Iran: la population se serre la ceinture face à la hausse vertigineuse des prix

L'Iran est en lutte avec une croissance effrénée des prix depuis des années, dépassant 30 % par an chaque année depuis 2018, selon le Fonds monétaire international. (Photo : ATTA KENARE / AFP)
L'Iran est en lutte avec une croissance effrénée des prix depuis des années, dépassant 30 % par an chaque année depuis 2018, selon le Fonds monétaire international. (Photo : ATTA KENARE / AFP)
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Publié le Dimanche 19 juin 2022

Iran: la population se serre la ceinture face à la hausse vertigineuse des prix

TEHERAN : Dans sa boucherie du quartier populaire de Molavi à Téhéran, Ali découpe avec dextérité la carcasse d'un mouton devant une dizaine de chalands dont l'unique sujet de conversation est l'inflation galopante.

Cheveux poivre et sel, il fait grise mine en évoquant la hausse vertigineuse des prix qui raréfie sa clientèle.

"Que puis-je vous dire? Mes ventes ont chuté de presque moitié. Je suis boucher et il y a des semaines où je ne mange pas de viande. Les prix n’arrêtent pas de grimper", confie-t-il.

Sur le trottoir, Ali tend à Asghar, un fonctionnaire à la retraite de 63 ans, un sac contenant des morceaux de viande pour lui et sa femme.

"Nous avions l'habitude d'acheter bien plus mais c'est fini. Tout le monde réduit sa consommation, nous sommes tous sous pression", dit-il.

Selon les chiffres circulant dans les médias, les prix de la viande rouge ont augmenté de 50%, ceux du poulet et du lait ont doublé, tandis que l'huile de cuisson a quadruplé.

Les Iraniens, qui apprécient la bonne cuisine où la viande fait bon ménage avec du riz, des épices et d'autres saveurs, se rabattent aujourd'hui sur le pain, le poulet, même si le prix de la volaille et des œufs a doublé mi-mai avec la fin des subventions.

Le pain qui a échappé à cette inflation est devenu l'aliment le plus populaire. Son prix est stable après l'engagement du gouvernement à ce que la hausse des prix n'affecte pas cette denrée ainsi que le carburant et les médicaments.

Demande de pain en hausse

Dans sa boulangerie traditionnelle du sud de Téhéran, Mojtaba, 29 ans, confie que ses ventes ont augmenté depuis que le président Raïssi, arrivé au pouvoir en août, a fait cette promesse.

"Nous cuisons des quantités supplémentaires parce que les gens ont recours au pain, faute de pouvoir acheter du riz, de l'huile de cuisson, des pâtes. Certains ne se nourrissent désormais presque exclusivement que de pain", explique-t-il en malaxant la pâte pour une nouvelle fournée dans son four creusé dans le sol.

"Les files d'attente dans les boulangeries se sont allongées", constate amèrement Shadi, une femme au foyer qui porte un tchador noir.

L'Iran connait une grave crise économique due en grande partie aux sanctions imposées par l'ex-président américain Donald Trump lors de son retrait unilatéral de l'accord sur le nucléaire iranien en 2018.

La crise a conduit à une dépréciation de la monnaie, à  une inflation dépassant les 40% par an depuis 2018, selon les experts.

Le rial a touché le fond cette semaine après l'adoption par l'AIEA d'une résolution contre l'Iran, éloignant d'autant les perspectives d'un accord et de levée des sanctions. Dimanche, il fallait 337.000 rials pour un dollar soit 25% de plus que fin mars et dix fois plus qu'en 2017.

Pour l'analyste économique Saïd Laylaz, "ces quatre dernières années le pays est confronté à la plus sévère inflation depuis la Seconde Guerre mondiale".

Elle s'est accélérée après l'annonce mi-mai par le président Ibrahim Raïssi de changement dans le système des subventions avec comme conséquence une flambée des prix des produits de base tels que la farine, la viande, les œufs et l'huile de cuisson.

Des centaines d'Iraniens ont protesté dans plusieurs villes ces dernières semaines. Ces mouvements de contestation sont venus s'ajouter à d'autres qui se poursuivent depuis des mois dans divers secteurs pour obtenir de meilleurs salaires et une hausse du niveau des pensions de retraite.

Démission ministérielle

Mardi, le ministre du Travail Hodjatollah Abdolmaléki a démissionné en invoquant son désir de voir "s'améliorer les services fournis à la population", selon le porte-parole du gouvernement Ali Bahadori-Jahromi.

Mais pour le journal réformiste Etemad, sa démission fait suite aux "critiques cinglantes dont il a été l'objet de la part des retraités".

Pour M. Laylaz, deux raisons expliquent la hausse des prix: la "forte augmentation des tendances inflationnistes dans le monde" avec le conflit en Ukraine, et "le début des énormes réformes économiques (...) en Iran qui entraîneront inévitablement une inflation supplémentaire".

Pour cet expert, ancien conseiller économique de plusieurs présidents iraniens, beaucoup sont exaspérés par la suppression du taux de change subventionné, en place depuis 2018, qui permettait l'importation, à un taux favorable, de produits de base tels que le blé, l'huile de cuisson et le matériel médical.

Mais pour M. Laylaz cette suppression du taux de change était inéluctable, d'autant que les pourparlers avec les grandes puissances sur le nucléaire n'ont pas encore abouti à un accord levant les sanctions.

"Si l'Iran avait voulu maintenir le taux préférentiel comme les années précédentes, nous aurions eu besoin cette année de 22 milliards de dollars", a-t-il déclaré.


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
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  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
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  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.