À Kiev, Nancy Pelosi affiche la solidarité «sans équivoque» des Etats-Unis

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, durant sa visite surprise dimanche à Kiev où elle s'est entretenue avec le président Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, durant sa visite surprise dimanche à Kiev où elle s'est entretenue avec le président Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 01 mai 2022

À Kiev, Nancy Pelosi affiche la solidarité «sans équivoque» des Etats-Unis

  • Cette visite intervient une semaine après le déplacement à Kiev du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et du ministre américain de la Défense Lloyd Austin
  • Au cours de leur déplacement, les deux responsables ont annoncé le retour progressif d'une présence diplomatique américaine en Ukraine et une aide supplémentaire

KIEV: La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a affiché la solidarité "sans équivoque" des Etats-Unis à l'Ukraine, au cours d'une visite surprise dimanche à Kiev où elle s'est entretenue avec le président Volodymyr Zelensky.

"Les Etats-Unis sont un chef de file dans le soutien solide de l'Ukraine dans la lutte contre l'agression russe", a twitté le président ukrainien pour accompagner une vidéo où on le voit, flanqué de gardes armés, accueillir Mme Pelosi et une délégation du Congrès devant la présidence à Kiev et ensuite en réunion avec la délégation américaine.

"Notre délégation s'est rendue à Kiev pour envoyer un message sans équivoque et retentissant au monde entier: les Etats-Unis sont aux côtés de l'Ukraine", selon un communiqué de la délégation américaine publié à l'issue de la visite de leur délégation, qui doit se rendre ensuite en Pologne.

"Un soutien américain supplémentaire est en route", soulignent les parlementaires américains qui assurent qu'ils vont "transformer la forte demande de financement du président Biden en un paquet législatif".

Le président Zelensky s'est de son côté félicité des "signaux très importants" donnés par les Etats-Unis et le président Joe Biden dont le programme Lend-Lease (Prêt-Bail) pour l'Ukraine, comme celui mis en place par les Etats-Unis pendant la Deuxième guerre mondiale, afin de fournir aux pays amis du matériel de guerre sans intervenir directement dans le conflit.

Cette visite intervient une semaine après le déplacement à Kiev du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et du ministre américain de la Défense Lloyd Austin.

Au cours de leur déplacement, les deux responsables ont annoncé le retour progressif d'une présence diplomatique américaine en Ukraine et une aide supplémentaire, directe et indirecte, de plus de 700 millions de dollars.

Moscou annonce l'évacuation de près de 50 civils du territoire de l'usine Azovstal à Marioupol

Le ministère de la Défense russe a déclaré dimanche que près de cinquante civils avaient été évacués samedi du territoire de l'usine Azovstal à Marioupol, port du sud-est de l'Ukraine assiégé par les Russes.


"Le 30 avril, après l'instauration d'un cessez-le-feu et l'ouverture d'un couloir humanitaire, deux groupes de civils ont quitté les bâtiments d'habitation adjacents au territoire de l'usine métallurgique d'Azovstal", a déclaré sur Telegram le ministère.


"Dans l'après-midi, 25 riverains sont sortis. En début de soirée, un deuxième groupe de 21 personnes est parti, qui a été emmené à Bezimennoïé", une ville située à l'est de Marioupol, à mi-chemin entre cette ville portuaire et la frontière russe.


"Tous les civils ont reçu un logement, de la nourriture et l'assistance médicale nécessaire", ont assuré les autorités russes, qui ne précisent pas où a été emmené le premier groupe.


Dans une vidéo diffusée par le ministère de la Défense russe, on aperçoit un convoi de voitures et de bus rouler dans le noir, ornés de la lettre "Z", devenue le symbole des forces armées russes dans ce conflit.


"Silence radio sur l'évacuation dans l'attente d'informations officielles. Nous demandons à chacun de s'abstenir de donner des informations depuis Marioupol aujourd'hui. Merci pour votre compréhension", a écrit pour sa part Petro Andriouchtchenko, conseiller du maire de Marioupol, sur Telegram.

Premiers civils extraits d'Azovstal

Dans la ville portuaire de Marioupol, dans le sud-est de l'Ukraine, presque entièrement détruite après des semaines de siège, un premier groupe de civils a été extrait dans la nuit de samedi à dimanche de l'aciérie Azovstal, dernière poche de la résistance ukrainienne dans cette cité.

La sortie d'une vingtaine de civils des sous-terrains de cet immense complexe industriel représente une grande première, toutes les précédentes tentatives d'évacuation ayant échoué.

Le régiment Azov, qui défend cette zone industrielle, a évoqué "vingt civils, des femmes et des enfants". "Ils ont été transférés vers un endroit convenu et nous espérons qu'ils seront évacués vers Zaporijjia, sur le territoire contrôlé par l'Ukraine", a déclaré Sviatoslav Palamar, commandant adjoint du régiment dans une vidéo sur Telegram.

De son côté, le ministère russe de la Défense a affirmé que deux groupes de civils, de 25 et 21 personnes, avaient pu sortir d'Azovstal, où sont terrés selon Kiev des centaines de militaires et de civils ukrainiens dans des galeries souterraines datant de l'époque soviétique.

Selon de nouvelles images satellite de Maxar Technologies prises le 29 avril, presque tous les bâtiments d'Azovstal ont été détruits.

La conquête totale de Marioupol permettrait à Moscou de faire la jonction entre les territoires conquis dans le sud, notamment la péninsule de Crimée annexée en 2014, jusqu'aux républiques séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk, à l'est.

C'est justement dans ce flanc oriental que l'armée russe, numériquement supérieure à son adversaire ukrainien et mieux dotée en artillerie, grignote du terrain, en cherchant à le prendre en étau depuis le nord et le sud afin de compléter son emprise sur le Donbass.

L'opération d'évacuation de civils d'Azovstal «se poursuit» selon le porte-parole de l'ONU

L'opération d'évacuation de civils du complexe sidérurgique Azovstal à Marioupol, dans le sud-est de l'Ukraine, "se poursuit" en coordination avec le CICR, a annoncé un porte-parole de l'ONU à Genève. 

"L'ONU confirme qu'une opération d'évacuation est en cours au complexe sidérurgique d'Azovstal, en coordination avec le CICR et les parties au conflit", a indiqué dimanche Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU, dans un courriel. Il a souligné ne pouvoir donner d'autre détail pour des raisons de sécurité. 

M. Laerke a précisé que "le convoi pour évacuer les civils a démarré le 29 avril, a franchi quelque 230 kilomètres et atteint le complexe à Marioupol samedi matin, heure locale". 

«Augmenter la pression»

Il s'agit de la "deuxième phase" de "l'opération militaire spéciale" lancée le 24 février par la président russe Vladimir Poutine, après le retrait des forces russes du nord de l'Ukraine et de la région de Kiev, mises en échec.

"Ce n'est pas comme en 2014, il n'y a pas un front défini le long d'un axe", explique Iryna Rybakova, officier de presse de la 93e brigade des forces ukrainiennes, en référence à la guerre qui a opposé Kiev à des séparatistes prorusses dans cette région il y a huit ans et n'a jamais totalement cessé.

"C'est un village à eux, un village à nous: il faut plutôt visualiser un échiquier", poursuit la militaire. Et après deux semaines d'assaut russe, "nous ne sommes pour le moment pas en capacité de faire reculer l'ennemi".

Le président Zelensky a alerté samedi sur le fait que les Russes "ont constitué des renforts dans la région de Kharkiv, essayant d'augmenter la pression dans le Donbass". 

Parallèlement, un haut responsable militaire ukrainien a indiqué samedi soir avoir informé le chef d'état-major de l'armée américaine Mark A. Milley de "la situation difficile dans l'est de notre pays, notamment dans les régions d'Izioum et de Sieverodonetsk, où l'ennemi a concentré l'essentiel de ses efforts et ses troupes les plus préparées au combat", deux villes situées à peu près dans l'axe Kharkiv-Lougansk.

Les quartiers nord-est de Kharkiv, deuxième ville du pays avec près de 1,5 million d'habitants avant la guerre, sont quotidiennement frappés par des roquettes russes, causant la mort de civils.

Mais la situation est parfois mouvante: Rouska Lozova, un village de quelques milliers d'habitants, situé à une vingtaine de kilomètres de cette métropole, a été repris vendredi par les forces ukrainiennes après deux mois sous occupation russe.

"Nous sommes restés dans les sous-sols sans nourriture pendant deux mois, nous mangions ce que nous avions", a dit à l'AFP un habitant de 40 ans, les yeux rougis de fatigue.

Ukraine: le pape demande des couloirs humanitaires pour Marioupol, "détruite de manière barbare"

Le pape François a renouvelé dimanche son appel à l'ouverture de couloirs humanitaires pour évacuer les civils de la ville ukrainienne de Marioupol, "bombardée et détruite de manière barbare".


"Mes pensées vont à la ville ukrainienne de Marioupol, ville de Marie, bombardée et détruite de manière barbare. Je renouvelle ma demande d'ouverture de couloirs humanitaires sécurisés", a déclaré le pape lors de la prière de l'Angélus sur la place Saint-Pierre au Vatican.

Johnson veut «renforcer l'Ukraine»

Côté armement, au milieu des grandes plaines vallonnées et des cités industrielles, le face à face se fait essentiellement à l'artillerie. Le rapport de force y est extrêmement favorable aux Russes, jusqu'à "cinq fois supérieur en termes d'équipement" selon Iryna Terehovytch, sergent de la 123e brigade ukrainienne.

Le soutien occidental représente dès lors un enjeu considérable, avec les Etats-Unis en pointe: leur président Joe Biden a demandé cette semaine au Congrès une colossale rallonge budgétaire de 33 milliards de dollars pour principalement livrer davantage d'aide militaire à Kiev.

Londres aussi affiche son aide: "le Royaume-Uni continuera à fournir une aide militaire et humanitaire pour donner aux Ukrainiens l'équipement dont ils ont besoin pour se défendre. Je suis plus déterminé que jamais à renforcer l'Ukraine et à faire en sorte que Poutine échoue", a twitté le Premier ministre britannique Boris Johnson samedi soir.

Un peu plus tôt, Emmanuel Macron avait dit au téléphone à son homologue ukrainien que la France allait "renforcer" ses envois de matériel militaire à l'Ukraine - notamment des canons longue portée - pour en "rétablir la souveraineté et l'intégrité territoriale".

Le président français avait aussi dit que se poursuivrait "la mission d'experts français contribuant au recueil de preuves pour (...) permettre le travail de la justice internationale relatif aux crimes commis dans le cadre de l'agression russe".

Cela faisait suite à l'annonce samedi par la police de la région de Kiev de la découverte la veille de trois corps dans une fosse commune de Myrotske, un village proche de Boutcha, petite ville devenue le symbole des atrocités imputées à la Russie.


Nationalisation du rail: Londres dévoile ses trains aux couleurs de l'Union Jack

Une photographie aérienne montre la gare ferroviaire Temple Mills International, dans l'est de Londres, le 27 octobre 2025. (AFP)
Une photographie aérienne montre la gare ferroviaire Temple Mills International, dans l'est de Londres, le 27 octobre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement travailliste britannique dévoile le nouveau design des trains, aux couleurs de l’Union Jack
  • Après des décennies de privatisation marquées par retards, annulations et scandales, sept opérateurs sont déjà sous contrôle public et Great British Railways deviendra l’entité centrale du système ferroviaire

LONDRES: Le gouvernement travailliste du Royaume-Uni a présenté mardi le nouveau design des trains britanniques, aux couleurs de l'Union Jack, amorçant leur uniformisation dans le cadre de la nationalisation du secteur.

Le logo de la nouvelle entité qui chapeautera les trains britanniques, Great British Railways (GBR), ainsi que les nouvelles couleurs, commenceront à être "déployés au printemps prochain sur les trains" et les sites internet, souligne le ministère des Transports dans un communiqué.

Le projet de loi pour nationaliser le rail, actuellement en débat à la Chambre des Communes, avait été annoncé dès le retour des travaillistes au pouvoir en juillet 2024, après 14 ans de gouvernement conservateur.

"Sept grands opérateurs ferroviaires sont déjà sous contrôle public, couvrant un tiers de l'ensemble des voyages de passagers en Grande-Bretagne", est-il souligné dans le communiqué.

La compagnie ferroviaire South Western Railway, qui opère dans le sud-ouest de l'Angleterre, est devenue en mai dernier la première à repasser dans le giron public. Tous les opérateurs doivent être placés sous contrôle étatique d'ici la fin 2027.

La privatisation du secteur a eu lieu au milieu des années 1990 sous le Premier ministre conservateur John Major, dans la continuité de la politique libérale de Margaret Thatcher dans les années 1980.

Malgré la promesse d’un meilleur service, d’investissements accrus et de moindres dépenses pour l'Etat, le projet était alors très impopulaire, dénoncé par les syndicats, l'opposition, certains conservateurs et une large partie de la population.

Le nombre de passagers s'est accru dans un premier temps, tout comme les investissements.

Mais un déraillement causé par des micro-fissures dans les rails, qui a fait quatre morts en 2000, a profondément choqué l'opinion publique.

Les annulations et les retards sont aussi devenus monnaie courante et les passagers se sont plaints des prix.

Le réseau ferré est déjà redevenu public, géré par la société Network Rail.


L'ONU fustige l'«apathie» du monde en lançant son appel humanitaire 2026

L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
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  • Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026
  • Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars

NATIONS-UNIES: L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre.

"C'est une époque de brutalité, d'impunité et d'indifférence", s'est emporté lors d'une conférence de presse à New York le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, dénonçant la "férocité et l'intensité des tueries", le "mépris total du droit international "et les "niveaux terrifiants de violences sexuelles".

"Une époque où notre sens de la survie a été engourdi par les distractions et corrodé par l'apathie, où nous mettons plus d'énergie et d'argent pour trouver de nouveaux moyens de nous entretuer, tout en démantelant les moyens durement gagnés de nous protéger de nos pires instincts, où les politiciens se vantent de couper les aides", a-t-il accusé, en présentant le plan humanitaire 2026.

Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026 à Gaza, au Soudan, en Haïti, en Birmanie, en RDC ou en Ukraine.

Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars pour sauver au moins 87 millions des personnes les plus en danger.

Ce plan "hyperpriorisé", qui passe également par des réformes pour améliorer l'efficacité du système humanitaire, est "basé sur des choix insoutenables de vie ou de mort", a commenté Tom Fletcher, espérant qu'avoir pris ces "décisions difficiles qu'ils nous ont encouragés à prendre" convaincra les Américains de revenir.

"Le plus bas en une décennie" 

En 2025, l'appel humanitaire de plus de 45 milliards de dollars n'a été financé qu'à hauteur d'un peu plus de 12 milliards, "le plus bas en une décennie". Permettant d'aider seulement 98 millions de personnes, soit 25 millions de moins que l'année précédente.

Selon les chiffres de l'ONU, les Etats-Unis sont restés en 2025 le premier pays donateur des plans humanitaires dans le monde, mais avec une chute majeure: 2,7 milliards de dollars, contre 11 milliards en 2024.

En haut des crises prioritaires en 2026, Gaza et la Cisjordanie pour lesquels l'ONU réclame 4,1 milliards de dollars pour aider 3 millions de personnes, ainsi que le Soudan (2,9 milliards pour 20 millions de personnes) où le nombre de déplacés par le conflit sanglant entre généraux rivaux ne cesse d'augmenter.

Parmi ces déplacés, cette jeune mère que Tom Fletcher a récemment rencontrée au Darfour, à Tawila, où affluent les survivants des combats dans la grande ville voisine d'El-Facher.

Elle a vu son mari et son enfant tués sous ses yeux, avant de s'enfuir, avec le bébé affamé de ses voisins morts eux-aussi, puis d'être attaquée et violée "sur la route la plus dangereuse du monde" qui la conduira enfin à Tawila, a-t-il raconté.

"Est-ce que quiconque, quel que soit d'où vous venez, ce que vous pensez, pour qui vous votez, pense qu'on ne devrait pas l'aider!".

L'ONU va désormais frapper à la porte des gouvernements de la planète, pendant les 87 prochains jours, un jour pour chaque million de vie à sauver.

Et s'il y a toujours un trou, Tom Fletcher prévoit une campagne plus large vers la société civile, les entreprises et les gens normaux qu'il estime abreuvés par de fausses informations surestimant la part de leurs impôts destinés à l'aide à l'étranger.

"Nous ne demandons qu'à peine un peu plus de 1% de ce que le monde dépense en armes et en programmes de défense. Je ne demande pas aux gens de choisir entre un hôpital à Brooklyn ou un hôpital à Kandahar. Je demande au monde de dépenser moins en défense et plus en humanitaire".


Kajsa Ollongren : Cessez d’armer le Soudan, la CPI doit agir à Gaza

Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
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  • La représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme avertit que des gouvernements bafouent les règles multilatérales conçues pour protéger les civils en temps de conflit
  • Kajsa Ollongren déclare que l’UE doit travailler avec des États engagés dans le multilatéralisme et le droit humanitaire pour préserver un ordre mondial fondé sur des règles

​​​​​​NEW YORK CITY : Kajsa Ollongren, la représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme, a averti que le Soudan endure des « atrocités inimaginables », appelant tous les pays fournissant des armes aux factions belligérantes à cesser immédiatement leurs transferts.

S’exprimant à Arab News après des missions au Liban et en Égypte et un dialogue sur les droits humains avec l’Arabie saoudite, Ollongren a déclaré que les armes étrangères alimentent l’un des conflits les plus dévastateurs et les moins médiatisés au monde, sans issue politique en vue.

Ses propos interviennent peu après que Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, ait lancé l’un de ses avertissements les plus sévères, estimant que le Soudan pourrait connaître « une nouvelle vague d’atrocités », avec des civils confrontés à l’épuration ethnique et aux déplacements massifs.

Turk a à plusieurs reprises prévenu que la violence pourrait atteindre des « niveaux catastrophiques » si le flux d’armes se poursuivait. Ollongren a déclaré que ces avertissements correspondaient à ce qu’elle avait entendu de la part du personnel régional des droits humains.

« Les atrocités dépassent vraiment l’imagination », a-t-elle confié à Arab News. « Pendant longtemps, le monde n’a pas prêté suffisamment attention à ce qui se passait au Soudan. Nous y prêtons attention maintenant, au moins, mais l’attention seule ne suffira pas à les arrêter. »

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Des familles soudanaises déplacées depuis El-Fasher tendent la main alors que des travailleurs humanitaires distribuent des vivres dans le camp nouvellement créé d’El-Afadh à Al Dabbah, dans l’État du Nord du Soudan, le 16 novembre 2025. (Photo AP/Archives)

Elle a affirmé que les gouvernements facilitant le conflit devaient être confrontés. « Il doit également y avoir une véritable interaction avec ces pays qui fournissent des armes. Sans ces armes, nous verrions la fin des atrocités plus rapidement … C’est inacceptable. »

Elle a ajouté que la pression coordonnée de l’Europe, du Golfe et de la communauté internationale au sens large est essentielle. « Il est très important, au niveau du Golfe, en Europe et globalement, d’appeler à l’arrêt des exportations d’armes », a-t-elle souligné.

Le conflit au Soudan a débuté en avril 2023 lorsqu’une lutte de pouvoir entre le chef des forces armées Abdel Fattah Al-Burhan et son ancien adjoint Mohammed Hamdan Dagalo, chef des Forces de soutien rapide (RSF), a dégénéré en conflit ouvert.

Selon les chiffres de l’ONU, environ 12 millions de personnes ont été déplacées, créant ce que beaucoup considèrent comme la pire catastrophe humanitaire au monde. Les estimations du nombre de morts varient largement, l’ancien envoyé américain pour le Soudan évoquant jusqu’à 400 000 victimes.

Bien que les forces armées soudanaises aient repris la capitale, Khartoum, aux RSF, le pays est effectivement divisé en deux, le gouvernement dirigé par les SAF contrôlant l’est et les RSF et milices alliées dominant l’ouest, y compris la région troublée du Darfour.

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En octobre, l’un des épisodes les plus brutaux du conflit a eu lieu lorsque les combattants des RSF ont capturé El-Fasher, capitale du Nord-Darfour, et ont commencé à massacrer des civils, déclenchant des déplacements massifs.

Le Soudan est revenu sur le devant de la scène diplomatique après la récente visite du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Washington, où il a discuté des développements avec le président américain Donald Trump et a appelé à un rôle plus actif pour mettre fin au conflit et prévenir les répercussions régionales.

Peu après, Trump a annoncé que les États-Unis « allaient immédiatement lancer un nouvel effort » pour mettre fin au conflit au Soudan, qu’il a qualifié de « lieu le plus violent sur Terre et de plus grande crise humanitaire », une décision largement interprétée comme une réponse à l’appel du prince héritier.

« Le fait que le président américain s’exprime ainsi sur les atrocités est important et sera entendu au Soudan », a déclaré Ollongren.

Mais elle a averti que les déclarations seules sont vaines sans suivi sérieux. « Il ne suffit pas de déclarer la fin d’une guerre ou d’un conflit », a-t-elle précisé. « Il doit y avoir un plan — qui inclut la reconstruction, la responsabilité et la reconstruction des sociétés tout en donnant du pouvoir aux victimes. »

Concernant le Liban, Ollongren a indiqué avoir ressenti un « élan » lors de ses récentes rencontres à Beyrouth, où l’engagement diplomatique s’est intensifié depuis le cessez-le-feu dans la guerre Israël-Hezbollah il y a un an.

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Kajsa Ollongren rencontre le président libanais Joseph Aoun. (Fournie)

Cela intervient malgré le refus d’Israël de se retirer du sud du Liban et ses frappes continues contre des positions supposées du Hezbollah, y compris l’attaque du mois dernier dans un quartier de Beyrouth qui a tué un commandant de milice.

Les dirigeants du Hezbollah insistent pour ne pas se désarmer tant qu’Israël n’aura pas retiré ses troupes.

« Il y a un élan pour davantage de paix et de stabilité et pour un avenir stable pour de nombreux pays de la région », a déclaré Ollongren. « Je vois le rôle que l’Arabie saoudite joue dans tout cela, ainsi que les efforts de l’Égypte pour négocier entre les parties. »

Elle a toutefois souligné la fragilité de la situation. « Il reste une incertitude quant au respect du cessez-le-feu et il n’existe pas encore de plan clair pour le désarmement du Hezbollah », a-t-elle dit.

« La responsabilité est cruciale. Au Liban, nous avons beaucoup parlé des assassinats politiques et de l’explosion au port de Beyrouth. Tout cela doit être traité avec justice, car sans cela l’impunité persiste, ce qui peut entraîner d’autres problèmes à l’avenir. »

Concernant la Syrie, qu’elle prévoit de visiter début 2026, Ollongren a déclaré que la situation reste instable.

« Nous avons constaté des violences et des victimes dans plusieurs régions du pays. La situation n’est pas sous contrôle », a-t-elle indiqué, en faisant référence aux attaques contre les minorités ethniques et religieuses au cours de l’année écoulée depuis que le régime d’Assad a été évincé.

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Des habitants agitent des drapeaux syriens dans le centre de Hama le 5 décembre 2025, lors des célébrations marquant un an depuis une offensive éclair menée par des islamistes ayant renversé le dirigeant de longue date du pays. (AFP)

Bien qu’elle se soit félicitée du retour récent de réfugiés syriens depuis le Liban comme d’un « bon signe », elle a averti que la stabilisation plus large reste lointaine alors que le gouvernement de transition du président Ahmad Al-Sharaa poursuit la réintégration nationale et l’allégement des sanctions.

Ollongren a également souligné l’influence diplomatique croissante de l’Arabie saoudite comme l’un des changements les plus significatifs dans la région. « L’Arabie saoudite suit une voie différente », a-t-elle dit, évoquant les réformes Vision 2030 et l’engagement mondial accru du Royaume.

« L’Arabie saoudite s’engage également avec l’Europe et l’UE, établissant des liens qui pourraient être très importants pour un Moyen-Orient plus stable. »

« Bien sûr, cela reconfigure aussi l’influence d’autres puissances. L’Égypte joue un rôle de longue date mais lutte avec son économie et la pression démographique. L’engagement saoudien pourrait être très impactant. »

À Gaza, Ollongren a décrit une « destruction complète » et un accès extrêmement limité comme des obstacles pour les médias et les efforts humanitaires. « Nous n’avons pas eu de journalistes indépendants pouvant rendre compte des victimes ou des destructions », a-t-elle dit.

« Petit à petit, les informations émergent, et nous voyons une destruction complète dans de nombreuses parties de Gaza. Les habitants n’ont plus de maisons où retourner et ont perdu un très grand nombre de civils, y compris des enfants. Il doit y avoir des comptes à rendre. »

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Des Palestiniens recherchent des décombres dans des bâtiments lourdement détruits par les bombardements israéliens à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, alors qu’un cessez-le-feu tient le 12 octobre 2025. (AFP/Archives)

Israël a lancé ses opérations militaires à Gaza après l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait 1 200 morts et 250 otages. Depuis lors, environ 70 000 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Un cessez-le-feu fragile est entré en vigueur le 10 octobre, avec un recul des opérations israéliennes en échange de la libération des otages restants par le Hamas. Un petit flux d’aide humanitaire a été autorisé dans le territoire, mais les besoins médicaux, alimentaires et en abris restent immenses.

Ollongren a insisté sur le fait que la responsabilité pour les crimes de guerre allégués par les deux parties doit être assurée par la Cour pénale internationale.

« La CPI doit jouer un rôle dans ce dossier », a-t-elle déclaré. « Ils ont examiné à la fois le Hamas et Israël. C’est le bon lieu pour chercher justice et responsabilité. »

Interrogée sur le soutien des États européens aux mandats d’arrêt de la CPI visant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, Ollongren a répondu : « Nous sommes signataires du Statut de Rome, donc nous sommes liés par le traité.

« La cour décide des arrestations, des affaires et des poursuites de manière indépendante. Notre rôle est de garantir son indépendance et son bon fonctionnement. Donc oui. »

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Des manifestants défilent devant le siège des Nations unies à New York alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime le 26 septembre 2025. (AFP/Archives)

Un nombre croissant de juristes, y compris une commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU, ont conclu qu’un génocide a eu lieu à Gaza au cours des deux dernières années.

Francesca Albanese, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens, a récemment déclaré à Arab News que les réponses de l’UE et de l’Occident au génocide à Gaza ont été « pathétiques, hypocrites et marquées par des doubles standards ».

Elle a ajouté que les mêmes gouvernements invoquant le droit international pour condamner les actions de la Russie en Ukraine sont restés largement silencieux sur Gaza, permettant à des « violations flagrantes » de se dérouler.

Ollongren a répondu à cette critique. « Nous devrions, et nous devons, appliquer le droit international de manière cohérente dans tous les cas », a-t-elle affirmé.

« Nous ressentons l’accusation de doubles standards. Après les attaques du 7 octobre par le Hamas, l’Europe a soutenu Israël, reconnaissant son droit à se défendre. Mais au fur et à mesure que la guerre à Gaza se déroulait et que les victimes civiles augmentaient, nous sommes devenus plus critiques.

« L’UE a de plus en plus appelé Israël à respecter le droit humanitaire international et a travaillé pour garantir que l’aide humanitaire parvienne aux personnes dans le besoin.

« En même temps, nous soutenons l’Autorité palestinienne dans son rôle de gouvernance. Je pense que nous sommes désormais un partenaire beaucoup plus critique et équitable pour les deux parties. »

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Des Palestiniens font la queue pour un repas chaud dans une cuisine caritative gérée par le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza, le 26 avril 2025. (AFP/Archives)

Interrogée sur l’échec du système international, elle a indiqué que le problème ne vient pas des institutions mais des gouvernements.

« L’architecture que nous avons doit être protégée », a-t-elle déclaré. « Nous n’avons pas besoin d’un nouveau système. Le problème est qu’il n’est pas respecté. C’est pourquoi il est important que l’UE s’engage avec les pays qui soutiennent le système multilatéral, l’état de droit et le droit humanitaire international.

« Ces cadres ont été conçus pour protéger les plus vulnérables dans les conflits, pas pour empêcher les guerres. »

Elle a conclu par un message aux civils de Gaza et du Soudan.

« Je comprends que vous ayez perdu confiance dans le système international car il n’était pas là pour vous protéger lorsque vous avez été attaqués et que vous avez perdu vos proches », a-t-elle déclaré.

« C’est encore le meilleur système dont nous disposons. De mon côté, je me concentrerai sur la responsabilité et la justice, car du point de vue des droits de l'homme, c’est ce que je dois faire pour vous. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com