STEPANAKERT : L'Azerbaïdjan a réclamé dimanche le retrait arménien du Nagorny Karabakh où les bombardements sur les zones urbaines se sont intensifiés, suscitant l'inquiétude pour les civils, au huitième jour de combats entre forces séparatistes arméniennes et armée azerbaïdjanaise.
« Je n'ai qu'une seule condition » pour un cessez-le-feu, a déclaré le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, dans un discours télévisé à la nation, diffusé dans la soirée.
« Les forces armées (arméniennes, ndlr) doivent quitter nos territoires », a-t-il lancé, demandant également que le Premier ministre arménien Nikol Pachinian « présente ses excuses devant le peuple azerbaïdjanais » et « dise que le Karabakh, ce n'est pas l'Arménie ».
Tout au long de la journée, les deux camps ont multiplié les déclarations belliqueuses tandis que les bombardements se sont intensifiés, visant notamment la capitale indépendantiste Stepanakert ainsi que la deuxième ville d'Azerbaïdjan, Gandja.
Face à « la hausse du nombre des victimes au sein de la population civile », le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a exprimé sa « préoccupation » et réitéré son appel à « un cessez-le-feu au plus vite ».
Depuis vendredi, Stepanakert est la cible de frappes d'artillerie, forçant la population à se terrer. Dimanche, les tirs de roquettes d'intensité redoublée ont touché son centre et la périphérie.
Dans l'après-midi, Choucha, une ville de 4.000 habitants, a été à son tour atteinte par des tirs azerbaïdjanais.
Bombes dans la cour
Le dirigeant du Nagorny Karabakh, Araiyk Haroutiounian, a annoncé qu'en représailles aux frappes sur Stepanakert, des infrastructures militaires installées dans les « grandes villes » d'Azerbaïdjan, situées à une plus grande distance du front, avaient été prises pour cible.
Dans la soirée, les combats se poursuivaient « sur toute la ligne de front », l'armée du Nagorny Karabakh ayant repoussé une nouvelle offensive azerbaïdjanaise, selon la porte-parole du ministère arménien de la Défense, Chouchan Stepanian.
Les séparatistes ont annoncé dimanche avoir « détruit » l'aéroport de la deuxième plus grande agglomération azerbaïdjanaise, Gandja, ce que l'Azerbaïdjan a démenti, affirmant que des civils avaient été tués.
D'autres villes azerbaïdjanaises ont été frappées, selon Bakou : Horadiz, Beylagan et Terter.
Azerbaïdjanais et Arméniens, qui démentent systématiquement les succès militaires annoncées par le camp ennemi, s'accusent aussi mutuellement de viser des civils.
« C'est leur stratégie militaire », a ainsi commenté un conseiller de la présidence azerbaïdjanaise, Hikmet Hajiyev.
Une habitante de Beylagan, a raconté que sa maison avait été en partie détruite la veille.
« J'étais en train de cuire le pain quand j'ai entendu des explosions, j'ouvre la porte et je vois des bombes tomber dans la cour », a expliqué cette femme.
Succès et démentis
Comme les jours précédents, les deux camps revendiquaient divers succès sur le champ de bataille.
Dimanche, l'Azerbaïdjan a affirmé avoir grièvement blessé le président de la république auto-proclamée et pris Jebraïl, une ville azerbaïdjanaise de 9.000 habitants contrôlée depuis les années 1990 par les séparatistes arméniens bien que située hors du territoire du Karabakh. La partie arménienne a démenti ces deux annonces.
La présidence du Karabakh a assuré que son armée « contrôlait totalement la situation dans toutes les directions ».
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a estimé quant à lui samedi que l'Arménie faisait face au « moment peut-être le plus décisif de son histoire » contemporaine.
A Erevan, la capitale, de nombreux habitants sont allés allumer des cierges à l'église Saint Sarkis. « Je suis venue demander la paix à Dieu, pour notre pays et nos soldats », a raconté une Erevanaise, Aytsemik Melikian.
Le bilan s'alourdit
Le Nagorny Karabakh, majoritairement peuplé d'Arméniens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan à la chute de l'URSS, entraînant une guerre au début des années 1990 qui a fait 30.000 morts. Le front y est quasiment gelé depuis malgré des heurts réguliers.
Les deux camps s'accusent de la reprise des hostilités le 27 septembre, une crise parmi les plus graves, sinon la plus grave, depuis le cessez-le-feu de 1994, faisant craindre une guerre ouverte entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Le bilan des morts, toujours très partiel Bakou ne communiquant pas ses pertes militaires, s'est alourdi à 251 : 209 combattants séparatistes, 18 civils du Karabakh et 24 civils azerbaïdjanais. Mais chaque partie affirme avoir tué plus de deux mille soldats ennemis.
Un conflit direct entre ces deux ex-républiques soviétiques du Caucase pourrait avoir des conséquences imprévisibles, plusieurs puissances étant en concurrence dans la région : la Russie, le traditionnel arbitre régional, la Turquie, alliée à l'Azerbaïdjan, ou encore l'Iran.
Les Turcs sont déjà accusés de jeter de l'huile sur le feu en encourageant Bakou à l'offensive militaire et sont fortement soupçonnés d'avoir déployé des mercenaires syriens pro-turcs au Karabakh.