Un chemin de tromperie depuis deux décennies

Dans cette photo d'archive prise le 17 décembre 2021, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, présente une caméra de surveillance au siège de l'agence à Vienne, en Autriche. ALEX HALADA / AFP
Dans cette photo d'archive prise le 17 décembre 2021, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, présente une caméra de surveillance au siège de l'agence à Vienne, en Autriche. ALEX HALADA / AFP
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Publié le Vendredi 10 juin 2022

Un chemin de tromperie depuis deux décennies

Un chemin de tromperie depuis deux décennies
  • Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) n’a cessé d’alerter le monde au sujet des tactiques trompeuses de Téhéran
  • Dans une interview accordée à la chaîne de télévision publique 4 en janvier 2019, Ali Akbar Salehi, ancien chef de l'Organisation de l'énergie atomique du régime iranien, a admis avoir menti

Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) n’a cessé d’alerter le monde au sujet des tactiques trompeuses de Téhéran. Le 10 septembre 2004, lors d'une conférence de presse à Paris, le président de la commission des affaires étrangères du CNRI, Mohammed Mohadessine, a révélé des informations sur une réunion secrète au plus haut niveau du régime: Khamenei a désigné une équipe dirigée par Hassan Rohani qui a pour mission de tromper la communauté internationale et d’empêcher les divulgations jusqu'à ce que l’Iran obtienne la technologie nucléaire nécessaire à l’élaboration d’une bombe.
Le 10 octobre 2004, le président de l'époque, Mohammed Khatami, a officiellement nommé Rohani à ce poste. À ce titre, le ministre des Affaires étrangères Kamal Kharazi, le ministre des Renseignements Ali Younessi, le ministre de la Défense Ali Shamkhani, le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique Gholam Reza Aghazadeh, l'ancien ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Velayati (représentant personnel de Khamenei) travaillaient sous sa supervision. En outre, des individus tels que Sayed Hossein Mousavian, Amir Hossein Zamani Nia, Mohammed Hossein Alborzi, Cyrus Nasseri, Mohammed Kazem Sajjadpour et Bozorgmehr Zaerian avaient la responsabilité d'empêcher la divulgation des activités nucléaires du régime à l’échelle internationale.

Le CNRI a révélé qu'un comité top secret avait supervisé la rédaction des réponses à l'AIEA concernant la PMD du programme nucléaire de Téhéran.


Dans les années qui ont suivi, le CNRI a continuellement divulgué des informations détaillées sur la tromperie du régime. Dans un livre intitulé Sécurité nationale et diplomatie nucléaire, l'ancien président Hassan Rohani écrit: «L'Iran avait l'intention de mettre le monde devant le fait accompli, de faire fonctionner 54 000 centrifugeuses d'ici au mois de mars 2003 et de produire 30 tonnes de carburant à 3,5 % par an. Cependant, le MEK [Organisation des moudjahidines du peuple iranien, NDLR] a soudainement lancé une conférence de presse et a exposé les sites de Natanz et d'Arak et a fait beaucoup de bruit en faisant des allégations sans fondement.»
En 2006, Rohani a admis que Téhéran avait joué la montre et qu’il avait tenté de tromper l'Occident après la découverte par l'opposition iranienne, en 2002, de son programme nucléaire secret.
Le 2 décembre 2015, le CNRI a divulgué le comité secret du régime iranien pour tromper l'AIEA au sujet de l'enquête sur la possible dimension militaire (PMD).
Le CNRI a révélé qu'un comité top secret avait supervisé la rédaction des réponses à l'AIEA concernant la PMD du programme nucléaire de Téhéran.
Selon les révélations, de hauts responsables du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et du Ministère de la logistique des forces armées de la défense ont été chargés de rédiger les réponses aux enquêtes PMD de l'AIEA. Ces dernières visaient à dissimuler les dimensions militaires – mettant ainsi fin à la PMD en forgeant des scénarios appropriés d’utilisations non militaires du programme que l'AIEA jugerait plausibles – et à convaincre à tort la communauté internationale que l'Iran n'a jamais cherché la bombe nucléaire.
Ce comité a préparé les réponses de la PMD soumises à l'AIEA le 15 août 2015.

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision publique 4 en janvier 2019, Ali Akbar Salehi, ancien chef de l'Organisation de l'énergie atomique du régime iranien, a admis avoir menti sur le site d'Arak et avoir caché certains des équipements interdits qu’ils avaient achetés, sur ordre de Khamenei.


Parmi les principaux enjeux liés à la question de la PMD figurent les détonateurs explosifs appelés détonateurs EBW (Exploding Bridge Wire), qui font partie d'un programme de développement d'un dispositif nucléaire de type implosion.
Dans son rapport de septembre 2014, l'AIEA a déclaré que l'Iran avait offert à l'Agence «des informations et des explications sur les travaux de l'Iran après 2007 liés à l'application de détonateurs EBW dans l'industrie pétrolière et gazière et qui n'étaient pas incompatibles avec les pratiques industrielles spécialisées».
Téhéran avait falsifié des documents et échangé des communications entre le ministère du Pétrole et le ministère de la Défense pour prouver que les EBW étaient fabriqués et utilisés par l'industrie pétrolière.
Mais, selon la résistance iranienne, la National Iranian Drilling Company (NIDC), responsable de tous les forages pétroliers et gaziers, n'avait pas reçu un seul des détonateurs EBW fabriqués par le ministère de la Défense!
«Pendant ces années, nous avons souvent voulu perturber l'évaluation de nos adversaires», a déclaré Ali Bagheri Kani à la chaîne de télévision Irib Ofogh en 2019. «Nous avions besoin de plus de temps pour cela. Il fallait donc montrer nos compétences à l'entraînement. L'enrichissement de 20% ne pourrait pas se produire du jour au lendemain. Cela a nécessité quelques travaux. Fordow et Arak [deux sites nucléaires] avaient besoin de travaux. Il a fallu du temps pour y arriver. Nous avons donc gagné du temps. Mais, une fois qu'ils étaient prêts à négocier un accord, le processus de négociation s'est accéléré.»
Dans une interview accordée à la chaîne de télévision publique 4 en janvier 2019, Ali Akbar Salehi, ancien chef de l'Organisation de l'énergie atomique du régime iranien, a admis avoir menti sur le site d'Arak et avoir caché certains des équipements interdits qu’ils avaient achetés, sur ordre de Khamenei.

L’ancien vice-président du Parlement du régime (Majlis), Ali Motahari, a fait une révélation surprenante lors de son interview à Iscanews le 24 avril 2022: il a confirmé que le pays tentait bel et bien de fabriquer la bombe.


Selon l'agence de presse officielle IRNA, le 9 février 2019, Ahmad Khatami, membre de l'Assemblée des experts, a admis dans un discours à Machhad: «Nous avons la formule pour construire une bombe atomique. […] Nous considérons l'énergie nucléaire comme vitale pour nous.»
Le 3 novembre 2019, Ali Akbar Salehi a également reconnu la tromperie à laquelle s’était livré le régime lors des négociations.
Le 9 février 2021, Mahmoud Alavi, l'ancien ministre du Renseignement et de la Sécurité du régime (Vevak) a déclaré dans une interview télévisée – qui reposait essentiellement sur un texte lu – que le régime pourrait décider de fabriquer la bombe nucléaire.
Le samedi 27 novembre 2021, Fereydoun Abbasi Davani, l'ancien chef de l'Organisation de l'énergie atomique du régime, a avoué dans une interview au quotidien d'État Iran que Mohsen Fakhrizadeh, l'ancien chef assassiné du projet d'armement nucléaire du régime, avait créé un système pour fabriquer une bombe atomique.
L’ancien vice-président du Parlement du régime (Majlis), Ali Motahari, a fait une révélation surprenante lors de son interview à Iscanews le 24 avril 2022: il a confirmé que le pays tentait bel et bien de fabriquer la bombe.
Mme Maryam Radjavi, présidente élue du CNRI, a déclaré en mai 2015 à la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis: «La fatwa de Khamenei sur l'interdiction des armes nucléaires est une imposture. Il y a des années, l'ancien Guide suprême Khomeini a ordonné à Khamenei que, dans l'intérêt du régime, le Guide suprême puisse annuler unilatéralement les contrats de charia qu'il a conclus avec le peuple.»
Alors que l'AIEA va tenir sa prochaine réunion, les trente-cinq États membres doivent une fois de plus se prononcer sur trois décennies de déni, de tromperie et de duplicité du régime des mollahs.
Pendant ce temps, la seule façon d'arrêter les projets d'armes nucléaires du régime iranien est de réactiver les six résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, de démanteler les sites nucléaires et les activités d'enrichissement du régime, et de mener des inspections à tout moment et en tout lieu.

Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années. 

TWITTER: @h_enayat

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.