Au Sahel, vers une présence militaire française à bas bruit

Au-delà d'aider à contenir les violences djihadistes qui menacent de s'étendre jusqu'au golfe de Guinée, l'enjeu pour Paris du maintien d'une présence militaire française est d'éviter un déclassement stratégique, à l'heure d'une compétition accrue sur la scène internationale. (AFP)
Au-delà d'aider à contenir les violences djihadistes qui menacent de s'étendre jusqu'au golfe de Guinée, l'enjeu pour Paris du maintien d'une présence militaire française est d'éviter un déclassement stratégique, à l'heure d'une compétition accrue sur la scène internationale. (AFP)
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Publié le Mercredi 06 juillet 2022

Au Sahel, vers une présence militaire française à bas bruit

  • Hier partenaire-clé de Bamako, l'ancienne puissance coloniale est désormais persona non grata et s'apprête à quitter le pays d'ici quelques semaines
  • Désormais l'armée française offrira son soutien, mais en deuxième ligne. Une manière de réduire la visibilité de son action, qui agit comme un irritant dans les sociétés africaines

NIAMEY: Poussée hors du Mali après neuf ans de lutte antidjihadiste, l'armée française veut continuer à coopérer avec le Niger et d'autres pays du Sahel et d'Afrique de l'Ouest, mais plus discrètement par souci d'acceptabilité, et dans un périmètre qui reste encore flou.

Hier partenaire-clé de Bamako, l'ancienne puissance coloniale est désormais persona non grata et s'apprête à quitter le pays d'ici quelques semaines. La junte au pouvoir depuis 2020 a poussé dehors l'armée française et a fait appel aux Russes, via la sulfureuse société paramilitaire Wagner.

Le bilan est mitigé: si l'opération Barkhane, qui a succédé à l'opération Serval en 2013, a obtenu de beaux succès tactiques en supprimant de nombreux chefs djihadistes et en entravant la marge de manoeuvre des groupes armés, l'Etat malien n'a jamais transformé l'essai en apportant des réponses politiques. Conséquence: les violences continuent de s'intensifier et le sentiment anti-français a gagné du terrain.

La France entend désormais tirer les leçons de cet engagement pour éviter les écueils passés. "Nous avons certes fait monter en puissance l'armée malienne, mais nous avons parfois agi à sa place. C'est terminé", confie le commandant de Barkhane, le général Laurent Michon, qui sera remplacé en août par le général Bruno Baratz.

"On change de paradigme, avec une présence partenariale plus discrète. Aujourd'hui, se déployer avec une armada n'est plus dans l'air du temps", résume le colonel Hubert Beaudoin, sous-chef opérations de Barkhane.

Désormais l'armée française offrira son soutien, mais en deuxième ligne. Une manière de réduire la visibilité de son action, qui agit comme un irritant dans les sociétés africaines, tout en maintenant une présence dans cette zone d'influence historique.

Une fois désengagée du Mali, la France aura divisé par deux sa présence au Sahel en ne maintenant que 2.500 militaires environ dans la région.

Au Niger, nouveau partenaire privilégié, les Français maintiendront plus d'un millier d'hommes, une antenne chirurgicale - auparavant déployée à Gao - et des capacités aériennes (3 avions de chasse, 6 drones armés, 4 à 6 hélicoptères) pour fournir un appui feu et du renseignement à leurs partenaires.

Compétition stratégique 

Un PC dédié s'occupera depuis Niamey de gérer le "partenariat de combat" entre les forces armées nigériennes (FAN) et quelque 250 soldats français, déployés ensemble depuis un an à proximité de la frontière avec le Mali où les Nigériens ont établi une série de postes militaires.

"Aujourd'hui on inverse complètement la relation partenariale: c'est le partenaire qui décide de ce qu'il souhaite faire, des capacités dont il a besoin et qui commande lui-même les opérations effectuées avec notre appui", explique le général Hervé Pierre, commandant du PC Partenariat.

"C'est la meilleure des voies pour continuer à agir efficacement à leurs côtés sans alimenter les délires de certains sur les réseaux sociaux", insiste-t-il.

L'état-major est en revanche peu disert sur les autres coopérations à la carte (partenariat de combat, formation, conseil, appui) proposées aux pays de la région, notamment aux pays du golfe de Guinée (Bénin, Togo...).

"Des échanges sont en cours entre les capitales africaines, Paris et les capitales européennes", commente seulement le commandant de Barkhane.

Volonté de discrétion pour ne pas bousculer les partenaires potentiels, mais aussi manque de directives claires de l'exécutif français sur la suite des opérations, note un officier: "On attend les ordres du politique. Entre la présidentielle et les législatives, c'est compliqué".

L'état-major français de l'opération qui succèdera à Barkhane sera pour l'heure maintenu à N'Djamena, au Tchad, avec lequel la France a un accord de défense. Mais ses effectifs seront allégés.

Quant au Burkina Faso, où 34 civils ont encore été tués au cours du week-end, il est "preneur de notre aide mais reste frileux de nous voir densifier notre présence terrestre au-delà de Sabre", un contingent de forces spéciales françaises basé dans la région de Ouagadougou, souligne un haut gradé.

Au-delà d'aider à contenir les violences djihadistes qui menacent de s'étendre jusqu'au golfe de Guinée, l'enjeu pour Paris du maintien d'une présence militaire française est d'éviter un déclassement stratégique, à l'heure d'une compétition accrue sur la scène internationale.

En Afrique de l'Ouest, les Russes mènent une stratégie agressive d'influence à coup de campagnes massives de désinformation anti-française.

"Les attaques menées par Wagner sur les réseaux sociaux dépassement largement le Mali et se répandent en Afrique", avertit le renseignement militaire de Barkhane. "On a redécouvert ce danger mais c’est un des ressorts de la guerre".

Or "la France, acteur diplomatique et militaire incontournable dans la région, justifie en Afrique de l'Ouest comme nulle part ailleurs dans le monde son statut de puissance moyenne d'influence globale", fait valoir dans un récent rapport Elie Tenenbaum, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri).


La cour d'assises de Paris se dit bien compétente pour juger un ex-rebelle salafiste syrien

La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
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  • Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie
  • La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre

PARIS: La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre.

La défense de Majdi Nema, un ancien membre du groupe salafiste syrien Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam) arrêté en France en 2020, a contesté mardi, au premier jour du procès, le principe de compétence universelle permettant à la justice française de juger un étranger pour des crimes commis à l'étranger sur des étrangers.

Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie.

La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre.

Cet homme de 36 ans comparaît pour complicité de crimes de guerre, soupçonné notamment d'avoir aidé à enrôler et à former à l'action armée des mineurs, et pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, des faits pour lesquels il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Il conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans JAI, un groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien, qu'il dit avoir quitté en 2016.

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI en 2019, il avait été arrêté en janvier 2020 à Marseille, où il se trouvait pour un séjour d'études de quelques mois. Il avait été mis en examen et écroué par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.


Proportionnelle: Bayrou consulte mais les avis divergent

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  • Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique
  • François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours

PARIS: François Bayrou entame mercredi avec le Rassemblement national une série de consultations des forces politiques sur la proportionnelle, que lui-même réclame depuis longtemps mais sur laquelle les désaccords restent nombreux.

Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique.

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, qui forment le groupe le plus important à l'Assemblée, et le président du parti à la flamme Jordan Bardella seront ainsi reçus en premier à 10H00.

Suivra un entretien jeudi 1er mai à 17H00 avec le président du groupe macroniste et du parti Renaissance Gabriel Attal. Il sera accompagné par le député Pierre Cazeneuve, qui a mené une analyse comparative des différents modes de scrutin.

François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République - à l'exception des législatives de 1986 -, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le RN réclame lui aussi la proportionnelle, mais avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. "La tripolarisation de la vie politique entraîne une absence de majorité", a soutenu mardi Mme Le Pen, qui "n'imagine pas que le Premier ministre (...) puisse reculer sur ce sujet".

"Moins pire" 

En discutant de cette revendication commune avec le RN, François Bayrou espère sans doute faire baisser la tension avec l'extrême droite, qui fait planer la menace d'une motion de censure contre son gouvernement.

Le RN dénonce l'absence de perspectives législatives sur la proportionnelle, sur l'immigration ainsi que sur la feuille de route énergétique (programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE). François Bayrou l'a à cet égard ménagé lundi en reportant la date de publication d'un décret sur la PPE.

Mais le Premier ministre n'est pas assuré d'avoir cette fois le soutien des macronistes, traversés par moult "interrogations", selon Pierre Cazeneuve.

En 2018, le président Emmanuel Macron avait souhaité l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, puis la réforme avait été abandonnée.

Or les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, et ce changement n'est "pas forcément une priorité" pour les Français au vu du nouveau contexte international, a expliqué M. Cazeneuve lors d'un point presse.

Cumul des mandats 

Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve entendent jeudi élargir le débat à la question de "l'efficacité de l'action publique", en reparlant de la réduction du nombre de parlementaires et de la "simplification du millefeuille administratif".

Mais ils jugent "délétère" de proposer la proportionnelle en échange du cumul des mandats, soutenu avec force par François Bayrou.

Le président du parti Horizons Edouard Philippe défend pour sa part le scrutin majoritaire, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire". Il pourrait soutenir la proportionnelle "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire".

Les indépendants du groupe Liot sont "plutôt largement très défavorables" à réformer le mode de scrutin, selon son président Laurent Panifous.

A droite, Les Républicains (LR) y sont fermement opposés, comme l'a rappelé Laurent Wauquiez.

"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment", a tonné le patron de la droite dimanche, avant de critiquer mardi la "hiérarchie des priorités" du gouvernement dans un pays "qui est ruiné" et "où il y a une telle explosion de l'insécurité et de l'immigration", au vu des "menaces" sur le plan international.

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer à ce sujet "avant la fin de la session parlementaire si le débat est mûr", a précisé mercredi sa porte-parole LR Sophie Primas.

D'autres partis, notamment à gauche, souhaitent une évolution du mode de scrutin.

Mais le PS est divisé. L'ancien président François Hollande est pour, tandis que son Premier secrétaire Olivier Faure est contre à titre personnel.

Le député PS Emmanuel Grégoire a rappelé mardi que "derrière ce mot un peu vague de proportionnelle, se cache une subtilité immense, immense, de déclinaisons pratiques".


Assemblée: la gauche s'insurge contre le refus d'une minute de silence pour la victime de la mosquée du Gard

La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard
  • Le parti de gauche a annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI

PARIS: La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard.

La France insoumise, qui appelle à une "mobilisation nationale contre l'islamophobie" le dimanche 11 mai, a demandé à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu'une minute de silence soit observée mardi en ouverture de la séance des questions au gouvernement.

Le parti de gauche a toutefois annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI (Seine-Saint-Denis).

La question a été soulevée en conférence des présidents, mais n'a pas recueilli de majorité de voix selon une source parlementaire, qui souligne que cette instance a décidé fin janvier "de ne plus faire de minutes de silence pour des cas individuels".

"On n'est pas sur un cas individuel, on est sur un meurtre islamophobe, sur un climat islamophobe dans le pays, et ne pas rendre hommage à Aboubakar Cissé est une très grave faute politique", a déploré le député LFI Thomas Portes.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cet hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle", a abondé sur le même réseau social le patron des députés PS Boris Vallaud.

Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste, a lui-aussi regretté l'absence de cette minute de silence qui "aurait été un bon signal" envers "nos compatriotes musulmans qui sont insultés, injuriés en permanence".

Une décision également "vivement regrettée" par Stéphane Peu, chef du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Son groupe posera mardi après-midi une question au gouvernement sur le meurtre d'Aboubakar Cissé.

Réunis autour de membres de la famille d'Aboubakar Cissé, mardi à l'Assemblée nationale, plusieurs leaders de gauche dont Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier, ont insisté pour que cette minute de silence puisse avoir lieu.