L'Ouest ukrainien, entre exode hongrois et afflux de déplacés

Cette région compte 1,2 million de personnes: aux côtés des Ukrainiens, cohabite une mosaïque de minorités, les Hongrois étant les plus nombreux. (Photo, AFP)
Cette région compte 1,2 million de personnes: aux côtés des Ukrainiens, cohabite une mosaïque de minorités, les Hongrois étant les plus nombreux. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 13 mars 2022

L'Ouest ukrainien, entre exode hongrois et afflux de déplacés

  • À la fuite des habitants de la minorité hongroise craignant d'être enrôlés, succède l'arrivée d'une partie des deux millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays
  • Des Ukrainiens ont fui l'invasion russe jusqu'à Tijuana, plus grand poste frontalier au monde entre le Mexique et les Etats-UnisRuss

BEREHOVE : Les uns partent, les autres cherchent un refuge: la guerre a bouleversé le quotidien de la ville frontalière ukrainienne de Berehove, pourtant épargnée par les combats.

À la fuite des habitants de la minorité hongroise craignant d'être enrôlés, succède l'arrivée d'une partie des deux millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays.

Ici la moitié de la population est d'origine hongroise, l'héritage magyar omniprésent et les écriteaux s'affichent dans les deux langues.

Mais désormais, on entend surtout parler ukrainien dans la rue. Sur la place principale, un grand écran diffuse en boucle des images d'un clip promotionnel de l'armée.

Hôtels, logements, écoles accueillent ceux qui ont tout quitté devant l'invasion russe et les bombardements incessants.

"Nous affichons complet. Ils ont réservé des chambres pour des semaines, voire pour certains des mois", commente Konstantyn Popovych, 34 ans, gérant de l'hôtel Olesja en plein centre.

Mosaïque et tensions

L'adjoint au maire estime entre "4 000 et 5 000" le nombre de nouveaux arrivants dans la commune de 22 000 habitants, qui a à l'inverse déjà vu partir plusieurs milliers de Hongrois.

"Dès que la guerre a éclaté et que le gouvernement a décrété la mobilisation générale, beaucoup ont fait leurs bagages, souvent pour rejoindre des proches ou amis dans leur patrie d'origine", explique Istvan Vincze.

Interrogé par l'AFP devant la mairie, où flottent sur le fronton drapeaux ukrainien et hongrois, l'élu s'inquiète des conséquences de ces départs massifs. "Je comprends leurs raisons, leur envie d'échapper à la guerre, la perspective d'une vie meilleure, mais nous voulons évidemment qu'ils reviennent vite", dit-il.

La Transcarpatie, coupée géographiquement du reste de l'Ukraine par la partie orientale des Carpates, était sous contrôle de Budapest jusqu'à la Première Guerre mondiale. Ballottée entre Etats, elle a finalement intégré en 1991 l'Ukraine devenue indépendante.

Cette région compte 1,2 million de personnes: aux côtés des Ukrainiens, cohabite une mosaïque de minorités, les Hongrois étant les plus nombreux.

Mais on craint maintenant que la guerre n'avive des relations tendues de longue date, sur fond de sentiment d'abandon par Kiev et de craintes d'assimilation forcée.

En 2017, une loi renforçant la place de l'ukrainien à l'école avait suscité l'inquiétude. Le dirigeant hongrois souverainiste Viktor Orban, dénonçant une discrimination, en avait fait un argument pour bloquer toute velléité d'accession de l'Ukraine à l'Otan.

Dans le même temps, il a choyé la diaspora hongroise depuis son retour au pouvoir en 2010 en accordant aide financière, droits de vote et double citoyenneté.

"Seul Orban s'occupe de nous", lance une retraitée, croisée aux abords d'un lycée rénové avec des fonds hongrois. "Sans ce soutien, nous n'aurions rien", ajoute-t-elle sous couvert d'anonymat. 

À 10 000 km de Kiev, des réfugiés ukrainiens bloqués aux portes des Etats-Unis au Mexique

TIJUANA : Des Ukrainiens ont fui l'invasion russe jusqu'à Tijuana, plus grand poste frontalier au monde entre le Mexique et les Etats-Unis, où ils espèrent se réfugier chez un proche à 10 000 km de Kiev malgré l'intransigeance américaine.

Natalia Poliakova, 25 ans, raconte qu'elle a commencé dès le 24 février au premier jour de la guerre un voyage de 40 heures de Kiev à Budapest, puis Barcelone, Bogota, Mexico, et enfin Tijuana.

La jeune styliste raconte qu'elle venait de trouver un très bon poste à Kiev. Et qu'en 2014, elle avait déjà dû abandonner sa Crimée natale, annexée par la Russie, pour se réfugier à Kiev.

La jeune femme cherche à rejoindre une tante qui vit aux Etats-Unis, mais assure vouloir revenir en Ukraine. "Nous voulons tous rentrer à la maison et reconstruire notre pays".

Au bout de son périple, elle affiche ce samedi la même désillusion que les milliers de migrants centro-américains qui sont chaque année interdits de territoire états-unien après un long voyage jusqu'à Tijuana.

"Le gouvernement des Etats-Unis dit: 'nous vous aiderons', mais cela fait des jours que nous sommes dans la rue", soupire la styliste de 25 ans, les traits tirés.

Avec son anglais parfait, elle aide ses compatriotes dans la même situation qu'elle face aux agents du CBP américain (Agence de protection des douanes et des frontières).

Ces derniers jours, l'AFP à Tijuana a pu constater l'arrivée récente d'Ukrainiens qui demandent l'asile aux frontières des Etats-Unis. Quelques familles ont pu passé au compte-goutte.

"Il en arrive plus ou moins 20 par jour", a déclaré côté mexicain un officiel de l'Institut national de Migration (INM), cité par le journal Milenio.

"Ils n'ont aucun type de documents (...)" donc les autorités américaines "ne laissent passer personne", ajoute au même journal Jann Budd, une militante aidant les migrants qui affirme "identifier les familles ukrainiennes" qu'elle rencontre.

Les Etats-Unis appliquent le "Titre 42", qui permet aux agents des frontières d'écarter les demandeurs d'asile et les migrants pour des raisons sanitaires. Cette disposition a été mise en place au début de la pandémie par l'administration Trump.

À Tijuana, tout près du poste-frontière de San Ysidro, les Ukrainiens cotoient quelques Russes et Bélarusses, dont les deux gouvernements sont alliés dans l'invasion de l'Ukraine.

Un Bélarusse de 40 ans, qui se présente sous le nom d'Andrei, assure avoir fui des persécutions politiques. Il cherche aussi à rejoindre des proches aux Etats-Unis. "Si je retourne au Bélarus, je vais en prison".

D'après le service américains, l'arrivée des Ukrainiens via le Mexique a augmenté ces derniers mois après une chute drastique en 2020-2021, années de pandémie.

À la frontière des Etats-Unis, Tijuana a davantage l'habitude de voir transiter des centro-américains du Guatemala, Honduras, Salvador ou Nicaragua, souvent privés du rêve américain après un long voyage. 

Le poste-frontière de San Ysidro est réputé être le plus fréquenté au monde (7,3 millions de piétons et 25,5 millions d'automobiles, d'après la presse mexicaine en 2019, citant l'administration américaine).

«Crève-coeur»

Les Ukrainiens, eux, déplorent les liens tissés par le Premier ministre hongrois avec le président russe Vladimir Poutine, et le soupçonnent de convoiter la Transcarpatie. 

Ils lui reprochent aussi son refus de laisser passer sur son territoire des armes létales destinées à l'Ukraine.

Mais pour Istvan Vincze, "l'heure n'est pas à l'affrontement ethnique. Il faut agir ensemble".

Et de citer la mise en place de cinq centres d'accueil pour les Ukrainiens venus de l'Est. 

Dans un pensionnat de la ville, Kyril, metteur en scène de théâtre de 41 ans, apprécie cette offre de couvert et logis qui vient adoucir un peu l'exode.

Originaire de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe, il raconte la soudaine annulation de la tournée prévue.

"Tout a basculé du jour au lendemain", confie-t-il, assis sur un lit aux côtés de sa famille. Sa femme Lubov, scénographe, "s'inquiète" pour ses parents bloqués dans une ville "bombardée depuis plusieurs jours", "sans lumière ni gaz" pour se chauffer.

"Il y a tant de témoignages crève-coeur", soupire le directeur de l'établissement, Arpad Szabo, dans les couloirs. Et de "prier pour que l'école retrouve son cours normal". Car depuis le début de la guerre, les enfants n'ont pas classe.

En Finlande, les frontaliers de la Russie entre flegme et inquiétude

IMATRA : Dans sa maison de bois couverte de neige à 20 minutes de la frontière russe, Maija Pöyhä a sur sa tête le foulard bleu traditionnel que sa mère portait lorsqu'elle a fui l'invasion de la Finlande par l'URSS en 1939.

"La maison d'enfance de mon père est toujours du côté finlandais", mais celle de sa mère est aujourd'hui en Russie, explique la septuagénaire à l'AFP.

Dans sa petite ville de Lappeenranta comme ailleurs dans cette région finlandaise voisine de la Russie, la guerre en Ukraine a réveillé des parallèles douloureux avec la "guerre d'Hiver", lorsque les troupes soviétiques ont envahi la Finlande par surprise, franchissant la frontière longue aujourd'hui de 1 340 kilomètres.

Comme en Ukraine aujourd'hui, la petite armée finlandaise avait surpris le monde par sa résistance acharnée et les lourdes pertes infligées à l'Armée rouge.

La Finlande, indépendante du voisin russe depuis 1917, avait toutefois dû perdre la moitié de sa province de Carélie, entraînant le déplacement de presque un demi-million de personnes, avant de se compromettre dans une deuxième guerre (1941-1944) avec cette fois une alliance de facto avec l'Allemagne nazie.

Durant toute la guerre froide, Moscou garda ensuite aussi un droit de regard étroit sur le pays nordique, qui lui interdisait notamment de rejoindre l'Otan.

Visiteurs russes

Aujourd'hui, le mari de Maija, Seppo Laaksovirta, trouve que la Finlande devrait rejoindre l'alliance militaire occidentale - comme pour la première fois une majorité de Finlandais, à la suite de l'invasion de l'Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine.

"Ca fera plus de bien que de mal", assure le Finlandais de 76 ans. "Aujourd'hui on a des armes d'Amérique et de l'Ouest ici. Dans les années 60, elles étaient russes".

Malgré les traumatismes historiques de ce coin de Carélie, ni lui ni sa femme ne se disent toutefois inquiets d'une invasion russe. "Je ne connais personne ici qui nous ait dit qu'il fallait que nous soyions sur nos gardes", dit-il.

Pour la maire de la ville voisine d'Imatra, Anna Helminen, l'inquiétude est plutôt de voir s'effacer les liens reconstruits ces dernières décennies avec les Russes.

Dans sa ville de 26 000 habitants, un millier de résidents ont la nationalité russe et la ville doit son essor "au pouvoir d'achat russe", explique-t-elle.

Les commerces, hôtels et spas d'Imatra ont déjà souffert de l'absence de touristes russes durant la pandémie.

"Maintenant bien sûr, la même situation va continuer", déplore la dirigeante élue du conseil municipal.

Une nouvelle liaison ferroviaire avec Saint-Pétersbourg et plusieurs autres projets transfrontaliers "ont disparu du jour au lendemain", de même que "les contacts quotidiens", après l'invasion de l'Ukraine et les lourdes sanctions contre l'économie russe.

Même s'il a lancé une réévaluation de la stratégie de sécurité du pays, le gouvernement finlandais a affirmé qu'il ne voyait pas de "menace imminente" de conflit avec la Russie.

«Comme un rat»

"On veut croire à ça et voir l'avenir avec optimisme", souligne Mme Helminen, "mais bien sûr cette situation laissera des traces, y compris dans les échanges entre les gens" des deux côtés de la frontière.

Des groupes communautaires de Finlandais russophones se sont inquiétés d'une montée d'un sentiment antirusse ces dernières semaines, notamment sur les réseaux sociaux.

Anastasia Petrichina, une Russe qui vit et travaille près d'Imatra depuis dix ans, dit ne pas avoir observé ce phénomène. Ses amis finlandais "comprennent que la Russie en tant qu'Etat n'est pas la même chose que le peuple russe", dit cette responsable de qualité dans le secteur pharmaceutique.

"Mais je ne peux pas être sûre à 100% de ce qu'il en sera à l'avenir, surtout venant de gens qui ne me connaissent pas personnellement", reconnaît cette mère de deux enfants.

Elle a aussi renoncé à un projet de visite auprès de sa fille aînée à Saint-Pétersbourg. "Je ne veux pas être coincée là bas comme un rat", incapable de revenir en Finlande, explique Anastasia Petrichina.

Les lois draconiennes en Russie menaçant de prison quiconque critique "l'opération spéciale" en Ukraine l'ont aussi poussée à réduire au minimum ses conversations avec ses proches en Russie sur la guerre.

"Optimiste pas principe", la Russe de Finlande croit que les choses finiront par s'améliorer. "Mais la question c'est: 'Combien de temps ça va prendre?'".


Ouverture du procès de l'Afghan qui a attaqué au couteau des enfants en Allemagne

Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes. (AFP)
Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes. (AFP)
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  • Pendant six jours d'audience qui s'étaleront jusqu'au 30 octobre à Aschaffenbourg, en Bavière, les débats tourneront autour de l'état mental d'Enamullah O
  • Commis en pleine campagne législative, son acte a choqué une opinion publique allemande déjà critique d'un accueil jugé trop généreux des migrants

BERLIN: Son geste avait horrifié l'Allemagne, durci le débat sur l'immigration et fait le jeu de l'extrême droite: le procès d'un Afghan de 28 ans qui avait attaqué un groupe d'enfants au couteau, tuant l'un d'entre eux et un adulte, s'est ouvert jeudi.

Pendant six jours d'audience qui s'étaleront jusqu'au 30 octobre à Aschaffenbourg, en Bavière, les débats tourneront autour de l'état mental d'Enamullah O., une expertise ayant conclu à son irresponsabilité pénale en raison de troubles psychiatriques.

Au lieu d'une procédure pénale classique, le tribunal a donc ordonné une procédure de sûreté, à l'issue de laquelle un probable placement en établissement psychiatrique remplacera la peine de prison.

Le parquet a demandé l'internement permanent de l'accusé.

Commis en pleine campagne législative, son acte a choqué une opinion publique allemande déjà critique d'un accueil jugé trop généreux des migrants. Il a aussi mis en lumière les limites du règlement européen dit de Dublin, car Enamullah O. aurait dû être expulsé dès 2023 vers la Bulgarie, son pays d'entrée dans l'Union européenne.

Le 22 janvier 2025, deux éducatrices employées par un jardin d'enfants promènent cinq enfants, à bord d'une grande poussette collective, dans un parc de cette ville bavaroise.

Ils sont soudain attaqués par un homme qui les avait suivis.

Un enfant âgé de deux ans, d'origine marocaine, reçoit plusieurs coups de couteau à la gorge et sur le haut du corps. Une fillette du même âge, d'origine syrienne, est elle gravement blessée au cou.

Essayant de le tenir à distance, une des éducatrices est projetée au sol, le bras cassé. Deux hommes de 41 et 72 ans accourent pour s'interposer et reçoivent eux aussi des coups de couteau.

L'accusé s'enfuit à l'arrivée d'autres passants, avant d'être arrêté peu après. Le garçon et l'homme de 41 ans décèdent sur place.

Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes.

"Remigration" 

Le drame a remis la politique migratoire au cœur de la campagne électorale.

"Remigration maintenant!", avait demandé la cheffe de file de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), Alice Weidel. Un mot employé par l'extrême droite pour appeler à l'expulsion massive d'étrangers.

Devant l'émotion suscitée, les conservateurs de Friedrich Merz avaient été accusés de franchir un pas dans le rapprochement avec l'extrême droite du pays en tentant ensemble de faire adopter une proposition de loi sur l'immigration, du jamais vu dans l'Histoire post-1945 du pays.

Son initiative avait déclenché de vastes manifestations et M. Merz avait dû se défendre de toute idée d'alliance avec l'AfD.

Mais depuis son accession au poste de chancelier au printemps, il a assumé une ligne dure sur l'immigration pour enrayer la progression de l'extrême droite, désormais au coude à coude avec sa formation dans les sondages.

 


Madagascar: le président contesté écarte toute démission

Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission en appelant à "respecter la Constitution", dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement ce weekend des militaires à la contestation qui agite le pays. (AFP)
Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission en appelant à "respecter la Constitution", dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement ce weekend des militaires à la contestation qui agite le pays. (AFP)
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  • Elu en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, M. Rajoelina n'a pu faire diffuser son allocution par la télévision publique TVM après l'arrivée d'un "groupe de soldats armés" au siège de la chaîne
  • D'après RFI, il a embarqué dimanche "à bord d'un avion militaire français pour La Réunion, avant de partir vers une autre destination avec sa famille"

ANTANANARIVO: Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission en appelant à "respecter la Constitution", dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement ce weekend des militaires à la contestation qui agite le pays.

Lors de ce direct diffusé sur les réseaux sociaux mais pas à la télévision publique malgache, M. Rajoelina s'est dit dans un "lieu sûr" après une "tentative de meurtre", sans plus de précisions sur sa localisation.

Est-il encore dans le pays, ou parti à l'étranger, comme l'a indiqué lundi la radio française RFI? Cette incertitude nourrit la confusion sur cette île très pauvre de l'Océan indien où de nouvelles scènes de joie ont eu lieu lundi dans la capitale Antananarivo entre militaires et des milliers de manifestants appelant à son départ.

"Il n'y a qu'une seule issue pour résoudre ces problèmes, c'est de respecter la Constitution en vigueur dans le pays", a affirmé le président de 51 ans, rejetant de fait les appels à la démission du mouvement de contestation né le 25 septembre.

Elu en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, M. Rajoelina n'a pu faire diffuser son allocution par la télévision publique TVM après l'arrivée d'un "groupe de soldats armés" au siège de la chaîne.

D'après RFI, il a embarqué dimanche "à bord d'un avion militaire français pour La Réunion, avant de partir vers une autre destination avec sa famille". "Je ne confirme rien aujourd'hui", a répondu à ce sujet depuis l'Egypte le président français, Emmanuel Macron, disant sa "grande préoccupation" pour Madagascar.

Des remises de peine ont été accordées lundi par décret présidentiel à une série de personnes parmi lesquelles le Franco-Malgache Paul Maillot Rafanoharana, emprisonné depuis 2021 pour tentative de coup d'Etat, et point de crispation entre les deux pays.

Ce weekend, une unité militaire, le Capsat, qui avait joué un rôle majeur dans le coup d'État en 2009 qui a porté au pouvoir M. Rajoelina, à la suite déjà d'une mobilisation populaire, a appelé les forces de sécurité à "refuser de tirer" sur les manifestants, avant de rejoindre ces derniers dans le centre de la capitale.

"Plus de dinosaures" 

"C'est tout bizarre, vu qu'on était habitués à toujours être pourchassés et bombardés par des gaz lacrymogènes", a témoigné auprès de l'AFP Finaritra Manitra Andrianamelasoa, 24 ans. Cet étudiant en droit figurait parmi les milliers de manifestants ayant rejoint lundi la place du 13-mai dans une ambiance de fête.

Marchant au rythme d'une fanfare, le cortège a enflé à mesure qu'il approchait de ce lieu symbolique de l'histoire politique malgache, baptisé en hommage aux tués d'un soulèvement populaire en 1972 ayant conduit au départ du premier président.

"Au tout début, ce qu'on demandait, c'était l'électricité, la liberté de s'exprimer, mais on attend actuellement sa démission", a asséné Steven Mandimbiarivong Rasolonjanahary, 19 ans, un autre étudiant en droit.

"On attend sa démission mais le connaissant, je ne crois pas qu'il va dire ça", pronostiquait avec succès Rotsinasandratra Lucas Hantamalala, étudiante de 20 ans. "Plus de dinosaures politiques s'il vous plaît, on en a assez vus", exhorte-t-elle.

Des soldats ont accompagné samedi dans le centre-ville de la capitale malgache des milliers de manifestants, les rejoignant à nouveau dimanche pour un rassemblement en hommage aux personnes tuées au cours des plus de deux semaines de manifestations.

Départ du président du Sénat 

Le mouvement de contestation, qui dénonçait au départ les coupures incessantes d'eau et d'électricité, s'est mué depuis en une contestation plus large du président Rajoelina et de son clan.

Le Conseil sécurité de l'Union africaine "rejette catégoriquement toute tentative de changement anticonstitutionnel du gouvernement dans le pays", a-t-il averti lundi dans un communiqué qui "exhorte toutes les unités des forces armées malgaches à "s'abstenir de toute ingérence dans les affaires politiques".

Les manifestants ont obtenu ce weekend le départ du décrié président du Sénat Richard Ravalomanana, ancien commandant de gendarmerie.

Surnommé "Général Bomba" pour son recours généreux aux grenades lacrymogènes lors de la crise de 2009, Richard Ravalomanana était accusé par les contestataires d'être un des principaux acteurs de la répression des manifestations ces dernières semaines.

Quant au troisième homme vilipendé par la rue, l'homme d'affaires et proche du chef de l'Etat Maminiaina Ravatomanga, il a fui dimanche matin à l'île Maurice voisine, comme l'a confirmé le gouvernement mauricien.

Au moins 22 personnes ont été tuées au début des manifestations et plus d'une centaine blessées, d'après un bilan des Nations unies.

Madagascar, île à la population très démunie, a une longue histoire de soulèvements populaires suivis par la mise en place de gouvernements militaires de transition.

Au moins 80% des 32 millions d'habitants de Madagascar vivent avec moins de 15.000 ariary par jour (2,80 euros), le seuil de pauvreté de la Banque mondiale.


Au sommet sur Gaza, Trump proclame un «jour formidable pour le Moyen-Orient»

Donald Trump a proclamé lundi un "jour formidable pour le Moyen-Orient" lors d'un sommet sur Gaza en Egypte et a cosigné une déclaration visant à cimenter le cessez-le-feu dans le territoire palestinien, après un échange d'otages et de détenus entre Israël et le Hamas. (AFP)
Donald Trump a proclamé lundi un "jour formidable pour le Moyen-Orient" lors d'un sommet sur Gaza en Egypte et a cosigné une déclaration visant à cimenter le cessez-le-feu dans le territoire palestinien, après un échange d'otages et de détenus entre Israël et le Hamas. (AFP)
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  • A l'origine du plan sur un cessez-le-feu à Gaza, M. Trump a coprésidé le sommet à Charm el-Cheikh avec le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, en présence de nombreux dirigeants internationaux
  • M. Trump a accueilli les dirigeants sur un tapis rouge, souriant et serrant la main de chacun. Derrière une inscription géante "PEACE 2025", il a levé plusieurs fois le pouce devant les caméras

CHARM EL-CHEIKH: Donald Trump a proclamé lundi un "jour formidable pour le Moyen-Orient" lors d'un sommet sur Gaza en Egypte et a cosigné une déclaration visant à cimenter le cessez-le-feu dans le territoire palestinien, après un échange d'otages et de détenus entre Israël et le Hamas.

Plus tôt, lors d'une visite éclair à Jérusalem, le président américain a annoncé devant le Parlement israélien la fin d'un "long cauchemar" pour Israël et les Palestiniens. "Ce n'est pas seulement la fin d'une guerre, c'est la fin d'une ère de terreur et de mort", a-t-il dit, appelant les Palestiniens à "se détourner pour toujours de la voie du terrorisme".

Au quatrième jour du cessez-le-feu dans la bande de Gaza dévastée par deux ans de guerre, le mouvement islamiste Hamas a libéré les 20 derniers otages vivants qu'il retenait, en échange de 1.968 prisonniers palestiniens relâchés par Israël.

Sur la place des Otages à Tel-Aviv, des scènes de liesse ont accueilli la libération des otages enlevés le 7 octobre 2023 lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre.

"C'est superbe et bouleversant que cela arrive enfin" a déclaré Shelly Bar Nir, 34 ans. "Nos otages rentrent enfin chez eux."

"Ma vie, tu es ma vie... tu es un héros", s'exclame Einav Zangauker en serrant dans ses bras son fils Matan, tout sourire, après sa libération, selon une vidéo diffusée par l'armée israélienne.

A Ramallah, en Cisjordanie occupée, une explosion de joie a accompagné l'arrivée des cars transportant des prisonniers palestiniens libérés. "C'est une renaissance", a dit Mahdi Ramadan après sa libération. D'autres bus ont gagné la bande de Gaza, accueillis par des milliers de personnes agitant le drapeau palestinien et celui du Hamas.

"PEACE 2025" 

A l'origine du plan sur un cessez-le-feu à Gaza, M. Trump a coprésidé le sommet à Charm el-Cheikh avec le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, en présence de nombreux dirigeants internationaux, mais sans le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, ni le Hamas.

M. Trump a accueilli les dirigeants sur un tapis rouge, souriant et serrant la main de chacun. Derrière une inscription géante "PEACE 2025", il a levé plusieurs fois le pouce devant les caméras.

Avec les dirigeants d'Egypte, du Qatar et de Turquie, il a ensuite signé une déclaration sur Gaza dans laquelle ils engagent à "poursuivre une vision de paix" au Moyen-Orient. Ce document, publié en fin de journée par la Maison Blanche, s'en tient néanmoins à des termes vagues sur le besoin de parvenir à une "paix durable" entre Israël et ses voisins, dont les Palestiniens.

Donald Trump a, dans l'avion de retour à Washington, évacué la question de la solution à deux Etats. "Je ne parle pas d'un seul Etat, de double Etat ou de deux Etats. Nous parlons de la reconstruction de Gaza."

Avant de partir d'Egype, le président américain a assuré avoir "réussi ensemble ce que tout le monde pensait impossible. Enfin, nous avons la paix au Moyen-Orient."

M. Sissi a, lui, annoncé que son pays allait accueillir une conférence sur la reconstruction de Gaza, sans donner de date.

Dans la journée, 20 otages ont été remis en deux phases au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont les voitures ont pris la direction d'Israël sous l'œil de combattants armés du Hamas.

La majorité des 251 personnes enlevées lors de l'attaque du 7-Octobre avaient été libérées lors de deux précédentes trêves à Gaza.

"Libération totale" 

L'attaque du Hamas a entraîné côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de données officielles.

En riposte, Israël a lancé une offensive qui a ravagé la bande de Gaza, provoqué un désastre humanitaire et fait 67.869 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas.

"Il est temps de laisser entrer l'aide humanitaire à grande échelle, notamment par l'intermédiaire de l'Unrwa", a réagi lundi le directeur général de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, dans un communiqué.

La première phase du plan américain prévoit outre le cessez-le-feu et un retrait israélien de certains secteurs de Gaza, le retour dans les 72 heures des 47 derniers otages retenus à Gaza, dont 27 sont morts.

Mais l'armée israélienne a annoncé la remise de seulement quatre corps d'otages via le CICR lundi: "Le Hamas est tenu de respecter l'accord et de prendre les mesures nécessaires pour le retour de tous les otages décédés".

Le Hamas a salué "la libération des prisonniers palestiniens des prisons de l'occupation" comme "un succès national sur le chemin de la libération totale".

Le plan Trump prévoit dans une phase ultérieure le désarmement du Hamas et son exclusion de la gouvernance du territoire, où le mouvement a pris le pouvoir en 2007.

Le mouvement islamiste ne s'est pas prononcé sur son désarmement et exige un retrait total israélien de la bande de Gaza. L'armée israélienne contrôle aujourd'hui 53% du territoire.

Un responsable du Hamas a dit prévoir une deuxième phase "difficile" des négociations.