Pour Jean-Marie Le Pen, Zemmour n'a rien inventé

Jean-Marie Le Pen a accordé une interview à Arab News en français, dans son coquet pavillon de Rueil-Malmaison. (AFP).
Jean-Marie Le Pen a accordé une interview à Arab News en français, dans son coquet pavillon de Rueil-Malmaison. (AFP).
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Publié le Mercredi 16 février 2022

Pour Jean-Marie Le Pen, Zemmour n'a rien inventé

  • Éric Zemmour est en quelque sorte un porte-drapeau puriste de ses propres idées, malgré l’agressivité et la brutalité qui sont la marque de fabrique de ce candidat
  • «Marine est une femme et elle est de son temps, sa ligne politique est plus modérée, ce qui fait qu’Éric Zemmour, lui, défend ses idées avec plus de fermeté et d’extrémisme»

PARIS: À 93 ans, le parrain de l’extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, reste égal à lui-même et plus que jamais attaché à ses idées, qu’il n’a jamais tenté de modifier ou de remettre en question.

Le fauve plutôt «le menhir», comme il lui plaît de se surnommer – est certes affaibli par l’âge et en retrait de la politique, il a cependant toutes les raisons de se réjouir.

Même absent de la scène politique, il pèse de tout son poids sur lélection présidentielle d’avril prochain puisque ses positions, combattues pendant des décennies par la classe politique française, sont aujourd’hui au cœur même de la campagne électorale.

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Jean-Marie Le Pen: 93 printemps, mais tout le temps de se réjouir du tournant que prend la campagne présidentielle 2022. (AFP).

Autre motif de satisfaction pour lui: ses positions sont portées dans le cadre de cette campagne dans une double version. Ferme d’un côté, et défendue par le candidat de Reconquête, Éric Zemmour. Édulcorée de l’autre, défendue par la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen.

À eux deux, Marine Le Pen et Éric Zemmour totalisent plus de 30 % des intentions de vote, sans oublier les adeptes de ce qu’on appelle la «droite décomplexée», au sein du parti les Républicains, qui partagent les idées de l’extrême droite sur l’immigration et les musulmans.

Éric Zemmour,  un porte-drapeau puriste du FN

Les deux candidats d’extrême droite ont beau être concurrents, cela n’est pas pour déplaire à Jean-Marie Le Pen, comme il l’affirme à Arab News en français, lors d’une interview, dans son coquet pavillon de Rueil-Malmaison.

À ses yeux, chacun des deux candidats a des atouts qui lui sont propres.

Dans le cas d’Éric Zemmour, M. Le Pen souligne: «Il défend des idées que j’ai défendues pendant trente ou quarante ans et cela ne m’est pas antipathique bien sûr.»

Une façon d’insinuer que l’ancien polémiste n’a en réalité rien inventé, et qu’il insuffle de la vie aux idées qui étaient siennes lorsqu’il a créé le Front national (FN), en particulier «la lutte contre l’immigration massive et ce qui en découle, comme l’insécurité, le chômage, et le déficit financier».

Ces problèmes sont toujours d’actualité et sont liés, selon lui, «à une ouverture volontaire sur l’invasion migratoire» ainsi qu’à «trois ou quatre dispositifs comme le droit du sol, le regroupement familial, la binationalité et le droit d’asile qui sont une aberration».

Éric Zemmour est en quelque sorte un porte-drapeau puriste de ses propres idées, malgré l’agressivité et la brutalité qui sont la marque de fabrique de ce candidat.

Commentant la théorie du «grand remplacement» annoncé par M. Zemmour, Jean-Marie Le Pen affirme: «Je le vois se mettre en place et je le crains», se félicitant du fait que «souvent, il y a un certain nombre d’hommes politiques qui voient plus loin et qui disent la vérité, qui n’est pas toujours agréable à entendre».

Marine Le Pen, «une femme de son temps»

Marine Le Pen, admet-il, défend aussi ces mêmes idées, mais avec plus de souplesse, chose qu’il ne désapprouve pas. «Oui, Marine est une femme et elle est de son temps, sa ligne politique est plus modérée, ce qui fait qu’Éric Zemmour, lui, défend ses idées avec plus de fermeté et d’extrémisme.»

Il ne désapprouve pas non plus la mue du Rassemblement national sous l’impulsion de Marine, bien au contraire, il la trouve nécessaire étant «candidate à la présidentielle, elle doit rassembler autant que possible, tout en restant compatible et loyale à l’esprit du message».

D’ailleurs, entre les deux candidats, Jean-Marie Le Pen n’éprouve aucun embarras, son choix est fait: «Moi, je voterai pour Marine», affirme-t-il.

«Elle a plus de chances d’être élue et elle a une ligne politique raisonnable et tout à fait défendable.»

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Avec ses animaux de compagnie. (AFP).

Autre raison pour expliquer cette décision, la pérennité de son propre parti: «Elle est soutenue par le Rassemblement national, qui est le fils spirituel, si je puis dire, du Front national, que j’ai fondé et dirigé pendant quarante ans.»

Cependant, il ne voit pas d’un mauvais œil la compétition entre Marine Le Pen et Éric Zemmour, bien au contraire, elle a son importance, car «elle doit mettre en lumière les vérités dont les Français ont besoin».

Et pour que cette vérité éclate, il n’a pas œuvré pour un rapprochement entre les deux candidats puisqu’il s’agit de son point de vue «de deux chemins parallèles et différents».

Il s’agit en fait de deux manières et deux méthodes de propager ses propres idées qu’il affirme n’avoir jamais remises en question. «Je crois que j’ai eu raison dès le début et je n’ai pas changé.»

«Je m’aperçois maintenant», ajoute-t-il, «que la grande masse me rejoint et j’espère que cela va s’accélérer avant qu’il ne soit trop tard», se rappelant au passage que le slogan «Avant qu’il ne soit trop tard» figurait sur une des premières affiches du Front national en 1972.

Marion Maréchal, une position «absurde»

Tout va donc pour le mieux pour le fauve de la politique française sauf lorsqu’il aborde la situation de Marion Maréchal  sa petite-fille – qui s’est démarquée de Marine Le Pen en insinuant qu’elle penchait plutôt pour Éric Zemmour.

Là, le verbe devient dur: «La position de Marion est absurde», surtout «qu’elle a décidé de sortir de la politique» et de se lancer dans le projet d’ouverture d’une école.

Elle a fait partie du Front national, indique-t-il; or, dans sa récente déclaration, «elle fait allusion à un candidat qui n’est pas de notre famille politique».

Égrenant les griefs qu’il a contre elle, il déclare: «Elle s’est remariée en septembre et elle attend un enfant, il convient qu’elle s’occupe de sa vie de famille et de sa vie professionnelle.»

Et d’ajouter: «Elle avait décidé de ne plus briguer un nouveau mandat de député en 2017, sachant que c’est moi qui l’avais poussée à se présenter en 2012 à Carpentras, où elle a été élue, devenant ainsi la plus jeune député du Parlement.»

Mais encore: «Elle a retiré de son patronyme le nom “Le Pen” sans m’en informer… avec peut-être pour objectif de se “dédiaboliser”».

Pour finir, Jean-Marie Le Pen assène: «Je ne comprends pas cette attitude de vouloir du jour au lendemain revenir en politique et s’ingérer dans la campagne électorale en sortant des rangs du parti politique qui lui avait permis d’être élue.»

Une fois cette charge émotionnelle évacuée, il s’en prend à la classe politique française: «Je suis inquiet», indique-t-il, «à cause de l’ensemble collectif, moral ou intellectuel, économique et matériel qui s’est relâché».

«Les Français sont isolés, individualisés, les liens sociaux se sont affaiblis».

Par rapport au reste du monde, «nous restons très menacés, et ce que j’appelle le continent “boréal” (soit les pays de l’Europe de l’Ouest et la Russie) doit se rapprocher alors que ce n’est pas du tout le cas, tandis que la démographie mondiale progresse dans des proportions démesurées».

Reprenant son laïus antimigratoire, il soutient que «lorsqu’on mourra de faim en Afrique, on essaiera à toute force de gagner l’endroit où on peut encore se nourrir et en l'occurrence, c’est l’Europe». «C’est malheureusement un mouvement qui est en cours et qui devient de plus en plus menaçant.»

Même jugement sévère sur le quinquennat du président français, Emmanuel Macron, qui, estime-t-il, «gère une décadence qu’il faut freiner, c’est un haut fonctionnaire qui, au fond, mène la France à la faillite malheureusement».

 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.