Le secteur financier, pilier de la stratégie occidentale d'isolement de Moscou

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov  et le président de la Douma le 26 janvier 2022 à Moscou (Photon AFP).
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le président de la Douma le 26 janvier 2022 à Moscou (Photon AFP).
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Publié le Samedi 26 février 2022

Le secteur financier, pilier de la stratégie occidentale d'isolement de Moscou

  • Les pays occidentaux ont gelé les avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et sanctionné le secteur financier de la Russie
  • Nicolas Fleuret, spécialiste de l'industrie financière au sein du cabinet Deloitte, imagine l'utilisation de cryptomonnaies comme un véhicule de paiement alternatif, la Russie en produit de plus en plus

PARIS: Les pays occidentaux frappent au portefeuille : ils ont gelé les avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et sanctionné le secteur financier de la Russie en réponse à l'invasion de l'Ukraine.

Quelles sont les mesures décidées ?

L'Union européenne et Londres ont annoncé le gel des avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, que Washington s'apprête aussi à sanctionner. 

Tous les membres de la Douma, la chambre basse du Parlement, figurent désormais sur liste noire de l'UE, ainsi que 26 personnalités du monde des affaires.

Les banques de l'UE auront interdiction d'accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100.000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l'accès aux financements européens.

Le Canada va sanctionner "58 personnes et entités" russes dont des "membres de l'élite russe", des "grandes banques russes" et des "membres du Conseil de sécurité russe", ainsi que MM. Poutine et Lavrov.

Tokyo a annoncé le "gel des actifs et la suspension de la délivrance de visas à des personnes et organisations russes", et le gel des actifs des institutions financières russes.

L'Australie cible notamment des oligarques et tous les membres de la Douma, et se prépare à sanctionner elle aussi MM. Poutine et Lavrov.

Londres et Washington notamment ont ciblé un certain nombre de banques russes, dont VTB Bank. Cette dernière a d'ailleurs annoncé que l'utilisation de ses cartes bancaires de types Visa et Mastercard à l'étranger était désormais "impossible".

"Exclure une banque du système financier américain, cela revient à l'empêcher de réaliser des paiements en dollars", explique à l'AFP Stephen Le Vesconte, avocat du cabinet Linklaters.

Peu de chances qu'il en soit de même avec l'euro "puisqu'il est question d'exemptions des paiements en rapport avec l'énergie", nuance-t-il.

Vont-elles assez loin ?

Non, de l'avis du président ukrainien Volodymyr Zelensky. "La pression sur la Russie doit augmenter", a-t-il tweeté.

Les pays occidentaux se sont pour l'instant gardés de couper la Russie du réseau bancaire Swift, qui permet de recevoir ou d'émettre des paiements dans le monde entier.

Hors Swift, les sanctions évoquées ne sont "ni faibles, ni lourdes", résume Stephen Le Vesconte. Elles sont le fruit "d'un compromis pour faire mal sans se tirer une balle dans le pied".

La Russie dispose par ailleurs de réserves de change qui atteignaient quelque 640 milliards de dollars au 18 février (soit environ le double du montant constaté en 2014, selon une note de Natixis) et d'un fonds souverain évalué à 175 milliards. De quoi potentiellement aider à financer des entreprises stratégiques en grande partie publiques.

Quelles conséquences pour les banques occidentales sur place ?

Plusieurs banques européennes disposent de filiales en Russie. Les plus exposées sont la française Société Générale, l'italienne Unicredit et l'autrichienne Raiffeisen Bank International.

Elles "ne subissent pas pour l'instant de conséquences juridiques", relève cependant M. Le Vesconte, mais "vont opérer dans un pays où la devise va chuter en valeur, où l'inflation risque d'augmenter drastiquement".

Elles devront également faire le ménage parmi leurs clients si les avoirs de certains d'entre eux sont gelés.

Dans des termes assez proches transmis par leurs porte-paroles respectifs à l'AFP, Société Générale et Unicredit déclarent suivre de près la situation en Russie et soulignent, chiffres à l'appui, que leurs activités ne représentent qu'un faible pourcentage à l'échelle du groupe. 

Raiffeisen assure que ses banques en Russie et en Ukraine "sont bien capitalisées et s'autofinancent".

Est-il possible de contourner les sanctions ?

En pratique, oui, répond à l'AFP Julien Martinet, avocat chez Swiftlitigation.

Prenant l'exemple de l'Iran, sous le coup de sanctions encore plus dures, il constate que "des systèmes sont mis en place, via un tiers-payeur par exemple. Mais ce n'est ni officiel, ni acceptable par les grandes institutions bancaires sur le plan de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme".

Les sociétés risquent cependant gros à contourner les sanctions. BNP Paribas avait par exemple été condamnée à payer une amende colossale de 8,9 milliards de dollars pour avoir fait transiter de 2004 à 2012 par les Etats-Unis de l'argent au nom de clients soudanais, cubains et iraniens.

L'alternative au dollar est par ailleurs mise en avant par les producteurs de pétrole, dont Rosneft et Gazprom Neft, qui "ont déclaré que l'option de paiement en devises alternatives était incluse dans de nombreux contrats d'approvisionnement", explique John Plassard, analyste de Mirabaud.

Nicolas Fleuret, spécialiste de l'industrie financière au sein du cabinet Deloitte, imagine enfin l'utilisation de cryptomonnaies "comme un véhicule de paiement" alternatif, la Russie "en produisant de plus en plus".


France: la pleine puissance du nouveau réacteur nucléaire EPR repoussée à la fin de l'automne

Cette photographie prise le 25 avril 2024 montre la centrale nucléaire de Flamanville, dans le nord-ouest de la France, alors que la centrale nucléaire Flamanville 3 est prête à démarrer. (AFP)
Cette photographie prise le 25 avril 2024 montre la centrale nucléaire de Flamanville, dans le nord-ouest de la France, alors que la centrale nucléaire Flamanville 3 est prête à démarrer. (AFP)
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  • EDF prévoit désormais que son nouveau réacteur EPR de Flamanville, en Normandie dans l'ouest du pays, atteindra sa pleine puissance "avant la fin de l'automne"
  • Le redémarrage du réacteur est désormais prévu au 1er octobre, décalant de fait le passage à 100% de puissance du réacteur

PARIS: Electricité de France (EDF) prévoit désormais que son nouveau réacteur EPR de Flamanville, en Normandie dans l'ouest du pays, atteindra sa pleine puissance "avant la fin de l'automne", alors que le groupe espérait jusqu'à présent pouvoir franchir cette étape d'ici la fin de l'été.

La prolongation d'un arrêt "pour réaliser une opération de contrôle et de maintenance préventive sur une soupape de protection du circuit primaire principal" conduit à modifier "la date d'atteinte de la pleine puissance, désormais prévue avant la fin de l'automne", a indiqué l'électricien public français sur son site internet vendredi.

Alors que le réacteur à eau pressurisée de nouvelle génération était à l'arrêt depuis le 19 juin pour des opérations d'essais de mise en service, classiques pour de nouvelles installations nucléaires, EDF a décidé le 2 juillet de le maintenir à l'arrêt pour intervenir sur des soupapes.

EDF avait en effet constaté pendant les essais que deux des trois soupapes placées au sommet du pressuriseur qui permet de maintenir l'eau du circuit primaire à une pression de 155 bars "n'étaient pas complètement conformes" aux attendus en termes d'"étanchéité".

En raison de ces "aléas", EDF a décidé vendredi de prolonger cet arrêt pour mener une opération de maintenance préventive sur la 3e soupape.

"Les expertises menées sur les deux premières soupapes conduisent EDF, dans une démarche pro-active de sûreté, à étendre les vérifications à la troisième soupape en profitant de la logistique déjà en place et mobilisant les compétences disponibles", a expliqué le groupe.

Le redémarrage du réacteur est désormais prévu au 1er octobre, décalant de fait le passage à 100% de puissance du réacteur.

"Il y a 1.500 critères de sûreté qui sont testés lors d'un premier démarrage" de réacteur, a expliqué à l'AFP une porte-parole d'EDF. Lors de ces phases d'essais et de contrôle, il est parfois nécessaire de "refaire des réglages", selon elle.

Le réacteur de nouvelle génération a été raccordé au réseau électrique le 21 décembre 2024, avec douze ans de retard par rapport à la date prévue. Son coût a explosé par rapport au devis initial de 3,3 milliards d'euros: selon un rapport de la Cour des comptes française publié en,janvier, EDF l'estime aujourd'hui à 22,6 milliards d'euros aux conditions de 2023.


Engie confirme ses perspectives 2025 malgré un contexte "incertain et mouvant"

Cette photographie montre le parc éolien offshore de Yeu-Noirmoutier au large de l'Ile-d'Yeu, dans l'ouest de la France, le 23 juin 2025. (AFP)
Cette photographie montre le parc éolien offshore de Yeu-Noirmoutier au large de l'Ile-d'Yeu, dans l'ouest de la France, le 23 juin 2025. (AFP)
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  • Engie a confirmé vendredi ses perspectives pour 2025 malgré un contexte "incertain" et une baisse des prix qui a pesé sur ses résultats au premier semestre
  • L'énergéticien se dit confiant sur la suite et maintient ses prévisions pour 2025

PARIS: Engie a confirmé vendredi ses perspectives pour 2025 malgré un contexte "incertain" et une baisse des prix qui a pesé sur ses résultats au premier semestre, et se dit désormais plus confiant pour ses projets renouvelables aux Etats-Unis après une période d'incertitude.

Son résultat net récurrent a reculé de 19% à 3,1 milliards d’euros au cours des six premiers mois de l'année. Le résultat opérationnel (Ebit) hors nucléaire est ressorti à 5,1 milliards d'euros, en baisse de 9,4% en raison d'une base de comparaison élevée par rapport au premier semestre 2024 et "dans un contexte de baisse des prix".

Mais l'énergéticien se dit confiant sur la suite et maintient ses prévisions pour 2025.

"Nous abordons les prochains mois avec confiance et nous confirmons notre +guidance+ annuelle", a commenté Catherine MacGregor, sa directrice générale, citée dans le communiqué de résultats.

Elle a néanmoins insisté sur le contexte économique et géopolitique "assez incertain et mouvant", lors d'une conférence téléphonique.

A la Bourse de Paris, Engie cédait 2,45% à 10H53 (8H53 GMT) à 19,15 euros vendredi, après avoir lâché 5% à l'ouverture.

Interrogée sur les Etats-Unis, Catherine MacGregor s'est montrée plus confiante après une période d'incertitude qui a suivi l'entrée en fonction du gouvernement Trump.

"Avec la promulgation du +Big beautifull bill+ (la loi budgétaire de Donald Trump, ndlr) et une première clarification du cadre réglementaire et fiscal qui était attendue, nous nous apprêtons à lancer trois projets pour plus de 1,1 GW de capacité totale, éolien, solaire et batteries qui vont conforter notre croissance jusqu'en 2028", a-t-elle déclaré.

Engie a pour l'heure "juste en dessous de 9 GW en opération aux États-Unis", a-t-elle rappelé.

"Il y avait beaucoup, beaucoup d'incertitudes sur le traitement qui serait donné à ces projets", a-t-elle souligné, mais avec cette nouvelle loi, "on a beaucoup plus de clarté".

"Le marché aux États-Unis reste évidemment très, très porteur", a-t-elle poursuivi. "Les projections de demande d'électricité sont absolument massives et aujourd'hui, il n'y a pas de scénarios (...) sans une grande partie de projets renouvelables", notamment en raison du fort développement des centres de données dans le pays.

Le groupe table sur un résultat net récurrent - qui exclut des coûts de restructuration et la variation de la valeur de ses contrats de couverture - "entre 4,4 et 5,0 milliards d'euros" en 2025.

Engie vise par ailleurs un Ebit hors nucléaire "dans une fourchette indicative de 8,0 à 9,0 milliards d'euros" en 2025.

"Comme prévu, l'Ebit hors nucléaire va atteindre son point bas cette année et le second semestre 2025 sera en hausse par rapport à 2024", a indiqué Catherine MacGregor.

Le bénéfice net en données publiées s'établit à 2,9 milliards d'euros au premier semestre, en hausse de 50%, en raison d'un impact moindre de la variation de la valeur de ses contrats de couverture.

Le chiffre d'affaires a atteint 38,1 milliards d'euros au premier semestre, en croissance de 1,4%.

Engie disposait d'une capacité totale renouvelables et de stockage de 52,7 gigawatts (GW) à fin juin 2025, en hausse de 1,9 GW par rapport à fin 2024. A cela s'ajoutent 95 projets en cours de construction qui représentent une capacité totale de près de 8 GW.

Le groupe dispose d'un portefeuille de projets renouvelables et de batteries en croissance qui atteint 118 GW à fin juin 2025, soit 3 GW de plus qu'à fin décembre 2024.


ArcelorMittal: les taxes douanières américaines érodent la rentabilité au premier semestre

La cokerie d'ArcelorMittal Bremen sur le site de Bottrop est photographiée depuis la plate-forme d'observation Tetraeder à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, le 21 juillet 2025. (AFP)
La cokerie d'ArcelorMittal Bremen sur le site de Bottrop est photographiée depuis la plate-forme d'observation Tetraeder à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, le 21 juillet 2025. (AFP)
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  • ArcelorMittal a vu sa rentabilité érodée au premier semestre par les taxes douanières de Donald Trump sur les importations d'acier depuis le Canada ou le Mexiqu
  • ArcelorMittal espère la mise en place effective de mesures de soutien à l'acier en Europe d'ici à la fin de l'année

PARIS: ArcelorMittal, qui a vu sa rentabilité érodée au premier semestre par les taxes douanières de Donald Trump sur les importations d'acier depuis le Canada ou le Mexique, espère la mise en place effective de mesures de soutien à l'acier en Europe d'ici à la fin de l'année.

Malgré un résultat net en hausse de 39% au premier semestre 2025, à 2,6 milliards de dollars, le bénéfice avant intérêt, impôt, dépréciation et amortissement (Ebitda) du deuxième fabricant d'acier mondial a reculé de 10%, à 3,4 milliards de dollars, notamment après l'application de droits de douane de 50% sur l'acier importé aux Etats-Unis depuis le Canada et le Mexique à partir du 4 juin, a expliqué le groupe dans un communiqué jeudi.

Le chiffre d'affaires a aussi pâti du recul de 7,5% des prix moyens de l'acier dans le monde: les ventes se sont amoindries de 5,5%, à 30,72 milliards de dollars au premier semestre.

Jeudi à la Bourse de Paris, après ces annonces, le titre ArcelorMittal a terminé la séance en recul de 2,58%, à 27,52 euros.

Le directeur général du groupe, Aditya Mittal, s'est félicité de la reprise à 100% du site de Calvert aux Etats-Unis, qui devient un site d'acier bas carbone grâce à la construction d'un nouveau four à arc électrique.

En Europe, les tendances à l'accroissement des dépenses publiques sur la défense et les infrastructures "sont un encouragement pour l'industrie de l'acier", a jugé M. Mittal.

Néanmoins, alors que le plan d'action annoncé en mars par la Commission européenne a lancé des "signaux clairs" pour défendre la production européenne d'acier, "nous attendons toujours la concrétisation des mesures de sauvegarde (ou quotas sur les importations d'acier en Europe, NDLR) du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et sur les prix de l'énergie", a-t-il souligné.

A condition que ces mesures soient mises en place, le groupe prévoit d'investir 1,2 milliard d'euros pour un four à arc électrique sur son site français de Dunkerque (Nord), a-t-il rappelé.

Au total, ArcelorMittal en exploite 29 dans le monde, pour une capacité de production de 21,5 millions de tonnes d'acier recyclé par an, qui augmentera à 23,4 millions de tonnes en 2026 après la mise en service des deux sites espagnols de Gijon et Sestao.