INTERVIEW : Ma’aden extrait les richesses minérales inexploitées de l’Arabie saoudite

Illustration par Luis Grañena
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Publié le Lundi 19 octobre 2020

INTERVIEW : Ma’aden extrait les richesses minérales inexploitées de l’Arabie saoudite

  • Après une carrière de trois décennies chez le géant de la pétrochimie SABIC, M. Al-Ohali a été récemment désigné PDG de Ma'aden, la société minière saoudienne qui s’est vu attribuer un rôle central dans le programme national de développement industriel et
  • Le pétrole est le moteur du développement économique moderne du pays, mais il existe d’autres matériaux précieux sous le terrain accidenté de l'Arabie saoudite

Le PDG Mosaed Al-Ohali explique le rôle clé  du champion national de l’exploitation minière dans l’avenir de l’économie saoudienne

L’Arabie saoudite est réputée pour ses ressources en « or noir », mais c’est le rôle de Mosaed Al-Ohali de veiller à ce que le reste des richesses minérales du Royaume soit pleinement exploité dans la grande transformation économique en cours dans le cadre de la Vision 2030.

Après une carrière de trois décennies chez le géant de la pétrochimie SABIC, M. Al-Ohali a été récemment désigné PDG de Ma'aden, la société minière saoudienne qui s’est vu attribuer un rôle central dans le programme national de développement industriel et de logistique (NIDLP), un élément clé de la stratégie de diversification du Royaume.

« La réalisation de la perspective industrielle et manufacturière de la Vision 2030 dépendra fortement de la disponibilité des minéraux nécessaires pour produire les métaux requis pour la fabrication », déclare-t-il à Arab News.

« En tant que champion national de l’exploitation minière, nous jouons un rôle central dans la diversification économique du pays. Nous utilisons aussi des techniques et des technologies avancées de prospection minière afin d’extraire les minéraux qui développeront davantage les industries saoudiennes ».

Le pétrole est le moteur du développement économique moderne du pays, mais il existe d’autres matériaux précieux sous son terrain accidenté. Le Royaume est le plus grand producteur de minerai d’or au Moyen-Orient, et l’or y est extrait depuis des milliers d’années.

Il est également riche en minéraux qui alimentent l’économie mondiale — l’aluminium via la bauxite, le cuivre, les phosphates et autres métaux communs, ainsi que les métaux terreux rares, de plus en plus demandés par les industries de haute technologie.

Le ministère de l’Énergie du Royaume a récemment estimé la valeur de ses ressources inexploitées à environ 5 trillions de riyals saoudiens (1,33 trillion de dollars). Dans le cadre de la Vision 2030, le gouvernement vise à tripler la contribution du secteur des mines et des métaux au produit intérieur brut et à créer 200 000 emplois directement et indirectement d’ici 2030.

« L’Arabie saoudite a de nombreux territoires sous-explorés par rapport à d’autres pays miniers de renommée mondiale. L’objectif de Ma’aden est de capitaliser sur cela pour devenir l’une des meilleures sociétés minières au monde, et nous progressons à grands pas pour réaliser cet objectif », indique M. Al-Ohali.

« En 2019, Ma’aden a triplé ses dépenses d’exploration et prévoit de les accroître davantage en 2020. L’augmentation des dépenses d’exploration est axée sur le forage de friches industrielles, l’évaluation des cibles potentielles de nouveaux terrains et la poursuite du forage dans de nombreux endroits potentiels pour maintenir des réserves de minerai saines. Nous travaillons sur deux autres mines d'or que nous prévoyons d’exploiter vers le milieu de la décennie », ajoute-t-il.

La pandémie de Covid-19 a compromis ces plans à un certain degré. Les opérations de Ma’aden au Royaume ont non seulement ressenti le poids du confinement — la société a mis en place une stratégie pour « empêcher, détecter et isoler » l’épidémie dans ses camps miniers — mais aussi le choc économique mondial qui a fortement frappé les marchés de matières premières.

« En ce qui concerne nos opérations actuelles, l'impact de la Covid-19 sur nos chaînes d'approvisionnement et nos réseaux de distribution locaux et mondiaux a été gérable jusqu'à présent, mais il est encore trop tôt pour dire comment la pandémie pourrait avoir un impact sur l'entreprise dans la période à venir, surtout s'il y a une deuxième vague », dit-il.

M. Al-Ohali a estimé que la pandémie causerait un retard de « quelques mois » dans les projets d’expansion globaux.

Les prix des matières premières dans le monde souffraient avant même la pandémie, la confrontation entre les États-Unis et la Chine faisant peser une menace sur le commerce mondial. Cependant, certains pays se sont « bien ajustés » au nouvel environnement économique, la Chine et d'autres pays asiatiques connaissant une reprise de la demande, selon M. Al-Ohali.

Les prix de l’aluminium ont « légèrement augmenté, et la demande d'engrais et de phosphates est constante dans certaines régions du monde.

« Nous exportons actuellement nos produits vers 22 pays sur tous les continents. Nous servons l'industrie agricole dans toutes les grandes régions d'Asie, d'Afrique, des Amériques et d'Australie. Nos produits en aluminium servent principalement le marché local, ainsi que des pays clés d'Asie, d'Europe et d'Amérique du Nord », ajoute-t-il.

La chaîne d’approvisionnement et l’accès au marché de Ma’aden ont été renforcés par l’acquisition de Meridian, un groupe de producteurs d’engrais africain, et par des coentreprises avec d’autres sociétés minières internationales.

Pour Ma’aden, le point positif du confinement dû à la pandémie était la performance de l’or sur les marchés internationaux. « Nous sommes très heureux que l’or soit une partie majeure de notre entreprise. C’est, en quelque sorte, une matière première anticyclique qui a pratiquement servi de mécanisme de couverture intégré pour nous. Il était considéré comme un investissement « refuge » dans le monde », ajoute-t-il.

L’or continue de jouer un rôle important dans les projets de croissance, indique M. Al-Ohali. « Nous avons entamé la construction de notre plus grande et plus ambitieuse initiative minière, le projet aurifère Mansourah et Massarah. Ce projet de 880 millions de dollars exploitera les immenses richesses minérales d’Arabie saoudite et nous permettra de réaliser notre objectif stratégique d’augmenter la production la production d’or pour atteindre un million d’onces par an ».

Il y a deux ans, Ma’aden a lancé l'un de ses plans les plus ambitieux dans le Royaume - la ville industrielle minière de Wa'ad Al-Shamal, un projet de sept usines intégrées de classe mondiale avec la capacité de produire 3 millions de tonnes d'engrais phosphatés par an. Étant l'un des plus grands centres de phosphate intégré au monde, le projet répondra au besoin mondial croissant d'engrais.

« Nos ambitions de croissance en phosphate sont élevées. Nous construisons actuellement notre troisième usine d’ammoniac qui est achevée à environ 50 pour cent pour une capacité d'environ 1,1 million de tonnes par an. Nous sommes également en train d'explorer notre prochain mégaprojet de phosphate, qui devrait produire 3 millions de tonnes par an », ajoute-t-il.

Ma’aden a récemment mis en place un mécanisme de financement de 4,1 milliards de dollars qui permet à Wa’ad Al-Shamal de devenir pleinement opérationnelle. « Ce refinancement est particulièrement important car il a maintenant un plan très actif et clair pour résoudre ses problèmes de conception et augmenter la production à plein débit vers la seconde moitié de 2021 », explique M. Al-Ohali.

Depuis son introduction en bourse en 2008, Ma’aden a été cotée à la bourse de Tadawul, avec le Fonds d’investissement public comme actionnaire majoritaire. Ce type de soutien lui donne d’énormes réserves financières, mais M. Al-Ohali est conscient de la nécessité pour certains actionnaires d’avoir un flux de revenus sous forme de dividendes, ainsi que de la croissance du capital que les actions ont traditionnellement gagnée.

La chute mondiale des prix des matières premières et les effets économiques de la pandémie ont provoqué des pertes sur les deux premiers trimestres de l’année, mais M. Al-Ohali a affirmé que les perspectives à long terme pour les secteurs d'activité de base demeurent positives.

« Il est difficile de spéculer sur ce à quoi  ressemblera le reste de l’année, mais je peux vous assurer que Ma’aden possède une force inhérente à sa chaîne de valeur de l’aluminium. Bien que fortement endettés pour le moment, nous sommes confiants que nos marges d'exploitation peuvent générer suffisamment de liquidités pour nous acquitter de toutes nos obligations », poursuit-il.

Le potentiel financier de Ma’aden a été amélioré par l’adoption plus tôt cette année de la loi sur les investissements miniers. « C’est un grand pas en avant dans les efforts que déploie le gouvernement saoudien pour faciliter la croissance de l'industrie minière et renforcer son rôle dans la construction d'une économie diversifiée et durable », souligne M. Al-Ohali. Ma’aden a été étroitement impliquée dans le processus d’élaboration de la nouvelle législation.

« La loi actualisée se focalise sur l’amélioration de la gouvernance et de la transparence pour les investissements miniers actuels et à venir, et le renforcement de la confiance des investisseurs, en fournissant des données transparentes et suffisantes permettant aux investisseurs de mener des études de faisabilité et en fournissant également un processus clair pour l’octroi de licences ».

« Elle soutient également la durabilité des investissements miniers en préservant l'environnement et en se conformant aux règlementations en matière de santé, de sécurité et d'environnement pour les travailleurs de l'industrie minière nationale et les communautés locales », précise-t-il.

De plus, cette législation faciliterait de nouvelles relations avec les investisseurs étrangers et les partenaires de l’industrie. Ma’aden a déjà des relations de longue date avec la société américaine Alcoa dans la ville industrielle de Ras Al-Khair, et avec la société canadienne Barrick Gold pour la production de cuivre. Elle a également un partenariat stratégique avec la société russe PhosAgro.

« Nous explorons constamment la croissance à travers des opportunités en propriété exclusive ou avec des partenariats stratégiques afin d’améliorer notre capacité à servir nos clients mondiaux et consolider notre position sur la scène mondiale », déclare M. Al-Ohali.

« Nous avons l’avantage concurrentiel pour réussir et nous nous efforçons de développer la marque de Ma’aden et de nous assurer qu’elle est reconnue pour sa qualité et sa valeur. Nos employés expérimentés et talentueux sont parfaitement en mesure de tenir nos promesses », affirme-t-il.

Biographie de Mosaed Al-Ohali

NÉ EN : 1959, Unaizah, Province d’Al-Qassim

ÉDUCATION : Master en génie chimique, Université du Roi Fahd du Pétrole et des Mines

PARCOURS:

Ingénieur chimique, Saudi Petrochemical Company

Conseiller exécutif principal, SABIC

PDG, Ma’aden

 


Engie confirme ses perspectives 2025 malgré un contexte "incertain et mouvant"

Cette photographie montre le parc éolien offshore de Yeu-Noirmoutier au large de l'Ile-d'Yeu, dans l'ouest de la France, le 23 juin 2025. (AFP)
Cette photographie montre le parc éolien offshore de Yeu-Noirmoutier au large de l'Ile-d'Yeu, dans l'ouest de la France, le 23 juin 2025. (AFP)
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  • Engie a confirmé vendredi ses perspectives pour 2025 malgré un contexte "incertain" et une baisse des prix qui a pesé sur ses résultats au premier semestre
  • L'énergéticien se dit confiant sur la suite et maintient ses prévisions pour 2025

PARIS: Engie a confirmé vendredi ses perspectives pour 2025 malgré un contexte "incertain" et une baisse des prix qui a pesé sur ses résultats au premier semestre, et se dit désormais plus confiant pour ses projets renouvelables aux Etats-Unis après une période d'incertitude.

Son résultat net récurrent a reculé de 19% à 3,1 milliards d’euros au cours des six premiers mois de l'année. Le résultat opérationnel (Ebit) hors nucléaire est ressorti à 5,1 milliards d'euros, en baisse de 9,4% en raison d'une base de comparaison élevée par rapport au premier semestre 2024 et "dans un contexte de baisse des prix".

Mais l'énergéticien se dit confiant sur la suite et maintient ses prévisions pour 2025.

"Nous abordons les prochains mois avec confiance et nous confirmons notre +guidance+ annuelle", a commenté Catherine MacGregor, sa directrice générale, citée dans le communiqué de résultats.

Elle a néanmoins insisté sur le contexte économique et géopolitique "assez incertain et mouvant", lors d'une conférence téléphonique.

A la Bourse de Paris, Engie cédait 2,45% à 10H53 (8H53 GMT) à 19,15 euros vendredi, après avoir lâché 5% à l'ouverture.

Interrogée sur les Etats-Unis, Catherine MacGregor s'est montrée plus confiante après une période d'incertitude qui a suivi l'entrée en fonction du gouvernement Trump.

"Avec la promulgation du +Big beautifull bill+ (la loi budgétaire de Donald Trump, ndlr) et une première clarification du cadre réglementaire et fiscal qui était attendue, nous nous apprêtons à lancer trois projets pour plus de 1,1 GW de capacité totale, éolien, solaire et batteries qui vont conforter notre croissance jusqu'en 2028", a-t-elle déclaré.

Engie a pour l'heure "juste en dessous de 9 GW en opération aux États-Unis", a-t-elle rappelé.

"Il y avait beaucoup, beaucoup d'incertitudes sur le traitement qui serait donné à ces projets", a-t-elle souligné, mais avec cette nouvelle loi, "on a beaucoup plus de clarté".

"Le marché aux États-Unis reste évidemment très, très porteur", a-t-elle poursuivi. "Les projections de demande d'électricité sont absolument massives et aujourd'hui, il n'y a pas de scénarios (...) sans une grande partie de projets renouvelables", notamment en raison du fort développement des centres de données dans le pays.

Le groupe table sur un résultat net récurrent - qui exclut des coûts de restructuration et la variation de la valeur de ses contrats de couverture - "entre 4,4 et 5,0 milliards d'euros" en 2025.

Engie vise par ailleurs un Ebit hors nucléaire "dans une fourchette indicative de 8,0 à 9,0 milliards d'euros" en 2025.

"Comme prévu, l'Ebit hors nucléaire va atteindre son point bas cette année et le second semestre 2025 sera en hausse par rapport à 2024", a indiqué Catherine MacGregor.

Le bénéfice net en données publiées s'établit à 2,9 milliards d'euros au premier semestre, en hausse de 50%, en raison d'un impact moindre de la variation de la valeur de ses contrats de couverture.

Le chiffre d'affaires a atteint 38,1 milliards d'euros au premier semestre, en croissance de 1,4%.

Engie disposait d'une capacité totale renouvelables et de stockage de 52,7 gigawatts (GW) à fin juin 2025, en hausse de 1,9 GW par rapport à fin 2024. A cela s'ajoutent 95 projets en cours de construction qui représentent une capacité totale de près de 8 GW.

Le groupe dispose d'un portefeuille de projets renouvelables et de batteries en croissance qui atteint 118 GW à fin juin 2025, soit 3 GW de plus qu'à fin décembre 2024.


ArcelorMittal: les taxes douanières américaines érodent la rentabilité au premier semestre

La cokerie d'ArcelorMittal Bremen sur le site de Bottrop est photographiée depuis la plate-forme d'observation Tetraeder à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, le 21 juillet 2025. (AFP)
La cokerie d'ArcelorMittal Bremen sur le site de Bottrop est photographiée depuis la plate-forme d'observation Tetraeder à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, le 21 juillet 2025. (AFP)
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  • ArcelorMittal a vu sa rentabilité érodée au premier semestre par les taxes douanières de Donald Trump sur les importations d'acier depuis le Canada ou le Mexiqu
  • ArcelorMittal espère la mise en place effective de mesures de soutien à l'acier en Europe d'ici à la fin de l'année

PARIS: ArcelorMittal, qui a vu sa rentabilité érodée au premier semestre par les taxes douanières de Donald Trump sur les importations d'acier depuis le Canada ou le Mexique, espère la mise en place effective de mesures de soutien à l'acier en Europe d'ici à la fin de l'année.

Malgré un résultat net en hausse de 39% au premier semestre 2025, à 2,6 milliards de dollars, le bénéfice avant intérêt, impôt, dépréciation et amortissement (Ebitda) du deuxième fabricant d'acier mondial a reculé de 10%, à 3,4 milliards de dollars, notamment après l'application de droits de douane de 50% sur l'acier importé aux Etats-Unis depuis le Canada et le Mexique à partir du 4 juin, a expliqué le groupe dans un communiqué jeudi.

Le chiffre d'affaires a aussi pâti du recul de 7,5% des prix moyens de l'acier dans le monde: les ventes se sont amoindries de 5,5%, à 30,72 milliards de dollars au premier semestre.

Jeudi à la Bourse de Paris, après ces annonces, le titre ArcelorMittal a terminé la séance en recul de 2,58%, à 27,52 euros.

Le directeur général du groupe, Aditya Mittal, s'est félicité de la reprise à 100% du site de Calvert aux Etats-Unis, qui devient un site d'acier bas carbone grâce à la construction d'un nouveau four à arc électrique.

En Europe, les tendances à l'accroissement des dépenses publiques sur la défense et les infrastructures "sont un encouragement pour l'industrie de l'acier", a jugé M. Mittal.

Néanmoins, alors que le plan d'action annoncé en mars par la Commission européenne a lancé des "signaux clairs" pour défendre la production européenne d'acier, "nous attendons toujours la concrétisation des mesures de sauvegarde (ou quotas sur les importations d'acier en Europe, NDLR) du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et sur les prix de l'énergie", a-t-il souligné.

A condition que ces mesures soient mises en place, le groupe prévoit d'investir 1,2 milliard d'euros pour un four à arc électrique sur son site français de Dunkerque (Nord), a-t-il rappelé.

Au total, ArcelorMittal en exploite 29 dans le monde, pour une capacité de production de 21,5 millions de tonnes d'acier recyclé par an, qui augmentera à 23,4 millions de tonnes en 2026 après la mise en service des deux sites espagnols de Gijon et Sestao.


Les bénéfices du CAC 40 en baisse sur fond de guerre commerciale

Cette photographie montre les informations financières de l'indice CAC40 (en bas à gauche), l'indice français qui suit les 40 plus grandes valeurs françaises, affichées sur un immeuble de bureaux dans le quartier financier de La Défense à Paris, le 7 avril 2025. (AFP)
Cette photographie montre les informations financières de l'indice CAC40 (en bas à gauche), l'indice français qui suit les 40 plus grandes valeurs françaises, affichées sur un immeuble de bureaux dans le quartier financier de La Défense à Paris, le 7 avril 2025. (AFP)
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  • Les disparités sont fortes au premier semestre pour les entreprises du CAC 40, qui ont globalement vu leurs bénéfices nets reculer sur fond de guerre commerciale
  • Pour les 37 entreprises sur 40 qui ont publié leurs résultats semestriels jusqu'à jeudi soir inclus, le bénéfice net cumulé tombe à 45 milliards d'euros

PARIS: Automobile et luxe à la peine, aérien, défense et industrie en progression: les disparités sont fortes au premier semestre pour les entreprises du CAC 40, qui ont globalement vu leurs bénéfices nets reculer sur fond de guerre commerciale, d'après un décompte réalisé jeudi par l'AFP.

Pour les 37 entreprises sur 40 qui ont publié leurs résultats semestriels jusqu'à jeudi soir inclus, le bénéfice net cumulé tombe à 45 milliards d'euros, en baisse de 32% par rapport au premier semestre 2024 pour ces mêmes entreprises.

Cette somme des bénéfices nets part du groupe ne prend pas en compte d'éventuels résultats ajustés publiés par les entreprises et exclut Pernod Ricard, dont l'exercice comptable est décalé et donc pas comparable.

Le chiffre d'affaires cumulé est de 725 milliards d'euros, en légère baisse de près de 2%.

La première moitié de 2025 a été marquée par l'incertitude sur les droits de douane imposés par Donald Trump sur les produits européens, et a vu l'euro s'apprécier fortement par rapport à plusieurs devises, notamment face au dollar.

"C'est plutôt l'incertitude qui a pesé" avec le risque "qu'il y ait une guerre commerciale", souligne auprès de l'AFP Lionel Melka, gérant à Swann Capital.

Mais "globalement, (...) les résultats sont plutôt solides", avec, d'un côté, "les secteurs où les attentes étaient basses" comme le luxe ou la consommation, et, de l'autre, "les secteurs qui vont bien — défense, banque — là c'est bon comme prévu".

- Les banques résilientes -

Ce semestre "reste décevant", notamment en comparaison avec la situation américaine, juge pour sa part Christopher Dembik, conseiller en investissement pour Pictet AM: "il y a ce décrochage français et européen qui est perceptible".

D'autre part, "en début d'année, vous aviez un enthousiasme qui était indéniablement exagéré sur les actions européennes. (...) La réalité c'est qu'on n'est pas sur une période de résultats qui est mirobolante", ajoute-t-il.

Les entreprises de l'aérien et de la défense tirent leur épingle du jeu, portées par les tensions géopolitiques: Airbus a vu ses bénéfices bondir de 85%, Safran de 11%.

Les banques s'en sortent bien également et "sont sur des bonnes dynamiques depuis déjà deux, trois ans", relève Christopher Dembik.

Ensemble, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale réalisent au total 13,5 milliards d'euros de bénéfices, une hausse de 12%.

En face, le secteur automobile se casse la figure. Renault, notamment, enregistre une lourde perte de plus de 11,2 milliards d'euros, due à l'évolution comptable du traitement de son partenaire japonais Nissan et ses mauvais résultats.

Son concurrent Stellantis a lui publié une lourde perte nette de 2,3 milliards d'euros au premier semestre et son nouveau directeur général, l'Italien Antonio Filosa, a prévenu qu'il faudrait prendre des "décisions difficiles" pour "accélérer" fin 2025.

Le luxe a également souffert, avec un bénéfice net en chute de 46% pour Kering (Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga, ...) et de 22% pour LVMH (Louis Vuitton, Dior, Celine...).

Le plus gros bénéfice revient d'ailleurs à BNP Paribas, qui vole la vedette à TotalEnergies et LVMH, duo en tête au premier semestre 2024.

- Risque de taux de change -

L'incertitude reste forte pour les troisième et quatrième trimestres, en raison notamment de la force de l'euro qui devrait peser sur les entreprises françaises.

Christopher Dembik table plutôt sur "un risque de taux de change, qu'un risque de droits de douane", et cela "va beaucoup plus se matérialiser dans les résultats à venir", dans les investissements, les importations, etc.

Concernant les droits de douane, malgré les questions en suspens, les entreprises avaient anticipé, "on savait que ce serait un tarif douanier important, donc elles avaient quand même prévu les choses", ajoute l'analyste.

Le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont mis fin à l'attente dimanche, en annonçant un accord prévoyant que les produits européens exportés aux États-Unis soient taxés à 15%.