britannique.

Le chef de l'Etat français a créé la controverse fin février en affirmant que l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas "être exclu" à l'avenir. La plupart des pays européens, ainsi que les Etats-Unis, s'étaient nettement démarqués, même si certains ont depuis fait un pas en sa direction.

Dans The Economist, Emmanuel Macron affirme que la Russie "est rentrée dans une logique de guerre totale". Et il faut l'empêcher de gagner en Ukraine, faute de quoi "nous n'aurons plus de sécurité en Europe".

Plus largement, il inscrit cette question dans la nécessité d'aboutir à une "crédibilité militaire européenne", lors d'un débat qu'il a appelé de ses voeux il y a une semaine à la Sorbonne.

Dans ce discours, à l'approche des élections européennes de juin qui voient son camp largement distancé dans les sondages par l'extrême droite, il avait mis en garde: "l'Europe peut mourir".

Cette "mort" peut être "beaucoup plus brutale qu'on ne l'imagine", insiste-t-il jeudi. Selon lui, "un sursaut est possible" mais doit être "beaucoup plus profond" face à un "triple risque existentiel pour notre Europe": "militaire et de sécurité", "économique" et démocratique.

Sur la défense, les Européens doivent s'asseoir "autour de la table pour bâtir un cadre cohérent", plaide Emmanuel Macron. "L'Otan apporte une de ces réponses et il ne s'agit pas de balayer l'Otan. Mais ce cadre est beaucoup plus large", ajoute-t-il.

«Braqueurs»

Ce débat doit dépasser l'Union européenne, avance encore le président français, qui veut "arrimer la discussion dans le cadre de la Communauté politique européenne", ce nouveau format qu'il a inspiré pour inclure notamment Londres après le Brexit. "Ce serait une erreur d'exclure des pays qui ne sont pas dans l'UE", comme la Norvège, le Royaume-Uni ou les Balkans".

La réflexion doit aussi inclure l'arme nucléaire, dont la France et le Royaume-Uni sont dotés en Europe, réitère-t-il. Il propose que les partenaires européens "prennent en compte" cette "capacité" française, "sans pour autant la mutualiser".

Sur le plan économique, à la veille d'une visite d'Etat en France du président chinois Xi Jinping, lundi et mardi, Emmanuel Macron appelle l'Europe à défendre ses "intérêts stratégiques" et "les enjeux de sécurité nationale" au nom de la "réciprocité" dans ses relations commerciales avec Pékin. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

S'agissant de la "vulnérabilité démocratique", le chef de l'Etat, qui a promis de s'impliquer dans la campagne des européennes, lance enfin un avertissement aux électeurs: "la meilleure façon de construire ensemble, c'est d'avoir le moins de nationalistes possible".

"Je dis aux Européens: réveillez-vous!", "tous les nationalistes européens sont des brexiters cachés", ajoute-t-il, visant particulièrement l'extrême droite française.

Après avoir prôné la sortie de l'Europe, le Rassemblement national tire maintenant "les dividendes de l'Europe en voulant la détruire sans rien dire", accuse le président Macron. "C'est comme si on était en train de dire +ce n'est pas grave de confier la banque à des braqueurs+", ajoute-t-il.


Sciences Po: place au débat interne, après la mobilisation de soutien à Gaza

Des manifestants brandissent des pancartes du drapeau palestinien alors qu'ils manifestent près de l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
Des manifestants brandissent des pancartes du drapeau palestinien alors qu'ils manifestent près de l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • A Saint-Etienne, le blocage d'un des sites de l'université Jean Monnet par une quinzaine d'étudiants réclamant le cessez-le-feu à Gaza a repris jeudi matin
  • Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités

PARIS: Sciences Po Paris a accueilli jeudi un débat interne sur le Proche-Orient, qualifié de "dur" et de riche en "émotion" par la direction, au moment où le gouvernement redouble de vigilance face à la multiplication d'actions en soutien à Gaza sur les campus français.

"Ça a été un débat dur, avec des prises de position assez claires, beaucoup d'émotion et donc j'aspire maintenant à ce que chacun retrouve le calme" avant les examens prévus lundi, a indiqué Jean Bassères, l'administrateur provisoire de la prestigieuse école parisienne.

Il a admis rester "extrêmement prudent sur la suite des événements", alors que la mobilisation se diffuse en France, en écho à la mobilisation croissante des campus aux Etats-Unis, marquée par le déploiement de la police sur plusieurs sites.

Le débat à peine fini, les organisations étudiantes mobilisées - Union étudiante et Solidaires - ont appelé à sit-in jeudi après-midi dans le hall d'entrée de Sciences Po.

L'administrateur provisoire a reconnu avoir "pris des positions assez fermes sur certains sujets", en refusant "très clairement la création d'un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer nos relations avec les universités israéliennes".

"Après un début où les débats étaient apaisés, la tension est montée à la fin", a témoigné auprès de l'AFP Hugo, 22 ans, étudiant en master à Sciences Po, pour qui "la principale information est le refus du directeur de créer un groupe de travail pour réévaluer les partenariats de Sciences Po".

«Maintien de l'ordre»

"Il y avait des demandes claires et il n’y a pas eu de réponse claire", a regretté une étudiante en master d'urbanisme, qui a refusé de donner son nom, fustigeant "une mollesse de l'administration".

Après une mobilisation émaillée de tensions vendredi dernier, le mouvement avait été suspendu à Sciences Po Paris: la direction avait accepté d'organiser un débat interne "ouvert à toutes les communautés de Sciences Po", qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique.

Sur la demande des étudiants d'interroger les "partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’Etat d’Israël", la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau avait répété jeudi matin qu'il était "hors de question que les universités prennent une position institutionnelle en faveur de telle ou telle revendication dans le conflit en cours au Proche-Orient".

La ministre a demandé aux présidents d'université de veiller au "maintien de l'ordre" public, en utilisant "l'étendue la plus complète des pouvoirs" dont ils disposent, notamment en matière de sanctions disciplinaires en cas de troubles ou de recours aux forces de l'ordre, lors d'une intervention en visioconférence au conseil d'administration de France Universités.

A l'issue de cet échange, France Universités, qui fédère 116 membres, dont 74 universités, a "salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme".

Actions à Lille et Saint-Etienne 

Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités. Le tout dans un contexte politique électrique, en pleine campagne des européennes, La France Insoumise étant notamment accusée par la droite d'"instrumentalisation" du mouvement.

Jeudi matin à Lille, l'institut d'études politiques est resté fermé et les accès à l'école supérieure de journalisme (ESJ) étaient bloqués et les cours annulés.

A Saint-Etienne, le blocage d'un des sites de l'université Jean Monnet par une quinzaine d'étudiants réclamant le cessez-le-feu à Gaza a repris jeudi matin, a constaté l'AFP. Ils n'ont pas trouvé d'accord avec la présidence de l'université pour l'organisation d'une conférence sur la situation à Gaza, selon un représentant étudiant.

La police était intervenue mardi sur ce site stéphanois pour déloger des militants pro-Palestiniens. La police est aussi intervenue lundi pour évacuer des manifestants de la Sorbonne après avoir déjà mis fin à une occupation nocturne d'un site de Sciences Po Paris la semaine dernière, les deux fois à la demande du Premier ministre Gabriel Attal.

Selon l'organisation étudiante Le Poing Levé, le campus Jourdan de l'Ecole normale supérieure (ENS) à Paris était bloqué jeudi, des étudiants appelant à un rassemblement sur le site à 15H00.