70 ans de règne d'Elizabeth II: le Royaume-Uni se prépare à la fête

Le Royaume-Uni célèbre la semaine prochaine les 70 ans de règne d'Elizabeth II (Photo, AFP).
Le Royaume-Uni célèbre la semaine prochaine les 70 ans de règne d'Elizabeth II (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 26 mai 2022

70 ans de règne d'Elizabeth II: le Royaume-Uni se prépare à la fête

  • Si les récents problèmes de santé et de mobilité de la reine de 96 ans ont fait craindre qu'elle ne soit en retrait, la souveraine a multiplié les apparitions surprises ces derniers jours
  • Mais signe de la transition en cours, son fils le prince Charles, héritier de la couronne, l'a remplacée pour le discours annuel marquant le début de l'année parlementaire

LONDRES: Parade, pique-nique dans tout le pays, concert et famille royale au balcon: le Royaume-Uni célèbre la semaine prochaine les 70 ans de règne d'Elizabeth II, un record historique fêté dans une période de transition pour la monarchie.

Eprouvés par les divisions du Brexit, fatigués par la pandémie et ses confinements et désormais étranglés par la hausse des prix, les Britanniques pourront profiter dès jeudi 2 juin d'un week-end prolongé.

Si les récents problèmes de santé et de mobilité de la reine de 96 ans ont fait craindre qu'elle ne soit en retrait, la souveraine a multiplié les apparitions surprises ces derniers jours, pour inaugurer une ligne de métro portant son nom, assister à un spectacle équestre ou parcourir les allées d'un grand événement horticole en voiturette de golf avec chauffeur.

Mais signe de la transition en cours, son fils le prince Charles, héritier de la couronne, l'a remplacée pour le discours annuel marquant le début de l'année parlementaire. Il se charge déjà depuis plusieurs années de la représenter à l'étranger.

Devant les députés jeudi, le Premier ministre Boris Johnson rendra hommage à la cheffe d'Etat, "roc" auquel les Britanniques sont "ancrés" depuis sept décennies, une "femme remarquable" qui a "dédié sa vie à son peuple", au Commonwealth et "à l'idée même de ce que peut et doit être une monarchie constitutionnelle", selon des extraits de son discours.

Elizabeth II a accédé au trône à 25 ans, le 6 février 1952, lorsque son père le roi George VI est mort d'un cancer du poumon à 56 ans.

Doyenne des souverains en vie, elle s'est récemment hissée à la troisième place en termes de longévité chez les monarques d'Etats souverains, devancée par le roi de France Louis XIV, mort en 1715 et le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej (Rama IX), décédé en 2016.

Pique-nique géant

A Londres, d'Oxford Street au Mall, avenue au macadam ocre qui mène au palais de Buckingham, les drapeaux s'affichent fièrement, préfigurant l'ampleur des festivités.

Elles commenceront le jeudi avec le Salut aux couleurs ("Trooping The Colour"), qui marque l'anniversaire officiel de la reine, avec plus de 1 500 militaires et musiciens, 240 chevaux et un survol de la Royal Air Force.

La traditionnelle apparition au balcon sera limitée aux membres actifs de la famille royale. Ont été exclus le prince Harry et son épouse Meghan, bien qu'en visite depuis leur exil californien, ainsi que le prince Andrew, qui a dû verser des millions de livres sterling pour éviter un procès aux Etats-Unis pour agressions sexuelles.

Egalement au programme, cérémonie religieuse à la cathédrale Saint-Paul le vendredi et courses hippiques et grande fête au palais de Buckingham le samedi.

Au total, plus de 200 000 événements sont prévus, et les organisateurs anticipent la participation de 10 millions de personnes aux pique-niques du jubilé le dimanche 5 juin.

Ce jour-là, une grande parade rendra hommage à la monarque et à la diversité du peuple britannique. Elle rassemblera 10 000 militaires, artistes et bénévoles. En comptant toutes formes de diffusion dans le monde entier, le spectacle devrait être vu par un milliard de personnes, selon les organisateurs.

Crépuscule ou renouveau: après Elizabeth II, la monarchie britannique face à un tournant

Elizabeth II, "la Dernière"? Si le crépuscule de son règne suscite chez les républicains britanniques l'espoir d'un basculement de régime, la monarchie a de grandes chances de lui survivre, temporisent des spécialistes de la royauté. A condition de se réinventer.

Graham Smith, le directeur du mouvement Republic, qui milite pour un président élu et non partisan comme chef d'Etat à la place du souverain, admet que son heure n'est pas venue: "On ne s'attend pas à ce que la monarchie soit abolie tant que la reine sera sur le trône" car elle jouit d'un important "soutien populaire".

Mais la question deviendra plus pressante quand son fils aîné, le prince Charles, moins apprécié, lui succédera, affirme-t-il auprès de l'AFP. 

Concert, parades, pique-niques... les Britanniques se préparent à fêter dans l'allégresse, quatre jours durant début juin, un jubilé de platine inédit pour les 70 ans de règne d'Elizabeth II. 

Symbole intrinsèque du Royaume-Uni, la souveraine de 96 ans montée sur le trône en 1952 a traversé les époques, omniprésente à travers plusieurs générations de Britanniques et socle d'une monarchie parfois fortement secouée par les scandales. 

«Très British, très excentrique»

"L'échelle est monumentale", a souligné récemment à l'AFP Adrian Evans, chef d'orchestre de la parade, qui promet un spectacle "très, très British, très excentrique".

Parmi les différents tableaux de la parade, l'un rendra un hommage plus personnel à la reine, en mettant notamment en scène corgis et chevaux, animaux auxquels la souveraine est particulièrement attachée.

Pour l'occasion, les pubs pourront ouvrir jusqu'à une heure du matin, deux heures de plus que d'habitude. La bière coulera à flots: la British Beer and Pub association estime que 90 millions de pintes de bières seront vendues pour le jubilé, et que le secteur profitera d'un coup de fouet de 105 millions de livres sterling (124 millions d'euros).

Selon une étude publiée par le groupe de réflexion British Future, deux tiers de la population est intéressée par le jubilé et une majorité estime qu'il représente l'occasion de rassembler. 58% veulent conserver la monarchie, tandis que 25% estiment que la fin du règne d'Elizabeth II serait le bon moment pour que le Royaume-Uni devienne une République.

Mais, souligne l'étude, le soutien moins important chez les jeunes et au sein des minorités ethniques traduit la nécessité pour la monarchie de se moderniser si elle veut rester dans le coeur de tous les Britanniques.

Elizabeth II, monarque habituée des records

Soixante-dix ans de règne pour une monarque de 96 ans qui a fait 42 fois le tour de la terre: la reine Elizabeth II, dont les Britanniques s'apprêtent à fêter le Jubilé de platine, est une habituée des records.

Longévité 

Elizabeth II règne depuis 70 ans et presque 4 mois. Au Royaume-Uni, le précédent record était détenu par son arrière-arrière-grand-mère la reine Victoria, qui avait régné 63 ans, 7 mois et 2 jours (du 20 juin 1837 à sa mort le 22 janvier 1901).

A 96 ans, la reine Elizabeth est aussi la monarque en exercice la plus âgée au monde.

Seuls deux rois ont régné plus longtemps qu'elle: le roi Louis XIV (plus de 72 ans entre 1643 et 1715) et le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej (70 ans et 4 mois, du 9 juin 1946 au 13 octobre 2016).

Globetrotter 

Elle a visité en tant que reine plus de 100 pays - autre record pour un souverain britannique - et effectué plus de 150 visites dans les pays du Commonwealth. Elle s’est rendue 22 fois au Canada – plus que dans aucun autre pays-  et 13 fois en France, dont elle parle la langue, plus que dans aucun autre pays européen.

Le Daily Telegraph a calculé qu'elle avait fait l'équivalent de 42 fois le tour de la terre avant d’arrêter les voyages à l'étranger en novembre 2015 à 89 ans.

Sa plus longue tournée à l'étranger avait duré 168 jours (novembre 1953- mai 1954), elle avait visité 13 pays.

Très occupée

"Je déclare devant vous, que toute ma vie, qu'elle soit longue ou courte, sera consacrée à votre service" avait déclaré Elizabeth, encore princesse, le jour de ses 21 ans.

Elle a mené durant son règne quelque 21.000 engagements, approuvé par "sanction royale" quelque 4.000 projets de loi, et reçu de très nombreux dignitaires dans le cadre de 112 visites d'Etat. Parmi eux l’empereur Haïlé Selassié (Ethiopie, 1954), l’empereur du Japon Hirohito (1971), le président polonais Lech Walesa (1991) et le président américain Barack Obama (2011).

Plus de 180 garden parties ont été organisées à Buckingham Palace, auxquelles ont assisté plus de 1,5 million de personnes.

14 Premiers ministres 

Elle a connu 14 premiers ministres, de Winston Churchill (1952-1955) à Boris Johnson, qui lors d'audiences en principe hebdomadaires l'ont tenue informée des principaux développements du moment.

La reine Elizabeth a aussi rencontré 13 des 14 présidents américains, de Harry Truman (1945-1953) à Joe Biden. Lyndon Johnson (1963-1969) est le seul qui manque.

La reine, cheffe de l’église anglicane, très croyante et pratiquante, a rencontré quatre papes en visite officielle: Jean XXIII (1961), Jean-Paul II (1980, 1982 et 2000), Benoît XVI (2010) et le pape François (2014).

Un million de cartes de félicitations 

Elle a envoyé quelque 300 000 cartes de félicitations à des centenaires et plus de 900 000 à des couples célébrant leurs noces de diamant (60 ans). Elle-même est restée mariée plus de 73 ans au prince Philip, décédé en avril 2021, encore un record pour un monarque britannique.

Plus de 200 portraits  

Elle a posé pour plus de 200 portraits, dont le premier quand elle avait 7 ans.

Parfois pionnière 

La reine Elizabeth a été le premier monarque britannique à visiter la Chine, en 1996, et à s'adresser à la Chambre des représentants à Washington, le 16 mai 1991.

La reine avait envoyé son premier email le 26 mars 1976, lors d'une visite d'un centre de recherches du ministère de la Défense. 

En 1997, elle avait lancé le premier site internet officiel pour Buckingham Palace. 

En 2014 elle a envoyé son premier tweet, et en 2019 son premier post Instagram.

Vidéo avec James Bond 

C'est la seule monarque à avoir (presque) sauté en parachute avec James Bond: dans une vidéo réalisée pour l'ouverture des JO de 2012 à Londres, on la voit recevoir l'espion interprété alors par Daniel Craig à Buckingham Palace avant que tous deux fassent mine d'embarquer dans un hélicoptère, de survoler Londres et sauter en parachute au dessus du stade Olympique où l'arrivée (réelle) de la reine avait été saluée d'une ovation.


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.


Le Gray fait son grand retour à Beyrouth : symbole d’espoir et de renouveau

Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
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  • Cinq ans après l’explosion du port, Le Gray rouvre ses portes en novembre 2025, devenant un symbole fort de relance pour le centre-ville de Beyrouth et l’hospitalité libanaise
  • Sous la direction de Charles Akl et du chef étoilé Alan Geaam, l’hôtel incarne l’alliance du luxe, de la mémoire et du renouveau culturel, gastronomique et économique de la capitale

BEYROUTH: Cinq ans après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth et la fermeture qui s’en est suivie, l’hôtel Le Gray s’apprête à rouvrir ses portes en novembre 2025, marquant un tournant symbolique pour la capitale libanaise. Situé sur la place des Martyrs, au cœur du centre-ville, cet établissement iconique, membre du réseau Leading Hotels of the World (LHW) retrouve son éclat d’antan et incarne l’espoir d’un renouveau pour l’hospitalité et la culture libanaises.

Un nouveau souffle pour Beyrouth

La réouverture de Le Gray intervient dans un contexte d’effort de relance économique. Depuis l’arrivée d’un nouveau gouvernement en janvier 2025, le Liban semble s’engager dans une phase de stabilisation et de redressement. L’ouverture des Beirut Souks plus tôt en octobre a déjà insufflé un vent d’optimisme dans une ville meurtrie, encore marquée par les séquelles de la guerre de 2024.

« C’est un retour à la vie et une réaffirmation de notre engagement envers Beyrouth, » déclare Charles Akl, directeur général de Le Gray.

« Le Gray a toujours été plus qu’un hôtel : c’est un symbole, un lieu de rencontre, une part de l’âme de la ville. Aujourd’hui, il revient pour redonner espoir et dynamisme au centre-ville. »

La gastronomie au cœur du renouveau

Symbole fort de ce retour : la cuisine. Le chef franco-libanais Alan Geaam, seul chef libanais étoilé au Guide Michelin, prend les commandes des restaurants de l'hôtel. Après vingt-sept ans en France, il signe ici un retour aux sources empreint d’émotion et d’ambition.

« Mon objectif est de porter encore plus haut le nom du Liban sur la scène gastronomique internationale, » confie le chef. « C’est un honneur de revenir à Beyrouth, de former de jeunes talents et de faire rayonner notre cuisine. »

Alan Geaam introduit à cette occasion Qasti Beyrouth, déclinaison locale de son restaurant emblématique présent à Paris et dans d’autres grandes villes, ainsi que Padam, une adresse signature au sein de l’hôtel.

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Qasti Beyrouth : la cuisine d’Alan Geaam au cœur de Le Gray. (Photo: ANFR)

Une redécouverte d’un joyau urbain

À l’occasion du pre-opening de l’hôtel, un groupe de journalistes a été invité à redécouvrir les lieux. L’expérience a été décrite comme un moment d’émotion et de redécouverte, dans un cadre où se mêlent raffinement, art et mémoire.

Avec plus de 100 chambres et suites repensées sous la direction artistique de l’architecte Galal Mahmoud, l’hôtel allie élégance contemporaine et références subtiles à l’histoire et à la culture libanaises. Plus de 600 œuvres d’art ornent les espaces communs et les chambres, transformant l’hôtel en véritable galerie.

Le Gray propose également des espaces événementiels et de conférence modulables, capables d’accueillir aussi bien des événements professionnels que des célébrations privées.

Un lieu au carrefour du passé et de l’avenir

À quelques pas des Beirut Souks, du front de mer et de Zaitouna Bay, Le Gray se trouve à la croisée de l’histoire, de la culture et du renouveau économique. Il se veut désormais moteur du redéploiement touristique du centre-ville.

Pour Charles Akl, cette réouverture dépasse le simple acte économique : « C’est une responsabilité collective : celle de redonner de l’élan à la ville, de raviver les talents, et de réaffirmer la place de Beyrouth sur la carte mondiale de l’hospitalité et de la culture. »

Avec cette réouverture très attendue, Le Gray ne se contente pas de retrouver sa place dans le paysage hôtelier. Il incarne la résilience d’un peuple et la volonté d’un pays de se reconstruire, avec élégance et conviction.