Présidentielle: des syndicats à distance, mais des syndicalistes nombreux à s'engager

Charte d'Amiens de 1906. (Wikipedia).
Charte d'Amiens de 1906. (Wikipedia).
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Publié le Dimanche 20 février 2022

Présidentielle: des syndicats à distance, mais des syndicalistes nombreux à s'engager

  • Soucieuses de leur indépendance vis-à-vis des partis, les centrales syndicales ne soutiendront aucun candidat
  • C' est en vertu du principe de l'indépendance des syndicats français que la Charte d'Amiens de 1906 a inscrit dans le marbre, que les organisations restent neutres

PARIS: Comment peser sur la présidentielle, tout en restant autonome vis-à-vis des partis ? Soucieuses de leur indépendance, les centrales syndicales ne soutiendront aucun candidat. Mais leurs militants sont nombreux à s'engager à titre individuel, au risque de mettre sous tension les organisations.

L'indépendance des syndicats vis-à-vis des partis est un principe fondamental du syndicalisme français, que la Charte d'Amiens de 1906 a inscrit dans le marbre.

En vertu de ce principe, les organisations restent neutres. Pour faire entendre leurs idées et propositions, elles ont coutume de les recevoir, comme s'apprête à le faire la CFDT le 10 mars, et comme l'a déjà fait la CGT pour Yannick Jadot (EELV) et Anne Hidalgo (PS).

La CFDT participe également au débat public à travers le Pacte du pouvoir de vivre, alliance de plus de 60 organisations syndicales et associatives, qui elle aussi rencontre les candidats et organise ces jours-ci une série de meetings régionaux.

La CGT met en avant l'organisation de plusieurs journées de mobilisation interprofessionnelle, les 5 octobre, 27 janvier et 17 mars, qui influent sur les thèmes de la campagne. "On parle beaucoup plus de salaires aujourd'hui qu'en septembre", se félicite auprès de l'AFP son numéro un, Philippe Martinez.

Liens historiques

Mais si les organisations restent à distance, les militants, eux, sont nombreux à s'engager dans la bataille, particulièrement auprès de Fabien Roussel (PCF) et de Jean-Luc Mélenchon (LFI).

"Au niveau de la confédération (...) le cadre est simple: à titre individuel, on n'empêche personne de faire ce qu'il veut en tant que citoyen. Ce qu'on demande, notamment pour les membres de la direction nationale, c'est qu'ils évitent de faire référence à leurs responsabilités à la CGT pour mener campagne", explique Philippe Martinez.

Fort de ses liens historiques avec la CGT, le PCF a le soutien de quelques-unes de ses figures, telles le secrétaire général de la CGT-Cheminots Laurent Brun, ou le patron de la CGT du Val-de-Marne Benjamin Amar, membre de la commission exécutive confédérale.

Du côté de la France insoumise, on met en avant le soutien de Bérenger Cernon, ex-secrétaire général du syndicat CGT des cheminots de Paris Gare de Lyon, celui de Lazare Razkallah, figure de la lutte des salariés de TUI, ou encore celui de l'inspecteur du travail CGT Anthony Smith.

Jean-Luc Mélenchon bénéficie aussi du soutien du Parti ouvrier indépendant, et à travers lui de syndicalistes Force ouvrière, dont le POI est proche.

Ces figures syndicales ont rejoint le "Parlement de l'Union populaire", qui permet d'ouvrir la campagne du candidat LFI à la société civile.

Combats fratricides

Ces prises de position ne sont pas sans susciter quelques tensions: la CGT FAPT (Poste et télécoms) a publié un communiqué vendredi, pour se démarquer des propos tenus par un syndicaliste CGT partisan de M. Roussel, Philippe Jourdan, face à Jean-Luc Mélenchon dans l'émission "La France dans les yeux" (BFM). "Des interventions faites à titre individuel, en aucun cas au nom de la CGT".

En réaction, des syndicalistes ont fait connaître leur soutien à M. Mélenchon, à travers le hashtag #jesuisCGTetjevoteMelenchon.

A la CGT-cheminots, une tribune pro-Roussel a répondu à une tribune pro-Mélenchon. Et le positionnement de Laurent Brun fait grincer des dents. "Le rôle d'un secrétaire général n'est pas de faire campagne pour un parti politique", critique sous couvert d'anonymat un ancien responsable cheminots.

Ces tensions --qui n'existaient pas en 2012 et 2017, Jean-Luc Mélenchon ayant alors le soutien du PCF-- désolent Maryline Poulain, à la tête de l'Union départementale CGT de Paris. "Je vois des camarades qui se prennent la tête sur les réseaux, alors qu'ils ont toujours été amis, qu'ils portent les mêmes idéaux", dit-elle à l'AFP. "On ne doit pas se déchirer dans une campagne politique (...) On doit préserver notre unité".

Du côté de la CFDT, qui fut un partenaire privilégié du PS pendant le quinquennat de François Hollande, c'est plutôt l'absence de débouché politique qui interroge. "Le problème (des syndicats réformistes), c'est que l'effondrement des organisations traditionnelles, en particulier du PS, fait qu'ils n'ont plus de partenaire vraiment", observe le député LFI Alexis Corbière.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.


Droits de douane: la France déçue de l'accord UE-USA

Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 10 juin 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 10 juin 2025. (AFP)
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  • La France, déçue de l'accord commercial annoncé dimanche entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a plaidé lundi pour que l'Europe se montre plus ferme lors des négociations à venir
  • Le président français Emmanuel Macron n'avait pas réagi lundi. Mais son Premier ministre François Bayrou a évoqué un "jour sombre" pour l'Europe, qui "se résout à la soumission"

PARIS: La France, déçue de l'accord commercial annoncé dimanche entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a plaidé lundi pour que l'Europe se montre plus ferme lors des négociations à venir sur ses modalités d'application.

Le président français Emmanuel Macron n'avait pas réagi lundi. Mais son Premier ministre François Bayrou a évoqué un "jour sombre" pour l'Europe, qui "se résout à la soumission".

Se projetant vers la suite, le ministre de l'Economie Eric Lombard a lui estimé lundi soir que "cet accord n'est pas complet" et que "le travail continue". Car "l'accord n'est pas finalisé et nous veillerons à ce qu'il soit amélioré", a-t-il dit dans une interview à Libération.

"Les discussions doivent se poursuivre pour les produits pharmaceutiques - on comprend que certains génériques seront exemptés -, sur l'acier, sur l'aluminium, sur les produits chimiques, sur les semi-conducteurs et sur les vins et les produits agricoles", précise-t-il.

"Il ne faudrait pas que cet accord soit la fin de l'histoire, auquel cas nous nous serions tout simplement juste affaiblis", avait estimé sur France Inter dès lundi matin le ministre français délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin.

"Maintenant, il va y avoir une négociation technique" et "nous pouvons nous saisir de cette séquence pour nous renforcer", a-t-il ajouté.

Le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont annoncé dimanche en Ecosse un accord douanier prévoyant que les produits européens exportés aux Etats-Unis soient taxés à 15%.

Avec l'espoir d'éviter une escalade commerciale, l'UE s'est aussi engagée à 750 milliards de dollars d'achats d'énergie - visant notamment à remplacer le gaz russe - et à 600 milliards d'investissements supplémentaires aux Etats-Unis.

A Paris, si on concède que cet accord va apporter de la "stabilité" aux entreprises, on insiste surtout sur son caractère "déséquilibré", selon les termes utilisés par plusieurs membres du gouvernement.

"Notre responsabilité aujourd'hui, c'est de faire en sorte que cet accord, in fine, soit le moins déséquilibré possible", a déclaré sur RTL le ministre de l'Industrie et de l'Energie Marc Ferracci.

- Prochains jours déterminants -

MM. Ferracci et Saint-Martin ont plaidé pour un "rééquilibrage" portant sur les services, en particulier le numérique, en rappelant que si la balance commerciale des Etats-Unis avec l'Europe est déficitaire pour les biens, celle des services est excédentaire.

Concernant les échanges de biens, la France affichait en 2024 un excédent commercial de 16,4 milliards de dollars à l'égard des Etats-Unis selon les Américains, mais les Douanes françaises évoquent pour la même période un déficit de 4,2 milliards d'euros.

Les négociateurs européens devront utiliser "l'ensemble des outils qui sont à leur disposition" et notamment envisager "de limiter l'accès des entreprises américaines aux marchés publics européens", a insisté M. Ferracci.

Du côté des entreprises, Patrick Martin, le président du Medef, première organisation patronale française, a estimé que "si les choses sont bien ce qui nous a été annoncé, ce n'est pas admissible". "Il faut continuer à négocier", selon lui.

La CPME, deuxième organisation patronale, a dit anticiper "des répercussions désastreuses" pour les petites et moyennes entreprises. Et le mouvement des ETI (Meti) a évoqué "des conséquences particulièrement préoccupantes pour les entreprises de taille intermédiaire".

Selon les secteurs, les sentiments sont ambivalents.

"Il y a du soulagement parce que cet accord donne de la visibilité", a déclaré à l'AFP Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA). Mais "ce n'est pas un bon accord pour nous, tout simplement parce qu'on avait 0% de droits de douane en janvier vers les Etats-Unis et maintenant on va être à 15%."

"La catastrophe est évitée", en référence aux 30% de droits de douane évoqué par M. Trump, "mais les prochains jours seront déterminants pour le secteur français des vins et spiritueux", déclare dans un communiqué la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS), à laquelle se joint l’ensemble des interprofessions françaises (CNIV) et de la filière.

Dans l'agroalimentaire, l'organisation patronale du secteur, l'Ania, a dénoncé un "accord clairement inéquitable (...) qui fragilise notre position".

Seuls les secteurs qui pourraient bénéficier d'une exemption de droits de douane, comme l'aéronautique, se sont montrés complètement soulagés.

Le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a salué dans une déclaration transmise à l'AFP une exonération "bonne pour une industrie équilibrée entre la France et les Etats-Unis" et qui permettra de "conserver des emplois qualifiés en France à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance."

Les organisations patronales et les fédérations des filières économiques affectées par cet accord seront reçues mercredi à Bercy.