Parole de réalisateur ukrainien: se battre n'est pas «comme au cinéma»

L'ancien prisonnier du Kremlin et réalisateur ukrainien Oleg Sentsov prononce un discours lors de la cérémonie de remise du prix Sakharov 2018 du Parlement européen pour les droits de l'homme, au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, le 26 novembre 2019. (AFP)
L'ancien prisonnier du Kremlin et réalisateur ukrainien Oleg Sentsov prononce un discours lors de la cérémonie de remise du prix Sakharov 2018 du Parlement européen pour les droits de l'homme, au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, le 26 novembre 2019. (AFP)
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Publié le Mercredi 23 mars 2022

Parole de réalisateur ukrainien: se battre n'est pas «comme au cinéma»

  • La carrière d'Oleh Sentsov comme réalisateur indépendant paraissait prometteuse, avant d'être bouleversée par la révolution pro-européenne du Maïdan en 2014, puis le rattachement par la Russie de la Crimée à son territoire
  • Selon Sentsov, les forces russes ont infligé un «Vietnam» aux forces ukrainiennes avec d'intense tirs de barrage d'artillerie. Mais sans progresser

KIEV: Après cinq ans de détention en Russie pour avoir protesté contre l'annexion de la Crimée par Moscou, le réalisateur ukrainien Oleh Sentsov a pris les armes sur le front en signe de revanche.


Ce lauréat du prix européen Sakharov pour les droits de l'Homme s'est enrôlé en tant que volontaire dans la "Défense territoriale". "Ce combat n'est pas comme on l'imagine au cinéma", explique à l'AFP le cinéaste, portant une combinaison kaki, coiffé d'un bonnet et le visage auparavant glabre mangé par une barbe.


"Il n'y a pas vraiment de corps-à-corps et de tirs à l'arme automatique. La plupart du temps: place à l'artillerie, et ton boulot est de tenir le front dans une tranchée et de ne pas mourir sous le bombardement", raconte-t-il dans une rue de Kiev.


Le récit de cet homme de 45 ans est régulièrement interrompu par les quintes de toux d'un mauvais rhume attrapé pendant une pause de quelques jours après un tour sur le front par un temps glacial.


La carrière d'Oleh Sentsov comme réalisateur indépendant paraissait prometteuse, avant d'être bouleversée par la révolution pro-européenne du Maïdan en 2014, puis le rattachement par la Russie de la Crimée à son territoire.


Il s'apprêtait à réaliser "Rhino", après un premier film en 2011, "Gamer", tourné pour juste 20 000 dollars, quand il a été arrêté par les Russes. Accusé d'avoir planifié des incendies criminels, il a été condamné et envoyé dans une colonie pénitentiaire de l'Arctique russe. Il y a perdu 30 kilos après une grève de la faim de 145 jours, avant d'être libéré en 2019.

Un «Vietnam»
Adossé à une barricade, il dit que sa détention l'a convaincu que Moscou ne se satisferait pas de la prise de la seule Crimée. "Après ma remise en liberté, certains de mes amis me disaient: +Oh, tu es si radical, tu t'es mis à haïr les Russes, ils ne sont pas si méchants+", raconte-t-il.

"Aujourd'hui, ils me comprennent, parce que j'ai passé cinq ans là-bas et j'ai vu comment ils traitent les Ukrainiens, les Européens, avec leurs ambitions impériales, leur cruauté", ajoute-t-il.

Il a rejoint la Défense territoriale "dès les premiers jours de la guerre" et passé deux semaines à servir à des points de contrôle en périphérie de la capitale.

Mais il a été ensuite envoyé sur "la première ligne de défense", aux côtés d'unités de l'armée dans les forêts en dehors de Kiev.

Selon lui, les forces russes ont infligé un "Vietnam" aux forces ukrainiennes avec d'intense tirs de barrage d'artillerie. Mais sans progresser.

Pour le moment, sa carrière n'est plus qu'un lointain souvenir. "Je ne filme plus. D'abord parce que je n'ai pas le temps. Ensuite parce que je n'en ai pas envie", lâche-t-il.

On lui a bien proposé un travail dans un bureau de presse officiel, en raison de sa notoriété, "mais ce n'était pas ma voie, mon chemin est celui d'un simple soldat", dit-il.  

Il a aussi reçu des lettres de soutien de la profession, dont celle de l'Académie européenne du cinéma, mais, selon lui, "en temps de guerre, ce n'est pas important si vous êtes un réalisateur, un conducteur de bus ou un ouvrier, nous sommes tous des soldats".

Il ne désespère pas de retrouver le cinéma un jour, même s'il lui faudra du temps avant d'avoir la "tête froide" pour faire un film sur le conflit.

"Je ne sais pas quel genre de film je ferai. J'avais écrit plusieurs scénarios avant la guerre. Peut-être que je trouverai de nouvelles idées ici", dit-il.

Dans l'immédiat, il va voir la vie à travers la lunette de visée d'un fusil, et pas d'un œilleton de caméra: "J'ai vécu plusieurs vies, ma vie a changé, mon travail a changé. Le cinéma est juste une partie de ma vie et, maintenant, ma vie se trouve là où je la crois la plus utile pour mon pays".


Conflit Israël-Iran: Trump quitte prématurément le G7

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  • Le président américain, dont le séjour dans les Rocheuses canadiennes devait se prolonger jusqu'à mardi en fin de journée et se conclure par une conférence de presse, "rentre à Washington pour s'occuper de nombreux sujets importants"
  • Cette annonce vient peu après que Donald Trump a écrit sur son réseau Truth Social: "Tout le monde devrait évacuer Téhéran immédiatement."

KANANASKIS: "A cause de ce qui se passe au Moyen-Orient, le président Trump va partir ce soir après le dîner" avec les autres dirigeants du sommet du G7 au Canada, un jour plus tôt que prévu, a annoncé lundi sa porte-parole Karoline Leavitt sur X.

Le président américain, dont le séjour dans les Rocheuses canadiennes devait se prolonger jusqu'à mardi en fin de journée et se conclure par une conférence de presse, "rentre à Washington pour s'occuper de nombreux sujets importants", a-t-elle déclaré par ailleurs dans un court communiqué.

Cette annonce vient peu après que Donald Trump a écrit sur son réseau Truth Social: "Tout le monde devrait évacuer Téhéran immédiatement."


Trump reproche à Macron de ne pas avoir « compris » ses intentions concernant le conflit Iran-Israël

Le président français Emmanuel Macron, le premier ministre canadien Mark Carney, le président américain Donald Trump et le premier ministre britannique Keir Starmer participent à une photo de groupe devant les Rocheuses canadiennes au Kananaskis Country Golf Course lors du sommet des dirigeants du G7, le 16 juin 2025 à Kananaskis, en Alberta.(Getty Images via AFP)
Le président français Emmanuel Macron, le premier ministre canadien Mark Carney, le président américain Donald Trump et le premier ministre britannique Keir Starmer participent à une photo de groupe devant les Rocheuses canadiennes au Kananaskis Country Golf Course lors du sommet des dirigeants du G7, le 16 juin 2025 à Kananaskis, en Alberta.(Getty Images via AFP)
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  • Donald Trump a assuré lundi que son départ anticipé du G7 n'avait « rien à voir avec un cessez-le-feu » entre Israël et l'Iran.
  • Il a reproché au président français Emmanuel Macron de ne pas avoir « compris » ses intentions.

CALGARY, CANADA : Donald Trump a assuré lundi que son départ anticipé du G7 n'avait « rien à voir avec un cessez-le-feu » entre Israël et l'Iran, et a reproché au président français Emmanuel Macron de ne pas avoir « compris » ses intentions.

« Le président Emmanuel Macron, de France, a dit par erreur, dans le but de faire de la publicité, que j'avais quitté le sommet du G7 au Canada pour retourner à Washington afin de travailler à un cessez-le-feu entre Israël et l'Iran. Faux ! Il n'a aucune idée de la raison pour laquelle je suis maintenant en route pour Washington, mais cela n'a certainement rien à voir avec un cessez-le-feu. C'est beaucoup plus gros que ça », a-t-il tempêté sur son réseau Truth Social.

« Emmanuel ne comprend jamais rien, que ce soit volontairement ou non », a asséné le président américain, peu après avoir quitté le rassemblement des chefs d'État et de gouvernement du G7 dans les Rocheuses canadiennes, un jour plus tôt que prévu.

Le président français avait affirmé plus tôt, lors d'un point presse en marge du sommet, qu'« une offre avait été faite » de la part des Américains pour « une rencontre et des échanges » avec les Iraniens, ajoutant : « Si les États-Unis peuvent obtenir un cessez-le-feu, c'est une très bonne chose. » 

Ces dernières heures, Donald Trump a envoyé des signaux confus sur le conflit en cours entre Israël et l'Iran, alors que les spéculations vont bon train sur un éventuel engagement militaire direct des États-Unis.

Tout en exhortant l'Iran à conclure un « accord » sur son programme nucléaire « avant qu'il ne soit trop tard », il a aussi appelé à « évacuer » Téhéran dans un message particulièrement alarmiste sur Truth Social.

Le gouvernement américain a toutefois assuré que la posture des forces américaines dans la région restait « défensive ».

Selon le site Axios, l'exécutif américain n'a pas abandonné la voie diplomatique et discute d'une possible rencontre entre l'émissaire spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi.  


Un médecin syrien condamné à perpétuité en Allemagne pour crimes contre l'humanité sous Assad

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
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  • Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups
  • "Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad"

FRANCFORT: Un médecin syrien, accusé de tortures d'opposants au régime de Bachar al-Assad, a été condamné à la prison à vie lundi par la justice allemande, après un procès fleuve de plus de trois ans à Francfort.

Arrivé en Allemagne en 2015, où il a exercé comme chirurgien orthopédique jusqu'à son arrestation en 2020 après avoir été reconnu par d'autres réfugiés syriens, Alaa Moussa était jugé pour de multiples crimes sur des détenus dans des hôpitaux militaires de Damas et de Homs durant la guerre civile en Syrie.

Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups.

"Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad" aux manifestations des opposants.

Dénonçant "une violation massive des droits de l'Homme" par l'accusé, le juge a souligné que le verdict était aussi une façon de montrer "que la souffrance des victimes n'est pas oubliée".

"Outre les difficultés inhérentes à un délai de 12 ans, le régime syrien a tenté jusqu'à sa chute (en décembre 2024, ndlr) d'exercer une influence sur la procédure" allemande, a-t-il poursuivi, évoquant des menaces sur des proches des témoins.

Etant donné la gravité des faits, la condamnation à la perpétuité d'Alaa Moussa a été assortie d'une peine de sûreté pour une durée non encore définie (qui sera décidée au bout de quinze ans d'incarcération).

Lors de son procès commencé le 19 janvier 2022, entouré de hautes mesures de sécurité, Alaa Moussa avait été confronté à plus d'une cinquantaine de témoins et d'anciennes victimes.

Certains avaient témoigné masqués et beaucoup avaient fait état de menaces et d'intimidation à l'encontre de leur famille restée au pays alors que l'ombre des services secrets syriens planait sur les audiences.

Une situation qui s'est détendue après la chute, durant le procès, du dictateur Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024 et désormais réfugié en Russie.

Parmi les témoins, un ancien lieutenant d'Alep, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, emprisonné après avoir refusé de tirer sur des manifestants en novembre 2011.

"Puni pour ses actes" 

Il avait affirmé avoir vu Alaa Moussa infliger des injections à des malades allongés sur le sol, qui sont décédés peu après, dans l'hôpital militaire où il sévissait.

"Aucun tortionnaire, quel que soit le lieu où il a commis son crime, ne peut être certain d'échapper à la justice. Il devra toujours s'attendre à être puni pour ses actes", a asséné le juge Christoph Koller lors de son verdict.

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle.

Il y a deux semaines, la justice allemande avait ainsi condamné à la prison à vie un ancien chef d'une milice syrienne soutenant l'ex-président Bachar al-Assad, reconnu coupable notamment de meurtre, d'actes de torture et de séquestration entre 2012 et 2014.

Lors du premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad tenu en Allemagne, Anwar Raslan, un ex-gradé des services de renseignement syriens, avait été condamné en janvier 2022 à la prison à vie pour le meurtre de 27 prisonniers et des faits de torture sur au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib.

Des procès sur les crimes commis en Syrie ont également eu lieu ailleurs en Europe, notamment en France et en Suède.

Le conflit en Syrie, déclenché par des protestations pacifiques violemment réprimées en 2011, a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et ravagé l'économie et les infrastructures du pays.