Emmanuel Macron, président qui bouscule en France comme en politique étrangère

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Publié le Mercredi 20 avril 2022

Emmanuel Macron, président qui bouscule en France comme en politique étrangère

  • "Le président caméléon", comme l'a qualifié le quotidien Le Monde, a changé, adapté sa politique durant ces cinq ans de pouvoir
  • Plus jeune président que la France ait connu, jamais élu auparavant, l'ancien ministre de l'Economie du socialiste François Hollande, a été propulsé au sommet en 2017 à seulement 39 ans

PARIS: Ses positions clivantes sur certains sujets et son exercice vertical du pouvoir ont heurté une partie des Français, jugeant Emmanuel Macron déconnecté de leurs réalités, mais sur le plan international, sa ténacité et son volontarisme ont fait avancer des sujets mémoriels et des enjeux européens.


"Le président caméléon", comme l'a qualifié le quotidien Le Monde, a changé, adapté sa politique durant ces cinq ans de pouvoir, en bousculant et décontenançant les Français, qui l'ont souvent taxé d'arrogance.


Plus jeune président que la France ait connu, jamais élu auparavant, l'ancien ministre de l'Economie du socialiste François Hollande, a été propulsé au sommet en 2017 à seulement 39 ans, en utilisant avec maestria son image d'outsider ni de droite ni de gauche, et en surfant sur le délitement des partis traditionnels.


Entouré d'une équipe fidèle de trentenaires passés par la publicité, les cabinets de consultants ou la haute administration, M. Macron, diplômé de la prestigieuse Ecole nationale d'administration (ENA), pur produit du système, ex-banquier d'affaires, a constamment montré une volonté de surprendre, quitte à choquer.


Il s'est vu très tôt qualifié de "président des riches" et des élites urbanisées, notamment après deux décisions parallèles de son début de mandat que la gauche n'a jamais acceptées: suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et baisse des aides au logement.


Pour un certain nombre de Français, son parcours et ses sorties maladroites voire méprisantes - les gens "qui ne sont rien", les "fainéants" réfractaires à toute réforme ou la prétendue possibilité pour les chômeurs de "trouver du travail en traversant la rue" - l'ont fait apparaître trop déconnecté de leur réalité quotidienne.


Emmanuel Macron s'est alors aliéné définitivement une partie de la gauche, dont il est pourtant issu, et des milieux populaires.


En décembre, il assurait pourtant lors d'un entretien télévisé avoir "acquis (...) beaucoup plus de respect pour chacun", condition sans laquelle "on ne fait rien bouger", reconnaissait-il, tout en revendiquant "une volonté de bousculer" dans l'exercice du pouvoir.

« En même temps »

A l'heure de l'urgence du changement climatique, assurant que "la France va prendre le tournant de la 5G", M. Macron a aussi balayé en 2020 les critiques des écologistes en ironisant sur ceux qui préfèreraient le "retour à la lampe à huile".


Sa proximité avec les cabinets de consultants, auxquels il a largement eu recours, ont encore écorné son image à la fin d'un mandat indélébilement marqué par le mouvement populaire des "Gilets jaunes" dénonçant sa politique sociale et fiscale en 2018-2019.


Les violences - et le nombre élevé de blessés, notamment des personnes éborgnées par des tirs des forces de sécurité - ont profondément choqué une partie des Français.


Il a également pris des paris risqués, notamment celui de refuser en pleine pandémie un nouveau confinement réclamé par experts et ministres en janvier 2021, mais cette décision sera au final portée à son crédit.


Emmanuel Macron termine d'ailleurs son mandat plus populaire que ne l'étaient à la même période ses deux prédécesseurs, le socialiste François Hollande et le conservateur Nicolas Sarkozy.


Délaissant finalement ses habits de réformiste libéral, le chef de l'Etat a opté pour des aides sociales et économiques massives pendant la pandémie, résumées par la formule "quoi qu'il en coûte".


Ces dernières semaines, il a aussi voulu renouer avec ce fameux "en même temps" de sa campagne de 2017, en mettant en avant les mesures sociales de son projet, au moment où le report des voix de gauche s'annonce crucial.


"Nos vies valent plus que leurs profits", a-t-il ainsi osé lors d'un meeting à Nantes (ouest), en reprenant un slogan d'extrême gauche.

Spectaculaire réchauffement avec le Rwanda

Mouvant sur certains terrains idéologiques, il ne s'est en revanche jamais départi d'un solide credo pro-européen. Il a fait de l'Europe le pilier central de sa diplomatie depuis cinq ans. Il plaide notamment pour le renforcement de l'Europe de la défense.


Aucun dirigeant n'a autant parlé au président russe Vladimir Poutine depuis un mois et demi que M. Macron, en position d'intermédiaire pour les autres alliés occidentaux et pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky.


Le président sortant a aussi lancé - et fait avancer la société française - sur plusieurs chantiers mémoriels bloqués depuis des décennies.


Son quinquennat a été marqué par un spectaculaire réchauffement entre Paris et Kigali, après la publication en 2021 d'un rapport d'historiens - demandé par Emmanuel Macron - reconnaissant les "responsabilités accablantes" de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.


Il a multiplié les efforts pour "apaiser" les mémoires de la guerre d'Algérie, avec par exemple la reconnaissance de la responsabilité de l'armée française dans les morts du jeune mathématicien communiste Maurice Audin et de l'avocat nationaliste Ali Boumendjel en 1957.


Dans un discours qui a surpris - aucun de ses prédécesseurs n'avait présenté d'excuses au nom de la France - Emmanuel Macron a demandé "pardon" aux harkis, supplétifs algériens de l'armée française, qui furent "abandonnés" par Paris. Il a aussi exprimé la "reconnaissance" de la France envers les rapatriés d'Algérie. 


Le premier président français né après la décolonisation a aussi pris des mesures pour apaiser les relations avec l'Afrique: fin programmée du franc CFA, restitution d'oeuvres ou organisation d'un sommet inédit Afrique-France sans chefs d'Etat du continent, privilégiant la société civile, où des jeunes Africains l'ont apostrophé dans un dialogue sans concessions.


Droit du travail: le gouvernement se donne jusqu'en septembre pour cadrer la négociation

Cette photographie montre l'entrée du ministère du Travail, à Paris, le 17 janvier 2025. (AFP)
Cette photographie montre l'entrée du ministère du Travail, à Paris, le 17 janvier 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement lance des négociations larges sur le droit du travail et l’assurance chômage, avec une lettre de cadrage attendue la semaine prochaine
  • Parmi les mesures envisagées : monétisation de la cinquième semaine de congés, suppression de deux jours fériés, lutte contre les temps partiels subis et assouplissement des CDD et intérim

PARIS: Le ministère du Travail a indiqué vendredi que la feuille de route de la négociation sur le droit du travail, avec notamment la possible monétisation de la cinquième semaine de congés payés, serait envoyée en septembre pour poursuivre "la concertation préalable".

Plaidant qu'"il faut travailler plus", le Premier ministre François Bayrou avait souhaité le 15 juillet que les partenaires sociaux ouvrent des négociations sur une nouvelle réforme de l'assurance chômage et sur le droit du travail pour participer à l'effort budgétaire.

Le ministère doit adresser "dans le courant de la semaine prochaine" la "lettre de cadrage" fixant le cadre de la négociation d'une nouvelle réforme de l'assurance chômage avec des discussions prévues "jusqu’à la mi-novembre", ainsi que le document d'orientation concernant la suppression de deux jours fériés pour une négociation qui doit durer "jusqu’à la fin du mois de septembre".

Mais les autres mesures ayant trait à "la modernisation du marché du travail et la qualité du travail" feront l'objet d'un document d'orientation à la rentrée. Outre la monétisation de la cinquième semaine de congés payés, il s'agit notamment de lutter contre les temps partiels subis, de "fluidifier" le marché du travail avec des assouplissements sur les CDD et les contrats d'intérim ou encore de dispositions sur l’indemnisation des arrêts maladie.

"Un envoi en septembre plutôt que début août répond à une demande de certains des partenaires sociaux de pouvoir poursuivre la concertation préalable à l’envoi de ce document d’orientation", a expliqué le ministère, ajoutant que cela "permettra de continuer à recueillir leurs avis, leurs idées et leurs priorités pour enrichir ce document".

Le calendrier de cette négociation doit s'étendre "sur plusieurs mois, au minimum jusqu’à la fin de l’année 2025", selon la même source.


Paris salue la conférence de New York et poursuit l’initiative avec Riyad

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite des entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide destinée à Gaza, dans la ville frontalière égyptienne d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite des entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide destinée à Gaza, dans la ville frontalière égyptienne d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. (AFP)
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  • Paris et Riyad poussent pour une reconnaissance collective de l’État palestinien
  • La France appelle à un cessez-le-feu, la levée du blocus et le désarmement du Hamas

PARIS: Sur fond de crise humanitaire d’une cruauté inqualifiable dans la bande de Gaza, le président Emmanuel Macron a annoncé une opération de largage de vivres conduite par la France, avec le soutien de la Jordanie, des Émirats arabes unis et de l’Allemagne.

« Face à l’urgence absolue, nous venons de conduire une opération de largage de vivres à Gaza », a déclaré le chef de l’État sur X, en remerciant les partenaires impliqués et saluant l’engagement des forces armées françaises.

Mais, de son point de vue, ces largages restent insuffisants : « Il faut qu’Israël ouvre un plein accès humanitaire », a-t-il insisté, réitérant l’exigence française d’une levée immédiate du blocus des aides.

Au-delà de la réponse d’urgence, Paris entend porter une initiative diplomatique structurante : la conférence internationale co-présidée à New York par la France et l’Arabie saoudite a marqué un tournant en posant un cadre politique ambitieux.

Cette conférence, tenue en l’absence des États-Unis et d’Israël, a réuni plus de 40 ministres et 120 participants, aboutissant à l’adoption d’un plan d’action en 42 points.

Malgré les réticences et le scepticisme ambiants, elle a permis l’émergence d’une dynamique inédite vers la reconnaissance de l’État palestinien et un processus de paix régional.

Le plan d’action validé à New York constitue désormais un socle politique partagé entre acteurs européens, puissances arabes, Union européenne et Ligue arabe.

Ce texte appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la libération de tous les otages, à l’acheminement massif de l’aide humanitaire, mais surtout à la mise en œuvre concrète de la solution à deux États.

Il prévoit notamment un processus progressif de désarmement du Hamas, condition indispensable à la stabilisation durable de la région.

Pour la France, ce texte marque une rupture avec l’impasse diplomatique des dernières décennies et propose pour la première fois un mécanisme concerté de démilitarisation et de réintégration de Gaza dans le giron de l’Autorité palestinienne.

Le document évoque même la possibilité de confier les armes du Hamas à une tierce partie sous supervision internationale, afin de garantir qu’elles ne soient plus utilisées.

Ce volet, essentiel pour Israël, est aussi le fruit d’un consensus entre les États arabes partenaires, y compris ceux perçus comme proches du Hamas.

Sur le front politique, Paris se réjouit de l’effet de levier de la conférence : peu après, plusieurs pays — Portugal, Royaume‑Uni, Canada — ont annoncé leur volonté de reconnaître l’État palestinien, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.

Une coalition de volontaires est en train de se constituer : quinze États, aux côtés de la Ligue arabe et de l’Union européenne, ont d’ores et déjà signé une déclaration commune en ce sens.

La France espère ensuite entraîner d’autres partenaires européens, notamment l’Allemagne. « Nous continuons à travailler en E3 avec nos partenaires allemands et britanniques », indique une source haut placée.

Si Berlin reste prudent, des signes d’évolution apparaissent dans les récentes déclarations de sa ministre des Affaires étrangères. Paris entend maintenir ces échanges diplomatiques jusqu’à septembre.

Contrairement aux critiques israéliennes et américaines, la France affirme que cette dynamique de reconnaissance ne constitue pas un obstacle à la paix, mais un levier pour la relancer.

Le président Macron estime que cette reconnaissance, inscrite dans un cadre politique exigeant — avec une gouvernance palestinienne réformée et un désarmement du Hamas — peut rebâtir les conditions d’une solution durable.

Les ruptures des négociations avec le Hamas sont antérieures aux annonces de Paris, souligne-t-on à l’Élysée, et ne peuvent donc pas lui être imputées.

La reconnaissance collective envisagée en septembre serait également un signal fort en direction des modérés palestiniens, en particulier l’Autorité palestinienne, qui s’est engagée début juin à respecter une série d’exigences posées par la communauté internationale en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption.

Un des apports majeurs de la conférence de New York est l’introduction formelle de la question du désarmement du Hamas dans un cadre diplomatique multilatéral.

Jusqu’ici marginalisée ou qualifiée d’irréaliste, cette exigence est clairement codifiée dans le plan d’action. Des discussions sont en cours, y compris sur l’exil éventuel de certains cadres du mouvement auprès d’États tiers.

Le Hamas n’a pas accepté ces conditions, mais le message politique est clair : son isolement au sein du monde arabe s’accentue et sa marge de manœuvre se rétrécit.

Face à cette dynamique, Israël et l’administration américaine ont haussé le ton, estimant qu’une reconnaissance unilatérale de la Palestine constituerait une « insulte » aux victimes israéliennes du 7 octobre.

Le président américain Donald Trump a même imposé des sanctions ciblées contre certains membres de l’Autorité palestinienne et de l’OLP, en contradiction avec les efforts en cours pour renforcer cette autorité.

La position américaine révèle un décalage croissant avec une partie de la communauté internationale, y compris des alliés traditionnels, en raison de son soutien inconditionnel à Israël, malgré l’ampleur des pertes civiles à Gaza et la persistance de la colonisation en Cisjordanie.

Cet état de fait suscite déjà des interrogations en Europe, où des pays comme la Suède exigent, par exemple, le gel de la partie commerciale de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

La France, de son côté, entend poursuivre cette dynamique au-delà de la conférence de New York. Un sommet est prévu les 21 et 22 septembre, juste avant l’Assemblée générale de l’ONU, pour réunir les États prêts à reconnaître collectivement la Palestine et à faire vivre ce nouveau cadre politique.

« Il s’agit d’une coalition inédite, qui repose sur un équilibre entre exigences sécuritaires et reconnaissance des droits politiques du peuple palestinien », souligne-t-on à Paris.

En réaffirmant l’exigence d’un cessez-le-feu immédiat, la levée du blocus humanitaire, la libération des otages, mais aussi le désarmement du Hamas et la mise en place d’un État palestinien souverain, la France, de concert avec l’Arabie saoudite, tente de reconstruire une architecture de paix.


La défiance à l'égard de Macron et de Bayrou au plus haut, selon un sondage Paris, France

Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
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  • La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat
  • Le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi

PARIS: La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat, tandis que le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi.

Près des trois quarts des Français interrogés (73%) affirment ne pas faire confiance au chef de l'Etat et la moitié (49%) va jusqu'à "ne pas lui faire du tout confiance", le niveau le plus élevé atteint de son second mandat, qu'il n'a dépassé qu'une seule fois depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 au plus fort de la crise des gilets jaunes en décembre 2018.

Selon le sondage, seuls 21% des Français font confiance à Emmanuel Macron, soit un point de moins qu'en juin et 6 de perdus par rapport à mars.

Pour François Bayrou, qui a présenté à la mi-juillet les mesures d'économie prévues par le gouvernement dans son projet de budget pour l'année prochaine, la chute se poursuit avec seulement 12% des Français qui disent lui faire confiance, soit un nouveau record d'impopularité (-2 points).

La défiance à l'égard du chef du gouvernement a progressé, avec 80% des Français (+5 points en un mois) qui disent ne pas lui faire confiance et 56% qui affirment ne pas lui faire "du tout" confiance, soit un bond de 9 points depuis juin.

Au classement des personnalités, le RN Jordan Bardella conserve la première place avec 39% des Français (+3 points) qui ont une image positive de lui, devant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe (37%) et Marine Le Pen (35%).

A gauche, le mieux classé est l'ancien président François Hollande qui s'installe en huitième position grâce à un bond de 6 points en un mois.

Sondage réalisé par internet les 29 et 30 juillet auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Marge d'erreur entre 1,4 et 3,1 points.