L'angoisse de la guerre dans «la petite Ukraine» espagnole

Des citoyens ukrainiens résidant à Guissona, près de Lérida, se rassemblent devant l'hôtel de ville, illuminé aux couleurs du drapeau ukrainien, le 3 mars 2022. (AFP)
Des citoyens ukrainiens résidant à Guissona, près de Lérida, se rassemblent devant l'hôtel de ville, illuminé aux couleurs du drapeau ukrainien, le 3 mars 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 05 mars 2022

L'angoisse de la guerre dans «la petite Ukraine» espagnole

  • Sur les 7 200 habitants de Guissona, 1 053 sont ukrainiens et représentent la deuxième communauté étrangère de cette localité située à 115 km de Barcelone
  • «Mon affaire ne fonctionne plus. J'y perds mais ce que je ne veux surtout pas, c'est que mon pays perde la guerre», explique Mykola Grynkiv, arrivé à Guissona il y a 20 ans depuis l'ouest de l'Ukraine

GUISSONA: Dans le cybercafé de Guissona, toutes les cases du calendrier sont noircies depuis le 24 février, date du début de l'invasion russe de l'Ukraine. A plus de 3 000 km de route de Kiev, le temps s'est arrêté à cause de la guerre dans cette petite ville espagnole, où un habitant sur sept est ukrainien.


La semaine dernière, on passait encore des appels vers l'étranger ou on faisait des photocopies dans ce petit local. 


Mais les cabines d'appel ont été depuis fermées et le frigo mis dans un coin. Des cartons remplis de médicaments, de vêtements ou de couvertures jonchent désormais le sol en attendant de quitter cette ville de Catalogne (nord-est) pour la Pologne, pays frontalier de l'Ukraine.


"Mon affaire ne fonctionne plus. J'y perds mais ce que je ne veux surtout pas, c'est que mon pays perde" la guerre, explique Mykola Grynkiv, 48 ans, arrivé à Guissona il y a 20 ans depuis l'ouest de l'Ukraine et propriétaire de ce cybercafé. 


Alors que son téléphone ne cesse de sonner, une dizaine de volontaires remplissent les cartons.


Parmi eux, Sofia Shchetbiy. Dès que la guerre a commencé, cette jeune dermatologue de 24 ans a décidé de quitter précipitamment la ville d'Ivano-Frankivsk, dans l'ouest de l'Ukraine.


Sur les conseils de son oncle, elle est partie en Pologne avant de venir à Guissona, où elle a passé une partie de son enfance et où vivent ses parents.


"Je ne savais pas quoi faire en Ukraine, j'avais très peur", explique-t-elle. 


«C'est la guerre»

Sur les 7 200 habitants de Guissona, 1 053 sont ukrainiens et représentent la deuxième communauté étrangère de cette localité située à 115 km de Barcelone.


Siège du groupe agroalimentaire BonArea, qui a commencé à faire venir de la main-d'oeuvre étrangère dans les années 1990, Guissona compte aujourd'hui 43 nationalités différentes.


Sur les balcons de nombreuses maisons et jusque sur celui de la mairie, pendent des affiches contre la guerre ou les couleurs bleue et jaune du drapeau ukrainien.


Un soutien qui fait chaud au coeur de Natalia Tvardovska, qui ne se sépare plus de son téléphone depuis une semaine.


Cette serveuse de 40 ans, habitante de Guissona depuis 2006, se souvient de cette angoissante matinée du 24 février. "Ma tante m'a appelée de Kherson et m'a dit +c'est la guerre+", se souvient-elle.


Depuis, elle n'arrive plus à dormir. Son mari, qui était rentré quelques jours dans l'ouest de l'Ukraine après la mort d'un proche, est resté bloqué là-bas à cause de la mobilisation générale des hommes âgés de 18 à 60 ans.


"Je ne sais pas quand il reviendra", dit-elle, étreinte par l'émotion et les yeux cernés.


Leonid Komirenko a lui aussi les yeux rivés sur la télévision et son téléphone. Il craint que l'armée russe n'entre dans Odessa, ville du sud du pays qu'il a quittée il y a 13 ans pour travailler à l'abattoir de Guissona.


"Les deux premiers jours, j'étais très nerveux et j'ai hésité à retourner en Ukraine pour aider... Mais ma femme pleurait et me disait +si tu meurs à la guerre, je me retrouverai seule+", confie cet homme de 41 ans.


Mais "si la situation se complique en Ukraine, je pense y aller", dit-il, d'un ton déterminé.


Douze tonnes et demie d'aide 

La mairie n'a recensé qu'un seul habitant retourné en Ukraine pour combattre. Nombre d'entre eux se sont en revanche rendus en Pologne pour aller chercher des proches. 


Pour le moment, il y a déjà 13 réfugiés ukrainiens à Guissona mais les autorités locales ont entrepris des démarches pour en accueillir une centaine.


"Les Ukrainiens, qui sont les premiers (étrangers) à être arrivés, nous ont beaucoup aidé à nous développer en tant que ville", rappelle le maire, Jaume Ars, selon qui "aujourd'hui Guissona est l'Ukraine".


Après des heures et des heures de démarches pour obtenir les autorisations, le camion peut enfin partir avec à son bord 12,5 tonnes d'aide humanitaire à destination de la Pologne. 


Mykola et le maire donnent leurs dernières instructions au chauffeur qui devrait mettre trois jours pour rejoindre la périphérie de Varsovie, où des bénévoles récupèreront la cargaison pour la distribuer aux milliers de réfugiés ukrainiens affluant en Pologne.


Pendant que Guissona préparera déjà son prochain envoi.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"


Espagne : l'homme clé d'un scandale de corruption garde le silence devant le Sénat

Koldo Garcia, ancien conseiller du ministre espagnol des Transports, assiste à une commission d'enquête sur une affaire de corruption liée à l'achat de masques pendant la pandémie, au Sénat de Madrid, le 22 avril 2024. (Photo, AFP)
Koldo Garcia, ancien conseiller du ministre espagnol des Transports, assiste à une commission d'enquête sur une affaire de corruption liée à l'achat de masques pendant la pandémie, au Sénat de Madrid, le 22 avril 2024. (Photo, AFP)
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  • Placé en garde à vue le 21 février, Koldo García est soupçonné de s'être enrichi en prélevant de lucratives commissions sur des contrats de vente de masques entre mars et juin 2020
  • Selon la justice, l'affaire aurait généré 9,5 millions d'euros de profits, pour des contrats d'un montant total de 53 millions d'euros

MADRID: L'homme de confiance d'un ex-ministre espagnol, très proche du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, a invoqué lundi son droit au silence devant une commission d'enquête mise en place par le Sénat qui l'entendait dans une affaire de corruption embarrassante pour l'exécutif.

Mis en cause pour son rôle dans un scandale lié à des achats de masques pour des administrations publiques durant la pandémie de Covid-19, Koldo Garcia était invité à s'exprimer pour la première fois publiquement sur cette affaire par cette commission du Sénat, dominé par le Parti populaire (PP, droite), principale formation d'opposition.

Bombardé de questions, cet homme à la stature imposante a invoqué son "droit à ne pas témoigner" en raison de la procédure ouverte par la justice sur ce scandale. "Par bon sens, je pense que je dois attendre" de "témoigner devant" le juge avant d'évoquer l'affaire, a-t-il expliqué.

M. Garcia a toutefois assuré avoir la conscience "très" tranquille. Visiblement agacé, il a dénoncé le traitement réservé à l'affaire par les journaux. "Médiatiquement, on m'a déjà crucifié vivant", a-t-il jugé.

Placé en garde à vue le 21 février, Koldo García est soupçonné de s'être enrichi en prélevant de lucratives commissions sur des contrats de vente de masques entre mars et juin 2020.

Selon la justice, l'affaire aurait généré 9,5 millions d'euros de profits, pour des contrats d'un montant total de 53 millions d'euros.

L'affaire est très sensible politiquement, car Koldo García était l'homme de confiance de José Luis Ábalos, ministre des Transports de 2018 à 2021 et membre important du premier cercle de Pedro Sánchez - l'un des rares à lui être resté fidèle après son éviction en 2016 de la tête du parti socialiste à la suite de résultats électoraux désastreux.

Mi-mars, le chef de file du PP, Alberto Núñez Feijóo, avait accusé le Premier ministre d'avoir été "au courant" et d'avoir "couvert" l'affaire. "Nous sommes face à une très grave affaire potentielle de corruption qui touche votre gouvernement, votre parti et probablement vous-même", avait-il ajouté.

Le Parti socialiste, qui a promis d'enquêter sur cette affaire avec "une transparence absolue", a exclu M. Ábalos de ses rangs, tandis que le gouvernement a limogé un haut fonctionnaire du ministère des Transports qui avait géré l'achat des masques.

Comme le Sénat, la Chambre des députés, où les socialistes et leurs alliés sont majoritaires, a voté la création d'une commission d'enquête sur les affaires de corruption autour de contrats d'achat de matériel sanitaire, mais élargie à plusieurs autres affaires dont l'une implique le compagnon d'Isabel Díaz Ayuso, le présidente de la région de Madrid et une figure du PP.