Dans l'Atlantique, des scientifiques au chevet des baleines noires

La queue d'une baleine noire, vue depuis le navire de recherche "Shearwater", lors d'une expédition de recherche sur les baleines noires avec le Center for Coastal Studies (permis NOAA 25740-01) dans la baie du Cap Cod, au large des côtes du Massachusetts, le 5 avril 2022. Crédit : CENTER FOR COASTAL STUDIES' NOAA PERMIT 25740-01
La queue d'une baleine noire, vue depuis le navire de recherche "Shearwater", lors d'une expédition de recherche sur les baleines noires avec le Center for Coastal Studies (permis NOAA 25740-01) dans la baie du Cap Cod, au large des côtes du Massachusetts, le 5 avril 2022. Crédit : CENTER FOR COASTAL STUDIES' NOAA PERMIT 25740-01
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Publié le Lundi 18 avril 2022

Dans l'Atlantique, des scientifiques au chevet des baleines noires

  • Le capitaine du Shearwater coupe le moteur et trois biologistes marins s'activent pour prendre notes et photos afin d'identifier et suivre les baleines et leurs blessures
  • Décimée par les baleiniers désormais interdits, la baleine noire, ou baleine franche, de l'Atlantique nord reste aujourd'hui sous la menace des collisions avec des bateaux et des filets de pêcheurs

PROVINCETOWN : Après des heures en mer et quelques faux espoirs, les voici: trois baleines noires de l'Atlantique nord, en danger critique d'extinction, apparaissent devant le navire scientifique dans une baie près de Boston, dans le nord-est des Etats-Unis.

Le capitaine du Shearwater coupe le moteur et trois biologistes marins s'activent pour prendre notes et photos afin d'identifier et suivre les baleines et leurs blessures. Un travail essentiel à la protection de cette espèce dont il ne reste que 336 individus d'après les experts.

Décimée par les baleiniers désormais interdits, la baleine noire, ou baleine franche, de l'Atlantique nord reste aujourd'hui sous la menace des collisions avec des bateaux et des filets de pêcheurs.

Cette espèce de grands mammifères marins -- d'une vingtaine de mètres de long pour 70 tonnes -- est encore plus en danger d'extinction que les tigres ou les rhinocéros noirs.

"Malheureusement, leur population est en baisse depuis 2010", explique Christy Hudak, à la tête du centre de recherche sur le littoral installé à Provincetown, un port de pêcheurs du Massachusetts, d'où est parti le bateau des chercheurs.

A l'aide d'un petit avion et de drones équipés de caméras lancés depuis un second bateau, ces scientifiques tentent de suivre la reproduction des Eubalaena glacialis, leur nom latin. Car les nouvelles règles sur la vitesse des navires dans les zones protégées ou encore sur les filets de pêche ne les ont pas rassurés.

Le changement climatique, en réchauffant les eaux de l'Atlantique nord, raréfie les stocks d'un petit crustacé, le Calanus finmarchicus, l'un des éléments constituant le plancton et essentiel à l'alimentation des baleines noires.

C'est autour de Cape Cod, la péninsule à la pointe de laquelle se trouve la très touristique Provincetown, que l'espèce est souvent observée, les eaux se réchauffant moins vite qu'ailleurs.

Ici, les biologistes étudient notamment le plancton en prélevant de l'eau à différentes profondeurs, ce qui leur permet d'estimer les dates d'arrivée et de départ des baleines.

Décimées

Elles étaient pendant des centaines d'années la proie favorite des pêcheurs -- vikings, basques, anglais, néerlandais puis américains -- pour leur graisse, utilisée dans les lampes, et leur fanons, bien pratiques avant l'arrivée du plastique.

L'espèce a compté jusqu'à 20.000 individus, avant l'arrivée de la pêche à grande échelle, selon David Laist, auteur d'un livre sur le sujet. Elle a ensuite été décimée au début du 20e siècle.

Une hausse des naissances au début des années 2000 a permis d'atteindre un pic de 483 animaux en 2010, mais le chiffre, en baisse depuis, a plongé en 2017, la faute à une accumulation de décès.

"Quatorze baleines noires sont mortes en très peu de temps, car elles se sont déplacées vers le golfe du Saint-Laurent", où elles vont rarement et où la pêche au crabe les a durement touchées, explique Charles Mayo, fondateur du centre de recherche sur le littoral.

Le changement climatique semble être à l'origine de ce déplacement de leur zone d'alimentation, faute de proies suffisantes.

Et les baleines noires étant déjà si rares, même une poignée de décès pourraient suffire à enclencher un déclin dangereux pour l'espèce.

"C'est très inquiétant, car leur taux de reproduction est très faible, tandis que le taux de mortalité est très élevé", s'émeut Charles Mayo, qui a fait partie de la première équipe à avoir libéré une baleine d'un filet dans lequel elle s'était emmêlée.

Ces géants marins se reproduisent au printemps et à l'été, avant de voyager jusqu'à 1.600 kilomètres vers le sud pour donner naissance. Ce cycle, dont la durée normale est de trois ans, s'étend actuellement sur trois à six ans en moyenne, selon l'Agence nationale océanique et atmosphérique américaine.

Les spécialistes pensent que derrière ce taux de natalité en baisse se cache le stress subi par les femelles, notamment à cause des enchevêtrements dans des cordages ou encore du bruit océanique causé par les activités humaines.

Baleineau joueur 

Ces baleines, les troisièmes plus grandes du règne marin, vivent aussi longtemps que les humains, parfois jusqu'à un siècle.

Trapues -- et noires, donc --, elles présentent la particularité de ne pas avoir de nageoire dorsale et d'être ornées, sur la tête, de callosités recouvertes de minuscules crustacés surnommés "poux des baleines", vivant en apparente symbiose avec leurs hôtes.

Prévenus par leurs collègues survolant la zone, les chercheurs trouvent de nouvelles baleines, dont un baleineau qui joue à imiter sa mère, puis un groupe de cétacés rapprochés les uns des autres à la surface pour socialiser.

Au cours de ce type de rassemblement, explique Christy Hudak, les baleines "roulent sur elles-mêmes en touchant les autres. Le principal objectif est de se reproduire mais il s'agit aussi d'interagir avec d'autres baleines noires. Ce n'est pas que pour le sexe."

La sortie en mer aura permis d'observer dix baleines, dont deux mères avec leur baleineau, et un groupe de socialisation. La survie de l'espèce est loin d'être assurée mais les chercheurs se laissent aller à espérer.

De nouvelles technologies visent à réduire l'enchevêtrement dans les filets de pêche, que ce soit en rendant les cordages plus fragiles ou en concevant des pièges pouvant, sans filin, remonter à la surface de façon télécommandée.

Une meilleure détection accoustique des baleines pourrait aussi permettre de vite réagir à leur présence en instaurant des zones de vitesse limitée pour les bateaux.

Mais il est vital, souligne Christy Hudak, de mieux sensibiliser le public et d'obtenir son adhésion à la protection de "ces incroyables créatures".


Alizey Khan, première femme pakistanaise lauréate du prix Legacy

Le Prince William de Grande-Bretagne récompense Alizey Khan du Pakistan lors des Diana Legacy Awards au Science Museum à Londres, Grande-Bretagne, 14 mars 2024. (REUTERS)
Le Prince William de Grande-Bretagne récompense Alizey Khan du Pakistan lors des Diana Legacy Awards au Science Museum à Londres, Grande-Bretagne, 14 mars 2024. (REUTERS)
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  • Les prix de l'héritage de Diana sont décernés tous les deux ans et récompensent les réalisations de 20 jeunes leaders du monde entier. L'édition de cette année a coïncidé avec le 25e anniversaire de Lady Diana.
  • Mme Khan a créé la Ruhil Foundation en 2016 pour lutter contre l'insécurité alimentaire en distribuant des sacs de rationnement et des repas cuisinés aux personnes dans le besoin. Elle a effectué un travail considérable pendant la pandémie de COVID-19

ISLAMABAD : Une travailleuse humanitaire pakistanaise de 26 ans est devenue ce mois-ci la première femme de son pays à remporter le prix Diana Legacy en reconnaissance de ses services sociaux, ce qui l'a incitée à décrire cette réussite comme une occasion d'apporter une reconnaissance plus large à d'autres personnes travaillant dans son domaine.

Les prix de l'héritage de Diana sont décernés tous les deux ans et récompensent les réalisations de 20 jeunes leaders du monde entier. L'édition de cette année a coïncidé avec le 25e anniversaire de Lady Diana.

Alizey Khan, la jeune travailleuse humanitaire pakistanaise, est diplômée en droit et a reçu le prix des mains du Prince William le 14 mars lors d'une cérémonie qui s'est tenue à Londres.

Mme Khan a créé la Ruhil Foundation en 2016 pour lutter contre l'insécurité alimentaire en distribuant des sacs de rationnement et des repas cuisinés aux personnes dans le besoin. Elle a effectué un travail considérable pendant la pandémie de COVID-19 avant de fournir de la nourriture et d'autres articles de secours aux familles touchées par les inondations dans les provinces du Punjab, du Sindh et du Baloutchistan.

S'adressant à Arab News mercredi, elle a souligné que de nombreuses femmes au Pakistan étaient engagées dans des efforts humanitaires et sociaux remarquables et qu'elles méritaient d'être reconnues au niveau mondial.

"Elles n'ont pas bénéficié de la même reconnaissance ou de la même exposition", a-t-elle déclaré. "C'est pourquoi je suis reconnaissante de ce prix, qui met en lumière les précieuses contributions des femmes pakistanaises. J'espère qu'il encouragera davantage de femmes à se manifester, à recevoir des nominations et à être reconnues par des prix internationaux prestigieux".

Selon le site web du prix Diana, l'organisation de Mme Khan a livré 5 500 colis alimentaires mensuels et 10 000 repas entre avril 2016 et mars 2022. Elle a également élargi son champ d'action à l'éducation et à l'hébergement en collectant plus de 150 000 dollars.

En outre, l'entreprise humanitaire de Khan a financé 200 mariages, distribué 600 serviettes hygiéniques, fourni 1 100 couvertures en hiver, déboursé 1 000 prêts d'urgence sans intérêt et versé des allocations mensuelles à 25 personnes transgenres et veuves au cours de la même période.

Elle a déclaré qu'elle s'était sentie exceptionnellement fière lorsqu'il a été annoncé, lors de la cérémonie de remise des prix, qu'elle était la première femme pakistanaise à recevoir cet honneur. Auparavant, un seul Pakistanais, Ahmed Nawaz, qui a survécu à la fusillade de l'Army Public School en 2014, avait reçu le prix en 2019 pour ses efforts de déradicalisation.

"J'ai reçu le prix en raison de mon implication constante dans les efforts humanitaires, car j'ai commencé mon travail humanitaire à l'âge de 16 ans et, au cours de la dernière décennie, j'ai considérablement élargi à la fois la portée et la portée de mes initiatives", a-t-elle déclaré, ajoutant que la jeunesse était considérée comme un facteur positif, car le jury appréciait les jeunes individus qui se consacrent au bien-être de la communauté.

Première femme pakistanaise lauréate du prestigieux Diana Legacy Award, Alizey Khan pose avec son prix à Londres, au Royaume-Uni, le 14 mars 2024. (Photo Fournie)
Première femme pakistanaise lauréate du prestigieux Diana Legacy Award, Alizey Khan pose avec son prix à Londres, au Royaume-Uni, le 14 mars 2024. (Photo Fournie)

Parlant de son travail au fil des ans, elle a déclaré qu'elle s'était principalement concentrée sur la distribution de nourriture aux personnes méritantes, dont plusieurs personnes transgenres et veuves.

En outre, son organisation fournit des repas complets lors des mariages pour les familles défavorisées, et a déjà soutenu environ 200 d'entre elles.

"Nous nous chargeons également de l'adoption et de la réforme de divers orphelinats, dont nous assurons le fonctionnement efficace en les mettant en relation avec notre réseau de donateurs", a-t-elle ajouté.

Pour le prix Diana, Mme Khan a déclaré que le travail d'une personne devait démontrer sa durabilité et son impact sur une longue période de temps.

"Parmi les 20 lauréats du prix de l'héritage de cette année, c'est moi qui ai réuni le plus de fonds pour mes projets, renforçant ainsi leur impact et leur durabilité", a-t-elle ajouté.

Mme Khan a déclaré que le prix offrait plus qu'une simple reconnaissance puisqu'il comprenait également un programme de mentorat de deux ans avec des sessions régulières avec des personnes de son propre domaine.

"Les participants ont accès à des programmes leur permettant d'entrer en contact avec des experts dans le domaine et d'accéder à des possibilités de collecte de fonds", a-t-elle poursuivi, ajoutant que l'attention portée au domaine de l'aide sociale contribuait à la croissance et à la viabilité des initiatives des participants.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


L'Australie tente de sauver ses derniers «dragons sans oreilles»

Cette photo prise le 25 mars 2024 montre un lézard dragon sans oreilles des prairies dans la réserve naturelle de Tidbinbilla, située à la périphérie de la capitale australienne, Canberra. (AFP)
Cette photo prise le 25 mars 2024 montre un lézard dragon sans oreilles des prairies dans la réserve naturelle de Tidbinbilla, située à la périphérie de la capitale australienne, Canberra. (AFP)
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  • L'Australie abrite des milliers d'espèces animales uniques, parmi lesquelles 1 130 espèces de reptiles qu'on ne trouve nulle part ailleurs au monde
  • Une centaine d'espèces de la flore et de la faune endémique d'Australie ont disparu au cours des 300 dernières années

SYDNEY: Quand il voit le jour, le "dragon des prairies sans oreilles" d'Australie est à peine plus grand que le petit doigt. Mais le minuscule reptile doit répondre à un défi de taille : échapper à l'extinction de son espèce.

En 2019, des scientifiques de Canberra avaient recensé plusieurs centaines de spécimens de ce lézard à l'état sauvage. Cette année, ils n'en ont compté que 11.

Le dragon des prairies sans oreilles, une espèce endémique d'Australie, a une peau brune claire, striée de longues bandes blanches. Dépourvu d'oreilles et de tympans fonctionnels, il mesure 15 centimètres à l'âge adulte.

L'Australie en compte quatre espèces, dont trois "en danger critique d'extinction" - la catégorie la plus menacée - la quatrième étant classée comme "en danger".

Sans mesures de conservation, les dragons en "danger critique d'extinction" seront probablement éteints dans les 20 prochaines années. Mais "si nous gérons correctement leur conservation, nous pouvons les faire revenir", espère Bernd Gruber, professeur à l'université de Canberra, qui œuvre en ce sens.

«Espoir»

L'Australie abrite des milliers d'espèces animales uniques, parmi lesquelles 1.130 espèces de reptiles qu'on ne trouve nulle part ailleurs au monde.

Victimes du changement climatique, de la prolifération de plantes et d'animaux invasifs et de la destruction de leurs habitats - en 2019, les incendies de forêt ont brûlé plus de 19 millions d'hectares - les espèces endémiques d'Australie sont dans une situation critique.

Une centaine d'espèces de la flore et de la faune endémique d'Australie ont disparu au cours des 300 dernières années.

Pour éviter un tel sort aux dragons sans oreilles, plusieurs programmes de conservation ont été mis en place dans le pays, comptant au total jusqu'à 90 animaux voués à être relâchés dans la nature.

M. Gruber supervise l'un d'entre eux, dans la région de Canberra, où des compartiments abritent chacun un lézard, disposant d'herbe, d'un terrier et d'une lampe chauffante.

L'accouplement des spécimens est particulièrement épineux.

Les femelles préférant choisir leur partenaire, les scientifiques doivent leur présenter plusieurs mâles jusqu'à ce qu'elles en acceptent un.

Il leur faut aussi déterminer - à l'aide d'analyses génétiques - quels sont les lézards compatibles et assurer la diversité génétique de leur progéniture.

M. Gruber prend soin d'une vingtaine de bébés lézards, à peine éclos. Il y a encore trois semaines, les scientifiques ne voyaient pas leurs œufs. "Il y a un sentiment d'espoir quand on les regarde", confie-t-il à l'AFP.

Ces reptiles vivent exclusivement dans des prairies tempérées, un habitat que l'étalement urbain a pratiquement réduit à néant, explique la chargée de campagne de l'Australian Conservation Foundation, Peta Bulling. Seules 0,5% des prairies de l'époque de la colonisation européenne subsistent encore.

"Nous ne comprenons pas tout ce que les dragons des prairies sans oreilles font dans l'écosystème, mais nous pouvons supposer qu'ils jouent un rôle important dans la gestion des populations d'invertébrés", explique-t-elle à l'AFP. "Ils vivent dans des terriers creusés dans le sol, ce qui fait qu'ils aèrent probablement le sol", détaille-t-elle.

Pour Mme Bulling, si les programmes d'élevage sont importants, il est vital de protéger les habitats où les lézards élevés pourront être réintroduits.

Ces animaux "sont hautement spécialisés pour vivre dans leur habitat, mais ils ne s'adapteront pas rapidement au changement", prévient-elle.

L'année dernière, des scientifiques ont observé pour la première fois depuis 50 ans un petit nombre de spécimens d'une autre espèce de dragons sans oreilles, dans une zone tenue secrète pour les protéger.


Un nouveau livre se penche sur la vie des artistes arabes modernes

Jumana El-Husseini. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de Wael, Salem et Omar Bayazid)
Jumana El-Husseini. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de Wael, Salem et Omar Bayazid)
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  • Les artistes sont originaires du Golfe, du Levant et d'Afrique du Nord et ont travaillé entre les années 1950 et 1980, à une époque où la scène artistique de la région MENA était bien moins importante qu'elle ne l'est aujourd'hui.
  • "Toutes les conversations étaient chargées d'émotion", se souvient-elle : " J'ai assisté à des appels Zoom et j'ai vu des hommes adultes pleurer.

DUBAI : L'auteur libanaise et experte en art Myrna Ayad a récemment publié "Alcove", un livre de 30 essais explorant la vie d'artistes modernes du monde arabe, célèbres ou oubliés. Mme Ayad a basé ses essais sur des entretiens intimes avec les parents, les étudiants et les amis proches des artistes.

"Je ne cherchais pas à décrire leur travail", explique Ayad à Arab News : " Mon but était de me concentrer sur la personne, ce qui l'a émue, ce qui l'a affectée, comment elle a vécu, comment elle a survécu et pourquoi elle a persévéré.

Les artistes sont originaires du Golfe, du Levant et d'Afrique du Nord et ont travaillé entre les années 1950 et 1980, à une époque où la scène artistique de la région MENA était bien moins importante qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Myrna Ayad. (fournie)

 

"Malgré la géographie, ils se connaissaient tous et étaient amis", explique Ayad. "Ils exposaient les uns à côté des autres et délibéraient ensemble. À l'époque, il y avait des capitales culturelles clés comme Bagdad, Beyrouth et Le Caire, et c'est là qu'ils se réunissaient tous. C'étaient des gens qui partageaient les mêmes idées". Ce qui les unissait également, c'était le sens de la lutte, qu'elle soit politique, personnelle ou professionnelle. "Il n'était pas facile d'être un artiste à l'époque", déclare Ayad.  

Ils étaient également des documentaristes de leur temps, dépeignant des événements historiques et politiques contemporains.

"Ils abordaient les sujets sans détour", explique Ayad. "Ils avaient suffisamment de liberté et de confiance pour le faire, et c'est pourquoi on trouve beaucoup de réponses dans l'art arabe moderne.

Le terme "alcôve" dérive du mot arabe "al-qubba", qui signifie une voûte ou une chambre. Les entretiens que Mme Ayad a menés pour son livre ont permis à ses interlocuteurs de se remémorer de nombreux souvenirs. "Toutes les conversations étaient chargées d'émotion", se souvient-elle : " J'ai assisté à des appels Zoom et j'ai vu des hommes adultes pleurer.

Voici cinq artistes remarquables présentés dans "Alcove".  

Abdullah Al-Shaikh (1936 - 2019)

Abdullah Al-Shaikh. (Image reproduite avec la permission d’Ala’ Al-Shaikh)

 

L'artiste saoudien né en Irak était un introverti qui a consacré sa vie à peindre des scènes folkloriques, des paysages locaux et des compositions abstraites. "J'ai été fascinée par le fait que cet homme, qui a grandi dans un environnement relativement conservateur, appartenait à une famille qui ne s'opposait pas à la création artistique", explique Ayad. "Il ne l'a jamais fait pour la gloire ou la fortune, il était tout simplement très engagé. Al-Shaikh a organisé sa première exposition personnelle à Alkhobar en 1981, alors qu'il avait une quarantaine d'années.

Jumana El-Husseini (1932 - 2018) 

Jumana El-Husseini. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de Wael, Salem et Omar Bayazid)
Jumana El-Husseini. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de Wael, Salem et Omar Bayazid)

Issue de l'aristocratie palestinienne, El-Husseini a été exilée de son pays natal en 1948 et s'est finalement installée au Liban. " Comme d'autres Palestiniens, sa famille a subi un choc catastrophique. Ils ont perdu leur maison et Jumana ne s'en est jamais remise", explique Ayad. "Elle a canalisé sa douleur dans la peinture. De nombreuses œuvres d'El-Husseini représentent des paysages de Jérusalem, où elle est née. Au Liban, elle s'est mariée, a élevé une famille de trois fils et a obtenu un double diplôme en sciences politiques et en psychologie de l'enfant. Mais son cœur reste en Palestine. 

Nuha Al-Radi (1941 - 2004)

Nuha Al-Radi. (Image reproduite avec l'aimable autorisation d'Abbad Al-Radi)
Nuha Al-Radi. (Image reproduite avec l'aimable autorisation d'Abbad Al-Radi)

L'artiste irakienne a travaillé sur plusieurs supports, tels que la céramique, la peinture et les objets trouvés. Fille d'un ambassadeur, Al-Radi a vécu une vie cosmopolite, résidant en Inde, au Liban et au Royaume-Uni. Elle était également une diariste reconnue, qui a écrit sur la vie quotidienne pendant la première guerre du Golfe. Au début des années 2000, période de turbulences politiques, elle a créé un "junk art", des sculptures figuratives en bois décorées de plumes et d'ornements "en réponse aux sanctions occidentales contre l'Iraq", selon sa biographie.    

Mona Saudi (1945 - 2022)

Mona Saudi. (avec la permission de Dia Battal)
Mona Saudi. (Avec la permission de Dia Battal)

L'artiste jordanienne, célèbre pour ses sculptures abstraites en marbre, a mené une vie remarquable, marquée par la rébellion et la créativité. À l'âge de 17 ans, elle a quitté la Jordanie en taxi pour Beyrouth afin de poursuivre sa carrière artistique. "Elle a grandi dans un environnement conservateur. Son père lui a interdit d'aller à l'université", raconte Ayad.

À Beyrouth, elle côtoie des artistes et des poètes et, en 1964, organise une exposition dans un café. Les fonds récoltés lui permettent de financer ses études à Paris. Militante, elle dessine des affiches pour l'Organisation de libération de la Palestine.

Asim Abu Shakra (1961 - 1990)

Asim Abu Shakra. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de Karim Abu Shakra)
Asim Abu Shakra. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de Karim Abu Shakra)

Au cours de sa courte vie, l'artiste palestinien a utilisé le cactus comme motif symbolique, représentant la résilience et la robustesse, dans ses peintures chargées d'émotion.

"Il étudiait à Tel Aviv, en Israël", raconte Ayad. "Pouvez-vous imaginer ce que cela lui a fait sur le plan psychologique ? Il s'est senti déraciné et mis dans une boîte. Il est séparé et seul. 

Abu Shakra est mort d'un cancer à l'âge de 29 ans. "Lorsque les cactus sont devenus de plus en plus sombres dans ses peintures, c'est à ce moment-là qu'il a été de plus en plus malade", explique M. Ayad.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com