Chypre-Nord: l'élection du protégé d'Erdogan, un bouleversement pour l'île divisée?

Dans son discours de victoire, M. Tatar a déclaré qu'il reviendrait « quand cela serait nécessaire » à la table des négociations, réaffirmant toutefois que les Chypriotes-turcs ne feraient « pas de compromis » sur certains points de « souveraineté ». (Reuters)
Dans son discours de victoire, M. Tatar a déclaré qu'il reviendrait « quand cela serait nécessaire » à la table des négociations, réaffirmant toutefois que les Chypriotes-turcs ne feraient « pas de compromis » sur certains points de « souveraineté ». (Reuters)
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Publié le Mardi 20 octobre 2020

Chypre-Nord: l'élection du protégé d'Erdogan, un bouleversement pour l'île divisée?

  • Après des forages réalisés au large de Chypre-Nord, le renvoi la semaine dernière d'un navire turc d'exploration dans des eaux revendiquées par Athènes a ravivé la discorde et entraîné une condamnation par les dirigeants de l'UE
  • M. Tatar défend une solution à deux Etats

NICOSIE: Le nationaliste Ersin Tatar, protégé d'Ankara, a créé la surprise en remportant dimanche l'élection « présidentielle » en République turque de Chypre-Nord (RTCN), reconnue uniquement par la Turquie.

Pourquoi ce résultat? Quel impact sur les efforts de réunification de Chypre, membre de l'Union européenne, et les rapports de force en Méditerranée orientale, où les ambitions turques suscitent des tensions?

M. Tatar était arrivé en tête du premier tour le 11 octobre avec 32%, devant le « président » sortant Mustafa Akinci (30%), en froid avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Le soutien du troisième homme, l'autre social-démocrate Tufan Erhurman (22%), n'a pas suffi à M. Akinci.

Pour Mete Hatay, politologue au centre de recherches bicommunautaire PRIO, le vote des colons et immigrants turcs disposant de la citoyenneté en RTCN --environ 30% de l'électorat-- a fait pencher la balance.

La participation importante malgré la pandémie de Covid-19 --plus de 67% contre 58% au premier tour-- a aussi joué en faveur de M. Tatar, qui a bénéficié du soutien actif de la Turquie durant la campagne.

A quelques jours du premier tour, M. Tatar avait annoncé depuis Ankara, en compagnie de M. Erdogan, la réouverture partielle de Varosha, station balnéaire abandonnée et bouclée par l'armée turque après la partition de l'île. Parallèlement, un aqueduc sous-marin entre Chypre-Nord et la Turquie ainsi qu'un hôpital de 100 lits financés par Ankara pour lutter contre le Covid-19 étaient inaugurés.

M. Akinci a déploré les interventions turques dans l'élection. La semaine dernière, notamment, il avait affirmé que des médias pro-turcs menaient une « campagne de désinformation », ajoutant avoir reçu des menaces.

Lundi, la présidence turque a nié toute interférence dans l'élection, appelant à respecter « la volonté » des Chypriotes-turcs, « trahis » par l'UE malgré leurs efforts pour résoudre la question chypriote.

Quel impact sur les négociations avec le Sud?

En 1974, l'armée turque a envahi le tiers nord en réponse à un coup d'Etat visant à rattacher l'île à la Grèce. La République de Chypre, seule reconnue internationalement et membre de l'UE depuis 2004, exerce son autorité au sud d'une zone tampon surveillée par l'ONU. Les dernières négociations officielles ont échoué en 2017.

Si M. Akinci avait ravivé les espoirs d'une réunification en prônant la création d'un Etat fédéral, M. Tatar défend une solution à deux Etats.

Dans son discours de victoire, il a déclaré qu'il reviendrait « quand cela serait nécessaire » à la table des négociations, réaffirmant toutefois que les Chypriotes-turcs ne feraient « pas de compromis » sur certains points de « souveraineté ».

L'ONU devrait convoquer sous peu une rencontre entre les deux parties, la Turquie, la Grèce et la Grande-Bretagne, l'ancienne puissance coloniale.

Lundi, le président chypriote Nicos Anastasiades a appelé prudemment M. Tatar à répondre favorablement à l'initiative onusienne. Puis le gouvernement chypriote a fait savoir que M. Tatar avait accepté, lors d'un échange téléphonique, de rencontrer M. Anastasiades « dès que possible » au sein des locaux de l'ONU dans la zone tampon.

La Grèce a aussi appelé à « aller de l'avant », exhortant M. Tatar à « contribuer à la réunification de l'île ».

Dès dimanche soir, M. Erdogan s'est lui engagé à travailler avec M. Tatar « pour résoudre la question chypriote ».

Alors que M. Akinci entendait desserrer les liens avec Ankara --dont Chypre-Nord dépend économiquement--, des observateurs prédisent une dépendance croissante, voire carrément une annexion de la RTCN, où stationnent déjà quelque 30 000 soldats turcs.

« Tout est possible », affirme M. Hatay, mais « il faudra récolter le soutien des Chypriotes-turcs et même les supporters de M. Tatar ne sont pas prêts (à soutenir une annexion) à ce stade ».

Quelles conséquences en Méditerranée orientale?

Chypre-Nord est une pièce maîtresse dans la stratégie turque en Méditerranée orientale, où elle s'oppose principalement à la Grèce et aux Chypriotes-grecs.

Après des forages réalisés au large de Chypre-Nord, le renvoi la semaine dernière d'un navire turc d'exploration dans des eaux revendiquées par Athènes a ravivé la discorde et entraîné une condamnation par les dirigeants de l'UE, avec des menaces de sanctions.

Lors d'un appel avec M. Tatar après sa victoire, M. Erdogan a prédit la poursuite de leur coopération « à commencer par les activités liées aux hydrocarbures ».

Dans ce contexte, les discussions sur la question chypriote avec la Grèce et la Turquie sous l'égide de l'ONU pourraient, selon M. Hatay, être un « bon moyen pour réunir tout le monde autour de la table afin d'aborder les tensions » régionales.


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.