Sanctions: dans les champs russes, les agriculteurs se replient sur leur pays

Un tracteur tracte une herse sur le champ de l'entreprise Chyorny Khleb ("Pain noir") dans le village de Khatmanovo dans la région de Tula à quelque 150 kilomètres de Moscou le 7 juin 2022. Yevgeny Shifanov, copropriétaire d'une ferme biologique, dit son entreprise a subi l'aiguillon des sanctions occidentales et il n'est plus en mesure de vendre son grain à l'Europe. (AFP).
Un tracteur tracte une herse sur le champ de l'entreprise Chyorny Khleb ("Pain noir") dans le village de Khatmanovo dans la région de Tula à quelque 150 kilomètres de Moscou le 7 juin 2022. Yevgeny Shifanov, copropriétaire d'une ferme biologique, dit son entreprise a subi l'aiguillon des sanctions occidentales et il n'est plus en mesure de vendre son grain à l'Europe. (AFP).
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Publié le Vendredi 17 juin 2022

Sanctions: dans les champs russes, les agriculteurs se replient sur leur pays

  • Dans le village de Khotmanovo, 170 kilomètres au sud de Moscou, sur les rives de la rivière Oka, Tchiorny Khleb ("Pain noir") fait partie des petites exploitations qui se sont multipliées en Russie
  • A "Tchiorny Khleb", qui cultive divers céréales sur un peu plus de 1.000 hectares, le blé encore vert arrive au genou et l'on profite du calme avant l'activité intense de la récolte

KHATMANOVO: Avec son vaste territoire et ses terres ultra-fertiles dans le sud, la Russie est une des premières puissances céréalières du monde. Mais depuis le début du conflit en Ukraine et la pluie de sanctions occidentales, les agriculteurs sont contraints de se replier sur le marché intérieur.

Dans le village de Khotmanovo, 170 kilomètres au sud de Moscou, sur les rives de la rivière Oka, Tchiorny Khleb ("Pain noir") fait partie des petites exploitations qui se sont multipliées en Russie durant la dernière décennie.

Le cap est clair, explique le copropriétaire de cette exploitation biologique, Evgueni Chifanov, 42 ans: "Nous nous tournons davantage vers notre marché intérieur, vers notre économie".

Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, impliquant deux superpuissances agricoles qui assuraient 30% des exportations mondiales de blé, a provoqué une flambée des cours des céréales et des engrais, ébranlant la sécurité alimentaire mondiale.

La Russie semble en position de force dans le bras de fer céréalier: premier exportateur mondial de blé, Moscou a fait des grains ukrainiens bloqués un élément clé des négociations.

Mais le secteur agricole russe risque est lui aussi perturbé.

A "Tchiorny Khleb", qui cultive divers céréales sur un peu plus de 1.000 hectares, le blé encore vert arrive au genou et l'on profite du calme avant l'activité intense de la récolte, qui commence fin juillet.

"En mars ou avril, on commence à préparer la terre, puis on plante. Là, on s'apprête à récolter les résultats de notre travail", explique Alexeï Ierchov, tractoriste ventripotent de 28 ans, avant de grimper sur son engin rouge et noire et de repartir dans un champ de sarrasin.

Problèmes logistiques 

Si les perspectives de la saison sont bonnes - le ministère de l'Agriculture prévoit une récolte de 130 millions de tonnes, dont un record de 87 millions de tonnes de blé -, les agriculteurs ont connu des mois mouvementés depuis le début des sanctions.

"Nous rencontrons des perturbations logistiques. C'est un problème, car nous avons des partenaires à la fois en Europe (notamment en Lituanie) et en Israël", indique le copropriétaire Evgueni Chifanov, expliquant que les camions restent bloqués aux frontières.

"Nous ne pouvons pas les livrer, nous ne pouvons que nous contenter de notre marché intérieur. Et nous travaillons activement pour trouver des partenaires au Bélarus, en Arménie, au Kazakhstan", ajoute-t-il, énumérant des pays restés proches de Moscou.

Il se dit néanmoins optimiste, une fois la panique des premières semaines passée: la petite ferme avait alors cédé à la crainte de se retrouver sans emballages et avait acheté un an de stock d'un coup, qui prend désormais la poussière.

D'autres petits tracas s'accumulent. Un de leurs partenaires manque de colle pour fabriquer les étiquettes: "Elle était importée d'Europe. Ils essayent de résoudre le problème via la Chine mais la logistique reste compliquée", explique M. Chifanov, debout dans un hangar entre des monticules de blé.

Dans un bâtiment proche, le meunier Roman Tikhonov, 40 ans, s'affaire autour d'un moulin en bois de fabrication autrichienne.

"Récemment, quelque-chose s'est cassé, nous avons trouvé le matériel et l'avons réparé. Avant les pièces détachées arrivaient d'Autriche, on les attendait longtemps, maintenant nous les fabriquons nous-mêmes, c'est plus rapide", constate-t-il laconique.

Le moulin ukrainien, à côté, reçoit ses pièces détachées via le Bélarus depuis 2014 et le début du conflit russo-ukrainien.

Le co-propriétaire se dit néanmoins soulagé que ses tracteurs soient majoritairement russes ou bélarusses, lui évitant des casse-têtes.

« Marges détruites »

La situation sur le marché des céréales a elle aussi évolué. Avant le début du conflit, le prix du blé était déjà élevé (environ 300 euros la tonne) mais se situe désormais à un peu moins de 400 euros. La Russie a continué à en vendre depuis le début des hostilités, dans une situation de pénurie du fait du défaut de l'Ukraine, et en dépit des difficultés de navigation.

Selon Andreï Sizov, directeur général du cabinet de conseil agricole SovEcon, les céréales russes se vendent désormais à environ 20 dollars la tonne de moins que le prix du marché, un phénomène observé également pour le pétrole russe.

"Tout se reflète dans le prix. Les céréales russes sont devenues moins chères que, par exemple, les françaises, car il faut (pour l'acheteur) inclure dans le prix les coûts additionnels pour le fret, l'assurance, les problèmes de paiement".

Si les prix restent élevés et réduisent l'impact financier pour la Russie, "les agriculteurs russes n'en profitent pas, en raison de taxes d'exportation très élevées introduites en 2021 dans l'espoir erroné de réduire l'inflation alimentaire".

Ce alors même que leurs "coûts moyens sont 20-30% plus élevés en roubles" qu'il y a un an, note M. Sizov, ajoutant que les agriculteurs russes voient "leurs marges détruites".

 

Sur le Danube, la galère pour sauver les céréales ukrainiennes

Dans le port ukrainien d'Izmaïl, sur le Danube, les chauffeurs routiers s'impatientent, leurs camions débordant de céréales. A l'autre extrémité, en Roumanie, là où le fleuve se jette dans la Mer Noire, les navires rongent aussi leur frein.

De mémoire de marin, jamais tant de bateaux, aux pavillons divers, n'ont stationné au large de Sulina, danns l'est de la Roumanie, attendant de rejoindre l'Ukraine pour être chargés de denrées.

L'invasion russe a tout chamboulé: le blocus par Moscou des ports maritimes ukrainiens, à commencer par celui d'Odessa, a paralysé les exportations de ce pays qui figure parmi les plus gros producteurs mondiaux de céréales.

"L'alternative, c'est le Danube", qui trace une frontière naturelle entre l'Ukraine et la Roumanie. "Le gros problème, c'est la capacité des infrastructures sur le fleuve", explique à l'AFP Ioury Dimtchoglo, ancien vice-président du Conseil régional d'Odessa.

Depuis le début de la guerre, "seul 1,5 million de tonnes de céréales ont pu être exportées par ce biais", dit-il, une goutte d'eau comparé aux quelque 20 à 25 millions de tonnes bloquées en Ukraine selon le président Volodymyr Zelensky.

« Nourrir le monde »

Tout en amont de la chaîne, l'exploitant agricole Vyatcheslav Zyabkin, qui travaille à 35 kilomètres du port, n'a "toujours rien mis sur les bateaux du Danube. Pas même un kilo".

Car on lui a proposé un prix d'achat bien inférieur aux coûts d'exploitation, dit-il, estimant que la solution danubienne convient surtout aux petits agriculteurs, qui ont de faibles quantités à écouler.

Et pour ceux qui y ont recours, le trajet est semé d'obstacles.

D'abord les embouteillages sur la route: les camions convergent du sud du pays dans l'espoir de pouvoir décharger sur le Danube.

Puis une fois arrivés au port, là aussi il y a foule.

Rencontré à Izmaïl, Serguiï Gavrilenko, chauffeur de 45 ans, marcel à rayures bleues, bob kaki et lunettes d'aviateur, piétine. Il fait 32 degrés et il se lave avec un bidon d'eau rangé dans sa cabine.

"Avant la guerre, il fallait une journée, maintenant il faut compter trois jours. On prend sur nous parce que c'est pour le bien du pays et pour nourrir le monde", confie-t-il.

« Pas de répit »

Les embarcations qui prennent le relais et acheminent les marchandises vers les clients étrangers en descendant le Danube, avant de rejoindre la Mer Noire, arrivent en effet au compte-gouttes.

Au large de Sulina, ils sont près d'une centaine à patienter, entre sept et dix jours en moyenne, avant de pouvoir emprunter le canal en direction des ports ukrainiens.

"Notre volume de travail a beaucoup augmenté. Nous sommes à pied d'oeuvre du lever au coucher du soleil", raconte Gabriel Danila-Mihalcea, 28 ans, capitaine d'un bateau qui multiplie les allers-retours entre Sulina et la mer Noire.

La mission de ce bateau pilote est cruciale: transférer à bord de chacun des navires en rade un pilote qui prendra la barre jusqu'au port de destination.

Cette règle a été entérinée en 1948 par la Convention du Danube en raison des dangers d'un cours d'eau trompeur.

"Nous n'avons pas de répit", se désole, sous couvert de l'anonymat, l'un des 36 navigateurs affectés à cette tâche.

"Le mois dernier, 400 bateaux sont passés par Sulina, c'était un record", s'exclame le mécanicien du bateau pilote, Mihai Calin, 48 ans dont 30 les pieds dans l’eau.

« Ouragan de famines »

"Le trafic a triplé par rapport à mai 2021", confirme auprès de l'AFP le secrétaire d'Etat roumain aux Transports Ion Popa.

Gérer cette hausse est "un effort pour la Roumanie", ajoute-t-il, disant espérer une aide de Bruxelles.

Après s'être rejeté la responsabilité pour les délais d'attente en rade, la Roumanie et l'Ukraine ont mis en place fin mai un commandement conjoint qui décide de l'ordre dans lequel les navires entrent sur le Danube. Ceux affrétés pour le transport de céréales sont désormais prioritaires.

Près de 700.000 tonnes ont par ailleurs été transportées depuis le début du conflit via le port roumain de Constanta, sur la Mer Noire, à bord de barges, de trains ou de poids lourds, souligne M. Popa.

Mais les files d'attente aux postes-frontières routiers et ferroviaires s'allongent chaque jour.

Avant la guerre, l'Ukraine était le quatrième exportateur de maïs, en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé et assurait seule 50% du commerce mondial de graines et d'huile de tournesol.

Si la crise dure, l'ONU craint "un ouragan de famines" dans les mois à venir.

Problèmes logistiques 

Si les perspectives de la saison sont bonnes - le ministère de l'Agriculture prévoit une récolte de 130 millions de tonnes, dont un record de 87 millions de tonnes de blé -, les agriculteurs ont connu des mois mouvementés depuis le début des sanctions.

"Nous rencontrons des perturbations logistiques. C'est un problème, car nous avons des partenaires à la fois en Europe (notamment en Lituanie) et en Israël", indique le copropriétaire Evgueni Chifanov, expliquant que les camions restent bloqués aux frontières.

"Nous ne pouvons pas les livrer, nous ne pouvons que nous contenter de notre marché intérieur. Et nous travaillons activement pour trouver des partenaires au Bélarus, en Arménie, au Kazakhstan", ajoute-t-il, énumérant des pays restés proches de Moscou.

Il se dit néanmoins optimiste, une fois la panique des premières semaines passée: la petite ferme avait alors cédé à la crainte de se retrouver sans emballages et avait acheté un an de stock d'un coup, qui prend désormais la poussière.

D'autres petits tracas s'accumulent. Un de leurs partenaires manque de colle pour fabriquer les étiquettes: "Elle était importée d'Europe. Ils essayent de résoudre le problème via la Chine mais la logistique reste compliquée", explique M. Chifanov, debout dans un hangar entre des monticules de blé.

Dans un bâtiment proche, le meunier Roman Tikhonov, 40 ans, s'affaire autour d'un moulin en bois de fabrication autrichienne.

"Récemment, quelque-chose s'est cassé, nous avons trouvé le matériel et l'avons réparé. Avant les pièces détachées arrivaient d'Autriche, on les attendait longtemps, maintenant nous les fabriquons nous-mêmes, c'est plus rapide", constate-t-il laconique.

Le moulin ukrainien, à côté, reçoit ses pièces détachées via le Bélarus depuis 2014 et le début du conflit russo-ukrainien.

Le co-propriétaire se dit néanmoins soulagé que ses tracteurs soient majoritairement russes ou bélarusses, lui évitant des casse-têtes.

« Marges détruites »

La situation sur le marché des céréales a elle aussi évolué. Avant le début du conflit, le prix du blé était déjà élevé (environ 300 euros la tonne) mais se situe désormais à un peu moins de 400 euros. La Russie a continué à en vendre depuis le début des hostilités, dans une situation de pénurie du fait du défaut de l'Ukraine, et en dépit des difficultés de navigation.

Selon Andreï Sizov, directeur général du cabinet de conseil agricole SovEcon, les céréales russes se vendent désormais à environ 20 dollars la tonne de moins que le prix du marché, un phénomène observé également pour le pétrole russe.

"Tout se reflète dans le prix. Les céréales russes sont devenues moins chères que, par exemple, les françaises, car il faut (pour l'acheteur) inclure dans le prix les coûts additionnels pour le fret, l'assurance, les problèmes de paiement".

Si les prix restent élevés et réduisent l'impact financier pour la Russie, "les agriculteurs russes n'en profitent pas, en raison de taxes d'exportation très élevées introduites en 2021 dans l'espoir erroné de réduire l'inflation alimentaire".

Ce alors même que leurs "coûts moyens sont 20-30% plus élevés en roubles" qu'il y a un an, note M. Sizov, ajoutant que les agriculteurs russes voient "leurs marges détruites".


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.