Royaume-Uni: âpres débats sur l'avenir d'une plaque liée à l'esclavage

Une plaque pour la salle Joseph H. Rainey dans le Capitole des États-Unis à Washington, D.C., est vue après son inauguration le 3 février 2022 à Washington, DC.(AFP)
Une plaque pour la salle Joseph H. Rainey dans le Capitole des États-Unis à Washington, D.C., est vue après son inauguration le 3 février 2022 à Washington, DC.(AFP)
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Publié le Vendredi 04 février 2022

Royaume-Uni: âpres débats sur l'avenir d'une plaque liée à l'esclavage

  • Depuis trois jours, un tribunal ecclésiastique est réuni dans la chapelle du Jesus College de la prestigieuse université pour décider du destin de cette plaque commémorative à l’effigie de Tobias Rustat
  • Le Jesus Collège veut la retirer de la chapelle et l'installer ailleurs, avec des éléments de contexte, arguant que certains étudiants, bouleversés par cette plaque, ne veulent pas entrer dans la chapelle

CAMBRIDGE :L'un des Collèges de l'université anglaise de Cambridge a été accusé vendredi de vouloir "effacer" le souvenir d'un de ses plus illustres donateurs, en souhaitant déplacer une plaque qui lui rend hommage, en raison de ses liens avec l'esclavage.

Depuis trois jours, un tribunal ecclésiastique est réuni dans la chapelle du Jesus College de la prestigieuse université pour décider du destin de cette plaque commémorative à l’effigie de Tobias Rustat, impliqué financièrement dans la traite des esclaves au XVIIe siècle.

Le Jesus Collège veut la retirer de la chapelle et l'installer ailleurs, avec des éléments de contexte, arguant que certains étudiants, bouleversés par cette plaque, ne veulent pas entrer dans la chapelle.

Comme elle se trouve dans un édifice religieux, il revient à un juge nommé par l'Église d'Angleterre de trancher.

"Glorifier" un homme "chargé d'investir et diriger des entreprises qui faisaient le commerce d'esclaves est une abomination" a déclaré vendredi l'avocat du Collège, Mark Hill.

La présence du mémorial dans la chapelle anglicane "compromet sans aucun doute le travail et la mission de l'Eglise d'Angleterre", a-t-il ajouté.

Jeudi, le Collège avait été accusé de faire le jeu de la "désinformation" par l'avocat défendant le maintien de la plaque, Justin Gau.

Vendredi, dans sa dernière intervention, Justin Gau, qui représente 65 anciens étudiants, a accusé le Jesus College de vouloir "effacer" Rustat. Ils veulent "se débarrasser d'un vieux parent impopulaire qui a été extrêmement généreux dans le passé", a dénoncé l'avocat.

Rustat ne sera ni "annulé, ni effacé, ni détruit", mais la plaque sera exposée dans un autre bâtiment, a rétorqué Mark Hill.

Ceux qui veulent le déplacement de la plaque "ont tous été mal informés sur la vie de Rustat", avait lancé jeudi Justin Gau, soulignant que son immense fortune ne provenait pratiquement pas de ses investissements dans la traite des esclaves. "Je crains que le nuage de la désinformation ne plane toujours sur cet endroit", avait-il ajouté.

« Le passé, un pays différent »

Sonita Alleyne, qui dirige le Collège et fut la première femme noire nommée à la tête d'une faculté des prestigieuses universités d'Oxford et Cambridge, avait pour sa part fait valoir que la chapelle était "très très problématique" et devait devenir un espace "incontesté", en soulignant que certains étudiants refusaient d'y entrer.

Tobias Rustat, courtisan du roi Charles II, avait investi dans la Royal African Company, qui a déplacé près de 150.000 esclaves, et a participé à la gestion de cette entreprise. 

Il avait donné environ 3.230 livres sterling (environ 500.000 livres sterling au cours actuel soit 600.000 euros) au Jesus College, principalement pour financer des bourses d'études pour les orphelins. 

Justin Gau a aussi fait valoir que l'église d'Angleterre à l'époque ne s'opposait pas à l'esclavage. "Ils faisaient les choses différemment, le passé est un pays différent", a-t-il plaidé.

A l'issue des débats vendredi, le juge nommé par l'église anglicane dans ce dossier rendra son jugement écrit à une date ultérieure, peut-être dès la semaine prochaine.

Cette affaire illustre le récent travail d'introspection du Royaume-Uni sur son passé colonial, dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, qui a vu se multiplier les appels à retirer les statues et les monuments de personnages historiques liés à l'esclavage et au racisme. 

Comme le marchand d'esclaves Edward Colston Edward Colston, dont la statue à Bristol (ouest de l'Angleterre), a été déboulonnée en juin 2020 par des militants antiracistes, ensuite acquittés par un tribunal, Rustat était une figure de proue de la Royal Africa Company au XVIIe siècle.

La décoration à sa mémoire ne fait aucune mention de l'esclavage, que la Grande-Bretagne a interdit en 1833. Rustat est aussi représenté par une statue près d'une bibliothèque de l'université de Cambridge qui a déclaré avoir effectué des "enquêtes préliminaires" sur sa suppression.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com