Variole du singe: une urgence de santé publique de portée internationale

Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclenché samedi le plus haut niveau d'alerte de son organisation - l'Urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) - pour renforcer la lutte contre l'éruption de variole du singe. (AFP)
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclenché samedi le plus haut niveau d'alerte de son organisation - l'Urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) - pour renforcer la lutte contre l'éruption de variole du singe. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 23 juillet 2022

Variole du singe: une urgence de santé publique de portée internationale

  • La qualification «d'urgence de santé publique de portée internationale (USPPI)», le plus haut niveau d'alerte de l'agence onusienne, que le Comité avait écarté lors de sa précédente réunion le 23 juin
  • Elle est définie par l'OMS comme un «évènement extraordinaire» dont la propagation constitue un «risque pour la santé publique dans d'autres Etats» et pouvant nécessiter «une action internationale coordonnée»

GENÈVE: Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclenché samedi le plus haut niveau d'alerte de son organisation - l'Urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) - pour renforcer la lutte contre l'éruption de variole du singe.

Mode d'emploi:

USPPI

La qualification "d'urgence de santé publique de portée internationale (USPPI)", le plus haut niveau d'alerte de l'agence onusienne, que le Comité avait écarté lors de sa précédente réunion le 23 juin.

Utilisée dans des situations "graves, soudaines, inhabituelles ou inattendues", elle est définie par l'OMS comme un "évènement extraordinaire" dont la propagation constitue un "risque pour la santé publique dans d'autres Etats" et pouvant nécessiter "une action internationale coordonnée".

Variole du singe: des premiers cas à «l'urgence» mondiale «de santé publique»

La variole du singe, dont la flambée actuelle a incité l'OMS à déclencher samedi son plus haut niveau d'alerte, est une maladie virale en pleine expansion, apparue dans les années 1970 en Afrique.

Voici les grandes dates de cette maladie d'origine animale, généralement sans gravité et dont le virus est proche de celui de la variole humaine, une maladie éradiquée depuis 1980:

1970: premier cas détecté

La variole du singe est détectée pour la première fois chez l'homme en 1970 en République démocratique du Congo (RDC, à l'époque Zaïre) sur un garçon de 9 ans, selon l'OMS.

Depuis cette date, des cas humains de variole du singe sont répertoriés dans des zones rurales ou forestières de 11 pays d'Afrique: Bénin, Cameroun, Côte d'Ivoire, Gabon, Liberia, Nigeria, République centrafricaine, Congo, RDC, Sierra Leone et Soudan du Sud.

2003: première flambée hors d'Afrique

La première flambée en dehors du continent africain se déclare aux Etats-Unis: en juin 2003, les autorités sanitaires CDC rapportent 87 cas (dont 20 confirmés par des analyses) mais aucun décès.

La maladie s'y serait répandue après la contamination de chiens de prairie domestiques par des rongeurs importés du Ghana.

2017: épidémie au Nigeria

A partir de 2017, le Nigeria connaît "une épidémie de grande envergure", avec plus de 500 cas suspects, plus de 200 cas confirmés et un taux de létalité d'environ 3%, selon l'OMS.

Des cas sporadiques chez des voyageurs venant du Nigeria sont signalés hors d'Afrique: en Israël (en septembre 2018), au Royaume-Uni (en septembre 2018, décembre 2019, mai 2021 et mai 2022), à Singapour (en mai 2019) et aux Etats-Unis (en juillet et novembre 2021).

Mai 2022: éclosion de cas hors d'Afrique

A partir de mai 2022, des cas émergent dans des pays où la maladie n'était jusqu'alors pas présente de façon endémique.

Au Royaume-Uni, début mai, une série de cas sont détectés, en particulier chez des hommes homosexuels. A la date du 20 mai, ce pays recense 20 malades.

La maladie touche d'autres pays européens: Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal et Suède.

L'OMS dénombre alors 80 cas confirmés dans le monde, avec des cas également signalés aux Etats-Unis, au Canada et en Australie.

Fin mai: vaccination des cas contacts

Au 23 mai, les Etats-Unis annoncent la vaccination des cas contacts avec des vaccins anti-varioliques, également efficaces contre la variole du singe.

L'UE indique le 26 qu'elle prépare des achats groupés de vaccins et traitements tandis que la France réalise les premières vaccinations de cas contacts le 27.

Début juin: plus de 1 000 cas

Le 8 juin, le patron de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus annonce "plus de 1.000 cas confirmés" dans 29 pays où la maladie n'était jusqu'à présent pas endémique.

Le 25, il estime que cette flambée est une menace sanitaire très inquiétante mais qui n'atteint pas encore le stade d'une urgence sanitaire mondiale.

Fin juin: vaccination préventive

Le 21 juin, le Royaume-Uni, qui comptabilise alors près de 800 cas, appelle à la vaccination préventive des hommes "à risque", en particulier les homosexuels avec partenaires multiples. Le 8 juillet, la France propose également la vaccination préventive.

Fin juillet: plus haut niveau d'alerte

Le 23 juillet, l’Organistaion mondiale de la santé (OMS) déclenche une "urgence de santé publique de portée internationale", son plus haut niveau d’alerte, pour tenter de juguler la flambée de variole du singe, qui a à ce stade frappé près de 17.000 personnes dans 74 pays, selon son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Le risque dans le monde est relativement modéré mais élevé en Europe, dit-il.

Déclenchement

La décision d'élever le niveau d'alerte revient au directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, sur la base des recommandations d'un comité formé pour l'occasion et regroupant virologues, vaccinologues, épidémiologistes et autres experts de la lutte contre les maladies de premier plan.

Le Comité d'urgence pour la variole du singe est composé de 16 personnes, dirigées par le Dr Jean-Marie Okwo-Bele, ancien directeur des vaccins et de l'immunisation à l'OMS et qui est originaire de République démocratique du Congo, un des pays où la maladie est endémique. Neuf étaient opposées et 6 en faveur de l'USPPI.

Le couac Covid-19

Le Dr Tedros avait décrété l'urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier 2020, à la suite de la troisième réunion du Comité d'urgence sur la Covid-19, sept semaines après la détection des premiers cas à Wuhan, en Chine.

Malgré cette annonce, les gouvernements concernés tardent à réagir: ce n'est qu'après que le directeur de l'OMS a utilisé le mot "pandémie" pour décrire la situation, le 11 mars, que le recours au confinement se généralise dans le monde entier.

"L'avertissement de janvier était bien plus important que l'annonce faite en mars", déclarait le chef des urgences de l'OMS, le Dr Michael Ryan, à l'occasion du second anniversaire du déclenchement du niveau d'alerte maximum, le 30 janvier 2022. "Les gens n'écoutaient pas. Nous tirions la sonnette d'alarme et les gens n'agissaient pas."

Et de sept

L'OMS a eu recours à son plus haut niveau d'alerte à sept reprises depuis 2009, en comptant l'annonce de samedi.

23 juillet 2022: variole du singe, qui compte 16 836 cas dans 74 pays selon le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).

30 janvier 2020: virus de la Covid-19, pour lequel 7 794 cas ont été confirmés, dont la quasi-totalité se trouvent encore en Chine, pays qui compte également 170 morts.

17 juillet 2019: virus Ebola, qui fait des ravages en République démocratique du Congo, où la maladie a fait 1 698 morts pour un total de 2 522 cas.

1er février 2016: virus Zika, 39 cas confirmés au Brésil et en Polynésie française, en plus de 500 cas suspects.

8 août 2014: virus Ebola, cette fois-ci en Afrique de l'Ouest, avec plus de 1 000 cas confirmés et surtout 932 morts.

5 mai 2014: virus de la poliomyélite, dont la résurgence en Afghanistan, en Israël, en Syrie, au Pakistan et dans plusieurs pays africains totalise alors 74 cas.

25 avril 2009: grippe H1N1 - ou grippe porcine - qui compte 42 cas confirmés au Mexique et aux Etats-Unis, pour trois morts.


Poutine, investi président, promet aux Russes la victoire

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) et le patriarche orthodoxe russe Kirill assistent à un service dans la cathédrale de l'Annonciation après la cérémonie d'investiture de Poutine au Kremlin de Moscou le 7 mai 2024 (Photo, AFP).
Le président russe Vladimir Poutine (à droite) et le patriarche orthodoxe russe Kirill assistent à un service dans la cathédrale de l'Annonciation après la cérémonie d'investiture de Poutine au Kremlin de Moscou le 7 mai 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Le chef du Kremlin fait face néanmoins à plusieurs défis, notamment économiques, alors que l'issue du conflit en Ukraine
  • Les Occidentaux, Washington en tête, avaient de leur côté fustigé un vote sous contrainte

MOSCOU: Vladimir Poutine a prêté mardi serment pour un cinquième mandat à la tête de la Russie, jusqu'en 2030, en promettant à ses compatriotes de vaincre "ensemble" en plein conflit armé contre l'Ukraine présenté comme existentiel.

Lors d'une cérémonie au Kremlin en présence de 2.500 invités, dont l'élite politique du pays et des soldats combattant en Ukraine, le président russe, 71 ans, a livré un court discours solennel.

"C'est un grand honneur, une responsabilité et un devoir sacré", a-t-il déclaré, en remerciant les "héros" qui combattent sur le front.

"Nous traverserons avec dignité cette période difficile et nous deviendrons encore plus fort", a ajouté le dirigeant russe, selon une journaliste de l'AFP présente sur place.

En pleine tension avec les Occidentaux, soutiens de Kiev contre l'offensive russe, il a assuré que Moscou ne refusait pas "le dialogue" avec ces derniers, mais que le "choix dépendait d'eux".

"Une discussion sur les questions de sécurité et de stabilité stratégique est possible (...) mais seulement sur un pied d'égalité, en respectant les intérêts de chacun", a-t-il affirmé.

La veille, il a ordonné la tenue d'exercices nucléaires près de l'Ukraine en réponse, selon le Kremlin, à des déclarations jugés menaçantes de dirigeants occidentaux, notamment celle du président français Emmanuel Macron sur le possible envoi de troupes en Ukraine.

"Nous sommes un peuple uni et grand, et ensemble nous surmonterons tous les obstacles (...) Ensemble nous gagnerons", a conclu Vladimir Poutine.

Il a ensuite assisté à une cérémonie religieuse en présence du patriarche Kirill, chef de l'Église orthodoxe russe et fervent soutien du Kremlin.

Pouvoir incontesté 

Le chef de l'État russe, aux commandes depuis près d'un quart de siècle, jouit d'un pouvoir incontesté en Russie après l'écrasement des voix dernières dissidentes dans la foulée du conflit en Ukraine.

Il rempile jusqu'en 2030, avec la possibilité d'effectuer ensuite un autre mandat jusqu'en 2036.

Son investiture est intervenue cette année à deux jours de l'anniversaire de la victoire soviétique du 9 mai contre l'Allemagne nazie, dont la célébration est un pilier de la politique de puissance de Vladimir Poutine, qui assure combattre en Ukraine des "néo-nazis".

La cérémonie coïncide aussi avec une situation plus favorable sur le front pour l'armée russe, qui avait subi d'humiliants revers au printemps et à l'automne 2022, lors des premiers mois de son attaque à grande échelle contre Kiev.

Ces dernières semaines, les assauts russes dans l'est de l'Ukraine ont augmenté en intensité et permis la prise progressive de plusieurs localités, en particulier dans la zone de la ville-clef d'Avdiïvka, conquise mi-février.

En face, les troupes de Kiev manquent de munitions et de recrues après leur contre-offensive infructueuse à l'été 2023. Elles attendent l'arrivée d'une nouvelle aide américaine, alors que l'industrie de défense russe tourne, elle, à plein régime.

«Ni paix, ni liberté»

Mi-mars, à l'issue d'un scrutin remporté officiellement avec plus de 87% des scrutins exprimés, Vladimir Poutine avait déjà dressé le portrait d'une Russie "unie" derrière lui et son armée.

Les Occidentaux, Washington en tête, avaient de leur côté fustigé un vote sous contrainte, quelques semaines après la mort en prison, le 16 février, du principal opposant russe, Alexeï Navalny.

En exil à l'étranger, la veuve de ce dernier, Ioulia Navalnaïa, qui a juré de poursuivre son combat, a fustigé Vladimir Poutine dans une vidéo publiée mardi quelques minutes avant le début de la cérémonie d'investiture.

"Avec lui à la barre, notre pays n'aura ni paix, ni développement, ni liberté", a-t-elle affirmé.

Lundi, la diplomatie ukrainienne avait pour sa part estimé que cette investiture était destinée à donner "une illusion de légalité" au maintien au pouvoir de M. Poutine qui, selon Kiev, a transformé la Russie "en État agresseur" et "en dictature".

Les principaux membres de l'opposition russe sont désormais en exil ou en prison, tout comme des centaines de personnes ordinaires qui ont affiché leur opposition à l'offensive de Moscou contre son voisin ukrainien.

Le chef du Kremlin fait face néanmoins à plusieurs défis, notamment économiques, alors que l'issue du conflit en Ukraine, très meurtrier, semble toujours incertaine.

L'inflation, tirée notamment par l'explosion du budget fédéral, liée aux dépenses militaires, reste persistante et inquiète la population, dont le pouvoir d'achat est déjà plombé par les effets des sanctions occidentales.

Et l'économie russe, toujours dépendante des revenus des hydrocarbures, doit également négocier un virage, revendiqué par Vladimir Poutine, vers l'Asie, même si les infrastructures nécessaires, coûteuses et longues à construire, manquent encore.


Biden va prononcer un discours axé sur la dénonciation de l'antisémitisme

Le président américain Joe Biden (Photo, AFP).
Le président américain Joe Biden (Photo, AFP).
Short Url
  • Son silence pendant plusieurs jours avait attiré des critiques des camps républicain comme démocrate en pleine année électorale
  • Son adresse au Congrès se fait dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l'Holocauste au Capitole

WASHINGTON: Joe Biden doit s'exprimer mardi lors d'une cérémonie de commémoration de l'Holocauste pour condamner l'antisémitisme, au moment où la tension demeure sur les campus américains autour d'une vaste mobilisation propalestinienne.

Depuis le Capitole, siège du Congrès américain à Washington, le discours du président américain intervient quelques jours après ses premières remarques sur les protestations estudiantines contre la guerre d'Israël à Gaza.

Son silence pendant plusieurs jours avait attiré des critiques des camps républicain comme démocrate en pleine année électorale.

Son adresse au Congrès se fait dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l'Holocauste au Capitole. Le démocrate va se "réengager à tenir à l'esprit les leçons de ce chapitre sombre" de l'Histoire, selon la Maison Blanche.

«Hausse alarmante»

"Il évoquera les horreurs du 7 octobre, quand le Hamas a été à l'origine du jour le plus meurtrier pour le peuple juif depuis l'Holocauste", a déclaré lundi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.

"Et il s'exprimera sur le fait que --depuis le 7 octobre-- nous avons constaté une hausse alarmante de l'antisémitisme aux Etats-Unis, dans nos villes, nos quartiers et nos campus", a-t-elle ajouté.

Des étudiants juifs s'alarment d'une augmentation des actes et de la rhétorique antisémite depuis le 7 octobre, et le président israélien Isaac Herzog a dénoncé la semaine dernière "des universités réputées" qui sont selon lui "contaminées par la haine".

Joe Biden "va réaffirmer que nous respectons et protégeons le droit fondamental qu'est la liberté d'expression, mais que l'antisémitisme ne doit être toléré ni sur les campus, ni ailleurs", a déclaré Karine Jean-Pierre.

Nombreux étudiants juifs ont pris part à la mobilisation propalestinienne contre les actions du gouvernement israélien.

Le président américain a évoqué lundi la question de l'antisémitisme lors d'un appel avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Appel au cours duquel Joe Biden a également réitéré sa "position claire" contre une offensive terrestre israélienne à Rafah, selon le compte-rendu de leurs échanges.

Les deux dirigeants ont discuté de l'"engagement partagé" des Etats-Unis et d'Israël à se souvenir des six millions de morts juifs du fait de l'Holocauste perpétré par les nazis" et "à agir avec force contre l'antisémitisme et toutes les formes de violence alimentées par la haine".

«L'ordre doit prévaloir»

Les campus américains sont secoués depuis plusieurs semaines par des manifestations s'opposant à la guerre menée par Israël à Gaza.

A travers le pays, la police a été appelée à plusieurs reprises pour démanteler des campements et déloger manu militari des manifestants.

L'université Columbia à New York, épicentre de ce mouvement estudiantin propalestinien, a annoncé lundi "renoncer" à sa cérémonie en grande pompe de remise de diplômes.

Le prestigieux établissement va privilégier des événements plus modestes pour des raisons de sécurité selon lui, après trois semaines de colère condamnée par Joe Biden et réprimée par la police.

A six mois de la présidentielle, dans des Etats-Unis polarisés, le président démocrate a pris la parole la semaine dernière pour affirmer que "l'ordre devait prévaloir" sur les campus.

"Nous ne sommes pas un pays autoritaire qui réduit les gens au silence", a néanmoins assuré Joe Biden lors d'une courte allocution.

Auparavant, son adversaire républicain Donald Trump l'avait accusé d'inaction face au mouvement propalestinien. "Ce sont des tarés de la gauche radicale et il faut les arrêter maintenant", avait-il lancé à son arrivée à son procès à New York.


Contestation propalestinienne: Columbia à New York annule sa cérémonie de remise de diplômes

Short Url
  • Ce mouvement pour la cause palestinienne - qui compte des jeunes arabo-musulmans mais aussi des juifs de gauche antisionistes - cherche dorénavant un nouveau souffle
  • Cette prestigieuse université, financée par de riches donateurs et des investissements, a été secouée des jours durant par des manifestations

NEW YORK: L'université Columbia, épicentre de la contestation propalestinienne sur les campus américains, a annoncé lundi "renoncer" à sa cérémonie en grande pompe de remise de diplômes, après trois semaines de colère étudiante condamnée par Joe Biden et réprimée par la police.

Ces cérémonies constituent le grand rendez-vous institutionnel de la vie universitaire et scolaire des Etats-Unis, où, à la fin du printemps, étudiants et élèves en robe sont mis à l'honneur devant leurs familles.

L'établissement new-yorkais privé et huppé du nord de Manhattan, d'où des militants et des étudiants ont été délogés manu militari le 30 avril au soir par des centaines de policiers anti-émeute, a annulé "la grande cérémonie de l'université prévue le 15 mai".

"Toutes les cérémonies programmées" sur le campus -- désormais sous bonne garde de la police -- seront "déplacées" vers un complexe sportif fermé, a indiqué Columbia, qui compte 37.000 étudiants et des milliers de professeurs et membres du personnel.

Des remises de diplômes plus informelles et "festives" se tiendront du 10 au 16 mai car pour "nos étudiants (...) ces cérémonies à plus petite échelle sont les plus importantes pour eux et leurs familles", s'est justifiée l'université en rappelant que "ces dernières semaines ont été incroyablement difficiles".

Une centaine de personnes furieuses ont protesté à l'extérieur du campus et une pétition a recueilli 1.400 signatures. Ally Woodward, qui étudie les sciences politiques, s'est dite "en colère" contre Columbia qui "a plein d'argent et choisit la plus mauvaise des solutions".

«Tourmente»

Cette prestigieuse université, financée par de riches donateurs et des investissements, a été secouée des jours durant par des manifestations et l'occupation d'une pelouse puis d'un bâtiment.

Avant que la police ne déloge ces militants et étudiants non violents, à la demande écrite de la présidente de Columbia, Minouche Shafik.

Leur "village", un campement de tentes, a été démantelé, comme dans nombre d'universités à travers les Etats-Unis.

Ces images d'interventions policières musclées ont fait le tour du monde.

Columbia est un foyer historique de contestation étudiante depuis la guerre du Vietnam et le mouvement des droits civiques des années 1960-1970. Elle a été l'une des premières universités à gronder au début de la guerre d'Israël contre le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

Très critiquée pour avoir appelé la police, la présidente Minouche Shafik, économiste américaine d'origine égyptienne, a invoqué la "tourmente" et l'"acte violent" de protestataires qui ont selon elle déstabilisé Columbia.

Ce mouvement pour la cause palestinienne - qui compte des jeunes arabo-musulmans mais aussi des juifs de gauche antisionistes - cherche dorénavant un nouveau souffle, après que 2.000 personnes ont été interpellées et certaines poursuivies en justice pour "délit d'intrusion".

«Vietnam de Biden»

Ailleurs aux Etats-Unis, des remises de diplômes ont été perturbées comme samedi à l'université du Michigan, où une dizaine de manifestants portant keffiehs et drapeaux palestiniens ont chanté "vous financez un génocide".

D'autres ont brandi en réponse une banderole "les vies juives comptent".

Lundi soir, quelques centaines de personnes parties d'une université publique de Manhattan ont été tenues à distance de l'extravagant gala du Met, rendez-vous planétaire des stars et de la mode.

Outre la fin de la guerre à Gaza, de jeunes Américains exigent que les universités rompent leurs partenariats éducatifs avec Israël et se désengagent d'investissements économiques.

Ils dénoncent l'appui quasiment inconditionnel des Etats-Unis à leur allié israélien, engagé dans une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza en représailles à l'attaque du Hamas le 7 octobre sur son sol.

Le président Biden, longtemps silencieux, avait martelé jeudi que "l'ordre devait prévaloir" face au risque du "chaos".

Dans un pays polarisé, à six mois de la présidentielle entre le démocrate et le républicain Donald Trump, la colère d'une partie de la jeunesse contre la guerre à Gaza a ravivé un débat tendu sur la liberté d'expression, l'antisionisme et ce qui constitue de l'antisémitisme.

Pour Donald Trump, les manifestants sont des "tarés de la gauche radicale" et le président républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson a dénoncé lundi des "étudiants sympathisant avec le terrorisme".

Pour la sénateur de gauche Bernie Sanders, le mouvement "pourrait être le Vietnam de Biden" qui risque de perdre "non seulement les jeunes, mais aussi une grande partie de la base démocrate".