La frappe contre le croiseur Moskva révèle les vulnérabilités russes

Cette capture d’écran prise et publiée par le ministère russe de la Défense le 18 février 2022 montre le croiseur russe «Moskva» avant sa destruction, à priori par des missiles ukrainiens, pendant les exercices navals de la mer Noire devant le port de Sébastopol, en Crimée. (Polycopié / Ministère russe de la Défense / AFP)
Cette capture d’écran prise et publiée par le ministère russe de la Défense le 18 février 2022 montre le croiseur russe «Moskva» avant sa destruction, à priori par des missiles ukrainiens, pendant les exercices navals de la mer Noire devant le port de Sébastopol, en Crimée. (Polycopié / Ministère russe de la Défense / AFP)
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Publié le Samedi 16 avril 2022

La frappe contre le croiseur Moskva révèle les vulnérabilités russes

  • Le Pentagone crédite les Ukrainiens d'une victoire majeure, révélatrice de failles navales de Moscou en mer Noire selon des experts
  • Si elle est confirmée, la capacité de l'Ukraine à frapper les navires de guerre en mer Noire pourrait forcer les Russes à déployer des moyens de défense aérienne supplémentaires à bord de ses bâtiments

PARIS : Le scénario selon lequel des missiles ukrainiens ont frappé le navire amiral russe Moskva, comme le revendique Kiev, a été validé vendredi par le Pentagone, qui crédite ainsi les Ukrainiens d'une victoire majeure, révélatrice de failles navales de Moscou en mer Noire selon des experts.

«Nous estimons qu'ils l'ont touché avec deux (missiles) Neptune», a indiqué vendredi à quelques journalistes un haut responsable du ministère américain de la Défense ayant requis l'anonymat, démentant la version de Moscou selon laquelle son navire lance-missiles long de 186 mètres a été «gravement endommagé» dans un incendie.

Le Moskva a ensuite sombré pendant son remorquage vers le port de Sébastopol, «dans des conditions de mer agitée», selon le ministère russe de la Défense. Une version mise en doute sur Twitter par le général américain en retraite Mark Hertling, qui constatait vendredi matin «des vents de 6km/h et un peu de pluie ces 24 dernières heures dans la région de Sébastopol».

Comme pour venir accréditer la thèse avancée par l'Ukraine, une frappe a gravement endommagé dans la nuit une usine de la région de Kiev fabriquant des missiles antinavire Neptune, que l'armée ukrainienne assure avoir utilisés contre le bâtiment russe, ont constaté vendredi des journalistes de l'AFP.

Le missile antinavire ukrainien Neptune, équivalent aux Exocet de la Marine française, est entré en service dans les forces ukrainiennes en mars 2021, selon la presse ukrainienne. Le Neptune est une évolution du missile anti-navire soviétique Zvezda Kh-35, avec des performances nettement améliorées.

Tiré depuis une batterie à terre, ce système de défense côtière aurait une portée d'environ 300 kilomètres. Le missile ne démasque son radar qu'en phase avancée d'approche de sa cible, pour se protéger au maximum des contre-mesures ennemies, explique une source militaire occidentale.

- défenses antimissiles «datées» -

Ces contre-mesures peuvent être de deux ordres: soit via le brouillage du radar du missile (guerre électronique), soit en détruisant le missile avec une muraille d'obus tirés par un canon anti-aérien dit «système d'arme rapproché» de type américain Phalanx, nommé Duet dans sa version russe.

On ignore si le Moskva disposait de l'un ou l'autre de ces dispositifs.

Une certitude toutefois, selon H. Eldon Sutton, expert à l'Institut naval américain, «les défenses anti-missiles du Moskva étaient datées». Outre des missiles antinavires Vulkan et des missiles mer-air Fort de type S-300, le bâtiment russe était équipé de missiles à courte portée Ossa et de canons anti-aériens.

«Il semble que le Moskva soit le seul des navires de sa classe encore en service à n'avoir pas reçu lors de sa modernisation de nouveaux radars capables de repérer efficacement des cibles volant à faible altitude comme les missiles anti-navire Neptune», souligne le site d'information russe Meduza, basé en Lettonie.

Autre facteur de vulnérabilité: «le croiseur Moskva effectuait des mouvements relativement prévisibles dans la mer Noire» depuis le début de l'invasion russe, souligne H. Eldon Sutton.

«La question est de comprendre pourquoi la Russie gardait ce bâtiment si près des côtes sans savoir si les missiles antinavire Neptune ukrainiens étaient en service», ajoute Rob Lee, expert de l'Institut de recherche de la politique étrangère (FPRI) à Washington.

«Les frappes russes depuis la mer sont efficaces mais limitées en nombre (...) et la perte du Moskva ne va sans doute pas constituer un revers majeur. Mais si elle est confirmée, la capacité de l'Ukraine à frapper les navires de guerre en mer Noire pourrait forcer les Russes à déployer des moyens de défense aérienne supplémentaires à bord de ses bâtiments ou à éloigner ces derniers des positions proches de la côte ukrainienne», commente l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW).

«Avant ce plausible tir de missile ukrainien, les Russes n'avaient pas la supériorité aérienne, ce qui constitue une condition sine qua non pour lancer une opération amphibie. Aujourd'hui, ils sont moins que jamais prêts à le faire», commente pour sa part un haut gradé de la Marine française.

D'autant que les forces du président Volodymyr Zelensky pourraient prochainement recevoir des armes supplémentaires pour garder leurs côtes. En visite à Kiev samedi, le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est engagé à fournir à l'Ukraine des missiles antinavires Harpoon.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.