Libye: l'industrie pétrolière subit de plein fouet la crise politique

La baisse des exportations libyennes contribue à maintenir les marchés sous pression (Photo, AFP).
La baisse des exportations libyennes contribue à maintenir les marchés sous pression (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 21 avril 2022

Libye: l'industrie pétrolière subit de plein fouet la crise politique

  • La production pétrolière, principale source de revenus de la Libye, est de nouveau otage des divisions politiques
  • La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a annoncé ces derniers jours l'arrêt des opérations dans deux importants terminaux pétroliers et la fermeture de plusieurs champs

TRIPOLI: La production pétrolière, principale source de revenus de la Libye, est de nouveau otage des divisions politiques, avec une vague de fermetures forcées de sites pétroliers, conséquence de l'affrontement entre deux gouvernements rivaux. 

La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a annoncé ces derniers jours l'arrêt des opérations dans deux importants terminaux pétroliers et la fermeture de plusieurs champs.

Résultat: des pertes de plus de 600 000 barils par jour, soit la moitié de la production quotidienne, alors que le pays doté des réserves les plus abondantes d'Afrique est en proie à une inextricable crise institutionnelle.

En février, le Parlement siégeant dans l'Est a désigné Fathi Bachagha comme nouveau Premier ministre. Mais celui-ci n'a pas réussi à évincer l'exécutif en place d'Abdelhamid Dbeibah, lequel refuse de remettre le pouvoir avant la tenue d'élections.

Considérés comme proches du camp de l'Est, les groupes à l'origine des blocages pétroliers réclament le transfert du pouvoir à M. Bachagha, soutenu par le maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'Est qui contrôle de facto plusieurs installations pétrolières. 

"La fermeture des champs pétroliers est une manifestation directe de la crise politique aiguë qui se joue actuellement entre le camp pro-Haftar et le camp pro-Dbeibah", résume Jalel Harchaoui, chercheur spécialiste de la Libye.

Car c'est bien le "commandement général de la coalition Haftar qui institue délibérément un blocus pétrolier dans le but d'accroître la pression occidentale sur Dbeibah" pour qu'il "abandonne ses fonctions", décrypte-t-il.

«Enquête»

En fermant les vannes, le camp de l'Est veut priver le gouvernement Dbeibah du nerf de la guerre, l'argent du pétrole, et ainsi "forcer sa démission", abonde Hamish Kinnear, de l'institut d'analyse Verisk Maplecroft.

Or, M. Dbeibah a réaffirmé mardi qu'il ne céderait le pouvoir qu'à un gouvernement élu, exhortant "le procureur général à ouvrir une enquête" sur les blocages pétroliers.

Ces turbulences surviennent au moment où "les prix du pétrole et du gaz flambent" sous l'impact de la guerre en Ukraine, a déploré la NOC. 

La baisse des exportations libyennes contribue à maintenir les marchés sous pression, faisant les affaires de la Russie, qui joue un rôle de premier plan en Libye en soutenant le maréchal Haftar, y compris militairement avec des mercenaires de la compagnie privée Wagner liée au Kremlin.

Début 2020, en pleine guerre civile, Khalifa Haftar avait déjà instauré un blocus pétrolier, mais l'échec quelques mois plus tard de son offensive sur la capitale l'avait convaincu d'y renoncer. Ce blocage avait entraîné près de 10 milliards de dollars de pertes. La production a peu à peu rebondi à 1,2 million de barils par jour en moyenne, dont l'essentiel est exporté.

«Etincelle»

Cette fois, explique Jalel Harchaoui, "l'étincelle" a été un "accord conclu entre la NOC et le gouvernement de Dbeibah le 13 avril" portant sur le transfert de "8 milliards" de dollars issus des revenus pétroliers dans les caisses du gouvernement, au grand dam de l'exécutif parallèle, qui a fustigé un "gaspillage délibéré de l'argent public pour des intérêts personnels et politiques étroits".

En retour, la NOC va "recevoir des allocations de financement d'urgence du ministère des Finances pour ses opérations", souligne de son côté M. Kinnear.

Pour Jalel Harchaoui, "cet échange de bons procédés a été perçu comme ayant renforcé la viabilité financière de Dbeibah. Or Haftar et ses partisans tiennent à ce qu'il soit étouffé et le demeure jusqu'à l'effondrement" de son gouvernement.

Mardi, l'ambassadeur des Etats-Unis, Richard Norland, et le sous-secrétaire adjoint du département du Trésor, Eric Meyer, ont mis en garde lors d'un entretien avec le gouverneur de la banque centrale libyenne contre toute utilisation des revenus pétroliers "à des fins politiques partisanes", selon l'ambassade américaine à Tripoli.

Au moment où tous les regards sont tournés vers l'Ukraine, les risques que la crise actuelle en Libye débouche sur un nouveau conflit armé semblent réels.

"Il est encore possible que nous assistions à une transition pacifique, mais vu la vitesse à laquelle Haftar perd patience, nous sommes aussi dans une situation qui pourrait facilement dégénérer en une véritable guerre", met en garde M. Harchaoui.


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Short Url
  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
Short Url
  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Short Url
  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.