Imam, rabbin, évêque: trois femmes qui bousculent les traditions

Delphine Horvilleur, écrivaine et philosophe juive, Anne Soupa, théologienne et écrivaine catholique, et Kahina Bahloul, islamologue, ont, chacune à leur manière, interrogé et tenté d’améliorer la place de la femme dans leur religion respective. (Photos AFP/Combo ANFR).
Delphine Horvilleur, écrivaine et philosophe juive, Anne Soupa, théologienne et écrivaine catholique, et Kahina Bahloul, islamologue, ont, chacune à leur manière, interrogé et tenté d’améliorer la place de la femme dans leur religion respective. (Photos AFP/Combo ANFR).
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Publié le Lundi 30 novembre 2020

Imam, rabbin, évêque: trois femmes qui bousculent les traditions

  • Parmi ces personnes qui forcent le respect et suscitent l’admiration, trois femmes d’horizons distincts se retrouvent liées par cette volonté de changement
  • En femme courageuse et déterminée, Kahina Bahloul semble ne pas vouloir accepter que seuls les hommes puissent expliquer les textes et dicter les lois religieuses; idem pour Anne Soupa et Delphine Horvilleur

PARIS: Nager à contre-courant pour faire bouger les lignes n’est jamais une tâche facile. Pourtant nombreux sont ceux qui vouent leur vie à cet objectif, incapables de s’accommoder des limites de leur temps, ils cherchent à le faire évoluer même si cette quête est semée d’embûches.

Parmi ces personnes qui forcent le respect et suscitent l’admiration, trois femmes d’horizons distincts se retrouvent liées par cette volonté de changement. Anne Soupa, théologienne et écrivaine catholique, Delphine Horvilleur, écrivaine et philosophe juive, et Kahina Bahloul, islamologue, ont, chacune à leur manière, interrogé et tenté d’améliorer la place de la femme dans leur religion respective.

Anne Soupa, bousculer les obstacles

À 73 ans, Anne Soupa n’a de cesse de vouloir bousculer les obstacles qui entravent les femmes catholiques et qui bloquent leur évolution dans la hiérarchie ecclésiastique.

En mai dernier, à la suite de la démission de l’archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin, Anne Soupa décide de se porter candidate à sa succession.

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Une femme peut enseigner le catéchisme ou entrer au couvent pour être religieuse. Anne Soupa ne s’en contente pas, elle veut enfoncer toutes les portes et, elle le dit clairement, «même pouvoir être pape». (AFP).

Elle n’ignore pas l’ampleur de la transgression que représente sa candidature qui n’a aucune chance d’aboutir.

C’est un gros pavé dans la mare puisque, pour être archevêque, il faut être prêtre et célibataire ce qui n’est pas son cas, et qu’on ne peut se porter candidat pour être archevêque, c’est le Pape qui le désigne.

L’objectif de cette entreprise vouée à l’échec est de revenir à ce qu’Anne Soupa a fait tout au long de sa carrière de théologienne: questionner la place de la femme dans l’Église.

Née dans une famille catholique qualifiée d’«ouverte», elle étudie la théologie à Lyon, et la Bible, son livre de chevet, lui a inspiré plusieurs ouvrages sur la religion qu’elle a publiés, et l’a confortée dans sa tâche principale: dénoncer l’invisibilité des femmes dans la hiérarchie ecclésiastique.

Une femme peut enseigner le catéchisme ou entrer au couvent pour être religieuse. Anne Soupa ne s’en contente pas, elle veut enfoncer toutes les portes et, elle le dit clairement, «même pouvoir être pape».

En 2013, à la renonciation du pape Benoît XVI, elle organise le premier conclave féminin de l’histoire dans une salle à Paris, un simulacre du conclave du Vatican pour l’élection du nouveau pape.

Le déferlement de violence dont elle fait l’objet sur les réseaux sociaux, les commentaires la traitant d’«hérétique», de «brebis galeuse» et même de «courgette» suscitent chez elle plus d’ironie que d’inquiétude.

Elle sait que sa vision des choses bouscule et dérange, mais l’écho médiatique de ses actions tout comme l’engouement de certains milieux féminins catholiques l’encouragent à persister.

Dans le sillage de sa candidature à l’archevêché de Lyon, six autres femmes ont d’ailleurs présenté les leurs à différents postes dans l’Église.

Les actions d’Anne Soupa n’ont suscité que peu de réactions de la part de l’Église, certains religieux avouant néanmoins que la posture de la théologienne pousse à la réflexion, malgré l’agacement qu’elle provoque au sein de l’institution.

Kahina Bahloul, première femme imam en France

Kahina Bahloul, 41 ans, première femme imam en France, fait également l’objet d’un déferlement de propos haineux allant jusqu’aux menaces de mort.

Née d’un père algérien et d’une mère française, Kahina Bahloul a grandi en Algérie où elle a vécu la décennie noire durant laquelle le gouvernement algérien s’est opposé à différents groupes islamistes.

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En femme courageuse et déterminée, Kahina Bahloul semble ne pas vouloir accepter que seuls les hommes puissent expliquer les textes et dicter les lois religieuses. (AFP). 

Juriste de formation, elle s’installe en France en 2005 et travaille dans les assurances. Le décès de son père bouleverse sa vie. Elle se pose des questions qui l’incitent à approfondir sa connaissance de l’islam et à entamer des études d’islamologie.

Tout comme Anne Soupa, sa connaissance de la religion s’accompagne d’interrogations sur la place de la femme. Elle en déduit qu’il est temps pour les femmes musulmanes d’occuper la place qu’elles méritent au sein de leur religion.

Au lendemain des attentats de 2015 revendiqués par Daech, qui ont semé la terreur dans Paris et provoqué la mort de 130 personnes, Kahina Bahloul crée une chaîne YouTube, «Parle-moi d’islam», afin d’apporter un éclairage sur la culture musulmane, dont la réputation est ternie par les attentats meurtriers.

Le succès de son site fait naître l’idée de fonder une mosquée pour dispenser des prêches sur l’islam à travers le prisme de la modernité.

Cette mosquée n’a pas encore vu le jour par manque de financement, mais Kahina Bahloul s’est déclarée imam en 2019, et, en février dernier, elle a conduit son premier prêche en présence de 22 fidèles dans une salle à Paris, une première en France.

Sa légitimité en tant qu’imam est mise en doute par ses détracteurs. Les responsables du culte musulman en France, quant à eux, gardent pour l’instant leurs distances. Seul l’imam de Bordeaux Tarek Oubrou a publiquement indiqué que l’imamat au féminin n’était pas interdit.

En femme courageuse et déterminée, Kahina Bahloul semble ne pas vouloir accepter que seuls les hommes puissent expliquer les textes et dicter les lois religieuses.

Delphine Horvilleur, rabbin, subit les foudres d’une partie de sa communauté

Depuis douze ans, Delphine Horvilleur, 46 ans, est rabbin et officie dans la synagogue de Beaugrenelle dans le XVe arrondissement de Paris. C’est l’une des trois femmes rabbins en France, mais elle se distingue du fait que sa voix porte au-delà de sa communauté.

Toute jeune, elle était attirée par le mystique. Elle se destinait au départ à une carrière de médecin, mais son grand-père, qui avait fait des études rabbiniques, a ébranlé sa certitude au cours d’une conversation en lui affirmant qu’il imaginait autre chose pour elle sans donner de précision.

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Delphine Horvilleur refuse de se laisser enfermer dans sa condition de femme ou de juive, et publie avec l’islamologue Rachid Benzine un livre intitulé Des mille et une façons d’être juif ou musulman. (AFP). 

Cette phrase l’a fâchée et a semé le doute en elle. Mais pour Delphine Horvilleur, douter c’est se chercher et se trouver.

Ses hésitations l’ont menée à devenir journaliste, et elle a travaillé pour une chaîne de télévision pendant plusieurs années, croyant avoir trouvé sa voie.

En 2002 elle décide de partir quelques semaines à New York pour étudier le Talmud. Dans le cercle juif le plus ouvert des États-Unis, une question la prend au dépourvu: «Pourquoi ne deviens-tu pas rabbin?» C’est le rabbin du Centre qui la lui pose. La boucle est bouclée, elle a l’explication de ce que son grand-père lui avait confié.

Delphine Horvilleur quitte son emploi de journaliste et s’installe à New York pendant cinq ans durant lesquels elle suit une formation de rabbin.

De retour en France, elle subit bien sûr les foudres d’une partie de sa communauté et fait l’objet d’une campagne de diffamation pour avoir écorné un monopole masculin.

Ce qui agace surtout ses détracteurs, c’est son ouverture d’esprit. Là non plus, l’intimidation ne fonctionne pas, Delphine Horvilleur étant un condensé de conviction et de tolérance.

Elle refuse de se laisser enfermer dans sa condition de femme ou de juive, et publie avec l’islamologue Rachid Benzine un livre intitulé Des mille et une façons d’être juif ou musulman.

Pour elle, le rabbin a pour mission de s’inspirer des textes sacrés pour faire le lien avec l’homme, ce qui la mène a développer sa propre réflexion sur la place de la femme, sur la haine et sur tous les sujets d’actualité de la société.


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.