PARIS: Le Parti socialiste soumet jeudi soir à son parlement interne l'accord noué avec La France insoumise pour les législatives, une "bataille titanesque" au moment où le parti menace d'exploser, plusieurs figures rejetant l'alliance.
Le premier secrétaire Olivier Faure et ses lieutenants se sont épuisés à négocier, jour et nuit depuis une semaine, un accord avec LFI permettant d'être en situation de sauver la plupart de leurs députés sortants.
Mais ils ne sont pas au bout de leur peine. Le vote de ce texte à partir de 19H00 au Conseil national, organisé en visioconférence et en présentiel au siège d'Ivry-sur-Seine, leur promet quelques sueurs froides.
Ils se sont d'ailleurs donné 24 heures pour tenter de convaincre les 300 membres de ce parlement, où ils sont pourtant a priori majoritaires. "Ce ne sera pas une formalité, bien au contraire", a confié l'entourage d'Olivier Faure à l'AFP mercredi. "Il y aura des déçus, chez les fédérations moins servies que d'autres" parmi les 70 circonscriptions obtenues.
Le porte-parole du PS Pierre Jouvet, négociateur en chef de l'accord, en convient sur France Info: "Ca va être une bataille titanesque parce que j'entends ce qui peut se dire, j'entends les colères qui peuvent être provoquées notamment sur la répartition des circonscriptions".
Selon la liste consultée par l'AFP, une bonne vingtaine de circonscriptions sont gagnables. Mais trois sortants ont été sacrifiés: David Habib dans les Pyrénées-Atlantiques, Christian Hutin dans le Nord et Michèle Victory dans l'Ardèche. Auxquels s'ajoute la 1ère circonscription dans la Loire de Régis Juanico (Générations), que le PS pensait récupérer.
Cependant, Pierre Jouvet intime aux membres du Conseil national: "Ne tournez pas le dos à ce rassemblement et au peuple de gauche qui nous attend, et qui croit qu'enfin nous nous sommes réconciliés pour avancer ensemble, pour changer la vie des gens".
Alliance délicate
Rien moins que la présidente du groupe socialiste à l'Assemblée, Valérie Rabault, a pourtant fait savoir en interne qu'elle ne soutiendrait pas l'accord, selon un message consulté par l'AFP.
La direction socialiste fait en plus face à la fronde de figures du parti, qui étaient déjà critiques ces dernières années mais ont laissé éclater leur colère à mesure que l'accord prenait consistance.
François Hollande a ainsi "récusé l'accord sur le fond et les circonscriptions", tandis que son ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve a annoncé mettre sa menace à exécution en quittant le parti.
Un autre de ses Premiers ministres Jean-Marc Ayrault a pour sa part dénoncé un "rafistolage" et le "prix exorbitant" payé par le PS.
Ils s'offusquent tous d'une alliance avec un Jean-Luc Mélenchon antagoniste historique du PS. Mais aussi de l'inclusion dans l'accord de la "désobéissance" aux traités européens en cas de blocage pour appliquer le programme, ou encore de nombreuses mesures sociales qu'ils estiment impossibles à financer.
"C'est une grande tristesse de voir ça, c'est mon histoire politique qui s'en va", confie à l'AFP François Rebsamen, maire de Dijon, ancien ministre de François Hollande, qui a soutenu Emmanuel Macron à la présidentielle.
"Je disais PS = Parti sectaire, cela devient PS = Parti soumis", "tout cela pour quelques circonscriptions, comme si c'est ce qui allait sauver le PS", soupire-t-il.
Il espère qu'une partie des socialistes mécontents iront dans la structure "sas" qu'il a montée, la "Fédération progressiste". Et qu'une autre voudra rester au PS avec Stéphane Le Foll, qui a dit mercredi son souhait de mener la campagne législative des dissidents.
La présidente de la région Occitanie Carole Delga a d'ores et déjà présenté des candidats hors accord.
"Le Conseil national va être un bordel terrible", prévoit le dirigeant d'un petit parti de gauche, bon connaisseur des rouages socialistes. Il estime que l'accord "est une humiliation complète pour le PS, qui a lâché toute une génération au profit de circonscriptions gagnables pour des jeunes comme Pierre Jouvet".
Selon lui, Olivier Faure, qui avait commencé son mandat de chef en faisant un bilan critique du quinquennat Hollande, n'est pas malheureux de la situation: "Mélenchon lui a offert le prétexte pour rompre avec les éléphants. Ca fait cinq ans qu'il n'arrivait pas à entamer le divorce".
Le jeune homme de 20 ans a été assassiné le 13 novembre par deux hommes à moto, et la justice étudie la piste d'"un crime d'intimidation" lié au militantisme de son frère.
"Le gouvernement sera présent et je me rendrai samedi à Marseille en compagnie de mon collègue Vincent Jeanbrun, qui est ministre de la Ville et du Logement", a déclaré Maud Bregeon sur TF1 vendredi, ajoutant que ce drame avait "profondément choqué tous nos concitoyens".
La porte-parole a assuré que son déplacement serait fait "humblement, avec la modestie et la pudeur que cet événement nécessite, sans communication sur place".
Il s'agit, selon elle, de "marquer l'engagement total du gouvernement et le soutien de l'État, du président de la République et du Premier ministre, à cette famille et aux proches de Mehdi Kessaci".
"Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement où habitants, élus locaux et nationaux feront bloc contre le narcotrafic", a précisé l'entourage de Maud Bregeon à l'AFP.
La porte-parole retrouvera à Marseille de nombreuses autres personnalités politiques, dont beaucoup issues de gauche, comme Olivier Faure (PS) ou Marine Tondelier (les Ecologistes).
"Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi.
Si les courants politiques s'accordent sur le constat, ils s'opposent sur les voies à suivre pour contrer le narcotrafic.
Le député LFI du Nord Ugo Bernalicis a ainsi affirmé sur franceinfo que "ce qu'on demande au gouvernement, c'est pas tant la participation à cette marche, c'est de faire en sorte que les moyens soient à la hauteur des enjeux". Et "le compte n'y est pas", a-t-il dit.
Il a notamment appelé à s'attaquer au "cœur du problème" en légalisant le cannabis, dont la vente est "le moteur financier" des trafiquants, selon lui.
Le député insoumis des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard, qui sera présent samedi, a exhorté à un "changement de doctrine complet", demandant par exemple plus de moyens pour la police judiciaire.
"Plutôt que d'envoyer des policiers chasser le petit consommateur, je pense au contraire qu'il faut concentrer les moyens dans le démantèlement des réseaux de la criminalité organisée", a-t-il dit.
Quant à la suggestion du maire de Nice Christian Estrosi d'engager l'armée contre le narcotrafic, Maud Bregeon a rappelé que ce n'était "pas les prérogatives de l'armée" et "qu'on a pour ça la police nationale, la gendarmerie nationale, la justice de la République française".







