Pensons à un Iran sans mollahs!

Pour la population iranienne, les mollahs sont considérés comme un occupant intérieur face auquel il est devenu impératif de résister. (AFP).
Pour la population iranienne, les mollahs sont considérés comme un occupant intérieur face auquel il est devenu impératif de résister. (AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 16 février 2022

Pensons à un Iran sans mollahs!

Pensons à un Iran sans mollahs!
  • Quarante-trois ans plus tard, après une révolution totalement spoliée par les mollahs de Khomeini, l’écho de 1979 résonne dans les rues du pays tout entier
  • Les pommes de terre sont devenues un aliment de luxe dans ce pays pourtant riche qu'est l'Iran

Il y a quarante-trois ans, le peuple d’Iran se révoltait contre la dictature du Chah dans le but de recouvrer une liberté qu’il n’avait plus aperçue depuis le trop bref passage de Mohammad Mossadegh (1) au pouvoir. L’Iran du Chah, perçu comme un gendarme régional et qui se gargarisait du doux surnom d’«île de stabilité», volait en éclat devant la colère légitime d’un peuple fermement décidé à renverser la table. Quarante-trois ans plus tard, après une révolution totalement spoliée par les mollahs de Khomeini, l’écho de 1979 résonne dans les rues du pays tout entier.

La liberté du peuple, cauchemar des mollahs

Le Guide suprême et le régime théocratique dans son ensemble tremblent à l’idée que leurs pires cauchemars se réalisent: l’échec cuisant de la république islamique et le renversement du régime par le peuple... une nouvelle fois. Un peuple infatigable qui n’aura cessé de lutter contre la tyrannie pendant plus de cinq générations. La peur se lit entre les lignes des journaux officiels du régime à mesure que l’idée du renversement s’inscrit dans les esprits, chaque jour plus nombreux, d’une population définitivement prête à en découdre. L’armée des affamés et des chômeurs affiche clairement sa colère et elle n’hésite plus à s’en prendre directement aux forces de sécurité de la république islamique (2).

En plus des unités de résistance qui combattent sur le terrain, la lutte contre tous les symboles de l’État tyran prend de nouvelles tournures. Le 8 janvier, jour anniversaire de l'élimination de Qassem Soleimani, icône belliqueuse de la volonté d’exportation du fondamentalisme islamique du régime iranien, sa grande statue a été incendiée quelques heures seulement après son installation dans une ville kurde de la province de Tchaharmahal-et-Bakhtiari. Quelques jours plus tard, les médias officiels rapportaient le piratage des réseaux de télévision et d’une radio d’État par les moudjahidines , les ennemis jurés du régime iranien (3).

Un pays au bord de l’explosion

Récemment, un document «top secret» qui a fait l'objet d'une fuite en Iran lors d'une réunion du «Groupe de travail sur la prévention de la crise de sécurité des conditions de vie élémentaires» indique que «la société est dans un état d'explosion sous-cutanée» et que le mécontentement social a augmenté de «300%» au cours de l'année écoulée. Selon les médias et les statistiques gouvernementales du régime, plus des deux tiers de la population iranienne se trouvent sous le seuil de pauvreté. Les pommes de terre sont devenues un aliment de luxe dans ce pays pourtant riche qu'est l'Iran.

Les manifestations de travailleurs, de retraités, d’enseignants, de professeur d'université et d'autres catégories de la société se poursuivent sans relâche aux quatre coins de l'Iran pour réclamer des salaires impayés, voire le simple minimum vital. En réponse à ces demandes légitimes, le pouvoir fait tourner la machine répressive à plein régime. Mais, malgré les efforts de violence déployés par les forces de sécurité, des services de renseignement et des agents en civil, les manifestations se poursuivent et les attaques contre les symboles du pouvoir ne faiblissent pas. Le 13 décembre dernier, des centaines de milliers d’enseignants ont défilé dans les rues de plus de trente provinces du pays, malgré l’interdiction et les menaces. La population n’a plus rien à perdre.

La peur a changé de camp!

Le spectre du renversement du régime s’incarne chaque jour un peu plus et l’existence d’une alternative politique crédible, incarnée par le CNRI (Conseil national de la résistance iranienne, NDLR), effraie plus encore les mollahs. La demande du président iranien à son homologue français il y a peu ne traduit pas autre chose que cette peur qui se lit dorénavant dans leurs yeux. Après Hassan Rohani, qui avait demandé à François Hollande d’expulser l’Organisation des moudjahidines du peuple (Ompi) de l’Union européenne, voilà qu’Ebrahim Raïssi réitère cette démarche (4). Preuve, s’il en était besoin, que l’Ompi, majoritaire au sein du CNRI, est bien l’ennemie désignée des mollahs. D’ailleurs, la tentative d’attentat perpétré par l’appareil diplomatique iranien en Europe contre le grand rassemblement de Villepinte organisé par le CNRI en juin 2018 est un élément de plus à verser au dossier de la peur qu’inspire une coalition démocratique unifiée contre la terreur et la tyrannie des mollahs.

Pour la population iranienne, les mollahs sont considérés comme un occupant intérieur face auquel il est devenu impératif de résister. Au Liban, un conseil qui regroupe des courants et des partis politiques s’est formé, du nom de «Conseil national pour mettre fin à l’occupation du Liban». Il a pour but affiché d’expulser la présence du régime iranien. En Irak, le soulèvement d'octobre visait à expulser les mollahs de leur pays. Et la flamme de ce mouvement couve toujours sous la cendre.

Partout, l’objectif est clair: refuser la tyrannie des mollahs, cesser de s’effacer devant cette dernière, recouvrer la liberté et les droits humains fondamentaux. La coalition politique du CNRI, présidée par Maryam Radjavi, a d’ores et déjà publié un plan en dix points, préalable indispensable à l’arrivée de la démocratie en Iran (5). Le CNRI s’impose comme l’unique force politique susceptible de succéder à la théocratie actuelle, qui considère la contradiction politique comme une trahison envers Dieu passible d’emprisonnement, de tortures, voire d’exécutions sommaires, à l’instar des tirs directs sur la foule ordonnés par Ali Khameni lors des émeutes de 2019.

N'est-il pas temps pour la France, la Belgique et l’ensemble de l'Europe de penser désormais à un Iran sans mollahs? Un Iran outragé, brisé, martyrisé, mais un Iran libéré. Un Iran du peuple, par, pour et avec lui, sans arme nucléaire, sans menace permanente d’exportation du fondamentalisme religieux et capable d’entretenir de véritables relations fraternelles et commerciales avec l’Europe tout entière. Qu’attend la diplomatie européenne?

(1) Mohammed Mossadegh, qui est parvenu à accéder au pouvoir exécutif par deux fois entre 1951 et 1953, a tenté d'instaurer une démocratie laïque et de conserver une relative indépendance du pays face aux puissances étrangères, avant son renversement par un coup d’État.
(2) Un journal proche d’Ali Khamenei écrit le 11 octobre 2021: «Ces derniers mois, nous avons assisté à de fréquentes attaques contre les forces de sécurité dans la rue.»
(3) Le camp d’Achraf était le camp des résistants exilés en Irak jusqu’à l’intervention américaine dans ce pays. Achraf est le symbole de la résistance de tous les instants au régime religieux d’Iran.
(4) Le journal d'État Quds Online a rapporté le 3 février qu’Ebrahim Raïssi, «notre président, a également demandé explicitement l'expulsion des membres de ce groupe [l’Organisation des moudjahidines du peuple] de l'Union européenne lors de sa dernière conversation téléphonique avec le président français, Emmanuel Macron».
(5) On peut trouver le plan en dix points détaillé à cette adresse: https://www.maryam-rajavi.com/fr/points-de-vue/programme-politique-iran/

Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années. 

TWITTER: @h_enayat

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.