Covid, guerre, faim font planer un large éventail de risques sur l'Europe

La pandémie, la guerre en Ukraine, et la crise alimentaire qui se profile, font planer sur l'Europe des menaces durables de tensions et soubresauts politiques (Photo, AFP).
La pandémie, la guerre en Ukraine, et la crise alimentaire qui se profile, font planer sur l'Europe des menaces durables de tensions et soubresauts politiques (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 25 mai 2022

Covid, guerre, faim font planer un large éventail de risques sur l'Europe

  • Avec une inflation forte, des prix des carburants au plus haut, une nourriture de plus en plus chère, les populations européennes sont sous pression
  • Des populations européennes paupérisées pourraient se tourner vers des choix politiques radicaux, surtout si les gouvernements décidaient des politiques d'austérité pour redresser leurs trajectoires budgétaires

PARIS: La pandémie, la guerre en Ukraine, et la crise alimentaire qui se profile, font planer sur l'Europe des menaces durables de tensions et soubresauts politiques, affaiblissement industriel, vague migratoire, autant de défis pour ses dirigeants.

Voici une liste non exhaustive des facteurs de risque.

Le coût politique de l'inflation

Avec une inflation forte, des prix des carburants au plus haut, une nourriture de plus en plus chère, les populations européennes sont sous pression.

Pour manger par exemple, "le pire est à venir",  anticipe l'assureur crédit Allianz Trade dans une étude publiée mardi, avec une hausse moyenne attendue du budget alimentaire au sein de l'Union européenne de 243 euros par an et par personne.

"A moyen terme, la crise du coût de la vie accroit la pression sur les gouvernements pour qu'ils en limitent l'impact", relève Laurence Allan, directeur risque pays Europe chez S&P Global Market Intelligence.

Des populations européennes paupérisées pourraient se tourner vers des choix politiques radicaux, surtout si les gouvernements décidaient des politiques d'austérité pour redresser leurs trajectoires budgétaires affectées depuis des années par le Covid et la guerre.

M. Allan rappelle que l'austérité après la crise de 2008 "a été le catalyseur de l'expansion de partis dits anti-système comme Syriza (Grèce), Cinq étoiles, Lega (Italie), Podemos (Espagne), qui ont mis en difficulté les partis traditionnels".

On le voit bien aussi en France, "où les trois grandes forces politiques sont désormais, le centre, l'extrême gauche et l'extrême droite", toutes deux portées par la question du pouvoir d'achat, relève Agathe Demarais, directrice de la prévision pour l'unité de recherche de The Economist, Economist Intelligence Unit (EIU).

Une industrie menacée

"L'économie européenne est plus exposée au poids des sanctions que l'américaine", estime Elvire Fabry chercheuse senior à l'Institut Jacques Delors sur l'UE dans la mondialisation.

"Les sanctions occidentales contre la Russie pèsent essentiellement sur l'Union européenne, profitent à la Chine et ne coûtent rien aux Etats-Unis", relève le diplomate Jean de Gliniasty dans le numéro de mai de la Revue Défense nationale (RDN).

"Prenez l'industrie automobile allemande par exemple. Pour eux, c'est vraiment compliqué, ils avaient la pénurie de semi-conducteurs (provoquée par le Covid, NDLR), puis la hausse des coûts, notamment des métaux, induite par la guerre en Ukraine, et en plus, leur exposition au marché russe est forte", illustre Mme Demarais.

Dans l'aéronautique, Airbus achète la moitié de son titane au fournisseur russe VSMPO-Avisma (qui continue de fournir), mais est en train de chercher d'autres approvisionnements. Boeing n'achète lui qu'un tiers de son titane à la Russie et a annoncé le 7 mars avoir cessé de se fournir auprès de VSMPO.

A court terme, "on peut craindre que Xi s'entête dans sa stratégie zéro Covid" qui perturbe les flux du commerce mondial, estime Mme Fabry.

Et à plus long terme, la guerre a un "impact sur le découplage structurel entre Etats-Unis et Chine", souligne-t-elle. 

Dans ce monde qui se scinde, "l'Europe est un nain entre d'un côté la Chine, de l'autre les Etats-Unis", assène Mme Demarais.

Elle devra engager de très gros moyens pour tirer son épingle du jeu et tenter de se préserver une forme d'autonomie.

Des moyens qui seront d'autant plus limités que le secteur risque de voir sa marge de manoeuvre financière réduite par la pression subie pour augmenter les salaires afin de contrer l'inflation.

Crise migratoire ? 

"Dans les prochains mois on va sentir l’effet de souffle de la crise ukrainienne en Afrique" au niveau alimentaire, anticipe Jean-Marc Balencie, analyste géopolitique français auteur du blog "Horizons incertains".

La crise alimentaire "est une préoccupation majeure pour les Européens, avec les risques de déplacement de population que cela peut créer", estime Mme Fabry.

D'autant que l'Europe gère déjà l'afflux des réfugiés ukrainiens ayant fui la guerre.

En cas d'arrivée massive de migrants, "il y a des dissensions à prévoir" entre pays européens, comme en 2015 avec les réfugiés syriens, prévoit Mme Demarais.

Et "le sujet sera instrumentalisé politiquement par certains mouvements", avec des conséquences incertaines, pense M. Allan. "Comme en Espagne, où vous avez une coalition très fragile" au pouvoir et des élections générales en 2023.

Au final, "dans un contexte de forte inflation, les crispations peuvent structurer le paysage politique européen", prévient Mme Fabry.

La division ?

Les Européens pourraient donc se diviser sur la question migratoire, mais d'autres ferments de rupture les travaillent déjà, notamment sur la position vis-à-vis de la Russie.

"En dépit du discours sur l'unité européenne, il y a des fissures, on voit que dans les faits, il y a un problème sur la dépendance aux gaz et pétrole russes" de certains pays, estime M. Balencie.

De la part de certains pays de l'Est notamment, "il y a une virulente remise en cause de la primauté franco allemande, qui va durer bien au-delà de la guerre, et qui risque de fissurer durablement l'UE", selon lui.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.