WASHINGTON : Joe Biden se rend jeudi à New York, meurtrie par une flambée de violence, pour assurer aux Américains qu'il prend au sérieux la hausse de la criminalité dans le pays, un sujet politiquement miné pour le président américain.
Il visitera le siège de la police de la ville en compagnie du nouveau maire Eric Adams, avant une rencontre avec des responsables locaux dans le Queens, l'un des cinq arrondissements.
Joe Biden, qui en tant que président ne dispose pas de compétences illimitées en la matière, a annoncé plusieurs programmes, après que plusieurs villes américaines ont battu l'an dernier des records du nombre d'homicides.
La Maison Blanche a déclaré la guerre aux pistolets non répertoriés, assemblés à partir de kits, les "ghost guns". Elle a aussi promis de lutter contre le trafic d'armes, libérer des fonds pour recruter des policiers ou encore financer des programmes de prévention au niveau local.
Mais selon un sondage ABC/Ipsos de décembre, le pourcentage d'Américains approuvant l'action du président en matière de sécurité est tombé à 36% contre 43% en octobre - dans un contexte, il est vrai, d'insatisfaction généralisée envers Joe Biden.
«Laxisme»
Le démocrate se voit régulièrement accuser par la droite américaine d'ignorer la hausse de la criminalité et de vouloir tailler dans les moyens des forces de l'ordre.
Il arrivera jeudi dans une ville meurtrie par plusieurs épisodes de violence par arme à feu - dont une fusillade dans le quartier de Harlem, qui a causé la mort de deux jeunes policiers.
Avec cette visite, Joe Biden apporte d'une certaine manière sa caution à Eric Adams, ancien policier afro-américain.
Le président espère peut-être aussi que rejaillira sur lui l'intérêt croissant que suscite ce nouvel édile démocrate avec sa ligne dure contre la criminalité et les armes à feu.
Le maire de New York a par exemple annoncé le rétablissement de patrouilles de policiers en civil, les "unités anticriminalité" rebaptisées "unités anti-armes à feu".
Ces équipes controversées avaient été supprimées en 2020, après la mort de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis, l'événement déclencheur des manifestations "Black Lives Matter".
Le sujet de la sécurité est politiquement miné pour Joe Biden.
D'un côté, il ne doit pas prêter le flanc aux accusations de passivité de l'opposition républicaine, à quelques mois d'élections législatives déjà bien mal engagées pour les démocrates.
Et gare au moindre faux pas: la droite a étrillé la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, pour avoir évoqué sur le ton de l'humour le reproche de "laxisme" fait à l'administration Biden par la chaîne conservatrice Fox.
«Black Lives Matter»
Mais Joe Biden ne peut pas se permettre non plus de braquer l'électorat afro-américain, majoritairement favorable aux démocrates, et auquel il a promis, pendant sa campagne, plus de justice.
Les activistes qui luttent contre les violences policières n'ont pas oublié qu'en 1994, le sénateur Biden avait soutenu avec ferveur un durcissement pénal jugé responsable, par la suite, de l'incarcération en masse de personnes issues des minorités.
Dans les faits, la Maison Blanche semble avoir mis en sourdine certaines promesses faites au camp progressiste en matière de politique pénale.
Le président a certes nommé, à tous les échelons du système judiciaire, des magistrats issus des minorités.
Mais il n'a pas jusqu'ici vraiment cherché à relancer une réforme de la police inspirée par le mouvement "Black Lives Matter", et qui a échoué au Congrès l'an dernier.
Les chiffres affolants de la criminalité aux Etats-Unis
WASHINGTON : Joe Biden se rend jeudi à New York pour discuter de la criminalité, qui s'est envolée pendant la pandémie de Covid-19 dans l'ensemble des Etats-Unis.
59 homicides par jour
Les Etats-Unis ont enregistré plus de 21 500 homicides en 2020, soit près de 59 par jour, selon les dernières statistiques publiées par la police fédérale (FBI).
Il s'agit d'un bond de 30% sur un an, un rythme jamais vu. Après "ce bain de sang record", "trop de gens vivent dans la peur", a lancé mardi le chef des sénateurs républicains Mitch McConnell.
Le nombre d'homicides a continué d'augmenter en 2021, mais à un rythme moins soutenu de 5%, selon des données partielles collectées par le centre de recherches Council on Criminal Justice.
Une moitié de victimes noires
Les statistiques ethniques sont autorisées aux Etats-Unis mais toutes les forces de police ne notent pas la couleur de peau des victimes.
Bien que les données soient parcellaires, le FBI a recensé 9.941 Afro-Américains parmi les victimes d'homicides en 2020, soit près de la moitié. Or, la communauté noire ne représente que 12% de la population américaine.
Six fois plus qu'en Europe
Le taux d'homicide pour 100 000 habitants est monté à 6,5 en 2020 aux Etats-Unis, qui se distinguent nettement des autres pays riches. Ce taux est de 1 pour 100 000 en France, en Allemagne ou en Australie et 2 au Canada, selon les derniers chiffres de la Banque mondiale.
Memphis et son triste record
Chicago, la troisième plus grosse ville du pays, a enregistré le plus grand nombre d'homicides, soit 836, en 2021. Mais c'est Memphis dans le Tennessee qui détient le triste record par habitant avec 2 352 homicides pour 100 000 personnes.
43 millions d'armes vendues en deux ans
Aux Etats-Unis, plus de trois quart des homicides sont commis avec des armes à feu, et le nombre de pistolets, revolvers et autres fusils s'est récemment envolé.
Plus de 23 millions d'armes ont été vendues en 2020, un record, et près de 20 millions en 2021, selon des données compilées par le site Small Arms Analytics.
S'y ajoutent un nombre croissant d'armes "fantômes", vendues en pièces détachées sans numéro de série, particulièrement prisées dans les milieux criminels.
En juin 2021, 30% des adultes américains disaient posséder au moins une arme, selon un sondage du Pew research center.