La livraison d'armes lourdes à Kiev, un défi logistique en deux temps

Vue d'un bâtiment endommagé suite à un bombardement dans la deuxième ville d'Ukraine, Kharkiv, le 3 mars 2022. (AFP)
Vue d'un bâtiment endommagé suite à un bombardement dans la deuxième ville d'Ukraine, Kharkiv, le 3 mars 2022. (AFP)
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Publié le Mercredi 27 avril 2022

La livraison d'armes lourdes à Kiev, un défi logistique en deux temps

  • Réclamée de longue date par Kiev, cette aide militaire se concrétise au moment où les forces ukrainiennes font face à une lente progression de l'armée russe
  • Si les combats montent encore en intensité, les annonces faites à ce stade en matière d'envoi d'équipements militaires pourraient également se révéler rapidement insuffisantes

PARIS: Formation, munitions, maintenance : l'envoi d'armes lourdes par des pays de l'Otan à l'Ukraine pour l'épauler face à l'offensive militaire russe fait figure de défi logistique, sur le papier mesuré, mais qui pourrait, si le conflit s'éternise, atteindre ses limites, estiment des spécialistes.


Emboîtant le pas à la France, à la Grande-Bretagne, aux États-Unis ou encore à la République Tchèque, l'Allemagne a annoncé mardi qu'elle allait autoriser la livraison de blindés de type "Guepard" à l'Ukraine, dont une partie du territoire est bombardée depuis le 24 février par Moscou. 


Réclamée de longue date par Kiev, cette aide militaire se concrétise au moment où les forces ukrainiennes font face à une lente progression de l'armée russe dans le Donbass, dans l'est, et dans le sud du pays. 


Dans ce contexte, l'envoi "d'artillerie automotrice, de chars de combat et de blindés est à même de donner un punch considérable aux forces ukrainiennes, voire de rétablir certaines capacités amoindries par deux mois de guerre", souligne Léo Péria-Peigné, de l'Institut français des relations internationales (Ifri). 


Cet "apport capacitaire de court terme l'emporte" à ce stade "sur les considérations logistiques de moyen terme, qu'il faudra néanmoins poser", ajoute le chercheur français. 


Pour l'heure, ces dernières semblent assez mesurées. 


Écartant les équipements nécessitant plusieurs mois de formation et un soutien logistique énorme à l'image des chars Abrams américains, Paris, Washington, Londres et Prague ont par ailleurs privilégié des équipements requérant un appui logistique limité.


Les chars soviétiques tchèques, assez proches de ceux utilisés par l'Ukraine, ne devraient ainsi nécessiter que quelques heures de formation avant leur prise en main par l'armée ukrainienne.


Quant aux canons Caesar français, ils sont réputés pour être "simples d'emploi", relève Marc Chassillan ingénieur militaire français, spécialiste des chars et blindés. "On peut comprendre comment ils fonctionnent en une matinée."

Savoir-faire industriel 
La situation est un peu plus complexe, en revanche, concernant les Guepards allemands, dotés d'un "système d'arme sophistiqué" et "très exigeant" qui requiert une formation d'au moins "plusieurs semaines", ajoute le spécialiste.


Également envisagé, l'envoi des blindés allemands Marder à Kiev qui devraient, eux, moins poser de problème à des "combattants ukrainiens chevronnés qui combattent depuis 2014", selon l'ancien haut responsable allemand de l'Otan Hans Lothar Domröse. 


Une fois la question de la formation évacuée, reste celle de la maintenance. Comment assurer l'entretien de ces équipements et acheminer notamment les pièces détachées en cas de panne ou de destruction partielle ?


Pour M. Péria-Peigné, "cette question est complexe, mais peut-être moins que dans d'autres pays n'étant pas dotés du potentiel industriel de l'Ukraine qui dispose d'infrastructures et d'un savoir-faire non négligeable en matière de véhicules militaires et d'industrie lourde". 


"Si la coopération entre industriels européens et militaires ukrainiens se déroule sans heurt, la question de l'entretien devrait suivre sans obstacles particuliers", ajoute-t-il. 


Pour Carlo Masala, expert en défense et sécurité à l'Université de la Bundeswehr de Munich, la question de la maintenance ne doit pas entrer dans l'équation immédiate. 


"Formez-les à utiliser le modèle, envoyez-les en Ukraine. S'ils peuvent utiliser le Marder pendant trois semaines, c'est mieux que rien. Si le Marder tombe en panne, alors OK, pas de chance", a-t-il déclaré sur la chaîne allemande Deutsche Welle. 

Pénurie de munitions ? 
Reste l'épineuse question des munitions qui pourrait, elle, se révéler réellement handicapante si le conflit s'éternise. 


"Tout le monde espère que le conflit va s’arrêter rapidement", explique Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Mais s'il se prolonge, le risque d'une pénurie de munitions n'est pas exclu, notamment concernant les canons Caesar". 


L'annonce par l'Australie, le Canada et les États-Unis de l'envoi de pièces de 155 mm - du même calibre que les Caesar -  pourrait toutefois permettre de mutualiser le stock. 


La question se pose également pour les blindés Marder qui dépendent de munitions produites en Suisse. Or, cette dernière a opposé son veto à l'envoi de munitions hélvétiques à Kiev via l'Allemagne. "Une impasse logistique" "bien plus dangereuse à court terme que la question des pièces détachées", pour M. Péria-Peigné. 


Si les combats montent encore en intensité, les annonces faites à ce stade en matière d'envoi d'équipements militaires pourraient également se révéler rapidement insuffisantes.


"Si on fait la somme de ce qui est annoncé comme étant livré par les uns et les autres et qu'on met ça au regard des pertes enregistrées au cours des huit dernières semaines - en munitions, en matériel, etc - au rythme actuel de l'attrition, cela va permettre de durer un mois et demi, pas plus", jauge M. Chassillan. 


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com