Washington et Moscou ravivent un rituel de la Guerre froide avec l'échange de prisonniers

Alors que l'Occident a pris fait et cause pour l'Ukraine envahie par la Russie, les Etats-Unis ont insisté sur le fait qu'ils ne faisaient aucune ouverture diplomatique vers Moscou (Photo, AFP).
Alors que l'Occident a pris fait et cause pour l'Ukraine envahie par la Russie, les Etats-Unis ont insisté sur le fait qu'ils ne faisaient aucune ouverture diplomatique vers Moscou (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 28 avril 2022

Washington et Moscou ravivent un rituel de la Guerre froide avec l'échange de prisonniers

  • Avant la fin de la Guerre froide en 1991, les deux superpuissances échangeaient dans le brouillard de la nuit des prisonniers
  • L'échange le plus célèbre date de 1986, lorsque le principal dissident soviétique Natan Chtcharanski a été libéré

WASHINGTON: Des négociations discrètes en pleine crise internationale, conclues par un envol vers la liberté sur le tarmac d'un aéroport: avec un échange de prisonniers très scénarisé, la Russie et les Etats-Unis ont ravivé mercredi un rituel datant de la Guerre froide.

Alors que l'Occident a pris fait et cause pour l'Ukraine envahie par la Russie, les Etats-Unis ont insisté sur le fait qu'ils ne faisaient aucune ouverture diplomatique vers Moscou, mais cet échange montre que les deux puissances entretiennent encore des relations sur des sujets spécifiques.

Des images de la télévision russe ont montré l'ancien Marine américain Trevor Reed, 30 ans, vêtu d'un manteau, sortir d'une camionnette accompagné par trois soldats russes en tenue de camouflage, apparemment sur le tarmac d'un aéroport.

L'avion s'est rendu en Turquie - qui, contrairement aux pays de l'Union européenne, n'a pas interdit son espace aérien aux avions russes - où il a été échangé contre Konstantin Yaroshenko, un pilote reconnu coupable de trafic de drogue et emprisonné aux Etats-Unis.

"L'avion américain s'est arrêté à côté de l'avion russe et ils ont fait traverser les deux prisonniers en même temps, comme dans les films", a raconté à CNN le père de Trevor Reed, Joey, peu de temps après l'annonce simultanée de sa libération par Washington et Moscou. 

L'accord est intervenu malgré une ambassade américaine presque vide à Moscou, Washington se plaignant depuis longtemps des restrictions russes sur son personnel. 

Avant la fin de la Guerre froide en 1991, les deux superpuissances échangeaient dans le brouillard de la nuit des prisonniers sur le pont Glienicke de Berlin.

Préserver des liens

Surnommé le "pont des espions", il reliait la zone américaine de Berlin-Ouest à la ville est-allemande de Potsdam, en enjambant la rivière Havel. 

L'échange le plus célèbre date de 1986, lorsque le principal dissident soviétique Natan Chtcharanski a été libéré en échange d'un ressortissant tchécoslovaque et de sa femme accusés d'espionnage au profit de Moscou.

Trevor Reed, condamné pour avoir agressé des policiers en état d'ébriété, ce qu'il nie, n'a pas l'importance de Chtcharanski et sa libération a peu d'implications politiques.

"Je pense qu'aucune des deux parties ne veut vraiment couper complètement les liens", estime Donald Jensen, ancien membre de l'ambassade des Etats-Unis à Moscou.

"Et soyons honnêtes, un échange de prisonniers est important pour les familles mais dans une certaine mesure, il est relativement mineur en termes de relation globale", dit le directeur pour la Russie et l'Europe au centre de réflexion Institute of Peace.

Le président russe Vladimir Poutine a longtemps parlé d'échanger des prisonniers, y compris après son sommet avec son homologue américain Joe Biden en juin 2021.

Le moment choisi, en pleine guerre en Ukraine, pourrait montrer que M. Poutine peut toujours faire affaire avec les Etats-Unis, selon M. Jensen.

Pour la Russie, un tel échange rappelant la Guerre froide est également important "pour son image d'égale des Etats-Unis, qu'elle et les États-Unis sont des superpuissances et qu'elles décident des choses comme celle-ci", a déclaré Jensen.

L'administration Biden estime pour sa part qu'elle doit préserver au moins certaines relations avec la Russie dans des domaines clés, notamment la diplomatie sur l'Iran, explique-t-il.

Priorité diplomatique

La libération des prisonniers américains dans le monde est une priorité de la politique étrangère de toutes les administrations. Le sort des Américains actuellement détenus par l'Iran pèse ainsi lourdement sur les négociations pour relancer l'accord nucléaire de 2015 avec Téhéran.

En 2019, malgré de fortes tensions, de hauts responsables américains et iraniens se sont rendus à Zurich pour superviser un autre échange sur un tarmac.

Le mois dernier, une délégation américaine de haut niveau a également aidé à obtenir la libération d'Américains d'un autre gouvernement hostile, le Venezuela.

Au moins deux autres Américains sont emprisonnés en Russie: Paul Whelan, ancien responsable de la sécurité d'une entreprise de pièces automobiles, et Brittney Griner, une joueuse de basket-ball accusée de possession de drogue.  D'autres échanges de ce type pourraient être en cours.

Le dernier échange de prisonniers entre Washington et Moscou a eu lieu en 2010 à Vienne. 

Il comprenait Anna Chapman, une jeune Russe installée à New York et arrêtée pour espionnage, et Sergueï Skripal, ancien officier du renseignement russe et agent double pour la Grande-Bretagne. 

Son empoisonnement en 2018, dans le sud de l'Angleterre où il s'était réfugié, avait déclenché une crise diplomatique majeure avec la Russie, qui a toujours démenti avoir tenté d'assassiner l'ex-espion.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com